épuisement des ressources

Un seul scénario nous promet de ne pas mourir de faim

Comment nourrir de façon saine et durable une population de près de 10 milliards de personnes en 2050 sans étendre les surfaces agricoles mondiales… tout en respectant simultanément les objectifs d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité ? Pour répondre à cette question, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont conduit durant quatre ans une démarche prospective pour construire cinq scénarios. Quatre scénarios nous font découvrir des avenirs menaçants : « Des usages des terres pilotés par la métropolisation », prolongement des tendances à l’œuvre ; « Des usages des terres pour des systèmes alimentaires régionaux », des accords limitent les échanges entre grandes régions du monde ; « Des usages des terres pour des ménages pluriactifs et mobiles », chacun fait ce qu’il veut ; « Des usages des terres pour des communautés rurales dans un monde fragmenté », avec des effets contrastés au sein de chaque région. Le scénario qui dessine une voie étroite et praticable vers la sécurité alimentaire dans un environnement préservé serait celui-ci : «  Des usages des terres pour des régimes alimentaires sains et de qualité. »*

Avec un tel titre, il paraîtrait impensable de ne pas s’en sortir ! Le problème, c’est qu’on ne voit nulle part les prémices d’un changement de pratique agricole. Le monde reste divisé entre un secteur agro-industriel sans avenir et une agriculture paysanne qui peine à survivre. De toute façon il n’y a pas et il n’y aura pas de gouvernance mondiale. Les commentateurs sur lemonde.fr étrillent cette prospective théorique :

le sceptique : Résumé rapide pour lecteur pressé : « à la demande des meilleurs décideurs-bureaucrates, nous avons mobilisé les meilleurs experts-bureaucrates pour penser l’avenir de la planète. Sur 5 scénarios, un seul promet de sauver le monde: celui qui repose sur des politiques publiques fortes, c’est-à-dire sur l’extension de la bureaucratie du bonheur dont nous sommes les modestes serviteurs. Merci de votre attention, payez bien vos impôts.« 

On attend des explications : Curieuses simulations qui globalisent d’un côté. Mais le Burkina et la Beauce suivraient-ils la même trajectoire et seraient-ils soumis à la même politique ? Et qui particularisent de l’autre avec une agriculture toute seule sans lien avec les mobilités, les industries, la vie ?

Claude Hutin : On ne peut pas dire que cela soit très concret. Sans doute pour éviter les polémiques, les auteurs évitent les questions qui divisent : OGM; pesticides, courants européens bio, nouvelles technologies génétiques (riz doré, …), subventions… On suppose qu’il faut se reporter aux scénarios in extenso pour en comprendre vraiment le contenu.

PIERRE DUMONT : Tout scénario qui ne prend pas en compte l’impact socio-économique des dégâts du dérèglement ni les fortes probabilités pour des affrontement armés de moyenne intensité est un scenario de fantaisie. Et c’est bien le problème des spécialistes, un gourou des cerfs volants y trouvera une solution universelle…

MP : « Comment nourrir de façon saine et durable une population de près de 10 milliards de personnes en 2050 sans étendre les surfaces agricoles mondiales, tout en respectant simultanément les objectifs d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité ? » Réponse : ça ne se produira pas ! Soit on ne sera pas 10 milliards en 2050, soit la moitié de la population crèvera de faim.

Realiste : le problème, la démographie humaine ! A notre petit niveau en France, on continue à subventionner les naissances, alloc., congés maternité, etc !!

Jérôme : Je serais favorable pour supprimer toute incitation à avoir + de 1 ou 2 enfants. Mais démographiquement le problème ne se pose pas en France (pas par le solde naturel). C’est plutôt du côté de l’Asie et surtout de l’Afrique que ça risque de devenir très compliqué pour nourrir la population. La population africaine devrait tripler d’ici la fin du siècle. Je doute que leur prod agricole, déjà insuffisante, en fasse autant.

* LE MONDE du 15 novembre 2018, « Cinq scénarios pour l’avenir alimentaire de la planète en 2050 »

Un seul scénario nous promet de ne pas mourir de faim Lire la suite »

Huit scénarios du futur éclaté de l’agriculture

L’agrégation des innombrables actions des individus, entreprises, groupes, Etats fabrique et construit le futur. Mais cela, sans guère de coordination et avec en général la recherche par chacun des intérêts de sa communauté. Quelle peut être alors la résultante des milliards d’actions des hommes, groupes, firmes, pays ? Un avenir chaotique ? Ou bien harmonieux grâce à une « main invisible » ou des actions et processus de gouvernance permettant in fine la création et l’obtention du bien commun ? Les éléments des scénarios du futur de l’agriculture que l’on peut glaner ici ou là apparaissent très variés et contrastés. Ils sont selon le cas :

Gris métal. Robots, drones, satellites, GPS, agriculture numérique et alimentation connectée sont partout à l’œuvre de la graine à l’assiette. Certaines firmes captent et synthétisent ces données pour prévoir niveaux et qualités des récoltes, tendances de consommation et ainsi anticiper les prix et spéculer sur leur évolution.

Vert pomme. Les maîtres mots sont tout bio, tout écolo, petites fermes, agriculteurs nombreux, vente directe, circuits courts, relocalisation des productions, diversification, permaculture, agroécologie. Cependant ce jardin d’éden a des difficultés à être étendu partout car la production peut être insuffisante en certains lieux et la concurrence avec d’autres modèles de production demeure féroce.

Noir noir. Changement climatique, chaleur torride, sécheresses, épidémies déciment hommes, plantes, animaux et entraînent des migrations massives en raison de la régression des terres cultivables. Pour la majorité, la vie devient une survie très difficile, malnutrition et famines s’étendent, la population mondiale diminue.

Violet pourpre. Après une guerre atomique et toutes ses répercussions, des groupes d’individus qui ont pu en réchapper tentent de survivre sur une planète où la nature – un peu modifiée – reprend tous ses droits. Une nouvelle ère commence.

Bleu céleste. L’humanité a disparu (guerre, virus, pandémie… on ne sait). La terre sort de l’anthropocène et commence une nouvelle ère sans l’espèce humaine. La petite parenthèse avec la présence de cette dernière se referme.

Rouge sang. Les inégalités se sont exacerbées avec le changement climatique et la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information, de la communication, des biotechnologies et des nanotechnologies. Le chacun pour soi règne. La terre est partagée entre des zones pour les riches protégées par high-tech et des zones pour les pauvres frappés d’un chômage massif avec la robotisation.

–  Vert vitreux. Il n’y a plus d’agriculture ni d’élevage. On se nourrit d’aliments de synthèse issus de culture de cellules très sophistiquée. Cela donne des aliments aux goûts sublimes, adaptés par nutrigénomique au profil génétique et au mode de vie de chacun, d’où une santé impeccable, un cerveau aux capacités décuplées et finalement un homme augmenté avec une longue espérance de vie. Les anciennes surfaces cultivées sont devenues d’immenses zones et parcs où nature et biodiversité prospèrent.

Rose vert. Une très longue transition aboutissant à une métamorphose conduit à un nouveau mode de production coopératif et synergique entre les hommes eux-mêmes et avec la nature. Solidarité, mutualisme, équité, coopération, agroécologie, symbiose hommes/nature permettent aux hommes de vivre et à la biodiversité de fleurir.

Comment individus, groupes, firmes, Etats, peuvent-ils construire un futur qui soit un bien commun pour tous les hommes, la planète, la nature, la biodiversité ? Comment les connaissances accumulées dans toutes les activités, pratiques et sciences peuvent-elles y contribuer ?

