épuisement des ressources

Horloge de l’apocalypse, on va tous sauter

L’horloge de l’apocalypse annonce minuit moins cent secondes. En 1991, à la fin de la guerre froide, grâce à la détente elle avait pourtant reculé jusqu’à dix-sept minutes avant minuit. Sur le front nucléaire, les concepteurs ont constaté le démantèlement du socle de contrôle international des armements avec le retrait en 2019 des Etats-Unis et de la Russie du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Les Etats-Unis de Donald Trump menacent aussi de ne pas renouveler le traité New Start de réduction des armes stratégiques nucléaires, conclu en 2010. Sans compter la nouvelle militarisation de l’espace. Concernant le climat, les experts ont pointé la déception après les grands sommets consacrés au climat, qui n’ont pas suscité les engagements nécessaires pour infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. Les « horlogers » s’inquiètent aussi du délitement sociétal tels que les campagnes de désinformation et les deepfakes (vidéos trafiquées).* Et encore, ces experts ne disent rien de la descente énergétique qui s’amorce ni le l’effondrement de la biodiversité qui s’accélère !

La « Doomsday Clock » du Bulletin des scientifiques atomiques a été imaginée en 1947 pour symboliser l’imminence d’un cataclysme planétaire. Un groupe d’experts, dont treize lauréats du prix Nobel, fixe chaque année la nouvelle heure. A chaque mouvement de l’horloge correspond une période de tension ou d’espoir dans les relations diplomatiques. Le 26 janvier 2017, les scientifiques mettaient par exemple en garde l’opinion après les propos du nouveau président américain, Donald Trump. : « les “faits alternatifs” ne feront pas magiquement disparaître les défis dus aux changements climatiques ».**

Bon, on peut penser ce qu’on veut de ce système d’horloge à l’américaine, mais au moins il a l’objectif de chatouiller un peu les consciences, ce qui vaut mieux que ceux qui lisent, boivent un coup, rotent et tournent la page. Il y a beaucoup de gens, décideurs aveugles ou consommateurs effrénés, qui sont responsable de la situation de plus en plus inquiétante où nous sommes arrivés. Les premières classes du Titanic ont continué de danser jusqu’à ce que la dangereuse gîte du bateau réputé « insubmersible » devienne incontestable… Il n’y a pas que l’horloge de l’apocalypse qui nous aura averti. Ainsi le rapport sur les limites de la croissance en 1972, l’empreinte écologique qui montre dès 1996 qu’on explose la planète, le syndrome du Titanic de Nicolas Hulot en 2004, les avertissements de 10 000 scientifique ici ou 15 000 scientifiques là, etc. Les contraintes écologiques, climatiques et démographiques, par leurs conséquences déjà observables (désertification, stress hydrique, famine, guerres civiles, dirigeants corrompus ou inconséquents…) ont déjà fait basculer l’aiguille au-delà de minuit dans bien des pays. Douter, se moquer, parler d’élucubrations ou de grand guignol apocalyptique ne grandit pas les commentateurs qui profèrent sur lemonde.fr ces phrases toutes faites.

* LE MONDE du 22 janvier 2020, L’horloge de l’apocalypse avancée de vingt secondes, plus près de minuit que jamais

** LE MONDE du 28 janvier 2017, Qu’est-ce donc que cette « Horloge de l’apocalypse » qui a changé avec Trump ?

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Forum à Davos, le bal des hypocrites

Davos, Forum économique mondial en Suisse où décideurs économiques et socio-politiques se rencontrent. 3 000 participants à partir du mardi 21 janvier. Il y a des tables rondes du type « Eviter l’apocalypse climatique ». 119 milliardaires, américains, indiens ou russes, défileront au cours de cette édition, pesant ensemble près de 500 milliards de dollars. Des centaines de militants marchent vers la station transformée en forteresse et dénoncent « une farce » pour sauver la planète… C’est un choc des titans, avec des préoccupations diamétralement opposées et des milliards là où ça fait mal.

Greta Thunberg à Davos : « le climat et l’environnement sont un sujet d’actualité aujourd’hui, mais en pratique, rien n’a été fait, les émissions de CO2 n’ont pas diminué »

Donald Trump : « En route pour Davos, pour rencontrer les Leaders du monde et des affaires, et ramener des centaines de milliards de dollars aux Etats-Unis ! Nous sommes le NUMERO UN dans l’univers, de loin »*.

Il n’y a donc rien à retrancher de notre point de vue sur Davos en 2011 : L’oligarchie se réunit régulièrement, le groupe Bilderberg depuis 1952, la commission Trilatérale depuis 1973, le Forum économique mondial depuis 1987. Ces hommes et ces femmes partagent des convictions : la globalisation, la libre circulation du capital, le marché interconnecté pour permettre aux multinationales de progresser. L’oligarchie ne se dissimule plus. Dans la débâcle de 2008, la branche politique de l’oligarchie a mobilisé l’épargne publique pour éviter l’effondrement, la branche financière a continué à piller. Quand le profit est placé au-dessus de l’intérêt général, la morale est pervertie. Comme l’écrit Hervé Kempf, « les puissants ne sont pas les meilleurs, ils visent d’abord la conservation de leur puissance, ils gouvernent en vue de leur propre but qui est, dans le capitalisme finissant, une accumulation sans limites de richesses et de prestige ostentatoire. En Egypte la classe dirigeante, qui pressure le peuple avec un cynisme éhonté, fait éduquer dès le plus jeune âge ses enfants en anglais ou en français, et non en arabe, la langue du pays. L’oligarchie mondiale n’a pas d’autre patrie que celle de l’argent »**. Notons que les forums antérieurs n’avaient rien vu venir de la crise financière de 2008, l’oligarchie ne peut envisager que sa prospérité à court terme. Cette oligarchie n’est pas prête à assumer les responsabilités que le pic pétrolier et autre épuisement des ressources imposent. Mais comment la remplacer quand on sait que le pouvoir ne sera jamais dans la rue ?

* LE MONDE du 22 janvier 2020, En attendant Trump à Davos, Greta Thunberg estime que « rien n’a été fait » pour le climat

** L’oligarchie, ça suffit, vive la démocratie d’Hervé Kempf (Seuil, 2010)

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Bernard Stiegler lutte contre l’effondrement

Bernard Stiegler mise sur les expériences locales pour lutter contre l’effondrement systémique. Il est interrogé par le journal La Croix : 

Le collectif de scientifiques « Internation », que vous avez co-fondé en 2018, lance ce vendredi 10 janvier un appel à Antonio Guterres, sous la forme d’une « méthode » d’action contre l’effondrement. Expliquez-nous votre démarche.

Bernard Stiegler : En 2018, nous avons créé un collectif international de scientifiques issus de nombreuses disciplines (biologistes, mathématiciens, économistes, ingénieurs, juristes, philosophes, etc.) pour répondre aux exhortations du secrétaire général de l’ONU à agir afin d’éviter une catastrophe climatique. Le Giec rendait alors un rapport décisif, appelant à des « changements sans précédent ». Puis la jeunesse est descendue dans la rue. Le travail de notre collectif est une réponse à toutes ces interpellations. Avec une conviction que nous partageons tous, du mathématicien Giuseppe Longo au sociologue Richard Sennett, en passant par le juriste Alain Supiot.

Laquelle ?

B. S. : Notre thèse est la suivante : si rien ne se passe, alors même que Guterres n’a de cesse, depuis deux ans, de rappeler au monde la gravité de la situation, ce n’est pas seulement en raison du poids des lobbys pétroliers ou financiers, des calculs politiques ou des contradictions des citoyens. Tout cela existe, certes. Mais l’obstacle majeur vient du fait que les problèmes sont mal posés et que l’on ne propose pas de méthode d’action.

Comment, dès lors, considérer la crise que nous traversons ?

B. S. : Il est crucial de partir de la notion d’entropie, qui est un principe fondamental du vivant… Ou plutôt, de ce contre quoi il lutte. Car ce qui caractérise notre époque – et ce qui se passe dans la biosphère – est une augmentation vertigineuse de l’entropie. Il s’agit au départ d’un concept de la physique, qui renvoie à la dissipation de l’énergie d’un système, menant à son dépérissement. De ce point de vue, la dissipation énergétique conduit à l’heure actuelle à une augmentation délétère de la température, qui détruit notre planète.

Mais l’entropie est aussi biologique. Elle se traduit par une chute dramatique de la biodiversité – on parle aujourd’hui de sixième extinction des espèces. Enfin, l’entropie est « informationnelle ».

C’est-à-dire ?

B. S. : Avec la montée en puissance des algorithmes et du « big data », le savoir humain est remplacé par les calculs de la machine. Ces derniers sont très efficaces à court terme. Mais pas au-delà, car ils ne prévoient pas l’improbable. Or le processus à travers lequel l’univers se déploie produit toujours de l’improbable. Et comme l’a montré le physicien et philosophe Erwin Schrodinger, la vie n’est pas réductible aux calculs. Le problème, c’est que nos systèmes – et en particulier nos modèles économiques – y sont aveugles. Il faut inventer autre chose, ce que nous tentons de faire, en mettant des solutions sur la table.

Quelle « méthode » le collectif propose-t-il ?

B. S. : Tout en travaillant sur ce cadre théorique, nous menons des expérimentations de terrain, en particulier en Seine-Saint-Denis. Puisque l’entropie est systémique, nous y avons lancé des chantiers dans différents domaines, en prenant le contre-pied du modèle économique actuel. Comment ? En se fondant sur les « savoirs » – car c’est bien le savoir humain qui permet de lutter contre l’entropie : celui de la mère qui élève son enfant, du jardinier qui cultive, du mathématicien qui conçoit des constructions extraordinaires, etc.

Donnez-nous des exemples.

