spiritualités

Fin de vie. Les élucubrations d’une juriste

La mise en pratique de « l’aide active à mourir » était voulue par 76 % des participants à la convention citoyenne sur la fin de vie. Ce changement de paradigme est dur à avaler pour certains, mais en démocratie ce qui compte ce n’est pas le pouvoir des religieux, des politiques, des soignants ou des juristes, c’est la libre volonté des patients…

Marie Grosset, juriste : « Si chaque individu est « libre » de mettre fin à sa vie, ce geste n’est cependant ni un droit ni une liberté au sens juridique du terme. Le code pénal sanctionne pour non-assistance à personne en danger celui qui n’aurait pas tenté de sauver une personne confrontée à un péril imminent. Les acteurs du soin engagent leur responsabilité pénale lorsqu’ils manquent à leurs obligations de surveillance et que le patient hospitalisé dont ils ont la charge met fin à ses jours. Ce corpus de règles témoigne de deux valeurs essentielles qui fondent notre contrat social et irriguent tout le droit : le caractère primordial de la vie et le devoir de solidarité. Si la loi devait dorénavant garantir à l’individu la liberté de se suicider, ressurgira alors le débat pourtant clos depuis l’abolition de la peine de mort, de la valeur relative ou absolue de la vie. Pour apprécier le plus finement possible le caractère libre de la demande d’aide au suicide, le législateur renverra sans doute aux experts médicaux le soin d’évaluer le degré d’autonomie de la volonté du demandeur.

Sommes-nous prêts à plonger dans l’obscurité des âmes pour y déceler un souhait libre de mourir ? Au chevet du malade s’inviteront les avocats, les juges et les experts, et parfois même la presse. Supprimer les bornes claires qui fondent notre contrat social pourrait se révéler coûteux et déstabilisant pour la société à moyen et long terme. »

Pour une vie digne d’être vécu,

quelques commentaires sur le monde.fr

Emma : Rien ne me convainc dans cet argumentaire. Sous couvert de subtilité juridique, de lucidité sur les « risques » et de désir de poser à la « belle âme », on retrouve le même vieux fond conservateur hérité du catholicisme, qui a déjà contribué aux retards français en matière de droit à la contraception, à l’avortement, au mariage homosexuel, à la dépénalisation des drogues douces. Quand ces gens comprendront-ils que le temps des notables réacs qui imposent leurs valeurs à toute la société, c’est fini – ou du moins ça devrait l’être ?

Amadis : On plaidera la mauvaise foi, à défaut de l’ignorance, puisqu’elle est juriste en bioéthique. Elle oublie ainsi de mentionner que la CEDH considère « que le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de sa vie privée ».

Michel SOURROUILLE : « Le caractère primordial de la vie » est le fondement idéologique de la pensée de Marie Grosset. Cela veut dire, si cette dame était consciente de la portée de sa phase, qu’elle est contre l’interruption volontaire de grossesse (avec les religieux pro-life), contre les armées qui s’octroient le droit de tuer (même des civils), contre les polices qui font usage de leurs armes pour se défendre, contre la liberté absolue de l’individu de se suicider, liberté que personne ne peut empêcher de se concrétiser : même en prison, on se suicide. Cette « juriste » est plutôt le faux nez des tenants jusqu’au boutisme des soins palliatifs et du précepte divin « Tu ne tueras point » .

chary21 : après les religieux, certains soignants, voilà une juriste qui veut décider pour les autres dans un choix de fin de vie qui n’appartient qu’à la personne…

Gramoune : Mme Grosset réagit en « juriste », c’est-à-dire se focalise sur des arguties de lois, donc pour le commun des mortels, sur des mots, des virgules.. donc ce qui n’a rien à voir avec la RÉALITÉ de la vie, ou de la fin de vie. Donc, à mon avis, un article complètement à côté des personnes concernées.

MEKEDA : Après les médecins réacs et les religieux, les juristes s’y mettent. La demande de l’accès à un suicide légal moins barbare que nos méthodes artisanales actuelles sous le recours coûteux à l’étranger est une garantie de liberté. Personne n’est obligé d’y avoir recours. Le corps médical a eu le droit de prolonger la vie de manière très notable et souvent déraisonnable, pas toujours avec le plein accord des patients d’ailleurs. Je ne vois pas pourquoi leur bricolage de la vie serait plus éthique qu’une sortie volontaire. La France compte une population notable de grands vieillards, le sort qui leur est réservé dans les EHPAD ressemblent bien souvent à une transformation en semi légume, à prix d’or. Il faudrait vraiment regarder les choses en face et s’accorder sur la définition d’une vie digne et autonome et le droit d’en sortir de même manière et faire cesser l’hypocrisie ambiante.

Fer : De nombreux pays ont avancé dans le domaine. La France, pas du tout. Et ce genre de tribune, qui pose de vrai et de faux problèmes, ne fait que ralentir les choses…

Épi-Logos : Elle dit n’importe quoi comme prouve le fait que aux endroits (aux Pays) ou on l’à accepté (l’aide active a mourir) il ne se passe rien de toutes les risques quelle imagine. Et d’ailleurs si je vois quelqu’un se suicider je ne l’empercherait pas. De quel droit empêcher d’aider celui qui veut se suicider… Ou mourir.

Benkium : Il serait tout de même préférable qu’un cadre légal permette à ceux qui le souhaitent se suicider. L’absence de cadre pose des problèmes : retards de transports liés à ceux qui se suicident en se laissant déchiqueter, nombre de traumatismes psychologiques pour ceux qui sont témoins de telles scènes. S’il était légal pour chacun de pouvoir se rendre dans un centre spécialisé pour demander un traitement lui permettant de se suicider, cela éviterait nombre de conséquences néfastes, et faciliterait le travail médico-légal. Au nom de quoi, dans un Etat qui prétend que la liberté est une valeur fondamentale, peut-on juger du bien fondé ou non des intentions d’un individu à vouloir se suicider ?

Mamapasta : à une époque ou l’on parle de consentement , il n’existe pas de loi qui oblige à respecter l’opinion de celui qui ne veut absolument pas consentir à ce qu’on le maintienne artificiellement en vie.

Marianne : Et donc, on fait quoi ??? Comme pour les avortements avant la Loi Simone Veil, les plus fortunés iront en Hollande, en Belgique, en Suisse etc, et les plus pauvres pourront crever dans des mouroirs, appelés EPHAD pour certains, unité de soins palliatifs pour d’autres…

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Fin de vie, Emmanuel Macron procrastine

extraits : Le pape ne se pas fait prier pour donner son avis sur l’euthanasie: « On ne joue pas avec la vie ! On ne joue pas avec la vie, ni au début ni à la fin… Aujourd’hui, soyons attentifs aux colonisations idéologiques qui vont à l’encontre de la vie humaine. Sinon ça finira avec cette politique de la non-douleur, une euthanasie humaniste. » De son côté le chef de l’État français, aux prises avec des interrogations personnelles et des considérations politiques, hésite, hésite, hésite (30 septembre 2023)…

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Laudato Si, lettre encyclique du pape François

éditions Salvator 2015, 194 pages pour 3,90 euros

L’encyclique papale sur l’environnement, Laudato Si (loué sois-tu, sur la sauvegarde de la maison commune) est importante, même pour les non-croyants : « Aujourd’hui, croyants et non-croyants sont d’accord sur le fait que la Terre est essentiellement un héritage commun, dont les fruits doivent bénéficier à tous. ». C’est d’ailleurs le premier texte de ce type exclusivement consacré par un pape à la crise écologique.

Le pape François en appelle à « toute la famille humaine, croyants ou non, catholiques ou autres », à joindre leurs efforts pour surmonter la crise et engager un changement radical « de style de vie, de production et de consommation ». Il réfute l’idée que « l’économie actuelle et la technologie résoudront tous les problèmes environnementaux », tout comme celle qui voudrait que « les problèmes de la faim et de la misère dans le monde se résolvent simplement par la croissance du marché ».

Voici quelques extraits, la numérotation étant celle des paragraphes telle que données par cette encyclique dédiée à toute personne de bonne volonté.

1/5) Le pape François et la nature

11. Chaque fois qu’il (St François d’Assise) regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs « en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison »… Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. 

42. Toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres. Chaque territoire a une responsabilité dans la sauvegarde de cette famille et devrait donc faire un inventaire détaillé des espèces qu’il héberge, afin de développer des programmes et des stratégies de protection, en préservant avec un soin particulier les espèces en voie d’extinction.

67. Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée. Cela permet de répondre à une accusation lancée contre la pensée judéo-chrétienne : il a été dit que, à partir du récit de la Genèse qui invite à «dominer» la terre (cf. Gn 1, 28), on favoriserait l’exploitation sauvage de la nature en présentant une image de l’être humain comme dominateur et destructeur. Ce n’est pas une interprétation correcte de la Bible, comme la comprend l’Église. S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens avons mal interprété les Écritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures.

116. La façon correcte d’interpréter le concept d’être humain comme « seigneur » de l’univers est plutôt celle de le considérer comme administrateur responsable.

117. Si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, l’homme se substitue à Dieu et ainsi finit par provoquer la révolte de la nature.

118. Un anthropocentrisme dévié ne doit pas nécessairement faire place à un « biocentrisme », parce que cela impliquerait d’introduire un nouveau déséquilibre qui ne résoudrait pas les problèmes mais en rajouterait d’autres.

140. Les différentes créatures sont liées et constituent ces unités plus grandes que nous nommons écosystèmes. Nous ne les prenons pas en compte seulement pour déterminer quelle est leur utilisation rationnelle, mais en raison de leur valeur intrinsèque indépendante de cette utilisation. Tout comme chaque organisme est bon et admirable, en soi, parce qu’il est une créature de Dieu, il en est de même de l’ensemble harmonieux d’organismes dans un espace déterminé, fonctionnant comme un système. Bien que nous n’en ayons pas conscience, nous dépendons de cet ensemble pour notre propre existence.

225. La nature est pleine de mots d’amour, mais comment pourrions-nous les écouter au milieu du bruit constant, de la distraction permanente, ou du culte de l’apparence ?

2/5) Le pape François et le climat

23. Le climat est un bien commun, de tous et pour tous. De nombreuses études scientifiques signalent que la plus grande partie du réchauffement global est due à la grande concentration de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde de nitrogène et autres) émis à cause de l’activité humaine. L’humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre ce réchauffement ou, tout au moins, les causes humaines qui la provoquent ou l’accentuent.

24. Si la tendance actuelle continuait, ce siècle pourrait être témoin de changements climatiques inédits et d’une destruction sans précédent des écosystèmes, avec de graves conséquences pour nous tous.

25. Les pires conséquences retomberont probablement sur les pays en développement. L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique : ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales.

26. Beaucoup de ceux qui détiennent plus de pouvoir économique ou politique semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes ou à occulter les symptômes.

166. Les sommets mondiaux de ces dernières années sur l’environnement n’ont pas répondu aux attentes parce que, par manque de décision politique, ils ne sont pas parvenus à des accords généraux.

169. La réduction des gaz à effet de serre exige honnêteté, courage et responsabilité, surtout de la part des pays les plus puissants et les plus polluants. La conférence des Nations Unies sur le développement durable, dénommée RIO+20 (Rio de Janeiro 2012), a émis un long et inefficace Document final. Les négociations climatiques ne peuvent pas avancer de manière significative en raison de la position de pays qui mettent leurs intérêts nationaux au-dessus du bien commun général.

171. La stratégie d’achat et de ventes de « crédits de carbone » peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. Au contraire il peut devenir un expédient qui permet de soutenir la surconsommation de certains pays et secteurs.

3/5) Le pape François et la croissance

106. Ce qui intéresse c’est d’extraire tout ce qui est possible des choses par l’imposition de la main humaine. De là, on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues. Cela suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la « presser » jusqu’aux limites et même au-delà des limites.

129. Il est impérieux de promouvoir une économie qui favorise la diversité productive. Par exemple, il y a une grande variété de systèmes alimentaires ruraux de petites dimensions qui continuent à alimenter la plus grande partie de la population mondiale, en utilisant une faible proportion du territoire et de l’eau, et en produisant peu de déchets. Les autorités ont la responsabilité de prendre des mesures de soutien clair et ferme aux petits producteurs et à la variété de la production.

161. Les prévisions catastrophistes ne peuvent plus être considérées avec mépris ni ironie. Nous pourrions laisser trop de décombres, de déserts et de saletés aux prochaines générations. Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes, comme, de fait, cela arrive déjà périodiquement dans diverses régions.

159. On ne peut plus parler de développement durable sans une solidarité intergénérationnelle. Quand nous pensons à la situation dans laquelle nous laissons la planète aux générations futures, nous entrons dans la logique du don gratuit. La terre que nous recevons appartient aussi à ceux qui viendront.

178. Le drame de « l’immédiateté » politique, soutenu aussi par des populations consuméristes, conduit à la nécessité de produire de la croissance à court terme. La myopie de la logique du pouvoir ralentit l’intégration de l’agenda environnemental aux vues larges, dans l’agenda public des gouvernements.

179. En certains lieux, se développent des coopératives pour l’exploitation d’énergies renouvelables, qui permettent l’auto-suffisance locale, et même la vente des excédents. Ce simple exemple montre que l’instance locale peut faire la différence alors que l’ordre mondial existant se révèle incapable de prendre ses responsabilités. 

190. Dans le schéma du gain il n’y a pas de place pour penser aux rythmes de la nature ni à la complexité des écosystèmes qui peuvent être gravement altérés par l’intervention humaine.

193. Face à l’accroissement vorace et irresponsable produit durant de nombreuses décennies, il faudra penser à marquer une pause en mettant certaines limites raisonnables, voire à retourner en arrière avant qu’il ne soit trop tard. L’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties.

203. Etant donné que le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles. Le consumérisme obsessif est le reflet subjectif du paradigme techno-économique. Ce paradigme fait croire à tous qu’ils sont libres, tant qu’ils ont une soi-disant liberté pour consommer, alors que ceux qui ont en réalité une liberté, ce sont ceux qui constituent la minorité en possession du pouvoir économique et financier.

204. Quand les personnes deviennent autoréférentielles et s’isolent dans leur propre conscience, elles accroissent leur voracité. En effet, plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer. Dans ce contexte, il n’est plus possible qu’une personne accepte que la réalité lui fixe des limites. A cet horizon, un vrai bien commun n’existe pas. Nous ne pensons pas seulement à l’éventualité de terribles phénomènes climatiques ou à de grands désastres naturels, mais aussi bien aux catastrophes dérivant de crises sociales, parce que l’obsession d’un style de vie consumériste ne pourra que provoquer violence et destruction.

212. Il ne faut pas penser que les efforts individuels ne vont pas changer le monde. Ces actions répandent dans la société un bien qui produit toujours des fruits au-delà de ce que l’on peut constater, parce qu’elles suscitent un bien qui tend à se répandre toujours, parfois de façon invisible. En outre, le développement de ces comportements nous porte à une plus grande profondeur de vie, il nous permet de faire l’expérience du fait qu’il vaut la peine de passer en ce monde.

222. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C’est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, de remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas.

223. La sobriété, qui est vécue avec liberté et de façon consciente, est libératrice. Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie.

4/5) Le pape François et la technologie

20. La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être l’unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre.

104.  Nous ne pouvons pas ignorer que l’énergie nucléaire, la biotechnologie, l’informatique, nous donnent un terrible pouvoir. Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir et rien ne garantit qu’elle servira toujours bien, surtout si on considère la manière dont elle est en train de l’utiliser. Il suffit de se souvenir des bombes nucléaires lancées en plein XXe siècle, comme du grand déploiement technologique étalé par le nazisme, par le communisme et par d’autres régimes totalitaires.

105. On a tendance à croire que tout accroissement de puissance est en soi « progrès », comme si la réalité, le bien et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique. L’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience.

107. Il faut reconnaître que les objets produits par la technique ne sont pas neutres, parce qu’ils créent un cadre qui finit par conditionner les styles de vie, et orientent les possibilités sociales dans la ligne des intérêts de groupes de pouvoir déterminés. Certains choix qui paraissent purement instrumentaux sont, en réalité, des choix sur le type de vie sociale que l’on veut développer.

108. De fait, la technique à un penchant pour chercher à tout englober dans sa logique de fer. Ce qui est en jeu dans la technique, ce n’est ni l’utilité, ni le bien-être, mais la domination : une domination au sens le plus extrême de ce terme.

109. Le paradigme technocratique tend à exercer son emprise sur l’économie et la politique. L’économie assume tout le développement technologique en fonction du profit, sans prêter attention à d’éventuelles conséquences négatives pour l’être humain.

110. La spécialisation de la technologie implique une grande difficulté pour regarder l’ensemble. Une science qui prétendrait offrir des solutions aux grandes questions devrait nécessairement prendre en compte ce qu’a produit la connaissance dans les autres domaines du savoir, y compris la philosophie et l’éthique sociale. La vie est en train d’être abandonnée aux circonstances conditionnées par la technique.

111. la culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler les choses qui sont entrelacées dans la réalité.

112. La libération, par rapport au paradigme technocratique régnant a lieu, de fait, quand des communautés de petits producteurs optent pour des systèmes moins polluants, en soutenant un mode de consommation non consumériste.

114. Personne ne prétend vouloir retourner à l’époque des cavernes, cependant il est indispensable de ralentir la marche pour regarder la réalité d’une autre manière, et récupérer les grandes finalités qui ont été détruites par une frénésie mégalomane.

134. Suite à l’introduction des cultures transgéniques, on constate une concentration des terres productives entre les mains d’un petit nombre. L’extension de la surface de ces cultures détruit le réseau complexe des écosystèmes, diminue la diversité productive, et compromet le présent ainsi que l’avenir des économies régionales.