Par Sylvie Bonny, chercheur à l’Inra (envoi d’un de nos correspondants)

http://controverses-europeennes.eu/les-contributions/les-contributions-2018/les-hommes-font-lavenir-mais-ils-ne-savent-pas-lavenir-quils-font/

Huit scénarios du futur éclaté de l’agriculture Lire la suite »

L’addition des énergies mène droit à la crise ultime

Transition énergétique, un mot valise qui édulcore une sinistre réalité. Jean -Baptiste Fressoz* souligne à juste titre que la « transition » devrait s’appeler « crise énergétique » ou « gap énergétique ». Mais dire « transition » plutôt que « crise » rend le futur beaucoup moins anxiogène en l’arrimant à une rationalité planificatrice et gestionnaire. Ainsi va un monde où il ne faut plus culpabiliser les gens, ni parler d’écologie punitive, encore moins de sang, de larmes et de sueurs. La croissance économique s’est transformée en oxymore avec le développement durable , puis en imbécillité avec la croissance verte. Cette mollesse de la pensée qui s’appelle transition nous a incité à aller de l’avant sans se soucier des conséquences.

C’est cet optimisme irréaliste qui nous a fait accumuler les « additions énergétiques » et non amorcer une profonde transformation, pour ainsi dire une révolution. Le gaz d’éclairage n’a pas supprimé les bougies, les machines à vapeur n’ont pas remplacé la force musculaire, on ajoute le bois au charbon, le charbon au pétrole, le pétrole au nucléaire, le renouvelable au nucléaire. Toujours plus est le maître mot de notre période qui vit sur l’illusion d’une croissance basée sur l’épuisement de toutes les sources d’énergie sans exception. Dans ce contexte, la vulgate gouvernementale d’opérer la transition énergétique par l’appel aux énergies non renouvelables oublie le fondement du nécessaire changement de comportement : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas.

Si nous voulions réellement ne pas dépasser les 1,5 °C de plus en 2100, il s’agit bel et bien de soustraire de notre mix énergétique les 85 % qui sont issus du charbon, du pétrole et du gaz. Si nous voulions une société véritablement durable, il faudrait en outre sortir du nucléaire et des énergies renouvelables utilisant des métaux rares. La force musculaire, il n’y a rien de mieux. Et avec près de 7,7 milliards de personnes sur Terre, ce n’est pas cela qui manque !

* LE MONDE du 23 octobre 2018, Jean-Baptiste Fressoz : « L’expression “transition énergétique” est source de confusion »

L’addition des énergies mène droit à la crise ultime Lire la suite »

Tout va s’écrouler ? Même pas peur !

L’idée de catastrophe imprègne même des journaux traditionalistes comme LE MONDE. Ainsi le titre de ce blog est textuellement utilisé par Roger-Pol Droit* qui commence par citer le livre de Jared Diamond en 2006, « Effondrement » pour enchaîner sur la collapsologie, « Comment tout peut s’effondrer » publié en 2015. Eloi Laurent** s’épanche dans un autre article, « la croissance ne résoudra pas la crise de la coopération que nous vivons actuellement, dont lune des conséquences est la destruction aveugle de notre biosphère ». Mais l’apothéose se retrouve dans un numéro entièrement consacré à la transition écologique***, en particulier « l’Apocalypse, ça fatigue ». Retenons de cet ensemble quelques éléments clés sur lesquels nous ne pouvons qu’être d’accord.

– Confondre la fin d’un monde, et les soubresauts qu’elle entraîne, avec la fin du monde est une fâcheuse erreur.

– D’une certaine manière nous nous délectons de la ruine de la société et de la destruction de tout ce que nous aimons.

– La façon anxiogène dont le catastrophisme est présenté conduit notre cerveau à éviter totalement le sujet.

– Nous nous inquiétons, nous oublions, nous redécouvrons les problèmes ; nous n’échappons pas à leurs effets.

– En réalité, on ne sait pas du tout comment cela va finir.

– Explorons la collapsosophie, cette sagesse au bord du gouffre qui consiste à cultiver en nous la compassion, l’altruisme, la présence au monde et la spiritualité.

– Lorsque les comportements auront changé, les dirigeants suivront.

* LE MONDE des livres, 19 octobre 2018

** LE MONDE idées du 20 octobre 2018, Pourquoi coopérer plutôt que collaborer ?

*** LE MONDE l’époque du 21-22 octobre 2018, Opération transition

Tout va s’écrouler ? Même pas peur ! Lire la suite »

Une catastrophe prédite il y a déjà fort longtemps

La catastrophe est désormais une catégorie qui s’est imposée comme horizon pour n’importe quel citoyen. Pas besoin d’être un spécialiste pour savoir que notre civilisation va affronter des crises multiples ; tous les spécialistes le disent, qu’ils travaillent dans la dynamique des systèmes, ou climatologue, ou hydrologues, etc. LE MONDE* fait une rapide recension sur cette catastrophique prévision :

la journaliste Marion Rousset : « Nicolas Hulot, annonçait sa démission de ministre de l’écologie le 28 août, refusant de se faire plus longtemps le « complice de la catastrophe en cours »… Longtemps, les discours catastrophistes n’ont suscité qu’ironie ; ceux qui mettaient en garde contre un « renversement » du monde étaient considérés comme des illuminés… Mais le grand récit théologique de l’Apocalypse fait son retour au sein même de la science. En 2008, la revue Esprit publiait un numéro consacré au « Temps des catastrophes » mis au point avec le groupe 2040, un collectif de chercheurs qui estimait que cette date marquerait un tournant dans le processus de réchauffement climatique. Notre développement technologique et notre empreinte écologique se sont tellement accentués qu’on a vu arriver chez certains mathématiciens ou des physiciens, l’idée que cette accélération pouvait amener à une catastrophe. De plus en plus de paradigmes permettent de ­penser l’interaction entre des systèmes jusqu’alors déconnectés. »

biosphere : On peut remonter à bien avant 2008 pour connaître les premières alertes, elles se multiplient dès les années 1970. Un message, signé par 2 200 hommes de science de 23 pays, a été remis à U Thant, alors Secrétaire général des Nations unies, le 11 mai 1971. Il est adressé aux « trois milliards et demi d’habitants de la planète Terre ». On l’appelle le Message de Menton car il fut rédigé au cours d’une réunion qui s’est tenue dans cette ville du Sud de la France : « Nous savons que la Terre et tous ses habitants sont mal-en-point et que nos problèmes se multiplieront si nous négligeons de les résoudre… Nous vivons en système clos, totalement dépendants de la Terre, et pour notre vie et pour la vie des générations à venir... » L’année suivant était publié le rapport sur « Les Limites de la croissance » ou Rapport au Club de Rome. Pour expliquer à la population la problématique mondiale de l’écosystème, ce rapport avait choisi de s’appuyer sur la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay Wright Forrester au MIT (Massachusetts Institute of Technology) Il montre que, dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement bref de ces évolutions, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court. Mais « la plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est retreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. »

Dès cette époque, il y a presque cinquante ans, non seulement on prédisait l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle, mais on proposait des solutions. Pour les découvrir, elles sont recensées dans le livre de Michel Sourrouille, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », un livre de références indispensables.

* LE MONDE IDEES du 20 octobre 2018, La ou les catastrophes ?

