Le spécialiste de l’énergie Jean-Marc Jancovici nous montre clairement que l’augmentation de la population est un multiplicateur des menaces, ce que s’acharne pourtant encore à ignorer bon nombre de personnes qui se disent écologistes. Voici un résumé de sa dernière publication, une BD (Le monde sans fin) dont nous espérons que cela a été votre cadeau de Noël à toute la famille.
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p. 49 et suivantes (le texte, sans les dessins) : : Depuis deux siècle, tu vois (sur le graphique) une augmentation de la population qui tient plus de l’hyperbole que de l’exponentielle. Début de la révolution industrielle, 0,5 milliards d’humains ; 1800, un milliard ; 1930, deux milliards ; 1960, trois milliards ; 1975, quatre milliards ; 1985, cinq milliards ; 2000, six milliards ; 2019, plus de 7,5 milliards. Est-ce que cet accroissement spectaculaire aurait pu avoir lieu sans énergie abondante ? Et si on entre dans une décrue énergétique forte, va-t-on rester 7 ou 8 milliards ? Ce n’est pas complètement sûr. C‘est même assez certain que nous ne connaîtrons pas un monde qui prolongera la tendance que nous avons connu dans le passé…
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Entre 1930 et 2000, la génération de mes parents, la consommation d’énergie des machines a été multipliée par 10 et leur puissance a plutôt été multipliée par 50. Comme l’énergie est la marque de la transformation, la pression de l’humanité sur la planète augmente aussi vite que la quantité d’énergie qu’on utilise. Reprends le tableau de l’évolution de la population. Multiplie le chiffre qui correspond à chaque année par la quantité d’énergie mobilisée par personne. Ça te donne un bon ordre de grandeur de la pression humaine sur l’environnement. Malheureusement, notre vaisseau spatial de 13 000 km de diamètre ne peut pas supporter une pression constante sans avoir des avaries de tous les bords. Ou on fait un effort qui va nous coûter, mais qui évitera la panne. Ou on attend la panne.
p.122 et suivantes : L‘équation de Yoichi Kaya ne résout pas tous nos problèmes, mais ça donne une idée de leur taille :
GES = GES/E x E/PIB x PIB/POP x POP
GES, gaz à effet de serre, c’est-à-dire la quantité totale de gaz à effet de serre émise par les activités humaines
GES/Énergie, la quantité de gaz à effet de serre émise par une quantité donnée d’énergie
E/PIB, la quantité d’énergie nécessaire à la production totale de biens et services dans le monde
PIB/POP, le PIB par habitant, c’est-à-dire le niveau de vie moyen
POP, Population
On doit diviser le GES par 3 d’ici 2050, reste à savoir comment. En divisant la population par 3 ? La famine et les épidémies peuvent y parvenir. La guerre plus difficilement. A moins qu’elle facilite la famine et la maladie. La grippe espagnole en 1918 a tué plus de gens et plus rapidement que la seconde guerre mondiale. La grande peste du XIVe siècle a divisé la population par 2. Ça, c’est du sérieux. Sinon, il y a le contrôle des naissances, sujet délicat… Bâton merdeux tu peux dire.
Si on prend les projections démographiques, qui ne sont que des projections, la population devrait être multipliée par 1,25 d’ici 30 ans.A moins d’une pandémie fulgurante… ou d’une bonne vieille météorite. Les termes restants, il faut maintenant les diviser, non plus par 3 mais par 3,75 (soit 3×1,25)…
On prend le PIB par personne ? Qui est d’accord pour faire çà ? La France, pour sauver son régime de retraite, compte sur une croissance de 2 % par an. Croissance, croissance, croissance, croissance…
Il ne reste plus qu’à demander aux ingénieurs de diviser les termes restants par 10, c’est-à-dire gagner en efficacité énergétique. Tu comprends qu’à cette vitesse de réduction d’émissions, ça passe par une limitation des activités, donc des richesses, accompagnée d’un risque de déstabilisation sociale.
La vitesse à laquelle il faut réformer le système n’est pas compatible avec le maintien d’une liberté individuelle accompagnée du niveau de vie auquel on est habitué aujourd’hui. Tout débat sur la liberté individuelle est passionnel. Tu as une opposition entre l’urbain de centre-ville qui vit à côté de son boulot et la banlieusard qui doit prendre sa voiture pour aller bosser. Le tissu urbain moderne a été fait par et pour la voiture. On te dit maintenant, « Ne prends plus la voiture ». Tu gueules, « C’est de l’injustice ». Si tu veux limiter les naissances, tu te met à dos tous les courants religieux. Si tu parles décroissance, c’est pareil, pouvoir d’achat contre décroissance. Peut-on continuer à avoir une abondance de biens, de services, de croissance avec une population croissante ? La sobriété et la pauvreté sont deux manières de consommer moins, la première est choisie, la seconde subie, généralement dans la violence… L’approvisionnement fossile devant décliner, le temps se chargera de nous pousser vers la pauvreté.
La planète nous dit : « A cause des dommages que la croissance me fait subir, vous croyez vous enrichir alors que vous vous appauvrissez. A moins de changer les conventions de la macroéconomie. Et arrêtez de considérer le PIB comme l’indicateur unique. »
Lire, Extraits du discours décapant de Jean-Marc Jancovici (en 2017)
p.190 : Aujourd’hui nous avons un sentiment global d’insécurité, dérive alimentaire, érosion des ressources, surpopulation… Alerte, Alerte, Alerte. Pour calmer notre cortex, nous avons plusieurs stratégies. Le déni (« c’est des conneries »), la croyance (« La science trouvera bien une solution »), le greenwashing (« j’achète des crédits carbone »), le n’importe quoi (« avec la croissance verte, c’est possible »). Tout ça, ce sont différentes formes de déni.
Source : BD, Le monde sans fin (éditions Dargaud, 2021)
Du miracle énergétique à la dérive climatique, texte de Jean-Marc Jancovici et dessins de Christophe Blain.
Que faire ? Agir avec l’association Démographie Responsable
https://www.demographie-responsable.org/