136. La technique séparée de l’éthique sera difficilement capable d’autolimiter son propre pouvoir.

165. L’intelligence que l’on déploie pour un impressionnant développement technologique ne parvient pas à trouver des formes efficaces de gestion internationale pour résoudre les graves difficultés environnementales et sociales.

194. Il ne s’agit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. Un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne peut pas être considéré comme un progrès. Le discours sur la croissance durable devient souvent un moyen de distraction et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie.

197. Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu’il ne suffit pas d’inclure des considérations écologiques superficielles pendant qu’on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la culture actuelle. Une saine politique devrait être capable d’assumer ces défis.

5/5) Le pape François et la démographie

50. Au lieu de résoudre les problèmes des pauvres et de penser à un monde différent, certains se contentent seulement de proposer une réduction de la natalité. Les pressions internationales sur les pays en développement ne manquent pas, conditionnant des aides économiques à certaines politiques de « santé reproductive ». Mais s’il est vrai que la répartition inégale de la population et des ressources disponibles crée des obstacles au développement et à l’utilisation durable de l’environnement, il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire. Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes… De toute façon il est certain qu’il faut prêter attention au déséquilibre de la distribution de la population sur le territoire, tant au niveau national qu’au niveau global.

120. Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement. Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent.

155. La valorisation de son propre corps dans sa féminité ou dans sa masculinité est nécessaire pour pouvoir se reconnaître soi-même dans la rencontre avec celui qui est différent. De cette manière il est possible d’accepter joyeusement le don spécifique de l’autre, homme ou femme, et de s’en enrichir réciproquement. Par conséquent l’attitude qui prétend effacer la différence sexuelle parce qu’elle ne sait plus s’y confronter, n’est pas saine.

175. Pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale.

201. Un dialogue ouvert et respectueux devient aussi nécessaire entre les différents mouvements écologistes, où les luttes idéologiques ne manquent pas. La gravité de la crise écologique exige que tous nous pensions au bien commun et avancions sur un chemin de dialogue qui demande patience, ascèse et générosité.

Laudato Si, lettre encyclique du pape François Lire la suite »

Laudate Deum contre les climatosceptiques

Le 4 octobre 2023, un texte du pape François éreinte les climatosceptiques. Intitulé Laudate Deum (à toutes les personnes de bonne volonté, sur la crise climatique), c’est une exhortation apostolique qui relève de la simple recommandation aux fidèles. Mais elle complète l’encyclique écolo de 2025, Laudato si’ (« loué sois-tu » en vieil italien), premiers mots du Cantique de frère Soleil, une prière de François d’Assise auquel Jorge Mario Bergoglio a emprunté son nom de pontife.

Le pape François :« Je suis obligé d’apporter des précisions à cause de certaines opinions méprisantes et déraisonnables que je rencontre même au sein de l’Église catholique. On ne peut plus douter de l’origine humaine – “anthropique” – du changement climatique. Nous avons beau essayer de les nier, de les cacher, de les dissimuler ou de les relativiser, les signes du changement climatique sont là, toujours plus évidents. Ces dernières années, de nombreuses personnes ont tenté de se moquer de ce constat. Elles font appel à des données supposées scientifiquement solides, comme le fait que la planète a toujours connu et connaîtra toujours des périodes de refroidissement et de réchauffement. Elles oublient de mentionner un autre fait pertinent : ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une accélération inhabituelle du réchauffement, à une vitesse telle qu’il suffit d’une génération – et non des siècles ou des millénaires – pour le constater. Nul ne peut ignorer que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la Terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous. C’est pour cette raison, et parce que la situation est en train de devenir encore plus urgente, que j’ai voulu partager ces pages avec vous. 

(Mais) je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture. Nous devons cesser de sembler être conscients du problème, mais n’ayant pas, dans le même temps, le courage de faire des changements substantiels. Lors des conférences sur le climat, les actions de groupes fustigés comme “radicalisés” attirent souvent l’attention. Mais ils comblent un vide de la société dans son ensemble qui devrait exercer une saine “pression” ; car toute famille doit penser que l’avenir de ses enfants est en jeu. »

lire, Laudato Si, lettre encyclique du pape François (2015)

lire aussi, Une lecture de Laudato si’ par un mécréant (2015)

Quelques réactions sur lemonde.fr

Thymie : Je ne peux justement m’empêcher de me demander quelle est l’empreinte carbone de François

serenite : Je ne savais pas qu’un pape servait à cela, cad faire de la politique sans aucune légitimité démocratique.

Peyrade : Le pape François s’occupe de tout ce qui ne le regarde pas. C’est sa marque de fabrique.

Almaric : Magnifiques toutes ces réactions négatives qui traduisent un besoin constant d’exister par le ressentiment. Le pape a une légitimité auprès des catholiques pour s’exprimer (à la différence de tout individu sur les Réseaux Sociaux). D’autre part ces réactions traduisent un climatosceptiscisme latent et cela est effrayant. Nous sommes des parasites qui détruisons notre environnement et nous condamnons par cela nous-mêmes à long terme. Ne pas l’assumer relève de la lâcheté pure et simple.

Taz : C’est le premier pape de mon vivant (et je ne suis plus tout jeune) qui n’est pas à côté de la plaque mais qui l’écoute ?

Corentin : Ça y est, ça fait longtemps qu’on attendait qu’un leader religieux s’intéresse à l’environnement, qu’attendent les autres ? Les wahabites jouent au golf et remplissent des piscines en plein désert, les évangélistes américains roulent en pick-up, les sionistes n’ont pas compris que la terre promise, c’était la planète entière. Je suis le premier à taper sur la religion catholique que j’ai quitté il y a longtemps, mais là le pape prouve qu’il y en a au moins un qui se sort les doigts des enfants de cœur pour réfléchir .

HEGEL : Un sociologue britannique faisait remarquer que les ravages causés par le capitalisme actuel ne pourraient être combattus efficacement que si apparaissaient dans les élites des transfuges de classes ne craignant pas de prendre des mesures révolutionnaires contre les intérêts de leur propre classe. La lettre de François est un appel à ces hommes ou femmes politiques qui décideraient d’être des transfuges alors que nous avançons à grands pas vers l’enfer. Mais je doute que ses contempteurs prennent la peine de le lire, cela pourrait leur ouvrir l’esprit.

Le Pulvérisateur : J’aime bien les climatosceptiques. Quand ils seront au Pôle Nord et que le thermomètre indiquera 42°C, ils continueront à être sceptiques. Par contre, je crois que le Pape, comme les écolos, perdent leur temps. C’est trop tard maintenant. 8 milliards, c’est trop de monde, même si toute l’humanité prenait 10 ans de vacances sur Alpha Centauri, le climat continuera à se dérégler. La messe est dite. Il faudrait imaginer comment on va faire quand il n’y aura plus assez d’eau potable, de bouffe, etc pour tout le monde.

Pierre1954 : Pour ceux que cela intéresse, le texte du pape est sur vatican.va (traduit en français évidemment…).

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Église verte et écopsychologie

Notre blog biosphere reçoit un grand nombre d’informations dont deux récentes abordent d’une certaine façon la définition du Soi et les pratiques du travail qui relie. Sociétés premières et religions du livre commencent à se rejoindre dans une vision non anthropocentrée de notre planète.

    • Église verte est née dans le sillage de la mobilisation chrétienne pour la COP21 en 2015 à Paris et des retombées de l’encyclique du pape François “Laudato Si’“, sur le soin de la maison commune, sortie en 2015 également. Le label Église verte fête le 16 septembre ses 6 ans. Il est porté par le Conseil d’Églises Chrétiennes en France, la Conférence des Évêques de France, la Fédération Protestante de France et l’Assemblée des Évêques Orthodoxes de France. Cet outil pratique est conçu pour aider les communautés chrétiennes à progresser sur le chemin de la conversion écologique.
    • Les éditions wildproject nous offrent un extrait du livre : l’article de la thérapeute Jeannette Armstrong “Les gardien·nes de la Terre” (PDF)fondateur de l’écopsychologie. Selon la conviction d’Armstrong, notre responsabilité la plus essentielle est d’apprendre à relier l’intégralité de notre moi individuel et de notre moi communautaire à la terre : « Nous les Okanagan (Amérindiens), considérons que la personne dans son entièreté possède quatre principales facultés qui fonctionnent ensemble : le moi physique, le moi émotionnel, le moi pensant, intellectuel et le moi spirituel. Ces facultés peuvent être librement décrites comme ce qui nous relie au reste de la création de manière saine… »

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Pour reverdir l’être, le SOI ouvert au monde

Toile de la vie et Travail qui relie

Pour comprendre l’écopsychologie en quelques mots

L’écopsychologie qui soigne l’esprit et sauve la Terre

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Pour reverdir l’être, le SOI ouvert au monde

L’association « Roseaux Dansants » a pour but la diffusion du Travail qui Relie, méthode de Joanna Macy, en pays francophones. Prochain atelier, A l’écoute de la Terre en soi, à l’Institut Karma Ling, Savoie, du 25 au 27 septembre 2015. www.roseaux-dansants.org.

Voici un texte de Joanna Macy que cette association nous a fait parvenir.

Puissions-nous rentrer en nous-mêmes, afin de dé-couvrir nos véritables racines, dans l’entrelacement biologique de cette exquise planète. Que la pulsation puise sa nourriture et sa vitalité dans ces racines, dans une détermination farouche de continuer la danse qui se poursuit depuis des milliards d’années.

May we turn inwards and stumble upon our true roots in the intertwining biology of this exquisite planet.

May nourishment and power pulse through these roots, and fierce determination to continue the billion-year dance. (John Seed)

Dans notre monde, il se passe quelque chose d’important dont on ne parle pas dans les journaux. Je considère cependant cette émergence comme la plus fascinante et porteuse d’espoir de notre temps, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je suis si heureuse de vivre aujourd’hui. Il s’agit de comment évolue notre notion du ‘SOI‘.

Le SOI est la construction métaphorique de l’identité et du potentiel d’action de l’être, le terreau hypothétique dans lequel nous plantons nos stratégies de survie, pour la convergence de l’instinct de préservation, du besoin d’être en accord avec soi-même, et des limites de l’intérêt personnel. Une transformation s’opère : la notion classique du soi de la culture dominante qui nous a conditionnés est remise en question. Ce qu’Alan Watts a appelé « l’ego dans sa capsule de peau », et ce que Gregory Bateson a dénoncé comme « l’erreur épistémologique de la civilisation occidentale », perd sa dépouille. Apparaissent alors les fondations plus solides de l’identité et de l’intérêt personnel, ce que le philosophe Arne Naess appelle le Soi du monde (the ecological self, littéralement, le ‘soi écologique’), profondément relié avec les autres êtres et la vie de notre planète. C’est ce que je préfère appeler « reverdir l’être. »

Des Bodhisattvas dans des canots pneumatiques

Pendant une conférence sur un campus universitaire il y a quelques années, je donnais des exemples des activités entreprises pour la défense de la vie sur Terre – des actions dans lesquelles les gens risquent leur confort et même leur vie pour protéger d’autres espèces. Pour les membres du mouvement Chipko, ceux qui embrassent les arbres, dans le nord de l’Inde, par exemple, les villageois protègent des haches et des bulldozers ce qu’il reste de leurs forêts, en interposant leurs corps. En haute mer, des militants de Greenpeace interviennent pour protéger du massacre les mammifères marins. Après cette conférence, j’ai reçu une lettre d’un étudiant, disons, Michel. Il écrivait :
« 
Je pense à ceux qui embrassent les arbres étreignant mon tronc, bloquant les tronçonneuses avec leur corps. Je sens leurs doigts se creuser dans mon écorce pour arrêter l’acier et me laisser respirer. J’entends les bodhisattvas dans leurs canots pneumatiques, qui s’interposent entre les harpons et moi, pour que je puisse m’échapper dans les profondeurs de la mer. Je rends grâce pour votre vie et la mienne, et pour la vie elle-même. Je rends grâce, car je réalise que moi aussi, j’ai accès à ce même pouvoir que celui de ceux qui embrassent les arbres et des bodhisattvas. »

Ce qui est frappant dans les mots de Michel est le changement d’identification. Michel est en mesure d’étendre sa conscience du soi pour englober, comprendre, le soi de l’arbre et de la baleine. Désormais, l’arbre et la baleine ne sont plus des êtres lointains, séparés, choses que l’on peut jeter, qui appartiennent à un autre monde ; ils sont intrinsèques à sa propre vitalité. Grâce à la puissance de sa compassion, son expérience du soi s’étend bien au-delà que l’ego dans sa capsule de peau. Je cite les paroles de Michel non pas parce qu’elles sont inhabituelles, mais au contraire, parce qu’elles expriment un désir et un pouvoir libérateur du carcan des anciennes constructions du soi. Un nombre grandissant de personnes aujourd’hui expriment ce désir et cette capacité tandis que leur profonde préoccupation pour ce qui se passe dans notre monde les inspire à parler et agir en son nom.

Comment gérer le désespoir
Parmi ceux qui se libèrent de ces vieilles constructions du soi, comme la mue d’une vieille peau ou d’une coquille trop étroite, il y a John Seed, directeur du Rainforest Information Centre en Australie. Un jour, nous marchions à travers la forêt en Nouvelle-Galles du Sud, où il a son bureau, je lui ai demandé : « Vous parlez de la lutte contre les compagnies forestières et la classe politique pour sauver les forêts tropicales restantes. Comment gérez-vous le désespoir?
« 

Il a répondu : «J’essaie de me souvenir que ce n’est pas moi, John Seed, qui tente de protéger la forêt tropicale. Mais plutôt que je fais partie de la forêt tropicale qui se protège elle-même. Je suis la partie de la forêt tropicale qui a récemment émergé en tant que l’esprit humain.» Voilà ce que j’entends par ‘reverdir l’être’. Cela implique une alliance de la mystique avec la pratique, qui transcende séparation, aliénation et fragmentation. C’est une transformation que John Seed lui-même appelle un changement spirituel, qui génère un sentiment profond d’inter-reliance avec la vie toute entière.

Ce n’est pas une nouveauté pour notre espèce. Par le passé, poètes et mystiques ont transmis ces idées, mais pas ceux qui, sur les barricades, militaient pour le changement social. Voici que la conscience d’un SOI plus vaste, ce ressenti identitaire qui s’étend jusqu’aux confins lointains de la vie, devient une motivation pour l’action. C’est une source de courage qui nous aide à résister aux pouvoirs qui travaillent encore, par la force d’inertie, à la destruction de notre monde. Cette conscience élargie du soi conduit à une action durable et résiliente pour la vie.

Quand vous regardez ce qui se passe dans notre monde – et c’est difficile de faire face à ce qui arrive à notre eau, notre air, nos arbres, nos compagnons d’autres espèces – il devient clair que faire face aux énormes défis devant nous devient presque impossible, à moins d’être enraciné dans une pratique spirituelle qui considère la vie comme sacrée, propice à une communion joyeuse avec tous les êtres qui nous entourent.

Robert Bellah dans « Les habitudes du cœur » appelle à une écologie morale. « Nous devons traiter les autres comme une partie de nous-mêmes, dit-il, plutôt que de les considérer comme « eux », avec qui nous serions constamment en compétition. »

A Robert Bellah, je réponds : « C’est en train d’arriver ! » Ça arrive grâce à trois évolutions convergentes. Tout d’abord, le petit soi traditionnel, ou le moi-ego, se fait psychologiquement et spirituellement remettre en question lorsqu’il est confronté aux dangers de destruction massive. La deuxième force œuvrant à démanteler le moi-ego est une vision du monde qui provient de la science. Il émerge de la théorie des systèmes vivants et de la cybernétique des systèmes, une perception évolutive du soi, comme étant inséparable de la toile des relations qui le soutiennent. La troisième force est la résurgence aujourd’hui des spiritualités non-dualistes. Je puise ici dans ma propre expérience du bouddhisme, mais je vois aussi des équivalences dans d’autres traditions religieuses, comme le Judaïsme du renouveau, Spiritualité de la création pour le christianisme, le soufisme pour l’Islam, ainsi que dans l’appréciation respectueuse du message des cultures autochtones. Ces évolutions dérangent le soi d’une façon qui l’aide à dépasser ses anciennes limites et définitions.

L’ouverture du cœur par le deuil

C’est surtout en fonction des dangers qui menacent de nous accabler que nous débouchons sur une conscience de soi plus vaste, écologique. Compte tenu des informations qui rapportent la destruction progressive de notre biosphère, nous prenons de plus en plus conscience que le monde tel que nous le connaissons peut arriver à sa fin. La perte de la certitude qu’il y aura un avenir est, je crois, la réalité psychologique essentielle de notre époque. Pourquoi est-ce-que je pense que ce phénomène érode l’ancienne conscience de soi ? Parce que, dès que nous cessons de nier les crises de notre époque et que nous nous permettons de faire l’expérience de la profondeur de nos propres réponses à la douleur de notre monde – qu’il s’agisse de brûler la forêt amazonienne, des famines en Afrique, ou des sans-abri dans nos propres villes – l’expérience de la douleur, de la colère ou de la peur, ne se réduisent pas au souci pour chacun de sauver sa peau. Le ressenti du deuil pour notre biosphère appartient à une catégorie bien différente de ce que nous éprouvons à la perspective de notre propre mort.

L’angoisse planétaire nous fait parvenir à un autre niveau systémique où nous nous ouvrons à l’expérience collective. Elle nous permet de reconnaître notre interdépendance fondamentale avec tous les êtres. Ne vous excusez pas si vous pleurez pour l’Amazonie brûlée ou pour les montagnes des Appalaches éventrées pour le charbon. La douleur, le chagrin et la rage que vous ressentez est la mesure de votre humanité et de votre maturité évolutive. Par la blessure de votre cœur un espace s’ouvrira pour la guérison du monde. Voilà ce qui se passe lorsque que nous voyons des gens confronter les peines de notre époque en toute authenticité. Et c’est une réponse adaptative.