Une catastrophe prédite il y a déjà fort longtemps Lire la suite »

Entre la terreur et la contrainte, il faudra choisir

Ecolo-totalitarisme ou fascisme tout court, tel sera notre avenir en situation de pénurie énergétique. Hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence et hausse du baril ajoutent actuellement leurs effets. La fiscalité verte concentre les critiques. Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2019, certains députés s’enflamment : « Le problème, c’est celui de l’acceptabilité de la fiscalité écologique quand elle vient se heurter au mur des réalités sociales. »…«  amputation hors norme du pouvoir d’achat »…« Il nous faut renforcer les mesures redistributives »…« Prendre dans le portefeuille des Français sous prétexte de répondre au défi climatique, ce n’est pas la bonne solution. »* Mais alors c’est quoi la bonne solution ? Attendre que ce soit le climat lui-même qui viennent prendre dans le portefeuille des Français ? Parce qu’au final c’est ce qui se passera. La solution, c’est donc d’avoir le courage politique de préserver le sort des générations futures. Mais comment s’y prendre en système de démocratie de masse où il est plus facile de se plaindre et contester que de faire preuve de courage ?

Pour le professeur de philosophie Thomas Schauder, il nous faut des contraintes : « Si nous ne diminuons pas nos émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici à 2030, nous courons vers la catastrophe… Comment peut-on avoir confiance dans la capacité de nos dirigeants à changer de cap ? Mais surtout, peut-on nous faire confiance à nous-mêmes, nous autres citoyens consommateurs ? Sommes-nous prêts à remettre en question nos manières de vivre et de consommer ? Ainsi le problème de la contrainte mérite d’être posé. Labsence de limite vient se heurter à la limite des ressources. L’État doit intervenir davantage dans nos vies, obliger les gens à covoiturer, interdire l’achat d’un nouveau téléphone tant que celui qu’on possède fonctionne correctement, instaurer une politique de l’enfant unique. Des restrictions comparables de nos libertés individuelles sont parfaitement acceptées dès lors qu’il s’agit de lutter contre le terrorisme. Nous avons accepté qu’on nous filme, nous fouille, nous censure.… Soit la loi doit contraindre la production et la consommation, soit la Terre se chargera de le faire. »

Que l’écologisme en soit à envisager un pouvoir fort pour imposer ses mesures n’est pas nouveau. En 1979 dans « Le principe responsabilité », Hans Jonas s’exprimait ainsi : « La tyrannie communiste paraît mieux capable de réaliser nos buts inconfortables que le complexe capitaliste-démocratique-libéral. » En fait la dictature du prolétariat a montré son inanité écologique et l’extrême droite fait de même aujourd’hui ; de plus en plus de pays se tournent vers la « démocratie illibérale », nationalisme exacerbé et volonté de museler la presse, tout en méprisant ouvertement la question écologique. Alors la solution viendra de nos élites dirigeantes traditionnelles qui déclareront l’état de guerre écologique quand la planète deviendra exsangue. Prenons l’exemple de Gilles Boyer, actuel conseiller politique d’Édouard Philippe. Cet ancien directeur de campagne d’Alain Juppé a écrit un essai incisif, Un monde pour Stella. Sa conclusion :

« Le président des États-Unis, le Secrétaire général du parti communiste chinois, le Président russe… ont annoncé ce jour la création d’une Organisation mondiale qui aura vocation à réguler tout phénomène économique, social ou environnemental qui, de par ses causes ou ses conséquences, dépasse le cadre des frontières étatiques et ne peut qu’être abordé au niveau mondial dans l’intérêt général de l’Humanité. Ses principaux objectifs seront la maîtrise démographique et la réduction des inégalités, la construction d’une économie mondiale saine, l’entretien de systèmes soutenables en termes de ressources naturelles, de terres, d’énergie, de biodiversité, et enfin la régulation du climat. Face à l’urgence , des mesures s’imposent à tous dès le 1er septembre de cette année, notamment la limitation stricte des naissances à une par femme dans le monde entier, une taxation mondiale sur les gaz à effet de serre, tant pour les entreprises que pour les particuliers, une interdiction de la production et de la consommation de viande rouge, une interdiction de l’abattage des arbres sauf dans les zones strictement délimitées, un couvre-feu mondial à 22h30 pour économiser l’énergie dans les zones non équipées en énergies renouvelables .» Gilles Boyer poursuivait : « Ces mesures peuvent sembler autoritaires et brutales. Elles nous sont imposées par notre laisser-aller collectif depuis des décennies. Toutes ont en commun la recherche de l’intérêt général du genre humain. Leur application sera assurée par une force de police, reconnaissables par leurs casques verts, et qui auront tout pouvoir pour signaler et réprimer les manquements constatés. La Déclaration universelle des droits de l’Homme sera refondée pour y inclure des devoirs… »

* LE MONDE du 18 octobre 2018, Budget 2019 : la majorité se heurte au casse-tête de la fiscalité verte

** LE MONDE du 18 octobre 2018, « Après le rapport sur le climat, la question de la contrainte mérite d’être posée »

Entre la terreur et la contrainte, il faudra choisir Lire la suite »

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel !

Un bon économiste est d’abord un bon écologiste. Mais la Banque de Suède, qui a attribué le « prix Nobel » d’économie aux Américains William Nordhaus et Paul Romer, ne le sait pas encore. Les colauréats ont paraît-il « mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète »*. Comme chacun devrait savoir, une personne qui croit encore qu’une croissance à long terme est possible dans un système planétaire clos (dont on a déjà transgressé toutes les limites) est soit un fou, soit un économiste.

Paul Romer vit encore dans l’illusion technologique, « demain on rasera gratis ». Il n’a aucune conscience des contraintes biophysiques. Pour lui, l’innovation permettra la croissance, une « croissance endogène » générée par la recombinaison permanente des facteurs de production existants, travail et capital. L’épuisement de toutes les ressources naturelles, c’est exogène, à l’extérieur, il s’en fout. On n’aura plus de pétrole, mais on aura des idées ! Il accuse ses collègues macroéconomistes de « faire tourner » des modèles mathématiques sans rapport avec le réel, sans se rendre compte que sa conception microéconomique (le jeu des acteurs individuels) est semblable aux rituels religieux d’un clergé voué au culte de l’infaillibilité de la théorie économique néoclassique. Le marché cannibalise ses propres conditions d’existence en surexploitant des ressources considérées comme gratuites. Confier le sort de la planète à la rationalité des marchés est un acte de foi dangereux.

William Nordhaus est encore plus inconséquent. S’il est le pionnier de la notion de prix du carbone par tonne de CO2 comme incitation à la transition énergétique, c’est pour mieux étouffer le concept en fixant un prix du carbone ridiculement bas : business as usual, il suffit de choisir le bon taux d’actualisation qui conforte le présent. William Nordhaus est un exemple typique de comportement aveugle. Dès 1972, William Nordhaus critiquait le rapport du MIT sur les limites de la croissance en reprochant à ce modèle de ne pas tenir compte du changement technologique qui permettrait d’économiser des ressources. En 1982, Nordhaus a fait valoir que le réchauffement climatique pourrait être économiquement bénéfique, provoquant jusqu’à 5 % de croissance de la production mondiale ; hausse de la productivité agricole et avantages du réchauffement dans les pays froids. Il se basait sur des projections qui seront discréditées plus tard. En 1992, Nordhaus concluait encore : « Le changement climatique va probablement produire une combinaison de gains et de pertes, sans aucune présomption forte de préjudices économiques nets substantiels. » Nordhaus soutient que les activités humaines ont un effet négligeable, contrairement à de nombreuses études qui prouvent la dégradation. En 2008, Nordhaus soutient toujours que les réductions de 80 à 90 % des émissions des pays riches pour 2050, réductions préconisées par les scientifiques, sont trop coûteuses par rapport aux bénéfices qu’on en attend. La réaction « optimale », selon lui, consiste à laisser les émissions augmenter de 25 %. Mieux vaudrait laisser monter les températures et subir les dégâts écosystémiques et les pertes humaines. L’éco-optimisme est aussi défendu par Herman Kahn, Milton Friedman, Bjorn Lomborg. On les a surnommés les cornucopiens, les économistes de la corne d’abondance, parce qu’ils sont persuadés qu’il n’y a aucune limite physique à la croissance.