B. S. : En Seine-Saint-Denis, nous avons créé une clinique mère-enfant, pour des parents ayant perdu le « savoir » de la filiation en raison d’une invasion des écrans numériques, dont on abreuve les petits. Dans le secteur du bâtiment, où l’emploi est menacé par les robots, nous préparons les jeunes à cette révolution des métiers, en lien avec le rectorat de Créteil. Par exemple, on pourrait utiliser l’argile crue, un excellent matériau de construction, aujourd’hui considéré comme un déchet, alors qu’on en extrait des milliers de tonnes par an. Autre illustration : le travail mené avec des mécaniciens de rue, formés pour être en première ligne de la motorisation électrique – allons-nous bientôt jeter nos voitures thermiques en bon état ou les réemployer ? Je pourrais multiplier les exemples, car nous travaillons aussi en Équateur, en Irlande, etc. Mais le véritable enjeu, c’est de promouvoir ces contre-modèles locaux à l’échelle mondiale, en misant sur les spécificités des territoires. D’où notre interpellation de l’ONU.

Que visez-vous ?

B. S. : Dans une lettre rendue publique ce vendredi 10 janvier, nous proposons à Antonio Guterres de lancer un appel d’offres vers les territoires, partout dans le monde, en s’appuyant sur le cadre théorique et pratique que je viens de décrire brièvement (2). Autrement dit, de débloquer des financements pour une durée de trois ans renouvelable, avec l’impératif d’évaluer les actions menées. Pourquoi une région menacée par la montée des eaux comme le Kerala, en Inde, ne deviendrait-elle pas un lieu pilote ? L’idée est que des réseaux de collectivités, d’entreprises, de scientifiques, de citoyens puissent candidater. Et engager ensuite un partage d’expériences locales entre territoires, certes différents, mais confrontés aux mêmes problématiques – agricoles, climatiques, d’emplois – au sein de ce que nous appelons une « Internation ». Selon l’intuition même de l’anthropologue Marcel Mauss, il y a cent ans, à la création de la SDN.

Propos recueilli par Marine Lamoureux

(1) Auteur de Qu’appelle-t-on panser ? Tome 2 La leçon de Greta Thunberg,
à paraître le 16 janvier,
Les liens qui libèrent.
(2) Un livre issu de ces recherches interdisciplinaires sera publié
le 31 janvier.

NB : appel à Guterres à lire dans La Croix du Vendredi 10 janvier 2020

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Bonne année 2020, ça va chauffer

L’argument collapsologue : L’Australie flambe, la COP 25 de décembre 2019 a été un échec… Il est plus que temps de transformer nos incantations outrées sur le dérèglement climatique en actes. Or ce réveillon est une catastrophe écologique programmée : pensons à ces centrales à charbon qu’il va falloir remettre en marche pour fournir toute cette électricité afin de vous permettre de danser jusqu’au petit matin à Berlin dans une boîte de nuit ­surchauffée, à cette débauche de viande issue d’élevages qui épuisent la planète, et aux mangues venues en avion du Pérou pour agrémenter la salade de fruits ­censée vous aider à digérer… Trop, c’est vraiment trop. (M le magazine du MONDE)

Le contre-argument de bon sens : Si 2019 a été triste à mourir, 2020 s’annonce excitante. Vous êtes mordu de politique ? Les municipales seront une merveilleuse saga qui promet moult trahisons. Vous êtes footeux ? Chouette, 2020, c’est l’Euro. Pour les théâtreux, c’est le retour de Joël Pommerat, quatre ans après son génial Ça ira (1) Fin de Louis. Pour les fanas de cinéma, c’est le premier film de Wes Anderson tourné en France avec un casting insensé et la première série musicale de Damien Chazelle, The Eddy, elle aussi tournée dans l’Hexagone. Et cerise sur la bûche de Noël : Christo a prévu cette année d’emballer l’Arc de triomphe. Alors ? Champagne ! (M le magazine du MONDE)

Le malthusien Nicolas Sarkozy : Je veux souligner l’ampleur pharaonique du défi démographique qui est devant nous. La population mondiale passera dans les 30 prochaines années de 7,5 à 9,5 milliards d’habitants et atteindra 11 milliards à la fin du siècle. Jamais la planète n’a connu une explosion aussi violente, aussi rapide, autant à même de mettre en cause l’avenir de l’humanité. Tous les autres défis globaux, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou des migrations, y sont directement liés. Il en va de même du décollage du continent africain, qui dépendra de sa capacité à faire face au doublement de sa population dans les 3 prochaines décennies, le plus puissant choc démographique de toute l’histoire humaine. Cette angoissante question est quasiment absente de nos débats. Pour preuve, il n’est pas un seul organisme international qui soit chargé du suivi de cette évolution. Cela ne peut plus attendre. (Paris-Match décembre 2019)

Mister Z : Finalement, et si le meilleur argument pour fêter l’An nouveau était celui de la continuité ? Rien de plus angoissant qu’un monde qui change, non ? Alors, soyons sereins : ils seront encore là, nous les retrouverons en pleine forme ! Trump, Poutine, Xi Jinping, Kim Jong un, Duterte, Modi, Bolsonaro, Le Pen, Salvini, Boris Johnson, Abdel Fattah al-Sissi, Bashar al-Assad, Al Khamenei et les Gardiens de la révolution, Maduro, Ortega, Orban et j’en oublie… De quoi envisager avec sérénité 2020 et fêter dignement son avènement ! Alleluia ! J’oubliais : Benyamin Netanyahou, sorry. (commentateur sur lemonde.fr)

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IPAT, soit I = P x A x T, désastre en vue

Entre décroissance économique, décroissance démographique ou enterrement des technologies nouvelles, que choisir ? L’équation d’Ehrlich, dite IPAT, nous donne une approche globale. I = PAT (P x A x T) montre que l’impact environnemental, noté I, est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services ou niveau de vie (A pour « Affluence » en anglais) et les Technologies utilisées pour la production des biens (T). Si l’on regarde ce qui se passe en ce moment, on constate au niveau mondial que le taux annuel de la croissance de la population est de 1 % (x 1,01), le taux de croissance du PIB est en moyenne de 3 % (x 1,03). L’amélioration de l’intensité énergétique des techniques est difficile à estimer, si ce n’est par le rapport entre tonnes équivalent pétrole et PIB. Considérons pour simplifier que T est égal à 1, neutre par rapport à la croissance démographique et l’explosion consumériste. L’impact environnemental est donc de 1,01×1,03×1, soit environ 4 % (pour simplifier, l’approximation 1 % + 3 % + 0 % = 4% est assez bonne pour ce genre de taux assez proches). On voit les conséquences de ce taux de croissance global tous les jours dans les médias, dérèglement climatique, épuisement des ressources, pollutions diverses, etc. Que faire ? L’équation nous montre la voie, il faut agir en même temps sur P, A et T. Aucun des termes ne peut être considéré indépendamment des deux autres. La population est un multiplicateur des menaces tout comme la croissance économique, l’automobile ne peut pas se concevoir sans son conducteur ni le nombre de chevaux de son moteur.

Il importe de conseiller aux couples de ne pas avoir trop d’enfants, y compris dans les pays dits développés où un bébé est beaucoup plus « lourd » pour les écosystèmes que des naissances multiples dans un pays pauvre. Dire et redire « Un enfant ça va, trois enfants, bonjour les dégâts » est une vérité. Un seul enfant par femme devrait devenir un objectif connu de tous. Il faut mettre fin aux politiques natalistes en France et faire du planning familial un volontarisme politique dans tous les pays. Facile à dire, difficile à appliquer tant le culte de la fécondité se retrouve partout. Pour le facteur « A », la notion de décroissance économique est encore un repoussoir puisque le culte de la croissance est généralisé au niveau mondial, il faudrait interdire la publicité. Allez dire aux Gilets jaunes français qu’il faut instituer une forte taxe carbone pour changer le mode de déplacement, allez dire aux syndiqués que la hausse du pouvoir d’achat ne doit plus être mis en avant, allez dire aux retraités présents et futurs que leur niveau de vie doit baisser, allez dire aux milliardaires qu’un écart de revenu de 1 à 3 est le maximum admissible ! De plus au niveau « T » joue un phénomène pervers  : avec l’adoption de technologies moins consommatrices d’énergie, on n’observe pas de ralentissement des dégâts environnementaux, c’est l’effet rebond. Bien que les véhicules automobiles consomment moins qu’il y a 20 ans, la consommation de carburants des ménages a augmenté car les gens parcourent plus de kilomètres vu le moindre coût que cela représente pour eux… Il apparaît même aux yeux de nos contemporains que le « toujours plus de technologies innovantes » entraîne un gaspillage d’énergie insensé, mais que c’est si bon de changer de modèle de smartphone.

Autant dire pour conclure que l’humanité veut accélérer, mais que le mur (ou le précipice) est de plus en plus proche car nous voulons mener à toute vitesse la marche du « progrès » pour une société d’abondance factice. « En marche », dit Macron, le « niveau de vie des Américains avant tout » dit Trump, bousillons la forêt amazonienne dit Bolsonaro, bientôt on n’aura plus besoin de lutter contre le froid en Sibérie dit Poutine… et nous sur ce blog biosphere qui indiquons gentiment que l’équation IPAT devrait être connu de tous, dirigeants et dirigés, c’est à mourir de rire.