La crise qui menace notre planète, qu’elle soit perçue dans son aspect militaire, écologique, ou social, découle d’une notion dysfonctionnelle et pathologique du soi. Elle découle d’une erreur sur la place que nous occupons dans l’ordre des choses. C’est l’illusion que le soi est si séparé et fragile que nous devons définir et défendre ses frontières ; qu’il est si petit et si nécessiteux que nous devons sans cesse acquérir et sans cesse consommer ; et qu’en tant qu’individus, entreprises, nations, ou espèce, nous sommes exemptés des conséquences de ce que nous infligeons aux autres êtres.

L’envie de dépasser un concept du soi tellement étriqué n’est pas nouvelle, bien sûr. Bien des gens ont senti la nécessité d’élargir leur intérêt personnel pour embrasser une réalité plus vaste. Ce qui est remarquable dans notre situation, c’est que cette extension de l’identité n’est pas motivée par un désir d’être bon ou altruiste, mais simplement celui d’être présent et de reconnaitre notre douleur. Et voilà pourquoi ce changement dans la conscience du soi est crédible. Comme le dit le poète Théodore Roethke: « Je crois ma douleur. »

Cybernétique du soi

La science du XXe siècle remet en question la notion d’un soi séparé du monde qu’il observe et sur lequel il agit. Einstein a montré que les perceptions du soi sont déterminées par sa position en relation aux autres phénomènes. Et Heisenberg, par son principe d’incertitude, a démontré que les perceptions sont modifiées par l’acte même de l’observation.

La science des systèmes va plus loin encore dans la remise en question de la doxa du soi séparé et continu, en montrant qu’il n’y a aucun fondement logique ni scientifique pour interpréter une partie de notre expérience du monde comme «moi» et le reste comme «autre». Et ceci parce qu’en tant que systèmes ouverts qui s’auto-organisent, notre propre respiration, nos actions et nos pensées émergent en interaction avec notre monde partagé; il est parcouru de courants de matière, d’énergie et d’information qui nous traversent et nous soutiennent. Dans une toile de relations qui soutiennent ces activités il n’y a aucune ligne de démarcation.

Comme le disent les théoriciens des systèmes: « Il n’y a pas de catégorie du ‘je’ en opposition à une catégorie du ‘tu’ ou du ‘ça’. » Un des exposés les plus clairs sur cette question se trouve dans les écrits de Gregory Bateson, qui dit que le processus qui décide et qui pose les actes ne peut pas s’identifier parfaitement avec la subjectivité d’un individu isolé ou situé à l’intérieur des limites de la peau. Il fait valoir que « l’unité d’auto-correction qui traite l’information est un système dont les limites ne coïncident pas du tout avec les frontières, ni du corps, ni de ce qui est souvent appelé le ‘soi’, ou la ‘conscience de soi' », il poursuit: « Le soi tel qu’on le conçoit habituellement est seulement une petite partie d’un système beaucoup plus grand, qui procède par approximations successives, et qui régit la pensée, l’action et la décision ».

Bateson offre deux illustrations. L’une, c’est un bûcheron en train d’abattre un arbre. Ses mains saisissent le manche de la hache, il y a la tête de la hache, le tronc de l’arbre. Vlan, il fait une entaille, et vlan, une autre entaille. Quel est le circuit de retour d’information, où se trouve l’information qui guide l’abattage de l’arbre ? C’est une boucle, on peut commencer n’importe où. De l’œil du bûcheron, à sa main, à la hache, et de retour à l’entaille dans l’arbre. Cette boucle d’auto-correction, c’est ce qui coupe l’arbre.

L’autre exemple: une personne aveugle se promène avec une canne le long du trottoir. Tac-tac, tiens une bouche d’incendie, et voilà le rebord du trottoir. Qui marche ? Où est le soi de la personne aveugle ? Qui perçoit et décide ? Le circuit de réaction auto-correctif comprend le bras, la main, la canne, le trottoir, et l’oreille. A cet instant, c’est tout ça, le soi qui marche. Bateson souligne que le soi est une fausse réification d’une partie mal délimitée d’un champ beaucoup plus large de processus interdépendants. Et il ajoute que cette fausse réification du soi est à la base de la crise écologique planétaire dans laquelle nous nous trouvons. On se voit comme une unité de survie, sur laquelle on doit veiller, et on imagine que l’unité de survie c’est l’individu séparé, ou bien une espèce distincte ; alors qu’en réalité, tout au long de l’histoire de l’évolution, il s’agit de la survie de l’individu plus l’environnement, une espèce plus l’environnement, car ils sont essentiellement symbiotiques.

Le soi est une métaphore. Nous sommes libres de le limiter à notre peau, notre personne, notre famille, notre organisation, ou à notre espèce. Nous pouvons sélectionner ses limites dans la réalité objective. Comme l’explique Bateson, notre conscience autoréflexive, intentionnelle, n’éclaire qu’un petit arc des courants et des boucles de la connaissance qui nous entrelace. Il est tout aussi plausible de concevoir l’esprit comme coexistant avec ces circuits plus vastes, avec l’ensemble de la « grande trame des connexions. »

N’allez pas penser qu’élargir la construction du soi de cette manière éclipsera votre caractère distinctif ou que vous perdrez votre identité comme une goutte dans l’océan. Du point de vue systémique, l’émergence de vastes trames qui s’auto-organisent, et de systèmes entiers, exige et génère à son tour une diversité croissante. L’intégration et la différenciation vont de pair. « Tandis que vous permettez à la vie de vivre à travers vous, dit le poète Roger Keyes, vous devenez davantage qui vous êtes réellement. »

Percées spirituelles
Le troisième facteur qui contribue à ébranler la notion conventionnelle du soi, comme restreint et séparé, c’est la résurgence de spiritualités non-dualistes. Cette tendance est présente dans toutes les traditions religieuses. D’après mon expérience, le bouddhisme se distingue pour la clarté et la sophistication qu’il porte à la dynamique du soi. Tout comme la théorie des systèmes, le bouddhisme sape la vieille dichotomie entre soi et autre, et donne le démenti au concept d’une entité continue, qui existe par elle-même. Puis il va plus loin que la théorie des systèmes, en montrant le caractère pathogène de toute réification du soi. Il va plus loin encore en proposant des méthodes pour transcender ces difficultés et guérir cette souffrance. Ce que le Bouddha a découvert en se réveillant sous l’arbre de Bodhi était paticca samuppāda: la co-émergence interdépendante de tous les phénomènes, dans laquelle on ne peut pas isoler un soi continu et séparé.

Au cours des âges, chaque religion s’est posé ces questions: « Que faire de ce soi bruyant, ce ‘je’, qui réclame toujours de l’attention, qui réclame toujours ses récompenses ? Devrions-nous le crucifier, le sacrifier, le mortifier? Ou devrions-nous l’affirmer, l’améliorer, et l’ennoblir? « 

La voie bouddhiste nous amène à réaliser que ce qu’il y a à faire de ce soi, c’est de percer ses intentions. Ce soi n’est qu’une convention, utile, certes, mais il n’est pas plus réel que ça. Lorsqu’on le prend trop au sérieux, quand on suppose qu’il est durable, qu’on doit le défendre et le promouvoir, il devient alors la base de l’illusion, le motif derrière nos attachements et nos aversions.

La roue de la vie tibétaine offre un bel exemple du fonctionnement d’une boucle de rétroaction positive. On peut y voir les différents royaumes des êtres, et au centre de cette roue de samsara, trois personnages : le serpent, le coq et le cochon – l’illusion, l’avidité et l’aversion – et ils passent leur temps à se pourchasser en boucle. Cette roue illustre la notion classique du soi, que nous devons protéger, promouvoir, ou en tout cas… en faire quelque chose !

Oh, la douceur de réaliser que je ne suis pas autre que ce que je vis! Je suis cette respiration. Je suis ce moment, qui change sans cesse, pour émerger de la fontaine de la vie. On n’est pas condamnés à la course perpétuelle, frénétique et hargneuse, pour toujours se protéger et se faire valoir. Ce cercle vicieux peut être brisé par la sagesse, prajna, de savoir que le soi n’est qu’une vue de l’esprit; par la pratique de la méditation, dhyana, qui soutient cette sagesse intuitive ; et par la pratique de la morale, sila, où l’attention à nos actions peut les libérer de la servitude à un soi séparé. Contrairement au nihilisme et à l’évasion souvent imputés à la voie bouddhiste, cette libération nous propulse dans le monde avec un sens plus vif de l’engagement social.

Notre douleur pour le monde révèle notre vraie nature: ne faire qu’un avec l’ensemble de la vie. Celui qui sait cela est le bodhisattva – et nous en sommes tous capables. Nous pouvons tous le reconnaître et notre action s’enraciner dans notre inter-existence avec tous les êtres. Quand nous détournons le regard de ce sans-abri, sommes-nous indifférents ou est-ce la douleur de le regarder ? Ne soyez pas dupe de l’apparente indifférence de ceux qui vous entourent. Ce qui ressemble à de l’apathie est en réalité la peur de la souffrance. Mais le bodhisattva sait que si vous avez peur de vous rapprocher de la douleur de notre monde, vous serez banni de sa joie aussi.

Une chose que j’aime dans le Soi du monde est qu’il rend non pertinente l’exhortation morale. Le sermon est à la fois ennuyeux et inefficace. C’est ce que souligne Arne Naess, philosophe norvégien auteur des termes ‘écologie profonde’ (deep ecology) et ‘Soi du monde’ (ecological self ).

Naess explique que nous changeons notre manière de vivre notre soi grâce à un processus de déploiement constant de l’identification. En empruntant le terme réalisation de soi à la tradition hindoue, il décrit ce processus comme une progression « où le soi qui doit se réaliser, s’étend au-delà de l’ego séparé, et intègre de plus en plus le monde des phénomènes ». Il ajoute:

« Dans ce processus, des notions telles que l’altruisme et le devoir moral sont abandonnées. Implicitement basé sur le terme latin « ego », il a un contraire « alter ». L’altruisme implique que l’ego sacrifie ses intérêts en faveur de l’autre, l’alter. La motivation vient avant tout du sens du devoir. Il est dit que nous devons aimer les autres comme nous-mêmes. Cependant, très peu d’humains sont capables d’aimer par simple devoir ou par exhortation morale. »

« Malheureusement, l’attitude moralisatrice de certains acteurs du mouvement écologique a donné au public la fausse impression qu’il est appelé à faire des sacrifices – à se montrer plus responsable, à ressentir plus d’inquiétude, à faire preuve d’un niveau moral supérieur. Mais ceci en découlerait tout naturellement, si le soi était élargi et approfondi. Ceci entraînerait le ressenti et la perception de la protection de la nature comme la protection de nous-mêmes ».

Notez que la vertu n’est pas nécessaire. L’émergence d’un Soi du monde, à ce stade de notre histoire, est nécessaire précisément parce que l’exhortation morale ne fonctionne pas. Les sermons nous empêchent rarement de suivre notre intérêt personnel tel que nous le concevons.
Le choix évident devient alors d’étendre nos notions de l’intérêt personnel. Par exemple, il ne me viendrait pas à l’esprit de vous supplier: « Ne vous sciez pas la jambe. Ce serait un acte de violence! » Cela ne me viendrait pas à l’esprit (ni à vous) parce que votre jambe fait partie de votre corps. Et bien, les arbres du bassin pluvial de l’Amazone le sont aussi ! Ils sont nos poumons externes. Nous commençons à réaliser que le monde est notre corps.

Notez ces mots : nous avons le choix

Le Soi du monde, comme toute notion de l’être, est une construction métaphorique, car elle nous permet de comprendre et guider notre comportement. Dynamique et dépendante de la situation, c’est une perspective que nous pouvons choisir d’adopter en fonction du contexte et des besoins. Notez ces mots : nous avons le choix. Il s’agit bien d’une métaphore et non pas d’une catégorie rigide. On peut donc choisir de s’identifier selon les moments, à différentes dimensions ou aspects de notre existence systémiquement interdépendants – qu’il s’agisse de rivières qui meurent, de réfugiés déplacés ou de la planète elle-même. Ce faisant, le soi étendu met en jeu un autre niveau de ressources – comme une cellule nerveuse qui s’ouvre à la charge électrique des autres neurones. Cette extension provoque un sentiment de dynamisme et de résilience. A partir de la toile plus large dans laquelle nous prenons vie, des ressources intérieures – de courage, d’endurance, d’ingéniosité – irriguent notre être, si nous les laissons agir. C’est alors comme une bénédiction inattendue.

En élargissant notre intérêt personnel pour inclure les autres êtres de la Terre elle-même, le Soi du monde élargit également notre perception du temps. Il libère notre contexte temporel de la croyance que nos objectifs et récompenses existent uniquement en termes de notre vie présente. La vie qui nous traverse, qui fait battre notre cœur et respirer nos poumons, n’a pas commencé à notre naissance ni à notre conception. Comme chaque particule de chaque atome et molécule de notre corps, elle remonte loin à travers le temps jusqu’à la première explosion et la spirale des étoiles.

Ainsi ‘reverdir l’être’ nous aide à ré-habiter le temps et nous réapproprier notre histoire de la vie sur Terre. Nous étions présents dans l’impulsion originelle, dans les pluies qui se sont abattues sur cette planète encore en fusion, et dans les mers primordiales. Dans le ventre de notre mère, nous nous sommes souvenu de ce voyage, grâce aux vestiges de branchies, de queues et de nageoires en guise de mains. Sous les couches externes de notre néocortex et l’apprentissage de l’école, cette histoire est en nous – l’histoire d’une profonde parenté avec la vie entière, qui nous donne des forces que nous n’avions même pas imaginées. Lorsque nous revendiquons cette histoire dans l’intime connaissance de qui nous sommes, nous sommes envahis par une joie qui va nous aider à survivre.

(extraits de World as Lover, World as Self de Joanna Macy)

Traduction : Claire Carré et Françoise Ferrand de l’association Roseaux Dansants.

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Toile de la vie et Travail qui relie

La crise climatique est venue accentuer une forme de millénarisme et d’ambiance apocalyptique qui porte en elle une nécessité de conversion à un autre imaginaire. Pour affronter l’écoanxiété qui assaille les gens conscients, un nombre croissant de personnes se tournent vers divers rituels de reconnexion à la nature. Elles se bricolent une spiritualité sur mesure, censée les aider à transformer le monde, ou du moins leur rapport à celui-ci. Le mouvement s’observe à double sens : une spiritualisation de l’écologie, et une écologisation du religieux. Toute religion est une construction sociale élaborée pour résoudre un problème.

Le « Travail qui Relie » de Joanna Macy a pour but de se relier à notre écologie profonde, d’ouvrir le champ de ressources spirituelles et psychologiques nécessaires pour faire face à la situation planétaire actuelle. En puisant à la source de la vie, nous retrouvons nos racines et notre véritable nature. Les ateliers du Travail qui Relie de l’association « Roseaux dansants » proposent différentes pratiques pour transformer notre inquiétude justifiée et mobiliser notre énergie en engagement créatif.

Le terme « Écologie profonde » est crée par le philosophe Arne Naess (‘Deep Ecology’, 1973) pour désigner le vécu de l’écologie en opposition avec une simple étude. L’ écologie profonde nous amène à ressentir notre appartenance à la toile de la Vie. La crise environnementale n’est pas seulement au-dehors, mais aussi au-dedans de nous.

Prochain atelier,

Du jeudi 21 à partir de 10 h, au dimanche 24 septembre 2023 à 16 h,
♦ L’atelier se déroulera à l’Eco Domaine du Bois du Barde,

Côtes d’Armor – 22 110 Mellionnec –

roseaux.dansants@gmail.com

Tel : 09 53 07 45 72

À lire

2008 Ecopsychologie pratique (retrouver un lien avec la nature) de Joanna Macy et M.Y. Brown

2012 Un nouveau monde en marche (vers une société non-violente, écologique et solidaire) sous la direction de Laurent Muratet et Etienne Godinot

2015 Soigner l’esprit, sauver la Terre (introduction à l’écopsychologie) de Michel Maxime Egger

Sur notre blog

Pour connaître l’écopsychologue Joanna Macy

extraits : Alors que la Terre est en train de mourir, nous avons oublié que sous sommes la terre de la terre, les os de ses os. En dépit de notre conditionnement issu de deux siècles de société industrielle, nous pouvons retrouver l’aspect sacré de la Biosphère. C’est pourquoi Joanna Macy pense que nous avons besoin d’un travail d’écologie profonde. Il lui semble nécessaire de nous appuyer sur le sentiment de l’interdépendance entre tous les êtres vivants…

anthologie ECOLOGIE PROFONDE (résumés de livres)

extraits : L’écologie profonde est une philosophie qui remet en question l’anthropocentrisme dominant. Cette anthologie a pour objectif de mieux faire connaître une philosophie qui pourrait structurer la pensée et la sensibilité dans les prochains siècle : ressentir que l’espèce humaine et la biosphère appartiennent au même ensemble et doivent donc faire cause commune. L’écologie profonde s’oppose à l’écologie superficielle, qui essaye de réparer les dégâts faits à la nature mais sans remettre en question la vision utilitariste et dominatrice de l’Homme « à l’image de Dieu »…

à connaître

Joanna Macy : Docteur en Philosophie, spécialiste du bouddhisme, de la théorie Générale des Systèmes et de l’Écologie profonde, voix respectée des mouvements pour la paix, la justice sociale et environnementale, Joanna est une fondatrice de l’écophilosophie et de l’écopsychologie. Depuis une trentaine d’années, des milliers de personnes ont participé aux stages de Joanna, sa méthodologie est adoptée et adaptée plus largement encore dans des contextes scolaires, citoyens, et associatifs. Son travail aide à transformer le désespoir et l’apathie, face à l’énormité de la crise écologique et sociale, en action constructive et collaborative. Ce travail nous révèle une nouvelle vision du monde, comme d’un immense corps vivant dont nous faisons partie, nous libérant ainsi des préjugés et des attitudes qui menacent la vie sur Terre.