* LE MONDE du 9 octobre 2018, Le « Nobel d’économie » attribué à deux Américains pour des travaux sur la croissance durable

pour en savoir plus lire La véritable richesse (une économie du temps retrouvé) de Juliet B.Schor, pour qui l’économie doit se coupler à l’écologie

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel ! Lire la suite »

Emmanuel Macron n’a pas écouté notre désespérance

Qui a dit : « L’avenir du monde, c’est celui de notre planète, qui est en train de se venger de la folie des hommes. La nature nous rappelle à l’ordre et nous intime d’assumer notre devoir d’humanité et de solidarité. Elle ne négociera pas, il revient à l’humanité de se défendre en la protégeant… » C’est Emmanuel Macron, intronisé le 26 septembre par le PNUE « Champion de la Terre ». Voici le commentaire qu’en tire le journaliste Stéphane Foucart dans sa chronique du MONDE* : « Comme la majorité des autres dirigeants du monde, Emmanuel Macron assure que la catastrophe est à nos portes, mais poursuit avec entêtement le business as usual, avec pour seul horizon de l’intensifier toujours plus, et avec lui toutes les causes du réchauffement en cours. »

Voici maintenant l’analyse de « jeavie »  sur lemonde.fr : « Ce que cet article confirme et qu’on savait déjà c’est que Macron (qui se contente de prononcer ses discours rédigés par un autre) a une excellente plume qui sait trouver les accents et les formules qui font mouche. Pour une fois je suis d’accord avec S Foucart, quelques belles paroles ne font pas une politique. Chirac avait commencer avec son fameux « La planète brûle et nous regardons ailleurs » et s’était empresser de regarder ailleurs, comme Macron… »

Les politiques passent et les désastres s’amplifient ! A vos commentaires sur ce blog, QUE FAIRE ?

* LE MONDE du 30 septembre 1er octobre 2018, Au Championnat de la Terre

Emmanuel Macron n’a pas écouté notre désespérance Lire la suite »

Emmanuel Macron, écoute notre désespérance !

Nous vivons dans une époque épouvantable pour les générations qui viennent. Et déjà pour nous. On va connaître au moins 3 °C de réchauffement climatique. Je ne vais pas énumérer tout ce qu’on sait sur les conséquences sur la flore, la faune, l’eau, l’air, la terre. ­L’humanité est en train de se saccager elle-même. Les politiques font un colloque, ils sont contents, ils signent, et rien ne se passe. C’est un sujet gravissime auquel je pense chaque jour. L’être ­humain ne réagit que quand il a de l’eau dans les narines, et il va y avoir beaucoup de morts. Par sécheresse. Par concassage de toute la chaîne écologique. Et par guerres. Pour l’eau, pour la nourriture. Si on arrêtait aujourd’hui toutes les usines polluantes, les voitures, etc., on aurait malgré tout un réchauffement de 2 °C. Pour encourager les plus jeunes, je leur dis qu’on va connaître le premier tournant vers le mieux. On va être obligés de revenir à des modes de vie plus raisonnables. Toutefois, quand on voit que la première puissance mondiale a mis à sa tête Donald Trump, il est possible que l’humanité aille à sa perte et qu’on perde la moitié des humains sur Terre, qu’on ait un phénomène semblable à la peste, qui a tué un bon tiers de l’humanité. Qui peut souhaiter ça ? Par exemple, que va-t-il se passer quand l’eau douce va se répandre dans l’océan, bouleversant toute la faune ? On ne peut pas rester assis sur une chaise et pleurer.

(Fred Vargas in LE MONDE du 9-10 juillet 2017)

Emmanuel Macron, écoute notre désespérance ! Lire la suite »

Le baril de pétrole à 80 dollars, ridiculement bas !

Pour la première fois, la barre historique des 100 millions de barils produits par jour a été franchie au mois d’août, soit 15 900 000 000 litres, soit environ deux litre par jour et par habitant au niveau mondial ! C’est vertigineux, démentiel, non durable. La prise de conscience planétaire pour le climat, le fait de devoir laisser les ressources fossiles sous terre pour éviter la catastrophe est encore loin. Pour rester en dessous de la barre symbolique de 2°C d’augmentation de la température mondiale, il faudrait en effet s’abstenir d’extraire un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % du charbon disponibles dans le sous-sol mondial. Or les pays membres de l’OPEP, le cartel des exportateurs de pétrole, ont pourtant augmenté leur production ces derniers mois.

Il est vrai que la demande mondiale est soutenue par un prix du pétrole qui reste à un niveau ridiculement bas : le baril de brent reste en dessous des 80 dollars, soit un demi dollar par litre. C’est moins cher que le Coca Cola qui n’est que de l’eau gazéifiée avec un colorant alors que le pétrole a demandé des millions d’années pour se fabriquer. Comme d’habitude LE MONDE*, journal dit de référence, s’intéresse aux variations conjoncturelles du prix du pétrole et pas du tout aux fondamentaux, la disparation inéluctable d’une ressource très précieuse et le réchauffement climatique dû à sa combustion. L’AIE, cette officine au service de la croissance économique mondiale, s’inquiète : « Nous entrons dans une période cruciale…Si les exportations iraniennes et vénézuéliennes continuent de tomber, les marchés vont se tendre et les prix augmenter. » Le secrétaire d’État américain à l’énergie, son homologue russe et le ministre saoudien du pétrole aux Etats-Unis plaident tous pour une baisse des prix de l’or noir de peur que des cours élevés ne pèsent sur la demande ! Face à la folie furieuse de nos dirigeants aux service de la boulimie d’essence des consommateurs, il faut rappeler les données de base d’un raisonnement fiable, la connaissance de ce qui constitue le pic pétrolier et un choc pétrolier. L’un porte sur les quantités et l’autre sur le prix, mais les deux phénomènes sont bien sûr reliés.

Nous avons déjà dépassé le pic pétrolier, le moment où nous avons atteint le maximum de production possible avant le déclin, comme l’avait déjà signalé l’AIE : « La production de pétrole conventionnel a atteint son pic historique en 2006, elle ne le redépassera jamais. » Et Donald Trump ne peut rien contre les réalités géologiques. Nous sommes donc dans une période de descente énergétique, mais les efforts technologiques démesurés de prospection et les pétroles non conventionnels nous cachent cette réalité. Les majors ont de plus en plus de mal à trouver et produire autant de pétrole qu’elles le voudraient. Exxon, BP et les autres doivent s’aventurer toujours plus loin, tenter des projets toujours plus complexes, par exemple dans l’offshore ultra-profond ou la liquéfaction de gaz. Les coûts de production des grands pétroliers montent en flèche. La facture en Alberta pour les sables bitumineux se mesure aussi en dégâts environnementaux.