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Un jour de réveillon en 2050, la galère

En ce jour de réveillon de 2050, Léa confectionne un repas 100 % local, ce qui réduit considérablement la variété des mets possibles. Elle se souvient comme d’un rêve des papayes que ses parents lui achetaient à la fin du XXe siècle, sans se soucier du fait qu’il avait fallu dépenser pour cela plusieurs litres de pétrole. De toute façon elle est bien seule, il ne lui reste plus qu’un dernier descendant. Ses deux autres petits-enfants sont décédés il y a trois ans, ils ont succombé à l’une de ces nouvelles maladies à côté desquelles l’épidémie de grippe aviaire, qui avait frappé la France en 2010, n’avait été qu’une discrète entrée en matière. Ils avaient été victimes d’un virus apparu en Sibérie du Nord, là où le permafrost a cédé la place à des marais à partir de l’année 2025. Léa a renoncé depuis longtemps à l’idée d’acheter une automobile ; en 2035, l’Union européenne avait réservé l’usage des biocarburants aux véhicules utilitaires. Même l’utilisation du charbon liquéfié a été proscrite car les sols et surtout les océans qui séquestraient le carbone depuis toujours, ne jouaient plus leur rôle, renforçant ainsi très brutalement l’effet de serre anthropique et les dérèglements du climat. Cet été, Léa avait appris par une amie que le thermomètre était monté jusqu’à 45°C à Caen. Maintenant des millions de personnes sont au chômage. Le gouvernement français vient d’interdire toute manifestation et même les rassemblements de protestation. Le ministre de l’Intérieur vient de prendre un de ces décrets maudits, c’est l’armée qui réprimera d’éventuels troubles de l’ordre public.

Deux caractéristiques du changement en cours rendent plus difficiles notre perception du phénomène et notre aptitude à agir : l’inertie et l’irréversibilité. L’inertie renvoie au temps long de réponse de la biosphère aux dégradations que nous lui infligeons. Une fois que nous aurons réchauffé les océans, ce réchauffement perdurera durant des millénaires, et nous n’aurons aucun moyen de les refroidir ; c’est l’irréversibilité. Nous nourrissons de grandes illusions quant à la résistance de nos sociétés. En effet, la sophistication des technologies modernes a deux conséquences : une intensification de la division sociale du travail ; des infrastructures et des équipements de plus en plus nombreux et coûteux. L’une comme l’autre ont accru la vulnérabilité de nos sociétés. Au XIVe siècle, la peste noire avait emporté un Européen sur deux sans entraîner un effondrement total. Les trois quarts de la population se composaient en effet de paysans qui, pour la plupart, se nourrissaient eux-mêmes. Qui en revanche nous nourrirait si la moitié des quelques centaines de milliers d’agriculteurs qui nous alimentent venaient à disparaître ? Quelle entreprise résisterait à la disparition d’un salarié sur deux ? Quelle société contemporaine pourrait faire face aux coûts financiers induits par des ouragans, des sécheresses et des inondations extrêmes à répétition ? (Extraits du livre « Le développement durable, maintenant ou jamais » de D.Bourg et G.Rayssac)

La Biosphère vous souhaite un bon réveillon 2019, coloré de sobriété joyeuse.

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état de guerre, la planète ne négocie pas

1971, message (dit de Menton) remis à U Thant, alors Secrétaire général des Nations unies, le 11 mai 1971 : « Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal-en-point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre. Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir. » Il était signé par 2 200 hommes de science de 23 pays. Il était adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». Nous sommes 7 800 000 000 aujourd’hui, nos problèmes présents sont dix fois plus grave qu’en 1971 et les perspectives sont encore plus sombres.

2019, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres affirme, à la veille de l’ouverture de la conférence sur les changements climatiques (COP25) : « L’espèce humaine est en guerre contre la planète et la planète rend coup pour coup. » Il a présenté la liste effrayante des effets dévastateurs de plus en plus « meurtriers » du réchauffement : hausse du niveau des océans, fonte des calottes polaires, sécheresses… « Le point de non-retour n’est plus loin à l’horizon, il est en vue et se rapproche de nous à toute vitesse », a-t-il souligné. Il a dénoncé les engagements « totalement insuffisants » de la communauté internationale pour réduire les gaz à effet de serre. N’en doutons pas, les politiques vont continuer à se regarder le nombril à Madrid du 2 au 13 décembre.

L’écologie scientifique nous dit depuis les années 1970 que notre futur va tendre au cauchemar dans une course à l’abîme. Quatre réactions intéressantes sur lemonde.fr qui montrent la difficulté de faire cause commune. Mais qu’on se le dise, c’est un état de guerre dans lequel la planète ne négociera jamais.

Sheg : Ce n’est pas une guerre contre la nature… mais un déni de nature. Les gros pollueurs ont oublié que nous ne sommes que des mammifères terrestres totalement dépendants d’un écosystème dont l’équilibre est fragile. Nos technologies hyper-connectées ne nous permettent pas de nous déconnecter de cet écosystème, nous restons asservis à lui. C’est un changement de civilisation dont nous avons besoin car nous ne respectons pas l’ordre des choses en privilégiant le présent sur le futur.

Untel : Sophie Marceau pourra un jour être secrétaire générale de l’ONU.

Gambetta : “Le mode de vie des Américains n’est pas négociable “ dixit Georges W Bush il y a 12 ans. En fait c’est tout le mode de vie des économies libérales, puisque basée sur la surconsommation. Un exemple tout simple de notre ineptie : les enfants de 12 ans ont-ils besoin d’avoir leur smartphone ? A quoi peut donc bien servir un SUV genre Q5 ? Quelle est l’intérêt de manger une pomme du Chili, alors que nous avons plus de 20 espèces chez nous…. mais c’est vrai, au nom de la liberté voyons. Ce concept de liberté ne résistera pas, car nous parlons de survie, et beaucoup accepteront de moins en moins de voir leurs efforts anéantis par quelques uns.

Pm42 @ Gambetta : Vous pensez que le problème ce sont les smartphones et les Q5 ? Non, c’est infiniment plus compliqué que cela mais vous êtes enfermé dans une pensée religieuse judéo-chrétienne qui croit qu’en se privant, on progresse vers le paradis. Ceci explique aussi pourquoi vous ne supportez pas la liberté, elle ne convient pas bien à votre religion qui avec le temps s’est transformée en pensée « gaucho/écolo ».

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Collapsologie, foutaises ou prévision ?

La collapsologie fait vendre. Ce néologisme a le mérite d’aborder frontalement l’hypothèse d’un effondrement de notre civilisation thermo-industrielle sous l’effet conjoint du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources. Même le premier ministre, Edouard Philippe, en est convaincu : « Si on ne prend pas les bonnes décisions, c’est une société entière qui s’effondre littéralement, qui disparaît », déclarait-il en juillet 2018, Mais à prédire « ad nauseam » la fin du monde, ces prophètes du malheur risquent de rendre leur discours contre-productif. Considérer le désastre comme inéluctable, c’est favoriser l’« aquoibonisme » ? La sociologue Alexandra Bidet a donc exploré les motivations des Collapsonautes. De cette incursion au pays des « effondrés numériques », elle est revenue avec une certitude : loin d’exercer un effet démobilisateur ou dépolitisant, la perspective du désastre les amène à « explorer en commun les relations concrètes qui les font exister », et favorise « la radicalisation de leur rapport au réel ». Mais la politique des petits gestes n’est-elle pas dérisoire face à la crise écologique en cours ? Peut-on se contenter de dire que faire face à une catastrophe est une affaire de “cheminement intérieur” ? (Catherine Vincent, journaliste du MONDE)*

Quelques réactions sur lemonde.fr :

Michel Lepesant : La collapsologie est d’abord une critique radicale du « trop ». Alors le choix du titre du MONDE « Les collapsologues en font-ils trop ? » fait basculer le « trop » du côté de l’accusation et non plus du côté de l’accusé. Cela participe d’une politique (délibérée ?) de l’enfumage. La réaction au soi-disant « trop » de la collapsologie manifeste une promptitude qui contraste tellement avec l’inertie en faveur du « business as usual ».

Chardon Marie : Notre modèle qui consomme en 8 mois ce que la planète produit en 12. Les scientifiques nous expliquent qu’il n’y a jamais eu autant de production de CO2 qu’en 2018. Les vents sont de plus en plus violents. Les événements climatiques extrêmes (sécheresses, canicules, feux, inondations, cyclones…) deviennent une nouvelle norme : c’est ça le changement climatique. Il faut cesser d’écrire « réchauffement climatique », c’est un terme impropre et à la limite de l’infox. Les ponts s’effondrent, les habitations et les récoltes sont détruites, la biodiversité est en déclin. Mais le microcosme parisien se demande si c’est n’est pas tellement de l’an dernier tout ça ma chérie. Et puis c’est déprimant, allez viens, on va se faire les soldes et un resto.

DCLT : Encore un débat inutile, et pendant ce temps les aiguilles de l’horloge tournent, irrémédiablement. C’est toujours comme ça. Peu importe que les catastrophes annoncées arrivent brutalement ou graduellement, elles arrivent. Discuter si le niveau de la mer montera dangereusement d’ici la fin du siècle ou durant les suivants, il le fera. Pareil pour les pénuries alimentaires, de matières premières, elles viendront. La question est, voulons-nous freiner puis arrêter le bus lancé à pleine vitesse contre le mur. Pour l’instant nous ne faisons rien et le mur est toujours plus près.

HdA : face aux politiques et à la société en général, il faut en faire des tonnes pour être écoutés. Prenez le mouvement féministe. Quels hommes va s’y intéresser si les femmes demandent le respect et l’égalité? Celles qui font dans l’excès sont bankable, elles ont un langage stérile mais elles forcent à nous positionner sur les demandes légitimes. Une catastrophe soudaine n’arrivera pas mais en parler fait prendre conscience des dépendances et des petits gestes que nous pouvons faire pour éloigner les problèmes.