Pour Joanna Macy, le Travail qui Relie s’abreuve à trois rivières, que notre époque voit confluer :

– les percées de la science

– les enseignements ancestraux

– notre douleur pour le monde

Claire Carré : fait la rencontre de la ‘Deep Ecology’ en 1989, en Irlande, dans le Connemara. Passionnée par le travail de Joanna, Claire anime des ateliers d’Ecologie profonde depuis 1994. En 2007, Claire crée l’association Roseaux Dansants pour promouvoir le Travail qui Relie en pays francophones.

Formée en sciences de l’environnement, elle est animatrice de chantiers de l’environnement en Provence, elle est chargée de cours de mouvement et de Conscience du corps à l’université Paris VIII. Claire allie la pratique du Travail qui Relie à l’exploration corporelle et sensorielle, pour donner à ressentir le lien fondamental psychisme-corps-terre.

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Le grand remplacement… en Australie

Aborigènes : présents depuis l’origine (selon l’étymologie du mot) en Australie, ils vivaient tranquilles depuis des millénaires sur un mode ancestral et avaient trouvé un équilibre durable avec la biosphère. Ils pensaient qu’au Commencement était le mythe : « Avant il n’y avait pas de séparation entre la femme et l’homme, ni entre l’eau et la terre. Puis il y eut le temps fondateur qui définit les choses et les êtres, et donna aux aborigènes leur place dans le cosmos ». En s’imprégnant de l’esprit de ce mythe, les Aborigènes ont mobilisé toute leur énergie mentale et organisé leurs activités pour laisser le monde dans l’état où il était. Par contre les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de leur présent.

Isabelle Dellerba : Les Aborigènes et insulaires du détroit de Torres, un chapelet d’îles situé entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée, vont-ils enfin être reconnus comme peuples premiers d’un continent qu’ils habitent depuis plus de 65 000 ans, faisant d’eux la plus ancienne civilisation connue sur terre ? Dépossédés de leurs terres à la suite de l’arrivée des colons britanniques en 1788, victimes de politiques discriminatoires pendant près de deux siècles, les peuples autochtones ont dû attendre 1967 avant d’être reconnus comme citoyens australiens. Les Aborigènes, qui représentent moins de 4 % des Australiens, vivent, pour beaucoup, dans un quart-monde où ils ont des difficultés à accéder aux services essentiels.

Les électeurs australiens vont être appelés à dire « oui » ou « non » à leur reconnaissance constitutionnelle à travers la création d’un organe consultatif, lors d’un référendum qui se tiendra le 14 octobre. Pour être approuvées, elles doivent obtenir une double majorité : celle des électeurs dans l’ensemble du pays, mais aussi dans quatre des six Etats. Elle prévoit l’établissement d’une « voix », un organe représentatif chargé de conseiller les pouvoirs législatif et exécutif sur tous les sujets concernant les peuples premiers, qu’il s’agisse de questions sociales, économiques ou spirituelles. Son avis ne sera pas contraignant. De toute façon le « non » devrait l’emporter…

Le point de vue des écologistes sur le « grand remplacement »

Parqués ou éliminés par les Blancs, les Aborigènes ne représentent plus que 4 % de la population australienne. Ils ont bien été victimes d’un « Grand remplacement ». La conclusion qui en résulterait logiquement, c’est qu’il y a à peu près 96 % d’Australiens de trop. Mais c’est tout le contraire qui se passe, les migrants colonialistes ont pris le pouvoir, tout le pouvoir. Il est significatif que leur existence ne puisse être reconnue autrement qu’en demandant l’avis de ceux qui ont pris leurs terres et pratiquent la prédation de ses ressources. Comment redonner leurs territoires aux habitants d’origine ? En Australie il ne resterait que les Aborigènes. Aux États-Unis, si tous les immigrés devaient être chassés du territoire, il ne resterait que les rares descendants des Indiens. En Nouvelle Calédonie, il ne resterait que les Kanaks. Et en France il ne resterait que les Néandertaliens, malheureusement exterminés par des homo sapiens venus d’Afrique. C’est impossible de revenir en arrière, la majorité malheureusement impose sa loi. On aurait du écouter au moment de la révolution française la parole de Malthus :

« On ne peut lire le récit de la conquête du Mexique et du Pérou sans être frappé de cette triste pensée, que la race des peuples détruits était supérieure, en vertu aussi bien qu’en nombre, à celle du peuple destructeur. (…) Si l’Amérique continue à croître en population, les indigènes seront toujours plus repoussés dans l’intérieur des terres, jusqu’à ce qu’enfin leur race vienne à s’éteindre. »

Aujourd’hui encore certains ont pourtant cette expression à la bouche : Grand remplacement !!! On trouve ce commentaire sur lemonde.fr à propos des Bochimans : « Nous aussi, nous sommes un peuple premier qui disparaît… sous les envahisseurs du sud de la méditerranée  ! » L’extrême droite fait une fixation sur l’Islam, on invente le nativisme, idéologie nouvelle qui classe encore les citoyens par ordre de leur arrivée sur un territoire. C’est absurde, c’est ce que nous venons de démontrer plus haut.

Que les Français « de souche » se rassurent. Ils sont dans la position des Australiens aujourd’hui face aux Bochimans, assez nombreux pour imposer leur loi ! Pas besoin d’ajouter du racisme et des idées incendiaires aux dysfonctionnement de ce monde… le gouvernement macroniste pratique déjà une politique d’extrême droite en matière migratoire : contrôle du flux de migrants, interdiction de l’abaya, reconduction aux frontières, etc.

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Grand remplacement, nativisme, écologisme

extraits : Renaud Camus a publié en 2011 un opuscule, Le Grand remplacement. Cette théorie, qui visait à l’origine les juifs, se réoriente aujourd’hui contre l’islam. En pratique, on incite les gens à repérer des têtes qui ne sont pas de chez nous, qui ne ressemblent pas à un “Français de souche”.  C’est le même discours qui fondait l’infériorisation de la femme, regardez, elle n’a pas la même tête qu’un homme et elle n’a pas de couilles, ou le racisme, c’est un noir, cette race inférieure qu’on exhibait dans les foires et dont on faisait des esclaves. On s’intéresse à l’apparence, pas à la réalité des personnes concernées. On devrait aujourd’hui savoir qu’il n’y a pas de races, nous sommes tous d’un bout à l’autre de la planète des homo sapiens…

Sagesse des aborigènes, folie de la française Areva

extraits : Les aborigènes pensaient qu’au Commencement était le mythe : « Avant il n’y avait pas de séparation entre la femme et l’homme, ni entre l’eau et la terre. Puis il y eut le temps fondateur qui définit les choses et les êtres, et donna aux aborigènes leur place dans le cosmos ». En s’imprégnant de l’esprit de ce mythe, les Aborigènes ont mobilisé toute leur énergie mentale et organisé leurs activités pour laisser le monde dans l’état où il était. Par contre les Blancs changent sans arrêt le monde pour l’adapter à la vision fluctuante qu’ils ont de leur présent. Biosphère nous dit : « Il y a un avenir pour le mode de pensée des Aborigènes, pas pour le niveau de vie des Blancs. »…

Sabine Rabourdin : Quand une compagnie étrangère veut creuser une colline pour y chercher des diamants, les Aborigènes d’Australie ne s’y opposent pas en disant qu’il y a un risque d’érosion mais parce que cela va « briser la chaîne du rêve ». Dans les peuples de l’extrême (Inuits, Shuars, Aborigènes, Bushmen), les erreurs de comportement envers la nature sont directement sanctionnées par l’hostilité du milieu et la rareté de ressources. L’anthropologue Marshall Sahlins, dans son ouvre de référence Age de pierre, âge d’abondance, a montré que les peuples « primitifs » produisaient juste assez pour satisfaire leurs besoins. Tout contribue à limiter le gaspillage… Dans nos sociétés de surconsommation, l’excès n’est pas sanctionné mais au contraire valorisé, l’équilibre avec l’écosystème est disloqué… Mais comme le résume un Australien d’origine aborigène : « La difficulté, c’est qu’après cinquante ou soixante ans de sucre et de corned-beef, nous sommes devenus dépendants d’un certain style de vie ». Il nous faudrait faire comme si l’on ne pouvait se nourrir que de notre territoire. L’approche biorégionale préconise un rayon de 20 à 40 km. La décroissance aspire à cela, les peuples indigènes le vivent….

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Notre période de lâchetés et d’obscurantisme

Nous pensons sur ce blog que la critique des religions du livre est un préalable nécessaire à l’engagement écolo. En effet Dieu dans ses différentes variantes nous éloigne des considérations terrestres puisqu’il faudrait obéir à une transcendance invisible et inaudible. Ce qui est concrètement absurde et indigne d’un système démocratique basé sur la libre expression des idées. Faut-il aller jusqu’à brûler le Coran ?

En 2006, une vague de violences anti-danoises avait embrasé le monde musulman après la publication de caricatures de Mahomet. Aujourd’hui deux Irakiens, réfugiés politiques en Suède, multiplient des autodafés de corans ; ils réclament qu’en soient retirés « les versets sur le meurtre ». Le gouvernement suédois avait condamné les profanations du Coran tout en soulignant que la Constitution de la Suède protège le droit de réunion et la liberté d’expression. Mais le Danemark a annoncé qu’il envisageait d’interdire les autodafés du livre sacré des musulmans. La Suède fait de même et propose de légiférer pour punir de deux ans de prison et d’une amende le « traitement inapproprié d’objets ayant une signification religieuse importante pour une communauté religieuse ». Comme si la pensée, de guerre lasse, avait définitivement cédé aux pressions religieuses.

Richard Malka : Blasphème, ce délit médiéval a été supprimé du code pénal danois il y a à peine six ans après de longs débats, mettant fin à trois cent trente-quatre ans d’interdiction de l’offense à Dieu. Le premier message de cette loi danoise, c’est qu’il existerait non seulement une obligation au respect des religions – au nom de quoi ? –, mais que celle-ci l’emporterait sur la liberté de critique. Autrement dit on en reviendrait, pas à pas, à une loi de Dieu supérieure à celle des hommes. Le ministre de la justice danois se rend-il compte du signal qu’il vient d’envoyer à des pays dont aucun n’est démocratique. Notons que l’émetteur d’une opinion transgressive peut être brûlé (comme au Pakistan), pendu (comme en Iran) ou décapité (comme en Arabie saoudite). Quant aux futurs débats de juristes pour définir ce qu’est un « objet ayant une signification religieuse importante » – la burqa ? l’étoile de David ? une hostie ? –, ils promettent des échanges potentiellement ubuesques. On peut s’étonner, au demeurant, que ce soit des pays dans lesquels l’athéisme et le renoncement à sa religion – l’apostasie – constituent des crimes passibles de la peine de mort qui demandent à des pays de liberté religieuse de changer leur loi. La logique voudrait, peut-être, que ce soit l’inverse qui se produise.

Le point de vue des écologistes athées

Slilou : c’est l’occasion de rappeler que le Coran, seul livre censé contenir la véritable parole divine pour les musulmans (contrairement aux hadiths) ne prescrit jamais aux hommes de punir le blasphème. Au contraire, il les appelle à simplement se détourner des blasphémateurs et à laisser D.ieu et lui seul leur réserver la punition appropriée sans préciser laquelle, c’est-à-dire après leur mort. Ceux qui ne croient pas en D.ieu n’ont donc rien à craindre.

Moriarti : J’ajouterais que céder sur le blasphème c’est manifester un certain mépris envers les musulmans. On les rejette dans un obscurantisme médiéval. Par peur et lâcheté. On concède aux plus extrémistes ce que jamais on ne concéderait chez nous.

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Écologie, le droit d’emmerder Dieu 

extraits : Pour Karl Marx, toute critique commençait par la critique de la religion : « Religion, opium du peuple » ! Il ne faut voir dans la bible et le coran qu’imagination humaine, poison de notre pensée. Les religions du livre font référence à un dieu abstrait, invisible, indéchiffrable. Alors ce sont des humains qui interprètent la parole de « dieu » pour imposer aux autres leur propre conception de l’existence. Impossible de s’entendre, on sacralise des arguments d’autorité, on jette l’anathème sur les infidèles ou on les massacre puisqu’on n’a pas d’argument rationnel pour les convaincre. En démocratie, le droit au blasphème est une nécessité…

Tout savoir sur l’écologie et les spiritualités

extraits : Pour nous, le XXIe siècle verra l’émergence d’une nouvelle religion, dans le sens de ce qui relie et donne une cohérence à la société humaine. Éthique de la Terre, Pacha Mama, peu importe la dénomination exacte et le nom de ses prophètes du moment qu’il ne s’agit plus d’anthropocentrisme, mais d’une humanité qui se ressent à nouveau immergée dans la biosphère…

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite et fin)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », a été éditée chaque jour tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere. En voici l’épilogue :

Sous le signe de mon père

(suite et fin) Je n’ai jamais reçu de compliments de la part de mon père. Comme il arrivait à ses derniers couchers de soleil, j’ai lourdement insisté auprès de lui pour quémander ce que j’estimais être mon dû, l’étalage de mes qualités. Qu’il en cite au moins une était mon espérance ! Alors mon père réfléchit un moment et me dit spontanément : « Tu as toujours fait ce que tu devais faire. » Après réflexion, je crois que c’est le plus formidable compliment que j’ai pu entendre au cours de ma vie déjà longue. C’est à moi qu’il incombe de déterminer quelle est la meilleure façon de gérer ma vie. Puisque j’avais selon mon père accompli au mieux cette tâche fixée implicitement, j’avais donc réussi ma vie.

Je retrouvai là l’enseignement des stoïciens pour qui le sage « fait tout bien », et donc ne peut perdre en sagesse. Mais en quoi réside cette perfection ? Seulement dans la certitude de n’avoir d’autre activité que le bon usage de soi-même et du monde. Cet usage n’a pas de définition précise, il n’y a pas de mode d’emploi, aucune recette à appliquer de manière prédéfinie et intangible. La sagesse est dans l’attitude, pas dans les moyens ni même dans le résultat. La sagesse consiste seulement à faire tout de la meilleure manière possible.

La meilleure manière possible ? Mon héritage pourrait se résumer à ces dix préceptes que j’ai mis en évidence sur mon site biosphere.ouvaton.org :

Les Dix Commandements de la Biosphère

Tu as autant de devoirs que de droits ;

Tu pratiqueras la simplicité volontaire ;

Tu aimeras ta planète comme toi-même ;

Tu réagiras toujours de façon proportionnée ;

Tu protégeras l’avenir des générations futures ;

Tu respecteras chaque élément de la Biosphère ;

Tu ne laisseras pas les machines te dicter leur loi ;

Tu adapteras ta fécondité aux capacités de ton écosystème ;

Tu ne causeras pas de blessures inutiles à ton environnement ;

Tu vivras des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel.

Il n’y a pas d’ordre de préférence entre ces dix préceptes, ils sont complémentaires. Ils permettent aussi l’interprétation, il n’y a rien de figé dans le cours d’un engagement. C’est aussi très différent des préceptes religieux.

Dans les Dix commandements du Décalogue, il y avait beaucoup trop de choses pour Dieu et bien peu pour encadrer une organisation socio-économique qui détériore la Biosphère.

Tu n’auras pas d’autres dieux que moi.

Tu ne feras aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux.

Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal.

Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu.

Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.

Tu ne commettras pas de meurtre.

Tu ne commettras pas d’adultère.

Tu ne commettras pas de vol.

Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.

Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »

Quant aux cinq piliers de l’existence des musulmans avec l’Islam, ils sont simplistes et tournent autour de l’idolâtrie.

1) la Shahada (la profession de foi) ;
2) la Zakât (aumône légale) ;
3) le pèlerinage à La Mecque ;
4) le jeûne (du mois de Ramadan) ;
5) la prière (qui doit être faite cinq fois par jour).

Toute religion, en mettant Dieu et non la Biosphère au centre de ses directives, définit des règles de comportement centrées sur les intérêts de sa propre secte, non sur l’intérêt de l’espèce humaine, encore moins sur les rapports entre les humains et la nature qui nous permet de vivre. Dieu ne nous attend pas dans l’au-delà. Quel est notre avenir si nous devons continuer à militer par écrans interposés ? Notre futur tel que je le vois est au plus près de la nature, nous ne sommes que fragment de Terre… Si nous n’avons pas fait ce que nous devons pendant notre existence, nous n’avons servi à rien.

Servir de la meilleure manière possible ? Je ne pense pas qu’il se trouverait au monde un homme pour noircir une seule feuille de papier si nous avions le courage de vivre ce en quoi nous avons foi. Si c’est un monde de beauté et de vérité, à quoi bon dresser des milliers et des milliers de mots entre la réalité de ce monde et moi-même ?

Et pourtant j’ai écrit ces lignes… parce que je le devais. Maintenant, à chacun de faire sa part, la part du colibri ! Le plaisir sera donné de surcroît à qui fait ce qu’il doit.

Si tu veux aller plus loin, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite et fin) Lire la suite »

Tout savoir sur la manipulation mentale

L’homme est un animal intelligent, mais une intelligence biaisée. Notre substance grise est avant tout une machine à modéliser, nous ne percevons qu’une fraction de ce que nous croyons vivre. Place à la simplification. Car si notre cerveau traitait intégralement chaque élément d’information reçu, il nous faudrait consommer environ 100 kg de glucose par jour. La zone de confort sans effort dans laquelle s’installe notre cerveau est un véritable piège : besoin irrépressible de logique et de cohérence univoque, mémoire associative en roue libre, appétence faible pour le calcul et les statistiques, curiosité limitée, affect sur-développé, croyances très ancrées… Il s’agit le plus souvent de remplacer une question difficile, par exemple « Qu’est-ce que je pense de cette situation ? », par une question beaucoup plus facile, comme « Qu’est-ce que je ressens ? » L’émotionnel l’emporte sur le rationnel. Le marketing, la propagande, les discours complotistes exploitent massivement les biais cognitifs.

