Une culture commune à l’école, l’écologisme
« A quoi sert l’école ? ». Roger-François Gauthier se pose la question et effleure la réponse : « Sur la question des finalités de l’école, les opinions ne manquent pas, transmettre le passé, préparer l’avenir, fabriquer des citoyens, les mettre au service de l’économie, transmettre un humanisme… Cette absence de pensée commune favorise la fragmentation des systèmes scolaires. C’est bien cette impasse qui, en 2013, à l’occasion de la loi dite de « refondation de l’école », poussa le législateur à définir un « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ». Cette notion de culture est dénaturée par toute une palette d’adjectifs, la veut-on « générale », « professionnelle », « littéraire », « scientifique et technique », « industrielle » , populaire » ou« bourgeoise » ? Il s’agissait d’une « culture commune », permettant la possibilité de se comprendre dans des sociétés mondialisées et fracturées. On peut proposer trois prises de conscience par chaque petit d’homme, s’ouvrir à la diversité historique des cultures, prendre place dans l’aventure humaine et devenir responsable envers la planète. » C’est beaucoup trop flou pour être mis en musique.
L’école actuelle, attachant les élèves à leurs chaises pendant des années et des années, n’est qu’une création du système thermo-industriel qui a chassé les paysans de leurs terres et rendu l’école obligatoire pour trouver du travail en ville, « en sachant lire, écrire et compter ». Les profs ne sont utiles que pour la pérennité d’une orientation professionnelle qui trie les uns vers les métiers manuels et pousse les autres vers des études longues qui mènent à des emplois parasitaires. L’école apprend-t-elle à travailler avec les autres, l’école apprend-elle à se situer dans l’environnement, à mieux interagir avec le reste de la nature ? On y apprend qu’apprendre se fait par l’entremise de contenus abstraits dispensés par des adultes qui ne se définissent pas avant tout comme des éducateurs mais comme des spécialistes d’une discipline. L’école freine la compréhension transversale et multidimensionnelle des enjeux du long terme. Les jeunes doivent se préparer à un monde beaucoup moins abondant en énergie. Ils doivent donc devenir performant en cuisine, en jardinage ou en bricolage, devenir autonomes au niveau compétences et réflexion. Nos enfants doivent maîtriser des notions comme la capacité de charge d’un territoire, le niveau de CO2 dans l’atmosphère, le taux de renouvellement des ressources, le maximum de captation des ressources fossiles, etc. Ils doivent comprendre les cycles du vivant et la dépendance de l’être humain à la Nature. Il s’agit pour eux de privilégier les conséquences à long terme de ses actes sur la simple satisfaction du moment présent. Il s’agit pour les enfants d’acquérir le sens des limites ainsi qu’une manière de vivre favorable aux générations futures et à la biodiversité.I l s’agit d’aller à l’encontre de l’idéologie imposée par le système actuel, croissancisme, lutte de tous contre tous, compétitivité exacerbée, monétisation des relations sociales, « vérité » des prix du marché, pillage autorisé de la planète. Apprendre à lire et compter aux élèves n’est rien si on ne ressent pas notre appartenance à la nature, si on ne s’éloigne pas de l’anthropocentrisme dominant. Nos enfants seront même amenés à se poser cette question existentielle : faut-il faire des enfants, combien, pour quel épanouissement durable ? C’est tout cela une culture commune qui repose sur l’écologisme.
On doit éviter la confusion entre les deux sens du mot culture. Il y a la culture au sens traditionnel de « cultivé », c’est-à-dire sachant beaucoup de choses qui n’ont aucune importance. Avant on se gorgeait de littérature et on allait au musée, maintenant on connaît le dernier chanteur à la mode et savoure la version télé de la réalité. C’est toujours une culture de divertissement, que ce soit pour les bourgeois ou les prolétaires. Ce n’est pas la culture au sens sociologique, l’ensemble des comportements acquis qui permettent d’apaiser les relations sociales et de préparer un avenir durable.