Jean-Pierre Dupuy : Les simplismes de l’écologie catastrophiste attirent l’attention générale sur des problèmes considérables, mais c’est un « flou conceptuel ». En effet annoncer que la catastrophe est certaine, c’est contribuer à la rendre telle… Mais la passer sous silence ou en minimiser l’importance conduit au même résultat . C’est sur la ligne étroite qui sépare ces deux attitudes que je propose une posture philosophique : considérer la possibilité de cet avenir (et non sa réalité) comme certaine pour qu’il n’advienne pas. C’est « la sagesse du pire ». (ndlr : Jean-Pierre Dupuy a publié, en 2002, « Pour un catastrophisme éclairé ».)

Arthur : Il y a actuellement un déficit de communication majeur entre les aspects climatiques (les effets de la fumée), et les aspects ressources (le carburant disponible pour alimenter le « feu », feu c’est à dire l’économie, ou civilisation industrielle si vous préférez). Mais de fait les aspects ressources (ou pics de production, maximum de flux, de débit) vont nous tomber dessus avant les conséquences climatiques « majeures » ; l’AIE cache de plus en plus les aspects ressources, recherchez par exemple l’analyse de l’ASPO Allemagne sur le dernier rapport WEO de l’AIE.

Electron : Le plus grave, la fin programmée des réserves du pétrole, sans lequel notre société n’existe plus. Comment remplacer les 80% de dépendance aux énergies fossiles, si avantageuses, et qui vont disparaître, dans une humanité qui va tendre vers 10 milliards d’individus? En France on augmente de 15 centimes le prix de l’essence et on a une révolte, alors que chaque année il faudrait diminuer notre consommation de 5%.

* LE MONDE du 30 novembre 2019

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Günther Schwab, nous dansons avec le diable

Le Diable, sous les traits d’un homme d’affaires, explique : « J’ai imprégné tous les domaines de la vie humaine de mes principes. Dans toutes les administrations, les associations, quelle que soit la fonction qu’elles remplissent, j’ai placé mes agents et mes hommes de confiance. J’empoisonne méthodiquement tout ce dont l’homme a besoin pour son existence : l’air respirable et l’eau, l’alimentation humaine et le sol qui la produit. J’empoisonne les animaux, les plantes, les campagnes, toute la Nature sans laquelle l’être humain ne peut vivre et je fais passer cette misère criante pour de la prospérité, les hommes ne remarquent pas qu’ils sont bernés. » Le Diable fait venir différents démons qui font un exposé circonstancié de leurs activités. D’abord, le démon du « Progrès » se félicite notamment de voir que ses « délégués » s’appliquent à apporter aux peuples « « sous-développés » le poison du « Progrès » afin qu’ils tombent eux aussi malades de corps et d’âmes ». Puis le responsable du service Soif et Sécheresse, explique sa stratégie : « Sous le slogan de l’hygiène, je rends obligatoire dans les HLM les salles de bains et les WC à chasse d’eau et je pousse ainsi non seulement à un gaspillage intensif de l’eau et de matières organiques hautement fertilisantes, mais je pollue encore les rivières et les fleuves. » Morf, impliqué dans la dégradation de l’alimentation, a « éliminé de l’alimentation humaine des substance de grande valeur pour les transformer artificiellement ». Les aliments raffinés, comme le sucre blanc, sont notamment désignés comme déclencheurs de cancers. Un autre démon, Karst, décrit la déforestation, incitant « à la construction des scieries et des fabriques de cellulose et de papier ». Il se réjouit ainsi « des mouchoirs en ouate de cellulose qui ne servent qu’une seule fois, des couches de bébé et bien d’autres objets qui sont jetés aussitôt après leur utilisation ». En outre, Karst loue « le démon du Mensonge qui est occupé à la prolifération croissante du livre, des éditions, et, en général, de tout ce qui est imprimé ». La question agricole est longuement abordée, avec trois démons : Dust, Tibu et Spray. Le premier a incité l’homme à moderniser l’agriculture et à utiliser des engrais et des pesticides chimiques, affirmant que « plus les récoltes sont impressionnantes, plus profonds et durables sont les dommages causés au sol ». Pour lui, « la mort de la vie organique dans la terre représente la dernière phase de vie de l’humanité (…) ». Le deuxième est « chargé de procéder à l’élimination de la culture rurale et de la paysannerie » tandis que le troisième se vante d’avoir « donné aux hommes l’idée de lutter contre les mauvaises herbes à l’aide de ces poisons chimiques que l’on nomme les herbicides. »

A la fin du livre, Gunther Schwab avance ses idées eugénistes et malthusiennes. Un démon affirme que les médecins œuvrent pour le Diable parce qu’en « enrayant les épidémies, vous empêchez l’élimination des faibles, de ceux qui ne sont pas biologiquement résistants, et vous affaiblissez le potentiel biologique de votre peuple et de l’humanité en général. » Le Diable termine alors avec « la source de toutes les puissances de destruction », à savoir l’explosion démographique : « Jusqu’alors, la bonne mort, due aux épidémies, aux serpents venimeux, aux tigres ou aux famines avaient maintenu la fécondité naturelle des hommes à l’intérieur de certaines limites. Mais maintenant, mes mesures sanitaires de protection et de développement des productions alimentaires sont partout, et, de plus en plus, mises en application. Le taux de mortalité baisse dans le même temps où le nombre des naissances augmente. » Et il conclut : « L’homme obtiendra le succès qu’il a si longtemps cherché à atteindre en violant la Nature dans tous les domaines, avec son prétendu « Progrès » ! A la fin, l’humanité ne sera plus qu’un immense troupeau de milliards d’individus bornés, tarés, infirmes, malades, faibles et idiots (…). Une misère sans nom, les épidémies, les souffrances et la faim seront la récompense de votre belle humanité. »

NB : « La danse avec le Diable, une interview fantastique », de Gunther Schwab a été publié pour la première fois en 1958. Peu connu du grand public, il aura principalement un impact auprès des premiers militants écologistes.

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Rifkin, un New Deal vert mondial ?

Nous ne ferons pas la publicité pour le dernier ouvrage de Jeremy Rifkin. Il croit que la « destruction créatrice » décrite par l’économiste Joseph Schumpeter nous entraîne vers une société « énergie renouvelable à 100 % »… si les investissements suivent ! Il croit que l’épargne-retraite des Américains (22 300 milliards) financera les énergies du futur alors que les marchés s’accrocheront aux énergies fossiles jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Il croit que l’imprimante 3D va transformer la production, que le big data et les objets connectés contribueront au bien commun, que chaque région sera en mesure de disposer de sa propre alimentation électrique en cas de catastrophe… Un seul point positif dans son discours, « Le mouvement des jeunes [Fridays for Future] né autour de Greta Thunberg me donne de l’espoir : nous assistons à la première révolte d’ampleur planétaire »*. Les commentateurs sur lemonde.fr descendent en flèche l’idée d’un New Deal vert mondial :

Toni W. : J »ai l’impression en lisant Rifkin d’assister au discours optimiste d un conférencier pour entreprises. Viser une collaboration mondiale, le remplacement rapide des énergies fossiles par du pseudo renouvelable etc. Le tout agrémenté de contrôle du Big Data, développement du numérique et de l intelligence artificielle, c est une grande bouillie, du messianisme technoptimiste pour le CAC40 et autres. Le numérique à tout va est extrêmement consommateur d’énergie, à titre d exemple le fonctionnement du Bitcoin consomme plus d energie que la Suisse. Rifkin, du grand n importe quoi…

Gilbert : Ajoutons que Rifkin, dans la troisième révolution industrielle, fait l’apologie de Monaco comme champion de la transition … Certains ne mordent jamais la main qui les nourrit …

pelayo decovadonga : « il est désormais possible de produire de l’électricité à l’échelle d’un immeuble ou d’un quartier. » Les maoïstes du grand bon en avant n’auraient pas renié cette affirmation. On connaît la suite de l’histoire. Tous les techniciens savent que le bilan énergétique des petits systèmes est en général assez mauvais.
Fouilla : Rifkin, ce génie qui prédisait il y a une quinzaine d’années que l’hydrogène allait nous sauver du changement climatique, puis il y a une dizaine d’année pareil avec internet et les réseaux… En fait, ses prédictions pourraient marcher, s’il n’y avait la physique et la géopolitique qui font rien qu’à nous embêter. J’en rigole, mais cet anti-Jancovici est extrêmement dangereux car il a l’oreille d’un grand nombre de décideurs.

Michel Lepesant : L’optimisme de Rifkin (tous ces espoirs mis dans une nouvelle révolution industrielle) dans les solutions qu’ils proposent semble encore pire que les problèmes dont ils prétend sortir. Que les marchés tenteront de récupérer toute tentative pour sortir de nos modes de vie sociocidaires, c’est une évidence ; mais de là à s’en réjouir, c’est désespérant.

Marius Albufera : La « destruction créatrice » n’est que l’autre nom du darwinisme et la soi-disant création ce qui reste après que l’ ancien a succombé. On a envie de dire à ce monsieur en costume cravate : vous feigniez par vos prophéties d’être l’organisateur de ce qui arrivera alors que vous n’ y êtes pour rien et n’ y serez pour rien. Notre avenir se présentera une fois encore sous le visage de la nécessité qu’on grime sous les traits de l’ histoire.