Le pic pétrolier entraînera inéluctablement une hausse du prix du baril quand les perspectives de court terme envisagés par les mécanismes de marché des hydrocarbures cesseront de nous leurrer. La répercussion sur l’activité économique sera non-linéaire, c’est le choc pétrolier. Cela signifie qu’au-delà de 200 dollars le baril, beaucoup de secteurs pourraient être incapables de faire face. On peut penser aux transports : le fret routier, les compagnies aériennes et toute l’industrie automobile souffriront très gravement d’un prix aussi élevé. Et puis il y aurait un effet domino sur l’ensemble des secteurs de l’économie. Jean Albert Grégoire nous avertissait dès 1979 : « Comment l’automobiliste pourrait-il admettre la pénurie lorsqu’il voit l’essence couler à flot dans les pompes et lorsqu’il s’agglutine à chaque congé dans des encombrements imbéciles ? L’observateur ne peut manquer d’être angoissé par le contraste entre l’insouciance de l’homme et la gravité des épreuves qui le guette. Comme le gouvernement crie au feu d’une voix rassurante et qu’on n’aperçoit pas d’incendie, personne n’y croit. Jusqu’au jour où la baraque flambera. » Pour Jean-Marc Jancovici, les carottes sont cuites.

* LE MONDE du 18 septembre 2018, Pétrole : la production mondiale atteint des records, les prix en hausse

Le baril de pétrole à 80 dollars, ridiculement bas ! Lire la suite »

La fièvre de l’or en Guyane, Macron est pour

La « Montagne d’or », un projet de gigantesque mine, mené en Guyane par le groupe russe Nordgold, associé au canadien Columbus Gold. Ce projet « participe pleinement au renouveau minier de la France », avait déclaré Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, aux Echos, en 2015 : « Il y a une richesse sous le territoire français, notamment de l’or. (…) Nous ferions une erreur profonde en ne l’exploitant pas. » Un investissement de 780 millions d’euros pourrait créer seulement 3 750 emplois. L’utilisation du très toxique cyanure est nécessaire pour récupérer la faible quantité d’or contenue dans la roche – environ 1,6 gramme par tonne de roche. ll faudra stocker des millions de tonnes de boues dangereusement polluées. Alors que Nicolas Hulot était très hostile au projet, François de Rugy semble pourtant disposé à l’accepter sous réserve de modifications. Le rapport issu de la consultation organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP) est circonspect. Au lieu de créer un consensus, le débat « semble avoir radicalisé » les positions, constate la CNDP. Certaines réunions ont tourné au pugilat.* La montagne d’or, un nouveau NDDL propice aux zadistes.

Un commentateur hystérique sur lemonde.fr, PHILI DAN, s’exclame : « La Guyane est un océan de forêt tropicale primaire, inexploitée car presque totalement inhabitée. Seuls des khmers verts fanatiques peuvent s’opposer à ce qu’on exploite quelques km2 sur les 83 534 km2 de territoire. Dans le monde entier il y a des mines d’or, d’argent, de cuivre, de plomb, de fer. Devrions-nous nous passer de tous ces métaux pour faire plaisir à quelques écolos extrémistes ? »

Nous lui répondons simplement par un très vieux texte toujours d’actualité : « Dans ce siècle d’argent, où l’argent est le dieu et la mesure universelle, une foule d’arts vains et frivoles s’exercent uniquement au service du luxe et du dérèglement. En Utopie au contraire, quand il y a encombrements de produits, les travaux journaliers sont suspendus, et un décret autorise une diminution sur la durée du travail, car le gouvernement ne cherche pas à fatiguer les citoyens par d’inutiles labeurs. L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable. C’est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté. La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. La nature invite tous les hommes à s’entraider mutuellement et à partager en commun le joyeux festin de la vie. » (Thomas More, 1516)

* LE MONDE du 8 septembre 2018, Le projet de Montagne d’or en Guyane va être revu pour obtenir le feu vert de l’Etat

La fièvre de l’or en Guyane, Macron est pour Lire la suite »

En écologie, les petits pas mènent au désastre

Au début on nie les chocs écologiques, ensuite on déconsidère ceux qui le prouvent, et à la fin on fait semblant de tenir compte des réalités biophysiques : « L’idéologie environnementale estime que la catastrophe est imminente et qu’il faut agir dans une urgence extrême pour transformer en profondeur le système économique. C’est profondément faux. Un militant « vert » ne peut pas être ministre de l’écologie. Nicolas Hulot déplore ses « petits pas » pour annoncer sa démission, les rêves butent sur la réalité.En matière de système énergétique et de comportements humains, les changements possibles ne sont pas de nature révolutionnaire. Les transformations souhaitées occuperont plusieurs générations. Le temps du progrès scientifique et technologique, celui des transitions énergétiques, est un temps long. Il n’y a en réalité qu’une seule politique, c’est celle réaliste, pragmatique et optimiste des « petits pas ». »* Cette politique des petits pas prônée par M. Fontecave part d’un parti-pris de principe, la subordination des lois de la nature à celles de l’économie. Il est vrai que quand on est à la fois membre de l’Académie des sciences et du Conseil scientifique d’EDF, on est un chaud partisan de la société thermo-industrielle et on ne peut bouger que lentement. Mais on n’a pas le temps, la température du globe bascule, les ressources fossiles seront épuisées dans très peu d’années, la consommation et la population continuent de croître à allure exponentielle…

« Il y aura dans moins de vingt-cinq ans une telle accumulation de gaz à effet de serre que la température moyenne de la Terre sera supérieure de plus de 2 °C à ce qu’elle était avant la révolution industrielle, l’humanité n’aura pas cessé de gaspiller le capital naturel, elle se trouvera complètement désarmée face à un chaos généralisé. Que restera-t-il de la démocratie et même de tout sentiment moral lorsqu’il aura fallu choisir entre accepter que l’Europe soit submergée par des dizaines de millions de migrants fuyant des situations encore plus désespérées, ou accepter d’utiliser, pour les repousser, tous les moyens disponibles ? Face aux perspectives d’effondrement auxquelles nous sommes confrontés, les demi-mesures ne constituent pas une réponse rationnelle. Ce que font ceux qui aujourd’hui ont du pouvoir, politique ou économique, ne contribue guère à nous écarter de la trajectoire qui mène au désastre, quand cela ne nous y pousse pas. A chacun son optimisme ou son pessimisme. Au moins l’hypocrisie n’a-t-elle plus aucune excuse. » Cette analyse étayé est émis par le président du Conseil scientifique de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Claude Henry est beaucoup plus « réaliste » que Marc Fontecave. Il émet trois propositions :

– réorienter la pression fiscale sur les activités et produits qui contribuent significativement à la dégradation du capital naturel, de manière à changer les modes de production et les comportements de consommation.

– organiser la faillite des entreprises qui contribuent le plus à la dégradation du capital naturel et qui font le plus obstacle à la transition écologique et économique. Il s’agit en particulier des entreprises productrices d’énergies fossiles ainsi que d’une grande partie du secteur de la chimie.

– substituer un modèle d’agriculture fondé sur la biologie au modèle fondé sur la chimie. Elle est fondée sur la richesse vivante des écosystèmes, l

* LE MONDE du 4 septembre 2018, N’attendons pas de révolution écologique, avançons à petits pas

** LE MONDE du 6 septembre 2018, Claude Henry : « Trois mesures pour sortir du désastre écologique »

En écologie, les petits pas mènent au désastre Lire la suite »