Les « biais cognitifs » ne constituent pas une découverte révolutionnaire des neurosciences, c’est littéralement le sens du mot préjugés, l’ensemble de nos a priori. Une des premières tendances est d’attribuer plus de confiance aux informations qui confirment nos propres croyances plutôt qu’à celles qui les contredisent… Le biais de conformisme facilite l’intégration à des groupes, le biais de négativité incite à la prudence, etc. Les biais cognitifs, qu’on peut définir comme des déviations inconscientes de la réflexion, façonnent notre rapport à la réalité telle que nous voulons la voir.

Voici un panoramique de tout ce qui nous fait prendre les vessies pour des lanternes et les fake-news pour la post-vérité.

L’effet de loupe, le fait qui fait diversion

extraits : Les médias nous défrisent, les réseaux sociaux encore plus, ils cultivent ce qu’on appelle en sociologie l’effet de loupe. Ils montrent une réalité qui existe, certes, mais qui est tellement minoritaire qu’elle ne nécessiterait même pas une brève. Normalement le journalisme, c’est l’art de trier entre l’anecdotique et l’essentiel, sinon les pages d’un média se remplissent de vide. Mais à force d’être diffusés en boucle sur les réseaux de communication, un micro-évènement sature l’espace public et devient la dernière question à la mode dont il faut causer. Le problème, c’est que cela nous détourne de l’essentiel, nous rentrons dans le domaine du commérage et en oublions de réfléchir. C’est le règne des faits divers. Une spécialité des journaux télévisés qui en ouverture nous disent qu’il fait très chaud…

Le biais d’ancrage : quand la première information éclipse la suite

extraits : Le biais d’ancrage est un des moteurs principaux de la désinformation et du complotisme. Pour schématiser, le cerveau fonctionne de deux façons : de manière rapide et intuitive ou sur un autre mode, plus lent et réflexif. Le mode rapide cherche, par association d’idées, des éléments permettant de se rapprocher de la donnée qui a été « ancrée » dans notre cerveau. Ce n’est que dans un second temps que le système de traitement de l’information plus réflexif tente, par un ajustement, de trouver des raisons de s’éloigner de l’ancre, le plus souvent sans grand succès. Notre cerveau doit en effet lutter contre son fonctionnement premier, intuitif. Couplé au biais de confirmation (face à la contradiction, perçue comme insupportable, le cerveau humain cherche à confirmer ses croyances), le biais d’ancrage se révèle particulièrement robuste pour geler les jugements et figer les croyances… Nous limitons nos sources d’information à quelques médias, site, blogs ou publications qui viennent renforcer nos idées (biais de confirmation).

L’interaction spéculaire, on fait comme les autres

extraits : S’il est une nature humaine, elle se réalise dans l’interaction avec autrui. S’il est une société, elle émerge des interactions entre les individus. Cette hypothèse s’appelle l’interaction spéculaire (« relatif au miroir »). Je me réalise en échangeant avec autrui des modèles du monde formés par ces échanges et qui contiennent un modèle de ces échanges. La société est un système de représentations croisées entre individus : je me représente la manière dont les autres se représentent les choses et moi-même. L’individu soumis à une dictature ne se demande pas s’il veut renverser le régime, mais seulement s’il le ferait au cas où un certain nombre d’autres le feraient aussi. Chacun étant placé dans la même situation que les autres, le dictateur s’effondrera non en fonction de la volonté de tous, mais de leurs représentations croisées, c’est-à-dire en fonction des anticipations que chacun effectuera sur la capacité effective de ceux qui l’entourent à se révolter…

Quelques expériences de psychologie comportementale

Psychologie cognitive et souvenirs recomposés

extraits : Elizabeth Loftus jugeait la mémoire humaine si malléable que son idée en 1991 est d’induire un souvenir fabriqué de toutes pièces en situation expérimentale : « Comme s’être perdu dans un centre commercial quand on était enfant »…

Nous sommes des moutons et fiers de l’être

extraits : Au début des années 1950, le psychologue américain Solomon Asch étudie les capacités de résistance de l’individu. Il avait espéré que son étude montrerait les capacités de résistance de l’individu. Il ne connaissait pas encore la psychologie humaine ! 76 % de ses cobayes se rallièrent au moins une fois – et 11 %, toujours – à l’avis incorrect de la majorité..

Notre striatum ne dit rien de nos besoins

extraits : Selon deux psycho-chercheurs,Thierry Ripoll et Sébastien Bohler, l’insatiable soif de croissance de l’humanité et la crise globale qui en découle seraient la conséquence de notre « câblage » cérébral.Le cerveau des vertébrés et des mammifères possède des structures cérébrales profondes, dont le système de récompense est, en son centre, le striatum. Cette structure nerveuse incite les êtres vivants à accomplir des comportements sans limites fixées a priori, en leur donnant du plaisir sous forme d’une molécule, la dopamine. Aujourd’hui, nous continuons à produire de plus en plus de nourriture, de plus en plus riche, pour cette partie fondamentale de notre cerveau, qui n’est pas programmée pour s’auto-limiter…

Fake news dans la fenêtre d’Overton

extraits : Forgée dans les années 1990 par Joseph P. Overton, alors vice-président des lobbyistes du Mackinac Center for Public Policy, l’idée centrale de la fenêtre d’Overton est que les idées jugées « acceptables » par le plus grand nombre au sein d’une société particulière constituent un ensemble, une « fenêtre ». Pour réussir à emporter l’adhésion du public, il est préférable de se situer d’emblée à l’intérieur de la “fenêtre” d’Overton. Or, cette fenêtre se modifie en fonction des normes sociales et morales dominantes…

Pour en finir avec l’exaltation de SOI

extraits : Comme disait Gandhi quand on lui demandait : « Comment faites-vous toutes ces choses altruistes tout au long de l’année ? » Il répondait : « Je ne fais rien d’altruiste. J’essaie de progresser dans la réalisation de Soi. »… Vous remarquerez que Descartes dit deux fois « je » dans son « je pense, donc je suis ». Il fonde tout seul sa vérité, tout ce qui vit autour de lui n’existe plus ! Le dualisme cartésien est un mode de pensée qui divise l’esprit et la matière, sépare le corps et l’esprit, et considère le monde comme une série d’objets à analyser et à contrôler. Arne Naess propose une humanisation écologique par la pleine réalisation de soi, qui devient « Soi » en s’ouvrant à l’ensemble de l’écosphère, à tous les êtres humains et aux espèces animales…

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Euthanasie et suicide assisté

La démocratie est toujours confrontée à des principes contradictoires, liberté individuelle et contrainte collective, liberté et responsabilité. La délibération démocratique tranche… jusqu’à la prochaine délibération. Aux Etats-Unis se développe aujourd’hui la notion de responsabilité génétique : on voit surgir des procès pour « naissance inacceptable » intentés à leur médecin par des parents d’enfants handicapés. Bientôt pourront se dérouler des procès pour « vie inacceptable » intentés par les enfants contre leurs parents ou contre la société. C’est à qui de décider ?

En 1978, j’attendais un enfant. La mère travaillait dans un institut médico-pédagogique, entourée de mongoliens et autres anomalies. Elle était terrorisée par la possibilité de mettre un enfant anormal au monde. J’ai alors pensé sincèrement que si mon enfant à naître ne pouvait être autonome, je l’aurais avec amour doucement étouffé sous un oreiller. Je n’ai pas eu à le faire… La mort devient parfois une valeur préférable à la vie car certaines existences ne méritent pas d’être vécues ; pour moi, l’enfant n’est rien en soi si les conditions de son épanouissement ne sont pas assurées par sa famille et par ses propres capacités d’autonomie à venir.

Après la réflexion sur la vie digne ou non d’être donnée, la vie digne ou non d’être enlevée. C’est l’euthanasie, la mort douce (du grec « eu », bien et « thanatos », la mort). Un acte simple quand il s’agit de faire piquer son chat ou son chien, un acte illégal envers les humains dans la plupart des pays. Un débat de plus en plus vif s’est engagé entre ceux qui font de la vie un droit sacré et ceux qui font de la mort dans la dignité un droit de chacun, entre ceux qui ceux qui jugent que l’on ne peut disposer de la vie d’autrui et ceux qui veulent abréger l’agonie d’un malade dont on sait la mort certaine. Dans l’encyclique Evangélium Vitae (l’Evangile de la vie) de 1995, il est écrit que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu en tant que meurtre délibéré d’une personne humaine, ce serait moralement inacceptable. Mais nous savons maintenant que dieu est aveugle, sourd et muet, c’est simplement Jean Paul II qui nous transmet son propre message.

Pour le pape, le problème est résolu d’avance par une référence théologique, dans notre système démocratique il n’existe rien de tel, la règle ne peut naître que du libre débat : couple, comportements sexuels, définition de la mort, toute décision est menée dans le cadre rationnel de la réflexion collective sans aucune crainte irrationnelle de la transgression. Quand l’euthanasie a été légalisée aux Pays-Bas, il est significatif que les réactions hostiles provenaient à la fois de l’Osservatore Romano et de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Le problème de l’euthanasie est d’autant plus urgent à résoudre que les techniques de soins palliatifs multiplient les cas d’acharnement thérapeutique. Cette pratique a pour objectif de soulager les douleurs physiques de la personne, qu’elle soit atteinte d’une grave maladie évolutive ou en phase terminale. On contrôle la douleur en essayant de préserver la capacité de relation du malade avec l’entourage, on ne soigne plus tout simplement parce qu’il n’y a plus de solution thérapeutique, on se contente d’attendre la mort « naturelle », mais où est la nature quand la vie est reliée à des tuyaux ?

Dans La perte des sens Illich dénonçait la médicalisation de la fin de vie : « En 1974, quand j’écrivais Némésis médicale, je pouvais parler de « médicalisation » de la mort. Les traditions occidentales régissant le fait de vivre sa propre mort avaient cédé à l’attente de soins terminaux garantis. Je forgeai alors le mot « amortalité » pour désigner le résultat de la liturgie médicale entourant le « stade terminal ». Le dernier cri en matière de soins terminaux a motivé la mobilisation de l’épargne de toute une vie pour financer l’échec garanti… De même que l’habitude d’aller « en voiture » atrophie les pieds, la médicalisation de la mort a atrophié le sens intransitif de vivre ou de mourir… L’âge industriel réduit l’autonomie somatique, la confiance dans ce que je sens et perçois de mon état. Les gens souffrent maintenant d’une incapacité à mourir. Peu sont capable d’envisager leur propre mort dans l’espoir qu’elle apporte la dernière touche à une vie active, vécue de manière intransitive. » (recueil de textes d’Ivan ILLICH) – Fayard, 2004)

Lorsque certains soins curatifs ne sont plus adaptés, il faut savoir s’abstenir et reconnaître que la mort est en train de venir. En matière de choix, nous sommes tous des porteurs de dignité, que ce soit refus d’une transfusion sanguine ou de toute autre pratique thérapeutique jugée inutile par nous. La sagesse, c’est de ne pas mettre en suspens le vieillissement de nos artères, d’accepter notre destin et la nécessité de notre mort. En France, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité milite pour le libre choix de terminer sa vie. Les trois objectifs de l’association sont le droit à la lutte contre la douleur (soins palliatifs), le droit au refus de l’acharnement thérapeutique (l’euthanasie passive) et le droit à l’euthanasie volontaire. Les deux premiers points commencent déjà à passer dans les mœurs, par exemple avec la loi Leonetti en France.

Reste le troisième point, le suicide assisté. Cette pratique pourrait concerner trois catégories de personnes, les grands malades, les grands vieillards et les grands infirmes. L’aide à mourir est inscrite depuis 1994 dans la loi des Pays-Bas sous réserve de force majeure pour le médecin. En l’an 2000, ce pays va plus loin encore puisque le médecin ne risque plus de recours direct en justice. Comme en 1994 le praticien doit respecter les critères de minutie : demande du patient de façon volontaire et répétée d’une aide pour mourir ; maladie incurable et insupportable ; information du patient et conclusion commune qu’il n’y a aucune autre décision acceptable ; avis d’un confrère indépendant ; avis d’une commission paritaire qui sert de tampon entre le praticien et la justice. La loi reconnaît la validité d’une déclaration écrite d’euthanasie qui rend possible l’euthanasie si l’individu devient incapable de s’exprimer (coma, sénilité…). L’euthanasie est applicable aux enfants de 12 à 15 ans avec l’accord des deux parents, les mineurs de 16 et 17 ans peuvent décider par eux-mêmes.

PS : Le texte qui précède a été écrit en 2012. Depuis la France met régulièrement en chantier des projets de loi sur la fin de vie, mais en 2023 rien de définitif n’a encore été établi. (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Désacraliser l’humanité

En définitive, j’avais beaucoup réfléchi pour en arriver à ce résultat d’évidence : je ne suis rien, juste une infime partie de l’humanité qui s’est répandue dans le temps quelque peu et beaucoup trop dans l’espace terrestre, humanité elle-même infime fraction de la Biosphère, Biosphère à son tour infime élément de l’Univers. Je ne me considère plus au centre, le soleil ne tourne plus autour de la race humaine. Le soleil est d’abord là pour les plantes et pour les herbivores, pour les carnivores et tout le reste de la vie sur cette Terre. Les humains ne sont que des passagers parmi d’autres alors qu’ils se veulent les parasites ultimes qui prennent toute la place au détriment de la faune et de la flore. Il ne s’agit plus de déterminer une liste des espèces à protéger et des territoires à sanctuariser, il me parait au contraire essentiel de redonner à la planète tout entière la liberté de déterminer de façon la plus libre possible son propre équilibre dynamique. Réintroduire l’ours dans les Pyrénées n’est qu’invention humaine, lui laisser ainsi qu’à toutes les autres espèces son espace vital devient une nécessité morale.

Cela présuppose que le poids de l’humanité se fasse de plus en plus léger, ce qui remet en question l’évolution quantitative de la démographie humaine, et pose aussi un problème plus qualitatif, l’empreinte de l’activité humaine sur l’écologie de la planète. L’évolution démographique exponentielle de l’espèce homo sapiens est une terrible remise en question de la sélection naturelle, la généralisation de l’autoroute et du mode de vie qu’elle représente est une atteinte grave aussi bien à la diversité culturelle des sociétés humaines qu’à la diversité biologique. Il nous faut de la décroissance, décroissance démographique, décroissance du niveau de vie des riches, acceptation d’une société conviviale ou pauvreté ne rime pas avec misère matérielle et morale. Il nous faut un engagement personnel de tous. Sans le savoir encore, je devenais un disciple d’Arne Naess.

Contrairement à la confusion que fait Luc Ferry dans son livre, la notion de deep ecology n’est pas américaine, elle a été forgée par le philosophe norvégien Arne Naess en 1976. Mais son livre « Ecologie, communauté et style de vie » n’a été traduit en français qu’en 2008 : aussitôt paru, aussitôt acheté par moi ! Arne a construit cette notion de deep ecology pour créer une différence théorique et politique avec une position écologique qu’il appelle « superficielle » (shallow ecology). Par-là, au type d’action « luttant contre la pollution et l’épuisement des ressources », il proposait de repenser radicalement notre mode de vie, mode de consommation comme conception du monde – politiques, morales et ontologiques. Cette distinction est une critique des intellectuels qui s’attachent à l’idée de « capitalisme vert », c’est-à-dire une façon de prendre en compte la nouvelle donne écologique à l’intérieur du capitalisme, plutôt que d’y voir une nouvelle invitation à le combattre. La distinction faite par Naess entre « superficiel » et « profond » est donc politique et porte principalement sur la différence que crée le fait d’accepter ou non de changer nos modes de vie comme notre manière de pensée. Cette distinction peut être considérée comme un opérateur posant la question de l’articulation de la morale et de l’économie. En ce sens, comme en bien d’autres, Naess est un précurseur. Il avait proposé cette distinction écologie profonde/superficielle dès 1973 en pensant déjà aux récupérations dont l’écologie serait de plus en plus l’objet dans le futur. J’ai aussi trouvé formateur les entretiens d’Arne Naess avec David Rothenberg (1992, traduits en 2009, Wildproject). Depuis je n’ai eu de cesse de combattre les énormes contre-sens que font la plupart des auteurs français sur l’écologie profonde.

Voici par exemple un échange que j’ai eu avec l’auteur de La tentation de l’île de Pâques (2010). Jean Aubin reprend des accusations qui se retrouvent chez des gens comme Luc Ferry ou Claude Allègre dans l’intention de nuire à cette philosophie.