Articles antérieurs sur notre blog biosphere :

12 novembre 2014, Un intellectuel de l’illusionnisme, Jeremy Rifkin

La Troisième Révolution industrielle prônée par Jeremy Rifkin n’est qu’une illusion. Plus grave, grâce à ce rêve technologique , il n’est plus nécessaire de penser aux impasses de notre trajectoire, à nos vrais besoins, il suffit de s’en remettre aux grandes entreprises, aux experts et aux entrepreneurs high-tech de toutes sortes…

3 juillet 2013, Troisième révolution industrielle, débat Gadrey/Rifkin

Energies renouvelables quasiment gratuites, production par les particuliers d’énergie et de biens matériels, déplacement écologique dans des véhicules verts. Contre ces illusions, Jean Gadrey n’y va pas avec le dos de la cuillère. En résumé…

* LE MONDE du 17 octobre 2019, Jeremy Rifkin : « La survie de notre espèce dépend de la transformation de nos modes de production »

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Pourquoi les populistes gagnent la bataille

Le slogan « Fin du monde, fin du mois, même combat » est un oxymore, l’alliance des contraires, une forme plus poétique que réaliste. Le réalisme, c’est considérer que nos conditions d’existence ne sont durables que si elles ignorent les énergies carbonées et évitent les politiques croissancistes. Or le gaspillage des ressources, c’est ce que demande le peuple, ce qui fera le jeu des populistes. Illustration cette semaine :

Pétrole : Le 1er octobre, le président équatorien, un social-libéral, avait annoncé qu’il cessait de subventionner les carburants, provoquant une hausse du prix du diesel à la pompe de plus de 100 %. Cette annonce a suscité la colère de la population. Au terme de douze jours d’une mobilisation qui a paralysé le pays et de quatre heures de négociations, les Indiens équatoriens ont obtenu gain de cause dimanche soir. Le président Lenin Moreno a accepté de retirer le décret 883 qui supprimait les subventions publiques. Quito a immédiatement explosé de joie. Les manifestants ont scandé le traditionnel slogan latino-américain : « Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! »* Mais la raison et le bon sens n’ont pas gagné dans cette affaire. Que fera le peuple quand le choc pétrolier ultime, celui qui considérera que le pétrole arrive à son inéluctable terminus et que nous devrons brutalement nous en passer ? Le peuple apprendra alors que les populistes lui ont menti.

Pouvoir d’achat : Les Polonais ont une expression pour désigner les généreux transferts sociaux promis par le gouvernement ultraconservateur, « Kielbasa wyborcza », le « saucisson électoral » : relèvement du salaire brut minimum, instauration d’un 13e et 14e mois pour les retraités, allocation de 125 euros pour tous dès le 2e enfant, etc. « Le PiS a choisi la voie populiste et ça marche », constate l’économiste Witold Orlowski. En privilégiant la « Pologne B », version locale de la « France d’en-bas », les ultraconservateurs sont parvenus à s’inféoder des pans entiers de la population. Les promesses sociales du PiS s’accompagnent de discours à forts relents nationalistes et xénophobes.** Au pouvoir depuis 2015, les ultraconservateurs ont remporté une victoire historique avec 43,6 % des suffrages. Demain en France Marine Le Pen risque d’arriver au pouvoir avec des promesses aussi démagogiques qu’en Pologne… On fera plaisir aux Gilets jaunes, et tant pis pour le réchauffement climatique !

Les populistes gagnent des batailles dans plusieurs pays, ils ne gagneront pas la guerre qu’ils font à la planète.

* LEMONDE du 15 octobre 2019, En Equateur, le mouvement indigène rejette l’offre de dialogue du président Lenin Moreno

** LEMONDE du 15 octobre 2019, La stratégie payante du « saucisson électoral » des ultraconservateurs polonais

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Révolte de la génération 2019

Luc Bronner, directeur de la rédaction du MONDE : « Greta Thunberg inquiète ? Attendez les générations suivantes, leurs angoisses et leurs colères face à l’irresponsabilité des hommes et des femmes qui les ont précédées dans la destruction systématique de la planète. Comme en Mai 68, la colère risque d’être générationnelle. Profonde. Durable. Là où les enfants de 1968 avaient à se battre pour leurs libertés individuelles – quelle chance ! –, les générations qui suivent, cinquante ans plus tard, vont sans doute devoir se battre avec la perspective d’une restriction des libertés individuelles face aux menaces du réchauffement climatique. Les générations qui nous suivront pourront-elles faire des enfants, autant d’enfants qu’elles le souhaitent, comme nous l’avons fait ? Et devront-elles abandonner en grande partie le rêve de la voiture, de la maison individuelle et du voyage, ces trois repères sociétaux et économiques qui ont largement porté le monde occidental depuis la seconde guerre mondiale ? La situation est critique et il est désormais impossible de l’ignorer. Les rapports et les études scientifiques se succèdent, dans une sorte d’accumulation cauchemardesque, pour dire la gravité des menaces, leur étendue, l’irréversibilité des dommages. Les océans qui se réchauffent, les glaciers qui disparaissent, la biodiversité qui se réduit, les températures qui s’affolent, les événements extrêmes qui se multiplient… Cette génération ira chercher les responsabilités de ses parents et grands-parents. Ce sera légitime de pointer la responsabilité des leaders politiques et du court-termisme des démocraties, des élites intellectuelles et médiatiques bien trop passives. La vague risque d’être beaucoup plus large. Bien plus intime aussi. « Qu’as-tu fait, papa, alors que tu savais ? » Rien, ou si peu. » Quelques réactions sur lemonde.fr :

BGA : « L’homme a mangé la terre » ! On comprend très bien vers quoi l’on va, et plus vite que l’on ne le croit. Les consommateurs que nous sommes, plongés dans un incroyable déni de masse, continuent sur cette lancée consumériste mortifère en refusant de surcroît d’écouter l’angoisse d’une jeunesse qui va devoir gérer des conditions de vie extrêmement dégradées. Celles et ceux qui ont bien profité de conditions naturelles encore relativement harmonieuses semblent n’en avoir cure et détournent le discours de Greta Thunberg T en la diabolisant. C’est lamentable…
-Alazon- : Qu’as-tu fait papa ?
Je me suis élevé contre l’interdiction du DDT, qui a causé une recrudescence du paludisme, avec des millions de morts à la clef, essentiellement des enfants.
J’ai lutté pour le riz doré, qui fait l’objet d’une campagne de dénigrement abominable, alors qu’il peut sauver des enfants de la cécité.
J’ai préservé l’économie en luttant pour les grandes infrastructures, en m’opposant à l’accumulation de règlements, en promouvant l’innovation contre les collapsologues stériles ou les décroissants criminels.
François B : On pourrait accuser les dirigeants politiques du monde, les géants industriels et les médias de s’être si peu préoccupé de la santé de la planète. Nos économies sont basées sur la croissance et la consommation et le marketing sait fort bien manipuler les consommateurs pour qu’ils consomment toujours davantage. Le Monde vit de la publicité et n’est pas innocent dans cette affaire, bien au contraire puisqu’il entretient la machine, alors les leçons … Comme d’habitude pas un mot sur l’accroissement exponentiel de la population, phénomène qui n’est pas sans conséquence sur les dérèglements climatiques !

LiRM : papa a arrêté de financer les smartphones et les nouvelles fringues si les vieilles ne sont pas usées. Pas de scooter, tu prend le métro ou le bus. Pas de vacances qui nécessitent un billet d’avion, tourisme de proximité. On dit merci papa.

Pascalou : Du coup, que faut-il dire ou faire aux gilets jaunes qui bloquent les ronds-points, ceci pour habiter loin des centres urbains et continuer à rouler en diesel à bas coût ?

LE MONDE du 29-30 septembre 2019, « Qu’as-tu fait, papa, alors que tu savais ? »

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Survivalisme selon Piero San Giorgo

Aurez-vous accès à l’eau potable si rien ne sort de votre robinet et si les supermarchés sont vides ? Comment défendrez-vous votre famille de votre voisin affamé ? Piero San Giorgo, un suisse né en 1971, se pose ce genre de question et y répond à la manière survivaliste : la survie se jouera presque certainement à l’écart du monde actuel, dans des refuges qu’il faudra savoir aménager et défendre. Car il prévoit un effondrement de la civilisation, effondrement dont il s’applique dans une première partie à montrer les déterminants. Piero San Giorgo est dans la lignée de James Howard Kunstler, qu’il cite : « D’abord l’essence devint rare et chère, et maintenant il n’y en a plus. L’âge de l’automobile est terminé. L’électricité aussi. Aucun ordinateur ne fonctionne. Les grandes entreprises n’existent plus. L’argent papier ne vaut plus rien. Des villes ont été détruites. Il n’y a plus de gouvernement… » Voici dans le livre de San Giorgo les déterminants de l’effondrement (jusqu’à la page 149) :

– le problème des exponentielles, par exemple dans le cas de l’évolution démographique ;

– la fin du pétrole ;

– la fin de toutes les ressources ( le pic de tout) ;

– l’effondrement écologique ;

– la fin du système financier et l’endettement ;

– la culture de la consommation, la perte du sens de la responsabilité, la perte du lien social ;

– les imprévisibles, par exemple une épidémie ;

-la complexité des chaînes logistiques et alimentaires.

Par conséquent, dans les décennies à venir, nous allons expérimenter l’enfer.

In Survivre à l’effondrement économique (édition le  Retour aux Sources, 2011)

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Vincent Cheynet, Le choc de la décroissance

Vincent Cheynet, rédacteur en chef du périodique « La décroissance », attaque assez assidûment ses confrères en objection de croissance… Mais comme il dit assez souvent des choses très vraies, attardons-nous sur ces morceaux choisis de son livre de 2008 paru au Seuil :

1) La guerre des mots

– L’expression objecteurs de croissance est très parlante : les objecteurs de croissance font acte de non violence en refusant la guerre économique comme les objecteurs de conscience refusent l’ordre de la guerre.

– La réflexion sur les mots est primordiale car ceux-ci sont le socle sur lequel faire avancer les idées. Il existe tout autant des mots poisons qui empêchent de penser, que d’autres qui frayent de nouveaux imaginaires. Les capitalistes l’ont bien compris. Armés de légions de communicants, ils s’emploient autant à vider les mots de leur sens qu’à s’accaparer les mots de leurs contradicteurs.