Un monde de béton qui va s’écrouler inéluctablement

L’écroulement du pont Morandi, à Gênes, mardi 14 août 2018, pose le problème de la « bétonisation » du monde. Aujourd’hui dans LEMONDE**, l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz s’interroge sur la pérennité du béton : « Le béton est, en masse, le matériau le plus abondant fabriqué par l’humanité, loin devant l’acier. 60 milliards de tonnes de ciment ont été produites depuis 1945 dans le monde, ciment qui aura permis de couler au moins 500 milliards de tonnes de béton (mélange de sable, de gravier et de ciment). Le plus spectaculaire reste la bétonisation de la Chine. En masse, la Chine produit actuellement environ 2 milliards de tonnes de ciment par an, soit vingt fois plus que les Etats-Unis à leur pic de production. Autrement dit, en à peine trois ans, la Chine a coulé plus de béton que les Etats-Unis pendant tout le XXe siècle ! Mais le béton, contrairement à l’expression proverbiale, n’est pas un matériau inaltérable, loin s’en faut. Les vibrations, les contraintes qu’il subit, le gel, les altération de l’armature le fragilisent en permanence. La durée de vie d’une infrastructure en béton varie suivant la qualité de l’ouvrage, mais tourne, selon les experts, autour de soixante ans. Cela signifie que beaucoup d’infrastructures construites dans les années 1950-1970 en Europe et aux Etats-Unis – routes, tunnels, ponts, barrages et… centrales nucléaires – atteignent leur fin de vie ou nécessitent des travaux considérables. En France, les investissements d’entretien représentent 70 % des investissements routiers. L’Etat dépense 80 000 euros par an pour chaque kilomètre de route nationale.Si l’on extrapole à partir de ces chiffres sur le cas chinois, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de milliards de dollars que la Chine devra débourser pour maintenir en état les montagnes de béton qu’elle a coulées ces dernières décennies. L’effondrement du viaduc de Gênes nous confronte soudain à la réalité de notre monde technique : un monde de béton sur lequel techniciens et ouvriers doivent travailler sans relâche pour éviter qu’il ne s’écroule. »

Bien entendu on peut toujours contester les chiffres. Selon Swisslife, la structure (béton ou briques), qui constitue le «squelette» du bâtiment, doit être restaurée au bout de 70 à 100 ans. D’autres experts se refusent à dater la durabilité du béton tant ce matériau leur paraît éternel. On fait référence au béton des anciens romains, leurs ponts sont presque toujours en bon état. Dans un livre de 2012 Jean-Baptiste Fressoz constate qu’après les catastrophes, il faut des discours et des dispositions morales qui les neutralisent, atténuent leur dimension éthique pour les rendre compatibles avec la continuation du projet technologique** : « Les normes de sécurité, les consultations publiques, les procédures d’autorisation qui prétendaient connaître et contenir le risque eurent généralement pour conséquence de légitimer le fait accompli technologique. »

En fait, 60 ans ou 100 ans pour une infrastructure, ce n’est rien si on peut réparer et consolider. Or le problème de la société thermo-industrielle, c’est qu’elle construit à tout va des buildings gigantesques ou des ponts démesurés dont l’entretien demandera de l’énergie, beaucoup d’énergie fossile ; dans 60 ans ou 100 ans, c’est cela qui manquera le plus. Le plus inquiétant, c’est que nous bâtissons, que ce soit au sens propre ou figuré, sur du sable. Les tours de New York et ailleurs a reconstruire tous les 200 ans, peut-être, mais avec quel sable ? Comme il faut deux tiers de sable et de graviers et un tiers de ciment pour produire du béton, ce granulat est devenu la deuxième ressource naturelle la plus consommée sur la planète, après l’eau et devant le pétrole. Chaque année, au moins 15 milliards de tonnes seraient ainsi récoltées dans le monde – ramassées à la pelle, aspirées dans la mer par des bateaux-dragueurs ou extraites de carrières –, au point de menacer certaines plages de disparition. Sans vouloir être trop alarmiste, la situation devient catastrophique. Si nous devions revenir aux techniques constructives en vigueur à l’époque romaine (pierres extraites à la pelle et à la pioche, transportés par barges, montées par poulies à la force des bras), les ponts et logements demanderaient 30 à 1000 fois plus de temps pour être construits, et surtout coûteraient tellement cher qu’il s’en construirait 50 à 100 fois moins dans l’année.

* LE MONDE éco du 29 août 2018, Gênes ou la réalité d’un monde de béton

** Jean-Baptiste Fressoz, l’apocalypse joyeuse, aux éditions du Seuil (février 2012)

Un monde de béton qui va s’écrouler inéluctablement Lire la suite »

Gilbert Rist, la tragédie de la croissance

extraits de son livre* : Sur le plan théorique, il s’agit de combattre une double erreur. La première concerne notre rapport à la Nature, c’est-à-dire l’anthropocentrisme radical qui caractérise nos sociétés depuis la Renaissance. La seconde tient à l’individualisme et à l’utilitarisme qui ont progressivement fait du marché le principe unique de l’organisation sociale. Réduire l’épaisseur de la vie sociale à la rencontre intéressée d’individus prétendument rationnels ou envisager de résoudre les problèmes écologiques en créant des marchés fictifs relève soit de l’ignorance soit de l’imposture. L’obsession de la croissance vise à assurer le confort d’une minorité privilégiée qui tient le rôle des rois et des reines accrochées à un pouvoir devenu dérisoire : l’épuisement des ressources nécessaires à ce confort et la dégradation de l’environnement que cela entraîne représentent la figure du destin invisible mais inexorable. Paradoxalement, on dépense des sommes extraordinaires pour reproduire notre environnement au cas où des humains accepteraient de s’installer sur Mars, mais on tient pour négligeable la conservation du modèle que l’on cherche à copier.

Le modèle dominant souffre donc d’une tache aveugle rédhibitoire : il conçoit le système socio-économique comme totalement hors sol, réduisant la Nature à un simple décor de l’activité humaine. Cet anthropocentrisme exclusif est le signe d’une profonde ignorance. Il est à l’origine de l’inversion théorique qui, au lieu de considérer la société comme un sous-système du système écologique global (la biosphère) a fait croire que la « science » économique pouvait à elle seule organiser la vie sociale. Cette doctrine, qui promet le bonheur pour tous, conduit à la misère généralisée. Cette vision est devenue suicidaire.

Quels peuvent être les moteurs du changement ? Un sursaut collectif consisterait à appliquer la formule de Saint Just : « Attendre un mal général assez grand pour que l’opinion générale éprouve le besoin de faire le bien. » Certains comptent déjà sur l’exemplarité (ou effet d’entraînement). Ainsi il existe plus de 2000 villes en transition qui ont banni les voitures de leurs rues, pratiquent l’agriculture urbaine, promeuvent l’autonomie énergétique, règlent leurs échanges avec des monnaies locales. Mais l’État constitue pour l’instant le cadre indépassable de l’action politique. Les difficultés seront d’autant plus grandes que le débat politique devra dépasser les limites de la cité ou de la nation pour inclure dans les délibérations la voix des « collectifs muets » (les acteurs absents), pour ainsi dire considérer le Terrestre comme un nouvel acteur politique.

* Gilbert Rist, La tragédie de la croissance aux éditions SciencesPo (avril 2018)

Gilbert Rist, la tragédie de la croissance Lire la suite »

Alexandre Rojey, L’humanité a-t-elle un avenir ?