Le texte de Jean Aubin : « La disparition prématurée de l’espèce humaine n’est pas totalement exclue. Tant mieux répondent certains tenants de l’écologie profonde… Pour ceux-ci, l’homme, superprédateur, est devenu une espèce malfaisante. Le mieux qui puisse arriver est qu’elle disparaisse pour laisser vivre la planète. Cette attitude de haine contre l’homme s’oppose totalement à notre regard. Nous partons ici d’un a priori humaniste… » (page 27)

– Notre analyse, envoyée à Jean Aubin : « L’expression « certains tenants » (de l’écologie profonde) permet de pouvoir relayer n’importe quelle rumeur, mais ce n’est pas très moral vis à vis de ceux qui savent vraiment ce que deep ecology veut dire. Le terme d’écologie profonde a été introduit par Arne Naess dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». On peut maintenant lire Arne Naess en langue française (éditions MF et wildproject). Cette philosophie repose sur l’épanouissement de Soi, ce n’est pas un anti-humanisme mais au contraire un humanisme élargi. Loin de vouloir la disparition de l’espèce humaine, elle repose sur l’art de débattre et convaincre selon les méthodes gandhienne de la non violence. »

– Réponse de Jean AUBIN à cette analyse : « Reproche  mérité ! L’expression,  « certains tenants » permettait, me semblait-il, d’apporter une distinction suffisante, mais cela ne semble pas être le cas : ma phrase reste maladroite et peut sembler jeter le discrédit sur ce courant de pensée. Peut-être aurais-je dû écrire  certains déviants, ou mieux, ne rien écrire du tout sur un courant de pensée que je connais trop mal pour en parler… ça m’apprendra à ne pas faire le malin en parlant de ce qu’on connaît mal. Je vais essayer de trouver le temps de me familiariser davantage avec l’écologie profonde… »

Les moyens de l’écologie profonde reposent sur la non-violence, ce qui correspond à mon engagement constant d’objecteur de conscience. Arne Naess, dans « Ecologie, communauté et style de vie » (p.63 et suivante, éditions MF 2008), est clair sur cette question : « L’expérience accumulée ces dernières années indique que le point de vue écologique avance grâce à une communication politique non-violente qui mobilise à la racine. Historiquement, les voies de la non-violence sont étroitement associées aux philosophies de la totalité et de l’unicité. Maximiser le contact avec votre opposant est une norme centrale de l’approche gandhienne. Plus votre opposant comprend votre conduite, moins vous aurez de risques qu’il fasse usage de la violence. Exemple, nous ne devons pas émettre de slogan général contre la technologie. Les technologies doivent être essentiellement légères ou « proches » ; les choses sont faites dans le voisinage, ou du moins de régions aussi proches que possibles. Vous gagnez au bout du compte quand vous ralliez votre opposant à votre cas et que vous en faites un allié. La violence à court terme contredit la réduction universelle à long terme de la violence. »

Je pense que le XXIe siècle sera le moment où nous abandonnerons notre anthropocentrisme actuel pour ce postulat philosophique à la base de l’écologie profonde : « Il y a égalitarisme biosphèrique de principe. Les ressources du monde ne sont pas seulement des ressources pour les êtres humains. Légalement, nous pouvons posséder une forêt, mais si nous détruisons les conditions de vie en forêt, nous transgressons une forme de l’égalité. L’égalité de droit à vivre et à s’épanouir est un axiome éthique intuitivement évident. Sa restriction aux humains est un anthropocentrisme aux effets négatifs sur la qualité de vie des humains eux-mêmes. Cette qualité dépend en partie de la satisfaction que nous recevons de notre étroite association avec les autres formes de vie. Tenter d’ignorer notre dépendance, établir avec la nature un rôle de maître à esclave, a contribué à l’aliénation de l’homme lui-même. » (Ecologie, communauté et style de vie d’Arne Naess)

Alain Hervé, cet historique de l’écologie, m’a tenu personnellement le même discours en 2011 sans même connaître le terme écologie profonde : « L’écologie n’est pas une prise de position religieuse ou politique, c’est admettre que nous sommes de simples éléments de la nature, c’est une nouvelle philosophie. Il nous faut abandonner notre anthropocentrisme pour ressentir profondément notre appartenance à la communauté des vivants. L’humanisme qui donne la priorité absolue à l’homme ne me satisfait absolument pas. L’humanisme devrait consister à nous faire accéder à des stades supérieurs d’intelligence de la coévolution. Sinon nous devenons des destructeurs terrifiants, nous enfantons beaucoup plus de Hitler que de Mozart… On fait des parcs naturels, ce sont des alibis pour répandre la merde autour… L’homme a été doté d’une capacité de transformation trop brutale de l’environnement. Nous sommes devenus des dictateurs assassins du vivant. Nous échappons aux régulations naturelles comme les épidémies. Pasteur a conjuré la mortalité infantile naturelle. Il ne savait pas qu’il contribuait ainsi à rompre l’équilibre démographique. Maintenant le milliard d’hommes qui naissent et meurent affamés n’accède plus vraiment à l’état humain, il en reste à un état infra-animal… »

Que faire ? A mon avis, désacraliser la mort ! (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Les anthropocentriques contre l’écologie profonde

Paradoxalement, j’ai d’abord appris à mieux connaître l’écologie profonde par le plus féroce de ses contempteurs, Luc Ferry. Son livre, « Le nouvel ordre écologique », était sorti en 1992. C’était à l’époque la seule approche un peu précise de la philosophie d’Arne Naess. Luc Ferry pensait sans doute amoindrir la thèse de l’écologisme radical avec un procédé constant, celui d’exagérer les propos de cette pensée pour la disqualifier à partir de cette exagération même : « Après l’émancipation des Noirs, des femmes et des bêtes serait venu le temps des arbres et des pierres ». L’extrémisme verbal de Ferry a éveillé mon radicalisme !

Alors que les femmes ne sont plus considérées dans le monde moderne comme la propriété des hommes, il n’y a toujours pas d’éthique traitant de la terre ainsi que des animaux et des plantes : ces éléments de la Biosphère sont encore considérés comme des esclaves. Il faut alors prendre la nature au sérieux et la considérer comme douée d’une valeur intrinsèque qui force le respect. Cette conversion suppose une véritable déconstruction du préjugé anthropocentrique qui conduit à considérer l’univers comme le simple théâtre de nos actions. Selon le principe de l’égalitarisme biosphérique, il s’agit de protéger le tout avant les parties. Le holisme, thèse philosophique selon laquelle la totalité est moralement supérieure aux parties, est donc assumée de façon tout à fait explicite par l’écologie profonde, et s’oppose complètement à l’individualisme propre à la modernité occidentale. L’écosphère est la réalité dont les humains ne sont qu’une partie, ils sont nichés en elle et totalement dépendants d’elle. Mais le principe de liberté donne aux humains la possibilité de façonner le monde conformément à leur volonté, d’où la destruction massive de l’environnement que seule la reconnaissance des droits et de la valeur intrinsèque de la nature pourrait contrecarrer.

Contre cette nouvelle approche qui me paraît sensée, Ferry veut garder une position qu’il appelle « humaniste » : il ne faut respecter la terre qu’en fonction des fins de l’homme, en ne lui laissant que le statut d’environnement (ce qui est autour). Selon Ferry, l’écologisme réformiste est acceptable, l’autre qui se voudrait révolutionnaire discutable. Mais il admet aussi que l’écologie profonde présente une cohérence systématique assez impressionnante pour séduire nombre de tous les déçus par le vide politique et la fin des utopies. Pour lui, ce mouvement de pensée pourrait devenir une puissance moralisatrice de première grandeur pour peu qu’une dose de contrôle social, même relativement faible, lui assure un réel pouvoir sur les individus. Ferry avoue même en fin de son livre que l’écologie profonde pose de vraies questions : « Personne ne fera croire à l’opinion publique que l’écologisme, si radical soit-il, est plus dangereux que les dizaines de Tchernobyl qui nous menacent. Et l’on pourra disserter tant qu’on voudra sur l’inanité des thèses anti-modernes agités par les nouveaux intégristes, il n’en reste pas moins insensé d’adopter aujourd’hui encore l’attitude libérale du « laisser faire, laisser passer ». Il faut, dit-il, admettre que les écosystèmes sont mieux agencés par eux-mêmes alors que la plupart des constructions humaines s’avèrent le plus souvent si fâcheuses qu’elles requièrent la plus grande prudence. Il faudrait donc élaborer une théorie des devoirs envers la nature.

De toute façon on ne peut qu’être en accord avec Luc Ferry quand il constate que toute valorisation, y compris celle de la nature, est le fait des humains et que, par conséquent, toute éthique normative est en quelque sorte humaniste et anthropocentriste. Mais c’est là enfoncer des portes ouvertes. Ferry m’avait révélé une autre façon de philosopher, j’ai depuis lors multiplié mes lectures pour approfondir ce qu’écologie profonde veut dire.

John Seed pensait à l’inverse de Luc Ferry. Dans « Thinking Like a Mountain », il raconte : « En 1979, je vivais dans une communauté située aux abords de la forêt. Alors que l’État s’apprêtait à abattre les arbres, des voisins ont organisé une manifestation, la première du genre en Australie, et m’ont appelé à l’aide. Je ne me sentais pas particulièrement concerné par la situation. Durant la manifestation cependant, j’ai tout à coup senti que j’agissais non seulement pour moi-même, en tant qu’humain, mais aussi au nom de la forêt dont je faisais partie intégrante. Celle-ci se défendait à travers moi, je me suis senti appelé à parler en son nom. En devenant profondément conscient de mon lien avec la forêt, je me suis éveillé à toute la Terre. J’étais renversé par cette révélation. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à expliquer ce qui s’est passé, mon expérience demeure pour ainsi dire miraculeuse. À partir de là, ma vie a pris une toute nouvelle direction… Humblement, nous pouvons nous rappeler que nous ne sommes pas le pilote ou le contrôleur de la Biosphère, mais plutôt un être parmi les dix millions d’espèces différentes sur la Terre. On peut alors prendre conscience de toute la beauté de la nature, on peut trouver l’inspiration et se sentir guidés dans notre action. »

Approfondissant mes recherches, j’ai aussi rencontré les écrits d’Aldo Leopold (mort en 1948) avec l’Almanach d’un comté des sables (publié en 1949, à titre posthume). J’ai apprécié sa pensée : « Il n’existe pas à ce jour d’éthique chargée de définir les relations de l’homme à la terre, ni aux animaux, ni aux plantes qui vivent dessus. Une éthique (écologiquement parlant) est une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence. Il faut valoriser une éthique de la terre et montrer sa conviction quant à la responsabilité individuelle face à la santé de la terre, c’est-à-dire sa capacité à se renouveler elle-même… La montagne qu’il faut déplacer pour libérer le processus vers une éthique de la terre, c’est tout simplement ceci : cessez de penser au bon usage de la terre comme à un problème exclusivement économique. Une chose est juste quand elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique, elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse. » Aldo Leopold pensait lui aussi à l’inverse de Luc Ferry.

Je voyais d’ailleurs tout autour de moi ce que les humains avaient fait de ma planète, un immense dépotoir visible ou invisible. Je commençais à ressentir de plus en plus profondément que les frontières de ma communauté n’étaient pas délimitées par les membres de ma famille ou les frontières françaises, ni même par ma citoyenneté européenne ou mon petit côté cosmopolite. J’étais membre à part entière d’une Biosphère qui inclue le sol, l’eau, les plantes et les animaux, en termes savants le biotope et la biocénose, l’ensemble des écosystèmes. J’ai pris conscience que si j’avais des droits et des devoirs dans la communauté humaine, j’avais aussi des obligations envers tout ce qui permettait à la vie (toute la vie, celle des humains et des non-humains) de durer sur cette Terre le plus longtemps possible. Je n’étais plus anthropocentré ni même sans doute « humaniste », le tout devenait pour moi plus important que les parties quand le tout était mis en péril par les parties : puisque les humains avaient déclaré la guerre à la Nature, des humains devaient se lever et s’opposer à cette folie humaine, notre propre folie interne. Cette démarche d’approfondissement a été longue et difficile : on m’avait toujours répété que mes obligations morales, en tant que membre d’une communauté interdépendante, étaient limitées aux seuls rapports humains, on m’empêchait de prendre conscience de mon appartenance à la Biosphère.

Il m’est devenu évident qu’il fallait représenter une Biosphère sans représentants officiels, comme d’autres ont représenté les intérêts des femmes, des noirs ou des indiens quand ces êtres humains étaient persécutés. Il me fallait alors oublier la petitesse d’une solidarité limitée à une ethnie ou même à l’espèce humaine actuelle. Car il y aussi le respect des non-humains, il y a le nécessaire maintien de l’équilibre des écosystèmes ; la vie est un tout, le durable ne consiste pas à se limiter au court terme et à ses propres enfants. Mon état d’esprit s’est progressivement modifié, j’étais « born again », certainement pas « né à nouveau » dans un cadre religieux, mais tout au contraire révélé à une nouvelle conscience telle que pouvait la vivre autrefois les animistes grâce à leur culture.

Pour moi, dorénavant, il devenait absolument nécessaire que les humains se détournent d’une affirmation individualiste, égoïste et anthropocentrique pour découvrir le sentiment de la communauté des choses vivantes. La sagesse commande en effet de ne pas se prétendre maître de toutes choses, il faudrait laisser aux écosystèmes suffisamment de ressources propres pour être capables de perdurer. Mais je ne peux obéir à une soi-disant loi de la Nature qui n’existe pas, je ne peux qu’interpréter les conditions de la durabilité. La condition humaine demande, paradoxalement, que l’homme demeure le fondement de cette nouvelle éthique de la Terre ; c’est le cerveau humain, c’est moi, qui décide de ce qui doit être ou non. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

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03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

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19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

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Ma philosophie : l’écologie profonde

Quelque idées générales : Il me semble que nous devrions porter en nous une vision fondamentale de ce à quoi nous croyons. Contre le marxisme et le maoïsme qui imprégnaient mes camarades de jeunesse, j’ai choisi une voie marginale, celle de l’objection de conscience, donc un simple moyen, la non-violence. Cela ne constituait pas une doctrine globale qui puisse rayonner sur tous les engagements de mon existence. Mais un jour, dans la revue « L’écologiste » n° 12 de 2004, j’ai découvert l’écologie profonde (deep ecology) qui avait été théorisée par le philosophe norvégien Arne NAESS dès 1973. Dans son livre Ecologie, communauté et style de vie, Naess expose les fondements d’une nouvelle ontologie (étude de l’être en soi) qui rend l’humanité inséparable de la nature. Si nous saisissons cette ontologie, alors nous ne pourrons plus endommager gravement la nature, sans nuire en même temps à une partie de nous-mêmes. Formidable, j’avais trouvé ma voie.

J’avais déjà commencé  à percevoir dans les années 1970, alors que j’étais encore en fac, que l’individu est indissociable de son environnement global, humain et non-humain. Je crois que la première approche de ce sentiment a eu lieu le 31 décembre 1970 quand j’ai écrit dans mes notules : « J’admire mon corps, les muscles de ma main, cette tendresse de la peau, la minutie de ses courbes, l’ordonnance de ses volumes, j’admire les cellules, leur imagination débridée de formes fantasques et de fonctions éclatées, mais j’admire encore plus le fait que cette multiplicité renferme en elle l’unicité de la matière, noyau et électrons, nous rattache à l’univers et à l’infini, nous rapproche de toute chose. » Sans le savoir encore, je me dirigeais vers la fin de mon anthropocentrisme, vers le début de mon sentiment d’unité avec l’univers.

Le 1er février 1971, j’ai recopié cette notule : « Comment, écrit Tchouang-Tseu, savons-nous si le moi est ce que nous appelons le moi ? Jadis moi, Tchouang-Tseu, je rêvais que j’étais un papillon, un papillon qui voltigeait, et je me sentais heureux. Je ne savais pas que j’étais Tchouang-Tseu. Soudain je m’éveillai, et je fus moi-même, le vrai Tchouang-Tseu. Et je ne savais plus si j’étais Tchouang-Tseu rêvant qu’il était un papillon, ou un papillon rêvant qu’il était Tchouang-Tseu. » Je ne sais plus où j’avais pris ces paroles fortes, je ne suis pas bouddhiste, mais il me semble toujours important de savoir éteindre la soif du MOI. L’écologie profonde a correspondu à mon attente.

Arne NAESS a proposé avec George Sessions une plate-forme de l’écologie profonde en huit points clés que j’approuve totalement. Voici leur contenu, j’ai rajouté les trois titres pour y mettre une cohérence :

I) les principes

1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

3) sauf pour la satisfaction de leurs besoins vitaux, les hommes n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité.

II) le problème

4) l’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et la situation s’aggrave rapidement.

III) les solutions

5) l’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution.

6) les politiques doivent changer, elles doivent affecter les structures économiques, techniques et idéologiques. La situation qui résultera du changement sera profondément différente de la situation actuelle.

7) le principal changement idéologique consistera en la valorisation de la qualité de la vie plutôt que de toujours promouvoir un niveau de vie supérieur.

8) ceux qui adhèrent aux points précités ont obligation de tenter de mettre en place directement ou indirectement ces changements nécessaires.

(à suivre, demain)

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05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

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Une UTOPIE pour 2050

Quelques idées générales : Nous avons besoin d’une utopie mobilisatrice pour répondre à la question qui se posera bientôt dans notre futur proche : comment vivre mieux avec moins ? J’ai rassemblé tout ce qui me motive dans la synthèse suivante et j’ai considéré comme hypothèse probable que les années 2030 seront marquées par la réalité physique d’un krach écologique multiple, et donc par une prise de conscience généralisée. Les années suivantes, l’humanité sera donc obligée de changer fondamentalement de paradigme, d’imaginaire collectif. Ce que nous prévoyons déjà pour 2050 est largement avéré au niveau des statistiques ; les objectifs face à une crise systémique causée par le système capitaliste et les moyens de réagir ont fait l’objet de propositions de nombreux analystes. Il n’est pas besoin de beaucoup imaginer, encore moins d’auditionner toujours plus spécialistes : il suffit de lire les écrits déjà parus.