– L’intérêt du mot décroissance est avant tout d’être un mot obus, un mot bélier qui vise à ouvrir une brèche dans l’enfermement dans lequel se claquemure notre société. Il cherche à enfoncer une porte de la citadelle de la pensée unique.

2) la guerre contre l’économisme

– Depuis deux siècles, la « science » économique occidentale a quasiment évacué le paramètre écologique de ses raisonnements. Elle fonctionne déconnectée de la réalité physique et géochimique.

– Les ultra-libéraux sont les dignes successeurs de ces membres du clergé qui, au XVIIe siècle, refusaient d’admettre que la Terre tournait autour du Soleil parce que la réalité ne correspondait pas à leur dogme étroit.

– Un seul économiste, Nicholas Georgescu-Roegen, a eu le bon sens de constater que, même stabilisée, la consommation de ressources naturelles limitées finira inévitablement par les épuiser complètement, et que la question n’est donc point de ne pas consommer de plus en plus, mais de moins en moins : il n’y a pas d’autres moyens de ménager les stocks naturels pour les générations futures. C’est cela le réalisme écologique.

3) la guerre contre les inégalités

– La première des décroissances qui motivent les objecteurs de croissance est la décroissance des inégalités, localement comme à l’échelle de la planète.

– La formule est imparable, dans un monde où les ressources sont limitées, toute surconsommation des uns se fait au détriment des autres. Les économistes orthodoxes martèlent que la croissance est la condition de la solidarité. C’est oublier que l’accroissement de la richesses d’une société comme d’un individu est complètement dissociable de la volonté de partage. Il existe des sociétés pauvres sans aucun Sans Domicile Fixe, comme des pays opulents qui laissent mourir des gens de faim.

– Le RMA (revenu maximal autorisé) qui pourrait, par exemple être de l’ordre de quatre fois le SMIC, est une mesure emblématique pour la décroissance.

4) la guerre contre la dictature

– Nous constatons que les discours des adeptes de la croissance occupent aujourd’hui l’intégralité de l’espace médiatique. Lorsque, exceptionnellement, la décroissance est évoquée, ses contempteurs l’accusent immédiatement de défendre une logique totalitaire. Drôle de conception de la démocratie !

– L’idéologie de la croissance, en ne tenant compte ni des limites physiques ni des limites humaines, conduit inéluctablement à une récession qui ne peut mener qu’à l’effondrement de la démocratie, puis au chaos et au fascisme.

– Le Chili est passé d’une démocratie à faible croissance à la dictature de Pinochet, championne de la croissance. Les Etats-Unis ont considérablement accru leur PIB sans que la démocratie ne progresse vraiment. Le nazisme ou le stalinisme ont été les régimes les plus ultras dans cette recherche de la croissance. A l’inverse la non-violence s’accommode mal, et même pas du tout, de cette recherche de puissance économique.

conclusion :

– Notre planète arrive sans doute au terme de sa capacité à nous accepter. A l’échelle de l’histoire de l’humanité, nous sommes peut-être à quelques secondes d’une récession globale. La sortie du capitalisme aura lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare.

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La fin de notre monde aura lieu en 2035

Joël : voila .. voila …  Yves Cochet à écouter absolument, et sérieusement …bonne écoute … 

https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/video-pour-l-ex-ministre-de-l-environnement-yves-cochet-la-fin-du-monde-aura-lieu-en-2035_3528107.html

ha oui, il ne s’agit pas de la fin du monde” comme le laisse croire le titre accrocheur (ou comment décrédibiliser le propos par du sensationnalisme) mais – juste .. – la fin de notre civilisation …

Christian : J’ai trouvé cette vidéo d’une suffisance insupportable et franchement il fait bobo qui a payé ses voisins pour lui couper son bois. De plus ses propos frise le survivalisme , il devra se défendre contre ses amis, il ne nous a pas donné la marque du fusil mais ce n’était pas loin … détestable !


Patrick : Yves Cochet, malgré les excès et limites de ses modèles (ex: les 8 bio-régions autonomes de l’île de France) établit clairement que la politique des petits pas (ou la politique absolument « révolutionnaire » de Brune Poirson qui ose mais qui ose, incroyable…… renoncer aux touillettes plastiques) ne suffit plus. Il nous met devant la responsabilité de changer radicalement nos modes de vie.

Pascal : Je n’ai aucune culture marxiste, mais ce à quoi nous sommes confrontés c’est bien une révolution. Nous allons bientôt vivre sur une autre planète, moins accueillante que celle d’aujourd’hui. S’il y a encore des livres d’histoire dans les prochaines décennies, nous allons apparaître comme celles et ceux qui au moment critique pour l’avenir de l’espèce humaine, on fait ou pas les bons choix. Si nous ne parlons pas de résilience, sobriété, autonomie, coopération, convivialité, nouvelle relation avec la nature, permaculture, relocalisation, non-violence, démocratie horizontale (approche libertaire ?)… les verts vont s’éteindre, comme les partis du vieux monde (PC, PS, LR…). Combien de temps pour que les jeunes des manifs climat, action directe non violente, extinction rebellion, collapsos… s’intéresse à la politique et ceux là pourraient bien ne pas se laisser recycler.

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Bac SES le 20 juin 2019, quelles questions ?

Le bac SES dans dix jours, un non événement ! Nos jeunes qui font la grève du climat en disant qu’aller au lycée ne sert plus à rien vu l’avenir qu’on leur réserve ont de bonnes raisons de manifester. Les « sciences » » économiques et sociales sont hors sol. Elles continuent en 2019 de se tourner vers les Trente Glorieuses : croissance et croissance, relance keynésienne ou flexibilité, rien ou presque sur la crise profonde qui ne fait que commencer. Aucune prise en compte d’une planète dévastée  : réchauffement climatique, pic pétrolier, raréfaction des matières premières, stress hydrique, pénurie halieutique, etc. Les articles du « Monde » choisis par Claude Garcia pour décrocher une bonne note en sciences éco ne vont pas aider à résoudre nos multiples problèmes.

Rappelons qu’on ne peut pas être un bon économiste si on n’est pas d’abord un bon écologiste. Rappelons qu’après le premier choc pétrolier de 1974, le bac SES insistait sur les limites de la croissance : « On découvre seulement aujourd’hui que la prospérité de l’Occident était en partie fondée sur l’énergie à bon marché et sur la croyance aveugle que cette situation pourrait durer indéfiniment. Après avoir apprécié les conséquences de la « crise du pétrole » sur la croissance de ces économies, vous montrerez que le problème de l’énergie et des matières premières est de nature à transformer les rapports existants entre les économies développées occidentales et les pays « en voie de développement (Toulouse 1974) ».

Nous serons en juin 2019 très loin du sujet posé dans l’Académie de Lille en 1974, sujet qui incitait à réfléchir sérieusement sur la société de consommation :  « Faire progresser une Nation, c’est faire courir les citoyens. Depuis vingt ans, les citoyens français ne courent pas mal, merci. (…) La course est harassante. Si vous l’accélérez, vous consommerez plus, mais vous aurez moins de temps pour réfléchir, pour penser, pour vire (…) Car la course à la consommation se conjugue nécessairement, même sur le plan de l’individu, avec la course à la production. Mais celle-ci déclenche à son tour de grandes perturbations dans la structure sociale. Transformer les techniques de production, renouveler matériels et méthodes, désorienter les gestes habitués, réorganiser sans cesse, détruire et reconstruire indéfiniment les programmes de travail, les réseaux hiérarchiques, les relations humaines ; modifier les circuits, les règlements ; concentrer les entreprises, en fonder de nouvelles, modifier leurs objectifs (…). La course est brutale, et plus elle est rapide, plus elle est brutale. Les forts affirment d’autant plus leur force que le train est rapide ; et dans la chaleur de l’action, le faible est souvent piétiné (J.Fourastié, Economie et Société, p.130). A la lumière de ce texte, vous vous attacherez à décrire et analyser les changements sociaux qui ont accompagné la croissance économique depuis 1945, que ces changements aient joué le rôle de moteur ou de frein à cette croissance. »

Les sciences économiques et sociales était lors de leur création au début des années 1970 un nouveauté incontestable : elle refusait la segmentation propre à l’université (sociologie d’un côté, psychologie de l’autre, histoire, économie…) pour aborder une analyse transversale de la société. Cependant les SES souffrent de trois défauts structurels. Le premier est de séparer trop ostensiblement enseignement économique et sociologique, ce qui recrée une spécialisation interne dommageable à l’apprentissage d’une perspective globale par les lycéens. Le deuxième est de ne considérer textuellement que l’économique et le social, oubliant l’importance de l’écologie dans un monde dont on a outrepassé les limites. Enfin, ces dernières années, l’orientation des SES était croissanciste, occultant le fait que l’activité économique est non seulement cyclique, mais proche d’un cataclysme civilisationnel. En l’absence de pétrole, on connaîtra une récession brutale par effondrement du PIB. En brûlant encore plus de pétrole, les perturbations climatiques deviendront insupportables. Rêvons à une profonde mutation des SES qui appliquerait les propos  de Bertrand de Jouvenel (Arcadie, essai sur le mieux vivre, 1968) : « J.B. Say avait raison de noter qu’Adam Smith s’égare lorsqu’il attribue une influence gigantesque à la division du travail, ou plutôt à la séparation des occupations ; non que cette influence soit nulle, ni même médiocre, mais les plus grandes merveilles en ce genre ne sont pas dues à la nature du travail : on les doit à l’usage qu’on fait des forces de la nature (…) Une autre manière de penser, c’est de transformer l’économie politique en écologie politique ; je veux dire que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature (…) L’infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à l’infrastructure par nous trouvée, celle des ressources et circuits de la Nature. »

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Malheureusement il n’y a nulle science de l’humain

Il n’y a pas de sciences économiques, il n’y a qu’économie politique. Il n’y a pas de science sociologique, il n’y a que les multiples façons d’observer les multiplicités contradictoires du comportement humain. Il n’y a pas de sciences politiques, il n’y a que les différentes façons de manipuler les foules pour garder ou prendre le pouvoir.