Dans son livre, Alexandre Rojey s’interroge sur « le monde qui vient ». Ses réponses sont multiples, mais ce que nous retenons surtout de ses écrits, c’est qu’un expert en développement durable et fondateur de think tank part du même diagnostic que notre blog biosphere :

« La technologie a déjoué jusqu’à présent les sombres prévisions de Malthus. Une population beaucoup plus nombreuse qu’à son époque (1798) a pu améliorer son niveau de vie de manière certes inégales, mais dans des proportions néanmoins impressionnantes. Il serait toutefois dangereux d’imaginer qu’une telle situation est acquise pour toujours. Les limites de la croissance sont peut-être proches, comme l’avait annoncé le rapport Meadows en 1972. Les accomplissements de la technologie paraissent souvent relever de la magie pour ceux qui en sont les simples utilisateurs. L’espoir d’un bonheur futur, mêlant promesses et mirages, remplace la religion comme guide. Malgré toutes les prouesses accomplies, le progrès techno-scientifique joue un rôle ambigu. Tout en offrant à l’humanité l’espoir de surmonter les défis auxquels elle est confrontée, il est également porteur de lourdes menaces. Tandis que la complexité des dispositifs techniques devient difficile à maîtriser, la résilience du sysme technico-économique s’affaiblit constamment. Le très haut niveau de connexion établi entre toutes les activités humaines accroît le risque de propagation d’un processus d’effondrement, capable d’affecter rapidement l’ensemble de l’édifice. L’impact des activités humaines sur l’environnement atteint un niveau qui est de moins en moins compatibles avec la préservation des écosystèmes. Pour conjurer ces nouveaux périls, l’humanité devrait progresser en sagesse à un rythme comparable à celui du progrès technique. Or il ne semble pas du tout certain que la nature humaine ait beaucoup évolué depuis la préhistoire. L’intelligence, censée guider l’humanité vers le progrès et le bien-être reste, comme au tout début de l’histoire, au service de la volonté de puissance. » (page 86-87)

Nous regrettons cependant que face à l’urgence écologique, Alexandre Rojey s’en tienne à des solutions trop modérées : «  La nouvelle organisation de la société privilégie les biens immatériels, réduisant ainsi la demande en ressources naturelles… La frugalité est spontanément acceptée comme un moyen de préserver l’environnement… Les mesures les plus difficiles à adopter sont introduites de façon progressives et sont appliquées avec pragmatisme, de façon à répondre aux attentes de chacun… Le retournement du regard vise à libérer la beauté, en lui rendant son caractère intemporel… Etc. »

Alexandre Rojey, L’humanité a-t-elle un avenir ? Lire la suite »

Guerre à la planète, et le seul ennemi c’est nous-même

Tout va très lentement en matière d’évolution culturelle. Il a fallu des millénaires à nos société civilisées pour établir l’égalité entre l’homme et la femme, et encore ce n’est pas encore une réalité dans tous les pays ! La question sociale a mis presque cent ans, entre le début du XIXe siècle et la fin du XIXe siècle, pour devenir le sujet principal des États européens. Il fallait faire un travail considérable de prise de conscience de l’exploitation dans une situation d’aliénation des travailleurs favorisée par un contexte patriarcal. Merci au manifeste du communisme (1848), merci à Karl Marx d’avoir su définir qui était l’ennemi (le capitaliste) et qui était l’ami (le prolétariat). Une fois l’élaboration d’un discours qui peut devenir commun, on peut en effet s’organiser et agir : constitution de syndicats malgré leur interdiction faite au moment de la révolution française, formation du parti communiste et de la mouvance socialiste. Cela n’a pas empêché la droite libérale d’avoir la suprématie politique la plupart du temps puisque ce sont les marchands qui ont pris le pouvoir depuis 1789.

Aujourd’hui nous sommes dans une situation paradoxale. Tous les paramètres biophysiques de la biosphère sont au rouge, il est donc absolument nécessaire d’agir de toute urgence dans un contexte d’épuisement accéléré de toutes les ressources naturelles et de réchauffement climatique inéluctable. Or il n’y a plus d’ennemi clairement désigné, nous faisons la guerre à la planète et nous sommes tous complices. Les riches dilapident les ressources fossiles et les pauvres détériorent souvent le milieu proche qui les faisaient vivre quand ils ne jouent pas à imiter les riches. Les politiques en restent encore à la question sociale et à la défense des avantages acquis, ils soutiennent l’activité économique et le pouvoir d’achat au détriment de la question écologique. Si les gouvernements s’assemblent périodiquement depuis plus de 23 ans dans des conférences sur le climat (COP21, 22, 23…), ce n’est pas de leur propre volonté. Ils ont été poussés par une autorité — ni étatique ni légale — mais une autorité quand même, le climat lui-même qui détériore nos conditions d’existence. Tel que les scientifiques l’ont modélisé, la menace climatique pèse sur les États, sans quoi ils ne se seraient pas réunis. Nous faisons la guerre à la planète, et la politique de la terre brûlée n’a jamais été source d’un avenir durable !

Les zadistes des zones à défendre ont fait une opération de grande importance, nous indiquer qu’on ne peut pas faire n’importe quoi de nos territoires qui sont aussi nos lieux de subsistance. Ils ont parfaitement raison de dire que les questions économiques sont des questions territoriales. Voulons-nous des avions ou la relocalisation  ? Voulons-nous des zones commerciales ou des zones humides ? Ceux qui veulent construire un aéroport sont hors sol, les zadistes nous montrent que nous devons nous ancrer dans un territoire déterminé et équilibré. Mais les zadistes ne sont qu’une minorité, alors que tous les citoyens devraient se sentir concernés. Il s’agit en effet d’assurer notre niveau de subsistance de façon durable. Il est difficile pour les gouvernements et les citoyens de se ressentir comme écologistes quand les pratiques habituelles vont toutes à la préoccupation de court terme au détriment du long terme… On privilégie les gaz d’échappement de sa voiture et on accentue la guerre à la planète sans en prendre conscience. Quand il y aura bientôt un nouveau choc pétrolier, cela risque d’être la crise ultime car c’est principalement le pétrole qui fait la croissance économique. Les jumeaux hydrocarbures forment un couple qui va bientôt nous terroriser. Une seule solution, pactiser avec la planète, changer radicalement notre façon de voir les choses, réduire drastiquement notre niveau de vie et notre population.

Guerre à la planète, et le seul ennemi c’est nous-même Lire la suite »

Bloquons la circulation sur la route des vacances

Ceux qui s’organisent pour interrompre la circulation sur une autoroute en créant ainsi un embouteillage monstre sur la route des vacances sont-il des terroristes ? Comment faire comprendre à nos concitoyens qu’en allant se bronzer sur une plage, on émet des gaz à effet de serre qui détraquent le climat ? Comment percevoir concrètement que notre mode de déplacement et notre niveau de vie découle de la destruction de la planète ? Le réchauffement climatique fait des victimes un peu partout dans le monde : la chaleur est un drame quotidien au Japon, la Grèce est ravagée par des incendies meurtriers, chaleur et sécheresse, la Suède suffoque… Sans compter qu’en 2017, au moins 207 défenseurs des droits à la terre et de l’environnement ont été tués, dans vingt-deux pays différents. On assassine des militants alors qu’ils tentaient de protéger leurs domiciles et leurs communautés contre l’extraction minière, l’agrobusiness et d’autres industries destructrices. Les rayons de nos supermarchés sont remplis de produits issus de ce carnage (cf. le rapport « At What Cost » de Global Witness).* Notre civilisation thermo-industrielle fait la guerre à la planète, il nous faut entrer en résistance même si les institutions gouvernementales sont du côté des forces du mal.