D’ici à 2050, la synergie des crises alimentaires, énergétiques, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du niveau de vie à l’occidentale. Face à la catastrophe annoncée, les humains vont réagir à leur manière, selon deux modalités contradictoires. Pour une part, les violences seront exacerbées, qu’elles s’exercent entre les humains ou pour piller les dernières ressources accessibles. Nous ferons aussi appel à la raison, à la coopération, au sentiment d’interdépendance. Nous ne pouvons pas déterminer à l’avance ce qui l’emportera entre la face sombre de l’individu ou l’intelligence des situations. Des analyses comme le rapport secret du Pentagone (octobre 2003) sur le changement climatique envisagent le pire, c’est-à-dire la priorité à la raison d’État et la survie des sociétés les plus combatives. Il y a aussi les pessimistes qui pensent que plus rien n’est possible, donc pourquoi agir. D’autres analystes misent sur la pédagogie de la catastrophe. En effet, le temps que nous avons pour une rupture écologique est très court, mais le sentiment de la catastrophe en marche pourrait servir de pédagogie.

Un Mouvement social-écologiste, qui voudrait préparer un avenir durable, se doit d’envisager des scénarios pour accélérer l’évolution vers des comportements écologiquement vertueux. Nous sommes obligés de nous confronter aux limites de notre planète, notre volonté doit aller en ce sens : la volonté politique liée à la nécessité écologique. C’est l’objectif de l’écologie politique, c’était par exemple la vocation des Verts en 1984 ou la création mort-née du pôle écologique du Parti socialiste. Un parti ne peut pas faire l’impasse sur l’avenir de tous les êtres vivants, sauf à admettre qu’il ne s’occupe que du bien-être actuel de la société française. Un parti digne de ce nom doit se montrer capable d’un véritable projet alternatif pour un avenir durable. Il s’agit de concilier le volontarisme politique et le sens de l’utopie dans un contexte actuel qui nous fait déjà penser que 2050 sera profondément différent de ce qu’a construit la société thermo-industrielle en deux siècles.

Un scénario écolo futuriste, même s’il paraît utopique, n’est en rien de la science fiction. En 1974, Joël de Rosnay présentait un programme de « voyage en écosocialisme ». La déclaration du Congrès de l’Arche préfigurait une démarche écologique dès 1991. Aujourd’hui il est devenu encore plus évident que la limitation des ressources tirées de notre planète va bouleverser en profondeur notre économie et nos sociétés : l’écologie devient une variable dominante, ce qui est concrétisé dans la Déclaration de principes du parti socialiste en 2008. Voici un résumé de mon utopie, l’intégralité est lisible sur mon site biosphere de documentation des écologistes :

https://biosphere.ouvaton.org/utopie

1) les facteurs de changement : du facteur travail et capital au facteur nature

Le marxisme n’est plus adapté, lui qui posait que l’économique formait l’infrastructure sur lequel pouvait se bâtir des superstructures idéologiques et politiques. En fait la véritable infrastructure matérielle est constituée par la nature et ses potentialités à nourrir ses hôtes ; l’état des ressources naturelles et la capacité des écosystèmes à recycler nos déchets forment le socle incontournable sur lequel repose nos activités socio-économiques. La considération de l’économie biophysique (Yves Cochet) devient essentielle. Le tsunami financier de 2008-2009 n’était qu’un épiphénomène, les crises écologiques sont déjà à l’œuvre. L’idée de développement durable n’opérait guère de saut conceptuel car il assimilait croissance et développement. Vu l’interdépendance entre l’économique, le social et l’écologique, on considère dorénavant que l’économique est inclus dans le social, lui-même sous-partie des possibilités de la biosphère. Nous abandonnons progressivement l’indicateur PIB (produit intérieur brut), spécialisé dans l’accumulation économique, pour confectionner de nouveaux indicateurs de richesse. L’IDH (indicateur de développement humain) deviendra un simple élément des indicateurs de bien-être (ISH, IBED…). Les IDE (indicateurs d’écologie appliquée) seront multiples et reposeront non seulement sur la solidarité (entre les peuples et les individus) mais aussi sur le respect de tous les équilibres des écosystèmes.

En 2050, le facteur nature est devenu la catégorie essentielle de la pensée sociale ; ce sont les possibilités de la planète qui conditionnent l’activité humaine. A chaque époque son facteur déterminant. Ce sont les entrepreneurs et l’accumulation du capital qui avaient marqué les premiers temps de la révolution industrielle au XIX siècle, époque analysée par Karl Polanyi (désencastrement de l’économie) et Joseph Schumpeter (grappes d’innovation). Au moment des Trente Glorieuses, l’augmentation du pouvoir d’achat et la sécurité sociale vont valoriser le facteur travail. Mais la croissance économique a entraîné un épuisement des ressources naturelles, principalement énergétique et fossile (Richard Heinberg), et une pollution généralisée (de l’air, de la terre et de l’eau). Le développement durable s’est révélée comme un oxymore au moment du pic pétrolier, atteint dans les années 2010. Le pic énergétique est franchi dans les années 2020. Il y a des guerres. En 2030, il est devenu vraiment perceptible que le réchauffement climatique déstabilise vraiment la plupart des écosystèmes. Dans les années 2040 la société thermo-industrielle connaît le début du processus d’effondrement des civilisations complexes analysé par Joseph Tainter. On a pris conscience de la validité de la durabilité forte, les critères du libéralisme (durabilité faible) ont atterri dans les oubliettes de l’histoire. Les objecteurs de croissance ont vu se confirmer leur pronostic : une croissance sans limites dans un monde fini est impossible.

En 2050, la contre-productivité de la croissance passée a rendu nécessaire une décroissance matérielle et énergétique. On applique le scénario négawatts. Il n’existe presque plus de ressources non renouvelables, il y a recyclage et utilisation mesurée des ressources renouvelables. La sortie du nucléaire est programmée, les dernières centrales en activité ferment les unes après les autres. Au lieu de raisonner en terme de productivité du capital ou du travail, il est devenu essentiel pour les entreprises de s’exprimer en termes d’ACV (analyse du cycle de vie d’un produit). Le contact de l’activité humaine et du milieu naturel est devenu une préoccupation constante, la perte de biodiversité est enrayée. Une nouvelle spiritualité, basée sur l’interdépendance entre tous les êtres vivants, commence à être intégrée dans les morales religieuses ou laïques : la Terre-mère.

2) le concept d’égalité : abolition de la richesse économique

Alors qu’au début du XIXe siècle, le niveau de développement était relativement identique partout sur la planète, la révolution industrielle va entraîner la séparation des niveaux de vie du Nord et du Sud, ainsi que des inégalités croissantes à l’intérieur du Nord comme du Sud. La mondialisation qui s’accélère au cours du XXe siècle favorise l’apparition d’une classe globale sur toute la planète, tous les ménages qui peuvent s’offrir le luxe d’une voiture personnelle. Les riches qui détruisent la planète (Hervé Kempf), c’est la population qui pouvait vivre selon les standards de la classe moyenne occidentale. D’autre part les classes sociales avaient fait place à la fin du XXe siècle à une lutte pour le classement, stricte application du libéralisme économique. La question sociale ne peut être résolue par une lutte contre « la pauvreté », la simplicité volontaire est en effet un modèle à suivre. Par contre la misère et les inégalités sont inacceptables dans un société conviviale.

En 2050, de gré ou de force, nous avons échappé à la pression du confort. Désormais une société sans classes se bâtit progressivement. Le cycle infernal imitation/ostentation (Thorstein Veblen) qui entraînait la surconsommation est brisé, la publicité est supprimée, la marchandisation de l’existence oubliée. La réduction des inégalités est devenue une obligation matérielle en plus d’être une obligation morale ! Nous rentrerons dans une société du partage à la place de la société de l’avantage. Nous sortons du capitalisme et de la fabrique des inégalités.

En 2050, tous les revenus sont encadrés par des normes minimales et maximales, par exemple le RMA ou revenu maximal admissible. Les hiérarchies sociales disparaissent avec l’égalisation des revenus et l’égale considération de tous les statuts socioprofessionnels, intellectuels ou manuels. S’occuper de sa famille et de son entourage est devenu aussi important que son insertion professionnelle. Au niveau de la consommation, nous ne pouvons plus acheter que des produits génériques. L’esprit de compétition disparaît tant dans les relations interindividuelles que dans les relations interentreprises. On sait dorénavant que l’appropriation privée n’est pas un bon système pour gérer de façon raisonnable les rapports entre les humains et la nature, on raisonne de plus en plus en terme de « res communis », biens communs.

3) la diversité culturelle : l’idée de tolérance, moins floue que le concept de liberté

A partir des années 1980, la généralisation de la mondialisation libérale avait détruit les cultures traditionnelles, que ce soit au niveau des langues ou des traditions. Mais l’homogénéisation culturelle s’est accompagnée d’une montée des intégrismes et le fast food s’est accompagné d’une épidémie d’obésité. Dans les années 2020, les blocages croissants dans l’approvisionnement en énergie ont entraîné un recentrage sur le territoire local, une ruralisation. Après avoir acheté ses fruits et légumes de proximité (locavore), on a ressenti l’appel d’une résurgence de la culture locale. En 2050, le respect des diversités culturelles est devenue une valeur centrale.

Dans le futur, à l’opposé de la croyance en une mégapolisation du monde, littéralement hors-sol, on a réhabilité la notion du territoire comme unité vivante de la nature et de la culture. Il s’agit d’une inversion du processus accéléré de développement planétaire. Le concept d’autosoutenabilité d’unités territoriales autonomes (bio-régions) et néanmoins responsables du devenir de la planète Terre (Alberto Magnaghi) est mis en application.

En 2050, l’idée de démondialisation remplace la globalisation, le protectionnisme généralisé a succédé au libre-échange des biens et des marchandises imposé par des organisme transnationaux au service du profit à court terme. Mais la restriction dans la circulation des biens et services va de pair avec de fortes restrictions dans la circulation des personnes ; les migrations sont presque complètement arrêtées. A une époque les migrations étaient choisies par le pays d’accueil, dorénavant chacun vit sur son territoire d’origine et amené en conséquence à construire un sentiment d’appartenance durable à son écosystème particulier. Mais cette nécessité de vivre et d’agir au niveau local n’empêche pas de se ressentir comme membre de la planète toute entière (glocal), ce qui évite les replis communautaires et la stigmatisation de l’altérité.

4) la solidarité : moins de biens, plus de liens

Conformément aux prévisions du club de Rome en 1972, le libéralisme économique a fini par s’écraser contre les limites de la planète. Il avait entraîné une accumulation du capital et des marchandises (l’abondance à crédit), mais aussi une compétition brutale et stressante. En 2050, le système de concurrence est devenu l’exception, la coopération la règle. Le marché et sa loi de l’offre et de la demande a dorénavant un rôle marginal. Par exemple au niveau de l’énergie, après avoir testé le marché (le marché carbone), la taxation (contribution climat-énergie universelle), nous avons été obligés de faire appel à un rationnement (carte carbone). Il y a une planification écologique, impérative sur des problèmes essentiels comme la fourniture d’énergie et l’alimentation de base. Pour le reste, la solidarité économique reste un enjeu propre à chaque territoire, des systèmes de partage équitable ont été mis en place. Tout est interprété en termes de R (réduire, recycler, etc.) et de Dé (décroissance soutenable, désurbanisation, démondialisation, dévoiturage, effet débond…).

En 2050, la crise économique structurelle a entraîné un blocage de l’Etat Providence : endettement trop grand, difficulté de refinancement des emprunts, difficulté d’imposer davantage les contribuables d’une économie en crise. L’Etat central a abandonné la plupart de ses prérogatives au profit des entités territoriales. Il y a autonomie conviviale. Mais l’essentiel de la solidarité se passe dans des relations de proximité, par exemple à l’intérieur de chaque famille. L’assistance au niveau local, que ce soit pour s’occuper des jeunes ou des personnes âgées (à la retraite), a remplacé les systèmes d’assurance qui ont fait faillite d’autant plus que le vieillissement de la population a pesé sur les comptes sociaux dans beaucoup de pays. L’acharnement thérapeutique a disparu pour faire place à une maîtrise volontaire de la mort (DMD ou droit de mourir dans la dignité).

En 2050, la solidarité internationale ne repose plus sur l’aide alimentaire ou financière : l’autonomie des territoires est devenue la règle. Dans les pays pauvres, la lutte contre la misère absolue a remplacé l’inatteignable objectif de lutte contre la pauvreté relative. Dans les pays riches, la critique du luxe et du profit est devenue consubstantielle à l’approche écologiste. Politiser la question du luxe était d’ailleurs la seule voie pour élargir l’audience de l’écologie vers les classes populaires. La sobriété heureuse, préfigurée par les mouvements de simplicité volontaire, devient le mode de vie habituel. Par exemple les besoins de chauffage ont été limités au maximum, les logements sont compacts et les maisons passives (isolation, température réduite). La possession de résidence secondaire est considéré comme une atteinte aux équilibres écologiques. Certaines actions politiques (gratuité des transports en commun/encouragement des actions collectives d’intérêt général…) ont fait évoluer le plaisir de l’avoir et de la possession vers le plaisir du partage et du sens de la vie. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Androgynie, cad totale égalité des sexes

Le féminisme politique, c’est-à-dire la volonté de mettre en œuvre l’égalité réelle entre l’homme et la femme, est normalement l’exact contraire du séparatisme des sexes. Il n’y a pas d’éternel féminin, il y a des cultures diverses qui produisent telle ou telle image de la femme. Les parents sont les premiers responsables d’une différenciation des rôles injustement fondée sur une différence biologique. Car un bébé a un comportement totalement androgyne. Le cri primal, le sevrage se déroulent de la même manière. C’est à travers la bouche, les mains et les yeux que les nourrissons des deux sexes appréhendent l’univers. Ils explorent leurs corps avec la même curiosité et la même indifférence, ils ont les mêmes intérêts et les mêmes plaisirs, ils ont la même jalousie s’il naît un nouvel enfant. Jusqu’à douze ans, la fillette est aussi robuste qu’un garçon du même âge, et les capacités intellectuelles sont similaires tout au cours de la vie.

Ce n’est pas la nature qui, pendant des siècles, a empêché les femmes d’aller à l’université, mais des élites masculines qui ne voulaient pas partager leurs propres pouvoirs, aidées par des femmes qui avaient intériorisé une impuissance factice. Nous sommes tous fondamentalement, naturellement, androgynes. Tout est culturel, issu d’une socialisation, y compris bien sûr les conceptions des inégalités. Mais au lieu de contribuer à une véritable égalité entre l’homme et la femme, notre société actuelle a inventé les quotas de la parité politique ! On soutient le féminisme différentialiste au détriment du féminisme universaliste.

Thèse différentialiste de Mona Ozouf en 2023 : « Je m’estime extrêmement féministe, et je suis toujours heureuse d’une conquête de droits et de libertés. Mais j’estime qu’il y a une nature féminine , je le pense. Le mot « nature » a beaucoup été vilipendé, et pour de bonnes raisons, car il a servi à asservir les femmes, à les claquemurer près des berceaux et des fourneaux. Cela dit, je crois qu’il n’est pas indifférent de naître fille ou garçon et qu’il existe une « disposition féminine ». Les filles prennent plus vite conscience du temps, de la limite, de la nécessité que les garçons. C’est lié bien sûr à la perspective de l’enfant, désiré ou redouté, mais présent au moins dans l’imaginaire, avec l’idée de contrainte, de responsabilité. Le compte des jours fait partie de la vie biologique des femmes et cadence le temps d’une façon que les hommes ignorent. Les femmes s’inscrivent dans la durée. Qui tient le greffe des anniversaires dans la famille ? Qui fabrique les albums de photos ? Qui va voir les vieux parents dans les maisons de retraite ? Elles ne sont pas dans l’immédiateté, comme les hommes, plus irresponsables. Elles sont dans la conscience du temps. Avec une préoccupation de la solidité du lien. »

Illustration : La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a modifié l’article 3 de la Constitution qui dispose désormais que la loi « favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », et a précisé dans l’article 4 que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ».

Malheureusement les bonnes intentions se sont transformés en « obligation de la parité », autant de femmes que d’hommes dans les listes électorales !!!

Antithèse universaliste de Simone de Beauvoir en 1949  : « On ne naît pas femme, on le devient… Aucun destin biologique, psychique, économique, ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin. Seule la médiation d’autrui peut constituer un individu comme un Autre ».

En conséquence le féminisme bien pensé ne peut être qu’universaliste, pas différentialiste.

Illustration : Hélène Carrère d’Encausse (1929, 2023) est élue le 13 décembre 1990, la troisième femme à siéger parmi les Quarante. Elle devient en 1999 secrétaire perpétuel de l’Académie française, 31e titulaire de la fonction et première femme, même si elle précise expressément qu’elle entend en faire respecter le genre masculin. Fière d’être « le » secrétaire perpétuel de l’Académie, femme de savoir et d’autorité qui se défie des quotas, elle refuse les places réservées aux femmes – de fait elle n’encourage pas les candidatures féminines sous la Coupole et s’oppose à la féminisation des titres et fonction.

Nous sommes très loin de l’écriture inclusive et autres dérives du modernisme actuel. C’est le monde des réseaux sociaux, des catégories séparées, des bulles conceptuelles, qui crée des antagonismes inutiles et malsains.

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  • sur le féminisme en général

Biosphere-info octobre 2017, féminisme et écologie

Le féminisme qu’il nous faudrait penser

Féminisme radical et écologie politique

Féminisme, écologie et jeu d’échecs

  • Sur la question de la parité

Parité politique et féminisme universaliste

genre, parité, quotas… un anti-féminisme

Autodétermination de notre sexe, formidable !

  • Sur l’androgynie (à ne pas confondre avec la transsexualité)

pour des vêtements androgynes, non au luxe et à la mode

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Psychologie cognitive et souvenirs recomposés

Je me souviens dans mon enfance, il n’y avait pas d’inondations, pas de sécheresses, pas de tempêtes et pas d’incendies, tous les jours alternaient de jolies averses et de belles éclaircies, des libellules se posaient sur mon épaule et je croisais des lynx à chaque promenade, je ne pouvais même plus prendre ma voiture tant il y avait d’insectes sur le pare-brise. A cette époque, je m’en souviens encore, les pauvres étaient heureux, les fonctionnaires étaient efficaces, les commerçants étaient honnêtes, les riches étaient généreux, on trouvait un emploi en traversant la route, presque personne n’avait de maladie, le niveau du certificat valait au moins un doctorat, une sorte d’harmonie paradisiaque régnait dans la société. Ah, les plus jeunes n’ont pas connu cela, mais moi je m’en souviens très bien.