Cela n’empêche pas l’économiste Eloi Laurent de réclamer une science de l’humain : « La science seule n’est jamais suffisante pour enclencher l’action, nous ne devons pas seulement savoir, cela ne suffit pas à forger notre détermination. Ce n’est pas la science du changement climatique que nous devons apprendre à maîtriser, mais la science du changement humain. Il faut donner un sens à nos connaissances, forger un nouvel imaginairepour promouvoir le changement. Car ce qui est en jeu, c’est l’hospitalité de la planète pour les humains. Le bien-être humain, qui a pris son essor au XIXe siècle pourrait être balayé au XXIe siècle. Il faut articuler la question de la soutenabilité avec celle de la justice et abandonner la croissance économique comme horizon de nos sociétés. »* En fait il redit ce que tout le monde pense autour de lui, la planète brûle. Nous aurions préféré qu’il nous indique sa façon personnelle de vivre autrement en tant que décroissant stagiaire ! Quelques réactions à son discours sur lemonde.fr :

MICHEL LEPESANT : Le plus étonnant dans cette tribune, c’est le contraste entre la lucidité affichée et l’impossibilité à en tirer la bonne conclusion : il ne s’agit pas « d’abandonner la croissance comme horizon de nos société » → ça y est le jour du dépassement** pour l’Europe c’était il y a 10 jours ! La question n’est pas de changer d’horizon car l’horizon est DEJA dépassé. « Dépassé », cela veut dire qu’il faut DECROITRE.

le sceptique : La « science du changement humain »… Programme du sachant bureaucrate version écolo : les multitudes ne font pas de l’écologie une priorité dans la définition de leur bien-être, il s’agit de conseiller les pouvoirs pour les y obliger. On commencera par poser « il n’y a pas d’alternative » (par exemple, accepter un monde réchauffé ne doit pas être posé comme option du débat), car une politique publique s’articule à des dogmes.

Inhumanité : Il est amusant de voir tous ces penseurs en politiques refuser de dire les choses comme elles sont : pour préserver le climat et la biodiversité, dire qu’il faut « changer de comportement » est une façon trompeuse de dire qu’il faut demander aux gens de se serrer la ceinture et de ne plus consommer les matières premières comme des goinfres. De perdre leur pouvoir d’achat et leur confort.

Frogeater : Absolument. Ce qui va à l’inverse des GJ et leur gas-oil moins cher et leurs impôts plus bas pour plus consommer.

* LE MONDE du 23 mai 2019, « Après la science du climat, il faut maintenant apprendre à maîtriser la science de l’humain »

** Précisions sur le jour du dépassement : Alors que l’Union européenne (UE) regroupe 7 % de la population mondiale, elle absorbe 20 % de la bio-capacité de la Terre. L’UE a déjà épuisé dès le 10 mai 2019 les ressources que la planète peut offrir… si le monde entier vivait comme les Européens. En d’autres termes, si l’humanité consommait autant que les Européens, elle aurait besoin de 2,8 planètes bleues. Mais ces chiffres, personne ne les a utilisé pour animer les élections européennes !

Malheureusement il n’y a nulle science de l’humain Lire la suite »

Le penseur débile d’un club de réflexion libéral

Un texte invraisemblable dans les colonnes du MONDE* que nous laissons détricoter par les commentateurs sur lemonde.fr :

– « Les apôtres de la décroissance ne nous apprennent rien en soulignant que les ressources dont nous dépendons sont rares et disponibles en quantité limitée. Mais la ressource ultime est l’intelligence humaine. »

Ouf! : Moi qui m’inquiétais justement devant mon frigo aux 3/4 vide, suis rassuré. Je vais faire appel à mon intelligence et produire des milliers de recettes avec très peu d’ingrédients. Je suis sauvé.

Saint-Thomas : De la grande fumisterie. La connaissance ne va pas créer du pétrole, des minerais, et dont l’incertitude réside seulement sur la date du pic d’extraction puisqu’il y a une quantité limitée sur Terre. Il faudrait aussi s’intéresser au second principe de la thermodynamique, qui lui régit le monde.

gagarine Youri : L’argument principal consiste à dire que notre intelligence est ce qui nous a permis de pallier les manques en ressource de notre environnement (soit du fait de leur absence, soit du fait de notre méconnaissance) et qu’il faut développer notre intelligence plutôt que limiter notre consommation de ressources. Bien. Mais que se passe-t-il quand c’est précisément notre intelligence (rationnelle) qui nous indique de consommer moins plutôt que d’avoir une foi irrationnelle dans un progrès infini ?

moi-même : L’argument de fond est : puisque ça a fonctionné jusqu’à maintenant, ça fonctionnera toujours. Ce n’est pas un raisonnement, c’est un pari. Le réchauffement, incontestable et qui s’accélère, est en train de démontrer la bêtise d’un tel pari. Pour que cela fonctionne, il faudrait que nos capacités à trouver et utiliser les ressources croisse à l’infini, à tout le moins à proportion de ce que la nature est capable de fournir. Ce n’est pas le cas.

ZURBACH MICHEL : Physiquement il y a moins de ressources mais grâce à notre connaissance nous avons pu augmenter leur disponibilité : en clair, on a appris comment aller fouiller tout au fond de la cave ou du grenier pour dénicher quelques surplus inaccessibles auparavant. Un jour on arrive quand même au mur ou au toit..

– « La « suprématie du marché » ne conduit pas à l’épuisement irrationnel des ressources. Le mécanisme des prix fonctionne tellement bien que les métaux sont aujourd’hui présents en plus grande quantité car notre connaissance s’est améliorée. »

agnès : Le mécanisme des prix va tout régler : seuls les riches auront accès aux ressources; Quid de l’épuisement des terres, de la progression des déserts.

Ciel bleu, mer belle à Marseille : Faute de pommes de terre, durant la guerre, nous avons mangé des topinambours, puis des panais, et parfois même nous avons utilisé les pelures de ces légumes… notre génie a pourvu à notre survie, notre connaissance nous fit surmonter l’épreuve… Ah, que ne faut il lire ? ! Dans un monde fini, régi par le libéralisme, notre intelligence nous sauverait ? !! Être condamnés à sucer les pelures serait la solution, notre avenir !! Qu’on lui laisse les pelures, changeons nos modes de vie !!

DH : Ce monsieur fait l’apologie des entreprises minières, néglige les oppositions des indigènes dont la vie sera durablement perturbée, niée sinon enlevée, néglige les effets sur le climat, néglige les effets sur les prix de matières toujours plus chères à extraire, néglige le problème des déchets.

Maxleg : L’eau en quantité suffisante, l’air pur, une mer propre, un climat agréable… dont de nombreux habitants de la planète manquent déjà, voilà des produits de base dont il sera difficile de découvrir de nouveaux gisements à l’avenir. Mais de ça l’auteur n’a pas l’air de s’en soucier.

– « Les rêveurs de la décroissance devraient aller faire un tour dans les pays qui l’ont réellement expérimentée – le Venezuela en est l’exemple le plus contemporain. »

DH : Le Venezuela comme exemple de décroissance? Mauvaise foi idéologique! Le libéralisme autant dévoyé par de tels imbéciles endoctrinés aux extrêmes est dangereux.

GILLES SPAIER : Il y a un espace entre Maduro et l’expansionnisme exacerbé qui nous mène dans le mur. La décroissance du Venezuela est subie et non volontaire. Cette tribune se déprécie elle même par ses arguments qui n’en sont pas. Quoiqu’il dise, au rythme de croissance actuel, l’humanité va dans le mur. Et l’auteur, très occupé à déprécier le socialisme, oublie que la croissance des inégalités actuelle fait aussi partie du problème. A aucun moment il n’en parle.

Alta : C’est aussi oublier que malgré notre si éclatante prospérité, ces 200 ans de croissance ont été aussi deux siècles de dévastation des éco-systèmes, de la diversité, et la dégradation de l’espérance de vie en occident se profile inexorablement. S’il faut choisir entre l’humanisme et la survie de la vie sur la planète, je préfère la survie. En exploitant toujours plus pour le profit, le capitalisme nous condamne.

– « L’augmentation de la population mondiale est le signe d’un progrès humain dont nous devrions nous féliciter. En prônant la décroissance économique et démographique, la gauche rejette le progrès et abandonne son humanisme. »

Agnès : Quant à l’ode final au natalisme voir les suppressions de crédit des néo-cons US aux programmes de planning familial.

Georges : Incroyable! Qu’il commence par nous dire quelle est sa religion. Un nataliste qui a le culte de la croissance, qui appelle cela humanisme et mesure l’humanisme des autres à l’aune de ce qu’il pense être lui-même.

Paul-Henri : C’est un discours de vieux, inadapté quand les conditions climatiques changent, ce n’est pas le moment de faire comme les lapins ni de continuer à produire n’importe quoi et se déplacer n’importe comment. La modernité il faut l’inventer en tenant compte de l’état du monde. Il ne faut pas compter sur ces théories là, ces modernes là sont en fait des conservateurs, il veulent que ça continue toujours pareil…

Inhumanité : juste écœurant, j’ai arrêté de lire à la troisième ligne. Parier sur l’intelligence humaine quand on voit les massacres passés et en cours, il faut avoir une bonne dose d’idéologie et d’anthropocentrisme. Le seul salut de l’homme a été le pétrole abondant, mais de la même façon que les civilisations ont péri par manque de bois, la nôtre périra par manque de pétrole ou par cuisson.