PHILÉMON FROG sur lemonde.fr fait preuve de pessimisme : « Les entreprises qui recherchent le profit à tout prix ne craignent pas de dévaster la planète, focalisées sur le court terme, indifférentes à l’état dans lequel elle se trouvera à la fin du siècle. Ce ne sont donc pas quelques humains qui vont les arrêter ! Il faudra un stade de destruction plus visible, plus tangible, dans 25-30 ans, pour que la prise de conscience de l’opinion se transforme en pression sur les gouvernements et que ces entreprises soient mises hors d’état de nuire. » Mais il attaque les entreprises, il ne cite pas notre comportement de consommateur de vitesse et de futilités. Nous sommes tous co-responsables du désastre en cours, nous pouvons modifier le cours des événements en changeant notre comportement, mais nous pouvons aussi nous organiser collectivement

Il suffit à un individu écologiquement conscient de mettre en place, à son domicile ou dans un lieu de son choix, un centre d’information/formation en créant une bibliothèque. Les participants apportent un ou plusieurs livres pour créer rapidement un fonds collectif. A partir de la formation d’un groupe transpartisan, on peut alors au niveau de son territoire proposer une réunion mensuelle. L’ordre du jour débuterait par une courte discussion sur les événements d’actualité pour créer un lien entre les membres du groupe, chacun s’exprimant à tour de rôle. Ensuite on envisagerait les actions possibles, d’abord au niveau individuel : qu’est-ce que je fais personnellement pour avoir un mode de vie écolo. On met aussi en commun son expérience associative ou politique en matière d’environnement. Enfin on s’interroge au niveau collectif sur les actions locales à mener, les sujets d’intervention ne manquent pas. On peut organiser localement des projections de films, ce serait intéressant de pouvoir projeter « Woman at War » par exemple. On peut faire venir des intervenants pour une conférences-débat. On peut même être plus incisif. Pensons à la lutte contre les panneaux publicitaires, contre les projets inutiles locaux, contre les atteintes à la nature près de notre jardin, etc. Le groupe de réflexion se transforme alors en groupe d’action. Nous avons la chance en France de ne pas risquer sa vie, même en faisant des actions illégales d’activisme écolo. Ce n’est pas le cas ailleurs, des militants se font tuer alors que qu’ils veulent simplement protéger la durabilité de nos ressources et la santé de notre environnement… Évitons de partir en vacances au loin, c’est le début de l’activisme !

* LE MONDE du 25 juillet 2018, 2017 année la plus meurtrière pour les défenseurs de l’environnement

Bloquons la circulation sur la route des vacances Lire la suite »

Un futur sans eau potable, très probable

Après le gaz et l’électricité, l’eau ! Tout augmente, bientôt ne pourront payer que les solvables. Après la précarité énergétique, bientôt les déclassés iront chercher directement l’eau au puits… très pollué ou trop absent de l’environnement urbain !

Lors de la première phase des Assises de l’eau, le gouvernement plaide pour une hausse des tarifs de l’eau afin de financer la rénovation des canalisations et des usines d’assainissement vieillissantes. « Il y a trois manières de financer, et c’est aux hommes politiques de prendre la décision : le tarif, l’impôt ou la dette, qui se transforme finalement en impôts », résume le directeur général de Suez. « La première phase des Assises a montré que l’essentiel du financement des infrastructures devait provenir de la facture d’eau », a récemment prévenu Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique. La problématique de l’eau va bien au-delà de la modernisation des installations et de leur financement. La deuxième phase des assises, qui doit débuter en septembre, élargira la réflexion sur la qualité de la ressource, la diversité de ses usages et les conséquences du réchauffement climatique…*

Et dire que les adeptes des supermarchés préfèrent généralement l’eau en bouteille (plastique) que l’eau du robinet. Au fil des décennies, on a fini par oublier à quel point disposer chez soi d’eau potable rien qu’en tournant un robinet était un luxe, et on pense aujourd’hui que ça va de soi . Mais passons deux jours sans eau au robinet, et on se rend compte de la galère ! En période de descente énergétique (il faut de l’énergie pour amener l’eau au robinet après l’avoir dépolluée), l’eau deviendra en France un bien rare. Mais dans d’autres pays, la majorité des gens vivent déjà des temps de stress hydrique, d’épuisement des nappes phréatiques, de pollutions diverses de l’eau, etc. Urbanisation, surpopulation, sur-pollutions, agriculture intensive, la problématique de l’eau révèle l’impuissance du complexe thermo-industriel à nous mener sur les voies d’un futur acceptable.

* LE MONDE économie du 20 juillet 2018, La hausse du prix de l’eau est inévitable)

Un futur sans eau potable, très probable Lire la suite »

Limites écolo du « en même temps » gouvernemental

Un article de Stéphane Foucart dans LE MONDE* à lire absolument. Nous en retenons ici l’absurde du raisonnement de nos élites qui savent et en même temps ne veulent rien faire :

Le 2 juillet, on a ainsi pu voir le premier ministre Edouard Philippe et Nicolas Hulot, dans un « Facebook Live » consacré à l’environnement, deviser tranquillement sur les enseignements d’Effondrement, l’une des œuvres majeures de Jared Diamond. Dans cet essai important sont rassemblés des exemples historiques montrant que des sociétés incapables de s’adapter aux bouleversements — naturels ou anthropiques — de leur environnement, ont sombré dans le chaos économique, social et politique, pour finalement disparaître. Les deux ministres présentent ainsi la lutte pour la préservation de l’environnement comme un enjeu littéralement vital pour la société. « Cette question me taraude beaucoup plus que certains peuvent l’imaginer, a dit M. Philippe. Comment fait-on pour que notre société humaine n’arrive pas au point où elle serait condamnée à s’effondrer ? » Edouard Philippe le sait bien : nul n’a jamais pu mettre en évidence une société qui serait parvenue à s’effondrer et, « en même temps », à ne pas s’effondrer.

* LE MONDE du 8-9 juillet 2018, Environnement : Les risques et les limites du “en même temps”

Limites écolo du « en même temps » gouvernemental Lire la suite »

Parlons dégradation des terres, pas du Mondial de foot

Hallucinant, la Commission européenne a un service scientifique dénommé JRC (Centre commun de recherche)*. Personne n’était au courant ! Ils font la promotion d’un Atlas mondial de la désertification, publié une première fois en 1992 lors Sommet de la Terre de Rio. Moins connue que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et que celle sur la diversité biologique (CDB), la Convention sur la lutte contre la désertification fait pourtant partie du triptyque imaginé au sommet de Rio. Vingt satellites d’observation scrutaient la planète en 1992, ils sont près de cent aujourd’hui.

Chaque année, une surface équivalente à la moitié de la taille de l’Union européenne (UE) – soit plus de deux millions de kilomètres carrés – est dégradée, l’Afrique et l’Asie étant les deux continents les plus touchés ; plus de 50 % de la surface terrestre est aujourd’hui affectée par ce mécanisme lié aux variations climatiques et aux activités humaines. Au rythme actuel de l’expansion agricole, industrielle et minière, les forêts primaires auront, d’ici 2030, disparu au Paraguay, mais aussi au Laos ou en Guinée équatoriale. Les forêts de Centrafrique, du Nicaragua ou du Cambodge pourraient subir le même sort d’ici 2040.A l’horizon 2025, près des deux tiers de la population mondiale pourrait être confrontée à une situation de stress hydrique. Constatons que les migrants originaires d’Afrique subsaharienne viennent de zones rurales dégradées et qu’une bonne partie de la consommation des pays riches est produite à l’étranger. Tous responsables, tous coupables. Il n’est plus possible raisonner en silo, abordant d’un côté la question de l’usage de terre, de l’autre celle du changement climatique, du déclin de la biodiversité, de l’expansion démographique ou de l’urbanisation. Le rapport du JRC indique que l’augmentation attendue de la population mondiale, 9 milliards d’humains au milieu du siècle, rendra la pression sur les ressources naturelles quasi insupportable.

Catastrophe n’est pas un mot d’ordre, c’est une réalité. Mais il est vrai que commenter les résultats du Mondial de foot est beaucoup plus excitant que prévoir pour les décennies qui viennent famine mondiale, déplacements massifs de populations (700 millions d’ici 2050, agrandissez votre logement pour les recevoir) et conflits en tous genres (qui se multiplient déjà un peu partout) .

* LE MONDE du 4 janvier 2018, Dégradation massive des terres à l’échelle planétaire

Parlons dégradation des terres, pas du Mondial de foot Lire la suite »