Stéphanie Chayet : Elizabeth Loftus jugeait la mémoire humaine si malléable que son idée en 1991 est d’induire un souvenir fabriqué de toutes pièces en situation expérimentale : « Comme s’être perdu dans un centre commercial quand on était enfant ».A l’université de Washington, où elle enseigne la psychologie cognitive, la chercheuse prouve pr des expériences l’existence » du phénomène des faux souvenirs (article de 1995). L’étude émerge en pleine Satanic Panic, une psychose collective de type complotiste qui voit des foules d’Américains ordinaires poursuivis pour d’horribles rites pédocriminels… dans les cabinets des psys, on extrait de l’inconscient de si nombreux sévices supposément refoulés depuis l’enfance que le législateur abolit la prescription. La confrérie des psychologues se fracture : d’un côté, les tenants des souvenirs retrouvés, principalement des cliniciens ; de l’autre, ceux des faux souvenirs, en majorité des chercheurs en sciences cognitives.  

Nos détracteurs disaient, “Se perdre est si banal, montrez-nous que vous pouvez le faire avec quelque chose de plus dérangeant, de plus bizarre”, raconte la psychologue. Alors des collègues ont relevé le défi avec une attaque d’animal, un baptême de l’air en montgolfière, une quasi-noyade… D’autres travaux ont montré qu’un faux souvenir de dispute parentale active le système nerveux autant qu’un vrai. Ces « guerres de la mémoire » se sont soldées par la disgrâce des thérapies de récupération de souvenirs, certains praticiens sont condamnés à verser des millions de dollars de dommages à leurs patients manipulés.

Le point de vue des écologistes thérapeutes

Mohamed-Antoine Roquentin : Stéphanie Chayet aurait dû faire ses devoirs en s’intéressant à l’œuvre de Freud, Lacan et qqs autres avant d’écrire ça, ou interroger un psychanalyste français. La psychologie cognitive, qu’elle plaie; les Américains auront inventé l’eau chaude.

G.M : Par ses méthodes scientifiques et ses protocoles documentés et reproductibles (et donc sainement sujets à discussion), la psychologie cognitive est la seule qui reçoit mon respect de scientifique. Vos pontifes illuminés ne m’intéressent pas.

D. : Les psychothérapies de la « mémoire retrouvée » existent toujours et sont toujours aussi dévastatrices pour les patients.

Michel SOURROUILLE : Notre perception du présent est faussée comme peuvent l’être nos souvenirs du passé. Pourquoi des personnes estimant que le changement climatique n’est pas plausible se laissent-elle, en revanche, aisément convaincre des dangers imminents que représentent les attentats terroristes ou les invasions extraterrestres ? Nous constatons que les biais cognitifs qui apparaissent dans les expériences de psychologie sont, dans la vraie vie, subordonnés à la culture, aux normes sociales et à l’identification à l’endogroupe. Le changement climatique n’est pas médiatiquement stigmatisé, et les phénomènes météorologiques extrêmes nous sont dans une certaine mesure familiers. C’est pourquoi l’incertitude concernant ses effets n’instille pas un sentiment de crainte ; elle nous laisser croire ce que nous avons envie de croire. Tout dépend de l’idéologie sous-jacente d’un individu. C’est pourquoi la post-vérité à la Trump fait des ravages en Amérique… Nous avons une capacité presque sans limites à accepter des idées nouvelles (vraies ou fausses) une fois qu’elles font partie de convictions partagées, qu’elles sont renforcées par les normes sociales et communiquées par des récits qui s’adressent à nos « valeurs sacrées ».

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BIOSPHERE-INFO, le syndrome de l’autruche

 

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Optimisme, pessimisme et énergies fossiles

Au XXe siècle, alors que la population était multipliée par quatre, la consommation d’énergie dont dépendent les émissions de gaz carbonique était multipliée par 40 ! C’est là que réside mon pessimisme : je ne vois pas comment on va s’en sortir. D’autant plus qu’on en rajoute chaque jour. Le gouvernement du Royaume-Uni annonce une centaine de nouveaux permis d’exploitation de gaz et de pétrole en mer du Nord. C’est clair, nous sommes foutus, le présent occulte l’avenir. La dernier goutte de pétrole ira nourrir les méfaits d’une guerre pour les ressources. Mais ne restons pas pessimistes, l’utopie est ce qu’il reste du monde à bâtir !

LE MONDE avec AFP : Cette décision survient en pleine remise en question, au sein de la majorité conservatrice mais aussi dans l’opposition travailliste, de certaines politiques vertes en raison de leur coût pour les Britanniques en pleine inflation. Le premier ministre, Rishi Sunak, : « Maintenant plus que jamais, il est vital que nous renforcions notre sécurité énergétique et capitalisions sur cette indépendance pour procurer de l’énergie plus abordable et propre aux foyers et entreprises britanniques. »

Selon un sondage YouGov du printemps, 65 % des britanniques se disent inquiets des conséquences du changement climatique, mais ils s’opposent majoritairement à la plupart des mesures qui leur demanderaient un effort personnel. Le gouvernement a aussi laissé entendre que certains objectifs environnementaux pourraient être assouplis, notamment sur les normes énergétiques des logements.

Le point de vue des écologistes désespérés

dronte : C’est clairement fichu. Ce type de décision ne fait que le conforter. Je suis navré pour les actuels jeunes enfants qui auront à subir ces effets dévastateurs de plein fouet.

Nico71 : « 65 % des britanniques se disent inquiets des conséquences du changement climatique, mais ils s’opposent majoritairement à la plupart des mesures qui leur demanderaient un effort personnel. » Tout est dit.

Feldid : Eh oui : abaisser la vitesse à 80km/h sur nationales et 110 sur autoroutes est vécu comme une atteinte intolérable à la liberté individuelle…

toutvabien : Nous sommes confits dans notre graisse consumériste et les gouvernements qui devraient élever les populations les suivent lâchement, encouragés en cela par des producteurs cupides. Jamais nous n’avons collectivement autant ressemblé à un troupeau de bovins à l’étable.

Jap777 : Bravo les Anglais ! Rien à faire du réchauffement climatique. Les générations futures n’ont qu’à se débrouiller par elle même.

GC 49 : Quand un bateau prend l’eau, on explique à ceux qui vont mourir par noyade ce qu’est le pragmatisme et la modération dans l’art d’écoper. C’est exactement ce que fait le gouvernement britannique. Wait and see !

SBRC : En France et dans beaucoup de pays ce sera la même chose. C’est pour cela que c’est cuit, sans mauvais jeu de mot. Il faudra attendre que les divers effets du RC deviennent très impactants pour tous et que leur coût économique devienne supérieur au coût de la transition pour qu’elle doit vraiment enclenchée. Cela viendra mais alors il sera beaucoup trop tard pour ne serait-ce que limiter le RC au supportable. Donc, ce sera RC max et effets max.

Volcelest : La réalité des choses c’est que, finalement, nous ne sommes pas intelligents.

Christophe N. : Au point où nous en sommes autant vider les stocks pour de bon après quand il n’y aura plus rien nous serons bien obligés de vivre différemment !

Quelques citations pour ne pas mourir idiot

Stéphane Foucart : Certains journalistes fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient.

Claude Lorius : Avant, j’étais alarmé, mais j’étais optimiste, positiviste. Je pensais que les économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer les choses. J’étais confiant dans notre capacité à trouver une solution. Aujourd’hui, je ne le suis plus…

Vaclav Havel : « Je ne suis pas optimiste parce que je ne suis pas certain que tout finira bien. Je ne suis pas non plus pessimiste, car je ne suis pas certain que tout finira mal. Au lieu de cela, je suis un réaliste plein d’espoir, et l’espoir est la croyance dans la signification de la liberté et de la justice. »

David Brower : « L’optimisme et le pessimisme expriment sous des formes différentes la même capitulation face au futur ; car tous les deux le traitent comme une fatalité et non comme un choix. »

Rob Hopkins : « Le pessimisme et l’optimisme sont tous deux des distractions qui nous éloignent d’une vie pleinement vécue. »

Steven Pinker : « Notre pessimisme nous conduit à croire que tout effort pour améliorer le monde est une perte de temps ».

Albert Camus : Concilier une pensée pessimiste et une action optimiste. C’est là le travail des philosophes.

William Arthur Ward : Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles

Antonio Gramsci : Je suis pessimiste par l’intelligence et optimiste par la volonté

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La collaposologie est-elle la voie de l’optimisme ?

Évitons l’optimisme en 2019, cela empêche le réalisme

L’optimisme irréaliste du MONDE à propos des métaux

optimisme débridé des pétroliers, silence au MONDE !

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Milgram et la soumission à l’autorité

« Obéissez à la loi ! » Injonction impressionnante. Suffisamment impressionnante pour étouffer le sentiment profond de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas. Lorsqu’on se penche sur la longue et sinistre histoire de l’homme, on réalise qu’il s’est commis plus de crimes abominables au nom de l’obéissance qu’au nom de la révolte. Le corps des officiers nazis obéissait au plus rigoureux des codes d’obéissance et c’est au nom de ce devoir d’obéissance qu’ils commirent et cautionnèrent les actes les plus monstrueux de l’histoire humaine. C’est à Yale, dans les années 1960, qu’eut lieu la fameuse expérience Milgram. La découverte  fondamentale de cette étude psychologique, c’est que les individus adultes font de leur mieux pour obéir aux ordres émanant de l’autorité.

Stéphanie Chayet : Stanley Milgram (1933-1984) se demandait comment des hommes ordinaires – « ni pervers ni sadiques », écrira la philosophe Hannah Arendt – ont pu mettre en œuvre la « solution finale ». Il s’intéresse à l’autorité, à l’obéissance. Il veut comprendre. Il lance son étude au cours de l’été 1961. Sous le prétexte d’évaluer le rôle de la punition dans l’apprentissage, ce dernier installait des citoyens ordinaires aux manettes d’un appareil prétendument connecté à une sorte de chaise électrique. « Nous savons peu de chose sur l’effet de la punition sur l’apprentissage, car aucune étude scientifique n’en a été faite chez l’être humain », dit-on aux participants. Dans une pièce adjacente, un acteur faisait un exercice de mémorisation. A chaque erreur, le cobaye devait lui administrer des décharges d’intensité croissante, d’abord 15 volts, puis 30, puis 45, et ainsi de suite, jusqu’à 450 volts. Bien sûr, la « victime » simulait la souffrance, mais l’opérateur de l’appareil n’en savait rien, pas plus qu’il ne se doutait être le véritable sujet de l’étude. « Continuez, s’il vous plaît », disait l’expérimentateur en cas d’hésitation. 65 % des participants vont jusqu’au bout, même si l’électrocuté tambourine sur le mur ; 62,5 % si ses plaintes préenregistrées traversent la cloison ; 40 % s’il se trouve dans la même pièce qu’eux… « C’est un spectacle très troublant, note le chercheur, car la victime résiste avec acharnement et crie de douleur … Les résultats sont terrifiants et déprimants ».

La tragique réalité de cette histoire est que, lorsque les gens font du mal, ce n’est pas parce qu’ils veulent faire du mal, mais typiquement parce qu’ils veulent rendre le monde meilleur : pour le bien de la recherche !

Le point de vue des écologistes pas manipulables

Untel : « C’est une adhésion à une cause perçue comme juste, un sentiment d’identité et de valeurs partagées, et c’est tous les jours dans la presse. La tragique réalité est que, lorsque les gens font du mal, ce n’est pas parce qu’ils veulent faire du mal, mais typiquement parce qu’ils veulent rendre le monde meilleur ». Évidemment cela ne s’appliquer pas à la « désobéissance civile » de Extinction Rebellion ou des Soulèvements de la Terre. Cela s’applique aux amis de Trump. Point.

ExtinctionRebellion : Cela s’applique à tous. Tout militant d’une cause devrait connaître ces influences néfastes et les intégrer dans ses réflexions éthiques. Pour répondre toutefois à une mise en cause des militants écologistes, il n’a jamais été question d’infliger de violence physique ni de souffrance aux personnes. Mais il ne faut pas aller jusqu’à s’identifier aux souffrances d’une devanture de banque ou d’une bâche de méga-bassine ?!?

Ah. : Vous avez raison, les policiers qui défendent une bâche plastique de méga-bassine avec des armes de guerre et des milliers de grenades reproduisent cette expérience de Milgram. Ils vont jusqu’au bout pour suivre les ordres alors même que c’est totalement disproportionné. Enfin peut-être que, contrairement à l’expérience, ça ne leur pose pas de problème de conscience.

JNP94 : Une longue séquence du film I comme Icare, avec Yves Montant reprend et illustre parfaitement cette expérience. Elle met très mal à l’aise et interroge tout un chacun sur son rapport à l’obéissance et le conflit potentiel avec ses propres valeurs morales…

Michel SOURROUILLE : Protester en dehors des limites prescrites par la loi, ce n’est pas combattre la démocratie. Cela lui est au contraire absolument essentiel. Une sorte de correctif à la lenteur des canaux habituels, une manière de forcer le barrage de la tradition. Le prix de la liberté, c’est une vigilance permanente. Il faudrait davantage se soucier du penchant que montrent les individus confrontés à des injustices accablantes à s’y soumette que de leur aptitude à se révolter. La liberté ne s’accorde pas, elle s’arrache. Le prix de la liberté, c’est prendre le risque d’être emprisonné, battu et peut-être tué. Ce fut toujours historiquement le cas.

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À lire, Discours de la servitude volontaire (La Boétie, 1576)

Soumission/ volontaire, comment sortir de cet oxymore ?

Les humains, un animal débile

Sommes-nous prêt à électrocuter un inconnu pour les besoins d’un jeu télévisé ? Oui, d’après les résultats d’une expérience réalisée en 2009… Pour la biosphère, ce tortionnaire blotti en chacun de nous est une mauvaise nouvelle. Comme les humains sont prêts à faire n’importe quoi par interaction spéculaire, autant dire que la planète, ils s’en foutent complètement…

Interaction spéculaire, je fais comme toi

Milgram et la soumission à l’autorité Lire la suite »

Nous sommes des moutons et fiers de l’être

Au début des années 1950, le psychologue américain Solomon Asch étudie les capacités de résistance de l’individu. Il avait espéré que son étude montrerait les capacités de résistance de l’individu. Il ne connaissait pas encore la psychologie humaine ! 76 % de ses cobayes se rallièrent au moins une fois – et 11 %, toujours – à l’avis incorrect de la majorité.

Stéphanie Chayet : l’assistant d’Asch, le jeune chercheur Stanley Milgram, reproduit l’expérience de son mentor en Norvège où il constate un fort taux d’adhésion à la réponse majoritaire. Chez un animal social comme Homo sapiens, il est « adapté » de chercher à maintenir l’harmonie du groupe. Cette pression sociale, les psychologues l’appellent « influence normative ». Mais depuis, de nombreuses études ont montré que les groupes qui comptent un « avocat du diable » ont tendance à être plus lucides.

Le point de vue des écologistes pas manipulables

Michel SOURROUILLE : Cet article de Stéphanie est abusivement optimiste. Nous sommes un troupeau qui suit des directives et un lanceur d’alerte a de fortes chances d’y perdre son emploi et ses amis. Rappelons que la soumission volontaire est un fait généralisé. Il y a la soumission volontaire qui permet aux dictatures d’exister. Il y a la soumission des esclaves, des femmes ou des noirs qui a perduré parfois pendant des millénaires. Il y a la soumission plus ordinaire des gens qui obéissent à l’autorité, soumission si bien analysée par Hannah Arendt et Stanley Milgram. Et puis il y a la soumission aux diktats des marchands. La capacité de résistance doit s’apprendre, et pourtant il n’y a nul enseignement de cette capacité puisque cela remettrait en cause le système thermo-industriel qui nous broie. Les objecteurs de croissance sont très rares, les objecteurs de conscience encore plus rares… et donc inaudibles !

Jacques Py : E. Morin terminait sa tribune récente sur la crainte d’une société de soumission. Voir tous ces gens le même smartphone à la main ! Cette servitude volontaire si confortable et paresseuse, mimétisme analysé par un R. Girard notamment.

Lls : C’est exactement ce qui se passe sur les réseaux sociaux. L’adhésion de masse à des modes de pensées minoritaires qui apparaissent ensuite comme des normes. Même lorsque ces « normes » sont complètement aberrantes, des gens se mettent à y croire. C’est précisément comme cela que se construisent les théories du complot.

le sceptique : Le fait que l’humain soit un animal social a des traits positifs et négatifs. Le conformisme de groupe fait plutôt partie des traits négatifs, du moins dans les cultures qui valorisent la personne. Mais un avis partagé par beaucoup de monde a davantage de chances d’être fiable, au moins pour ce qui a trait à l’expérience ordinaire de choses répétées. Cela peut procurer un avantage de faire confiance plutôt que vouloir tout vérifier soi-même… biais qu’exploitent le cas échéant les manipulateurs de groupe.

Jairaison : Cela renvoie à une question fondamentale : comment se forme notre jugement ? L’influence du groupe sur l’individu est considérable et ça débute dès l’école maternelle. Se socialiser c’est forcément se conformer un tant soit peu. Et ce n’est pas parce qu’on fait une erreur depuis longtemps que c’est une vérité.

Vince : Et dire qu’on base la démocratie sur la supposée indépendance et discrimination d’esprit de l’électeur…

GusLeChinois : Je suis d’accord avec tous les commentaires ci-dessus !

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