* citations issues de la tribune de Guillaume Moukala Same, porte-parole du club de réflexion « Les Affranchis – Students for Liberty » in « La gauche décroissante rejette le progrès et abandonne son humanisme » (LE MONDE économie du 12 janvier 2019)

NB : Students for Liberty est une émanation de Charles Koch, grand opposant d’Al Gore. Koch Industries est une multinationale américaine avec des filiales dans des domaines comme le génie pétrolier, le génie chimique, la finance, le courtage de matières premières, l’élevage. A quand une déclaration d’intérêt systématique des « auteurs » pour savoir qui parle…

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Ras-le-bol de l’injustice fiscale et des inégalités

Hulot et Berger plaident pour un sursaut politique : « Plutôt qu’un « ras-le-bol fiscal », « nous voyons un ras-le-bol de l’injustice fiscale. La nuance est de taille, réduire certaines dépenses ne ferait pas de mal à notre pays, ainsi des 12 milliards d’euros dépensés chaque année en soutien aux énergies fossiles, alors qu’il manque tant de moyens pour isoler les 7 millions de passoires énergétiques… » Comme d’habitude, les commentateurs sur lemonde.fr* détournent le débat :

MICHEL BRUNET : Ils disent « nous voyons un ras-le-bol de l’injustice fiscale », sans préciser en quoi consiste cette « injustice » dans ce pays où la « redistribution » figure parmi la plus importante des pays de l’OCDE. Faire « payer plus » les 0,01%, 0,1%, 1%, 10%, 20% …bref les plus « aisés » de ce pays alors dites le franchement que les choses soient claires.

le sceptique : Il paraît nécessaire que les gilets jaunes partagent les maisons, voitures et billets d’avion de Nicolas Hulot. Il en a beaucoup trop à lui tout seul pour un homme politique aussi généreux et aussi écolo.

Basco : On aimerait savoir si on compte les allocations diverses que reçoivent les plus pauvres. Je me souviens d’une allocataire des minima sociaux qui ne voulait pas travailler m’expliquant, un peu désolée, qu’elle n’aurait qu’un petit salaire avec des contraintes mais perdrait plein d’avantages genre centre aéré gratuit ou presque ou cartes de bus gratuites etc… je la comprenais. Mais quelle conclusion ?

Analyse de Biosphere : Nos principes de base sur l’égalisation des conditions reposent sur trois points :

La propriété, c’est le vol. L’homme ne travaille pas socialement pour lui-même mais pour le bien commun. Il n’a aucun droit absolu sur « son » entreprise », « son » capital, « sa » maison, « son » salaire, etc. C’est un locataire perpétuel temporairement embarqué dans des structures collectives qu’on appelle entreprise, capital financier ou technique, maison pavillonnaire ou HLM, participation à la valeur ajoutée de l’entreprise (pour le paiement des salaires ou le bénéfice)….

A travail égal, salaire égal. Il n’y a pas d’inégalité de valeur entre le travail d’un éboueur et celui d’un PDG. Ils sont aussi utiles à la société l’un que l’autre, ils dépendent autant l’un de l’autre, ils ont les mêmes besoins matériels. Alors pourquoi alors à travail égal un revenu différencié ? L’unité monétaire devrait être définie par l’heure de travail, on gagnerait la même chose qu’on soit dirigeant ou dirigés. Pratiquons la simplicité volontaire, exigeons des cadres et des patrons de faire de même.

Le même enseignement pour tous. Les injustices, les fausses valeurs, viennent le plus souvent de l’ignorance de la masse. C’est par l’éducation permanente et égalitaire qu’on arrivera à éliminer disparités et résistances aux réformes nécessaires.

Rappelons l’essentiel de notre article « Salaire élevé d’un patron, n’acceptons pas l’injustifiable » : Salaire de base, bonus annuel, exceptionnel ou pluriannuel, stock-options, actions gratuites et actions fantômes, prime d’arrivée ou de présence, indemnités de départ, avantages en nature, sans oublier les fameuses retraites chapeaux… A décortiquer les « packages de rémunération » des dirigeants des grandes entreprises, on ne peut qu’avoir envie de dégueuler. L’inégalité des revenus permet à certains d’avoir une empreinte écologique démesurée alors que d’autres personnes vivent en dessous du minimum vital. Qu’est-ce qui justifie cet état de fait ? Aucun dirigeant d’entreprise n’a à lui seul le pouvoir de faire de l’argent. En fait il bénéficie du groupe de travail que constitue l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. Sans personne à sa disposition, un patron n’est qu’une personne indépendante qui ne peut compter pour gagner de l’argent que sur ses propres forces, artisans et commerçants travaillent beaucoup et ne gagnent pas grand chose. L’autre aspect est le chiffre d’affaires de l’entreprise, c’est-à-dire l’apport d’argent par les consommateurs. Plutôt que de rémunérer le seul patrons sur les bénéfices, on peut aussi bien distribuer l’argent à l’ensemble du personnel ou, mieux, redonner l’argent en trop aux consommateurs en diminuant les prix de vente. D’ailleurs les montants versés aux dirigeants dépendent moins de leur « performance » individuelle que de la taille de l’entreprise. Plus l’entreprise est grande, plus sa valeur ajoutée permet les fortes rémunérations d’une seule personne… avec la bienveillance d’un conseil d’administration inféodé à ce patron. Admettons qu’un patron travaille 15 heures par jour sept jours sur sept en rêvant la nuit à son entreprise. Même dans ce cas il ne devrait être payé que trois fois la somme donné au travailleur de base de son entreprise, il ne turbine pas du chapeau plus de 100 heures par semaine ! En savoir plus grâce à notre blog :

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/04/06/supprimons-les-inegalites-de-salaires/
http://biosphere.blog.lemonde.fr/2011/04/07/supprimons-les-inegalites-de-salaires-suite/
Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)

* LE MONDE du 14-15 avril 2019, Social et écologie : Hulot et Berger plaident pour un « sursaut politique »

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L’école du « développement durable » contre le CLIMAT

Le ministère a écouté les jeunes engagés pour le climat, il a déjà sa réponse, « Développement durable »*. Veut-on nous faire croire que la croissance économique va résoudre les problèmes écologiques alors qu’elle en est la cause ?

– Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer : « On veut se donner les moyens d’un engrenage de l’ensemble de la société française sur le développement durable à partir de l’école. »

– Le secrétaire d’État de Blanquer, Gabriel Attal : « Le SNU (service national universel) contribuera à répondre aux attentes de la jeunesse, car des modules liés au développement durable y seront intégrés. »

– Ange Ansour, initiatrice du collectif Les Enseignants pour la planète : « L’école doit être encore plus ambitieuse : elle doit apprendre les fondements scientifiques du développement durable. »

L’article du MONDE : la plupart des propositions formulées par les lycéens existent déjà dans les 4 500 établissements labellisés « en démarche de développement durable » que M. Blanquer assure vouloir généraliser aux 75 000 écoles, collèges et lycées de France.

« Développement durable », c’est ce qu’on appelle un élément de langage », les politiques répètent ce qu’on leur dit de répéter et vont noyer le réchauffement climatique dans l’oxymore. Or on sait depuis longtemps que le terme « développement durable » n’est plus employé par les gens sérieux. Précisons. Dès 1980, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) proposait comme définition du développement durable « un développement qui tient compte de l’environnement, de l’économie et du social ». Le rapport Brundtland de 1987, document préalable au sommet de la Terre de Rio (1992) énonçait que « le développement durable est un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Mais ces définitions pêchent grandement car elles s’appuient sur un concept de développement qui lui-même n’est pas défini, si ce n’est implicitement par le concept de croissance économique ! De toute façon on sait déjà de source sûre que les générations à venir n’auront plus plus de ressources fossiles à disposition tout en souffrant du réchauffement climatique, de la surpopulation, du stress hydrique, etc. L’avenir de nos jeunes est irrémédiablement compromis par le niveau actuel de surconsommation. C’est pourquoi le vieux terme DD a été occulté par d’autres termes aussi pervers. Le mot fourre-tout « transition écologique » a remplacé au niveau officiel l’imbécillité de l’expression « croissance verte », qui se substituait à l’oxymore « développement durable ». Le propre de l’oxymore est de rapprocher deux réalités contradictoires.

L’inflation d’oxymores aujourd’hui tels que « voiture propre », « fonds de placements éthiques », « entreprises citoyenne », « croissance verte », « durable » ou « écologique », « guerre propre » etc., est symptomatique d’une forme de totalitarisme mou. On trouve aussi « agriculture raisonnée », « marché civilisationnel », « financiarisation durable », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », « vidéoprotection », etc. La montée des oxymores constitue un des faits révélateurs de l’impasse dans laquelle nous sommes rentrés à toute allure. Le clip publicitaire qui nous montre la chevauchée d’un 4×4 dans un espace vierge associe deux réalités contradictoires, l’espace naturel et la machine qui le dévore ; il nous suggère perfidement la possibilité de leur conciliation. Si la contradiction et le conflit sont inhérents à tout univers mental, ils atteignent dans le nôtre une dimension inégalée.

Plus la tension socio-écologique va s’accroître, plus les usines de communication s’alimenteront aux ressources des sciences humaines et produiront des oxymores raffinés. Transformés en injonction contradictoire par des idéologues, ils deviennent déjà un poison social. Car plus on produira d’oxymores, plus les gens soumis à cette sorte de double pensée (double bind) permanent, seront désorientés, et inaptes à penser et à accepter les mesures radicales qui s’imposeront. C’est ici le lieu de rappeler l’étymologie grecque d’oxymore, qui signifie « folie aiguë »**.

* LE MONDE du 7-8 avril 2019, La timide réponse du ministère de l’éducation nationale au mouvement des jeunes pour le climat

** in « La politique de l’oxymore » de Bertrand Méheust

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