simplicité volontaire

limiter notre pouvoir est-il le signe d’une répression ?

Comme fondement de nos analyses sur ce blog, il y a le rejet de tout ce qui prône l’illimité et en conséquence nous préconisons un retour au sens des limites. Certains auteurs vont dans le même sens, ainsi notre dernier livre de chevet : « Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques ». Voici (par Guillaume Carnino) une présentation de Dany-Robert Dufour, philosophe à la croisée de la psychanalyse, de la philosophie du langage et de la critique politique. En résumé :

« Un invariant semble se dégager des antiques commandements en apparence arbitraires : la pléonexie (de pleon et echein, littéralement « plus avoir ») comme interdit. Ce « désir d’avoir toujours plus », voilà ce que les sociétés anciennes redoutaient et combattaient. Ainsi de l’interdit de l’usure.

A force de développer des fictions diverses et variées, l’être humain a fini par s’apercevoir qu’il se racontait des salades, et a donc décidé de toutes les balancer par la fenêtre. Après être passé par Dieu, le peuple, le prolétariat, et une fois que toute autre élucubration unificatrice a vraiment cessé de faire sens, l’être humain s’aperçoit que sa libération comporte un lourd tribu à payer : il n’a plus à dire sur le sens de la vie. L’avènement de la modernité a éclipsé l’ancien monde. Le cycle consistant à « donner-recevoir-rendre » est remplacé par l’acte de « prendre », médiatisé par l’argent. La totalité de l’anthropologie libérale est contenue dans ce programme, la libération des pulsions. Comme le note Dufour avec ironie, pour attraper un Européen moyen du XXIème siècle, il suffit de lui montrer des objets dans une boîte appelée télévision ou ordinateur, pour que sa main se referme sur l’appât et qu’il soit pris dans un cercle vicieux, voulant avoir toujours plus pour combler ce toujours moins d’être qu’il ressent confusément : c’est l’addiction. Désormais, nul grand récit ne nous donne une place dans l’univers et les injonctions contradictoires abreuvent notre ego au point de l’hypertrophier.

Toutes les limites apparaissent désormais comme l’indice d’une répression, plus rien n’est en mesure de faire barrage à ce déferlement d’ego. Le pléonexe préfère détruire le monde plutôt que de renoncer à l’illimitation. En art, la transgression permanente est devenue la règle. Désormais, des générations entières d’élèves sont donc sacrifiées aux seuls vrais parents qui les éduquent en les rabaissant : la télévision, Internet et le marché, main dans la main. Nous sommes asservis par nos désirs aux machines et au profit. Dufour s’en prend aussi aux théories queer, qui prétendent brouiller les identités de genre (masculin/féminin) sans s’attaquer aux fondements de la domination des femmes par les hommes. Le corps lui-même apparaît comme une intolérable barrière à la toute-puissance du moi, et on ne compte plus les techniques chirurgicales, sportives ou simplement esthétiques, visant à le ciseler selon les moindres désirs de l’ego.

                Dès lors il ne reste plus qu’à résister pour maintenir ou recréer des structures permettant le déploiement de limites indispensables à la formation d’individus heureux et libres. Il nous faut recréer l’écosystème naturel et social permettrant à l’humanité de se perpétuer pour éviter une évolution technologiquement instrumentée (biologie de synthèse), une destruction réelle de l’environnement et une guerre de tous contre tous. Dufour propose rien de moins que de transgresser le dogme de la transgression : après avoir cru qu’il était interdit d’interdire (mai 1968), il serait peut-être temps de comprendre qu’il est obligatoire de s’obliger. »

(éditions l’échappée 2013, 402 pages, 25 euros)

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Loin de la laideur de ce monde, limitons nos besoins

Sans avoir conçu le péril écologiste, juste conscient du péril que font courir de tout temps les hommes sur les hommes, Lanza del Vasto a préfiguré la simplicité volontaire des objecteurs de croissance. Voici quelques extraits de la pensée de Lanza pour vous inciter à en lire plus :

« Efforce-toi de désirer ce que chacun, comme toi, peut avoir.

Ne proteste pas contre ce que tu désappouves. Passe-t-en.

Passe-toi de toutes les organisations industrielles, commerciales, officielles.

Si tu désapprouves la laideur du siècle, jette loin de toi ce qui vient d’une usine.

Si tu désapprouves la boucherie, cesse de manger de la viande.

Si tu désapprouves la guerre, ne serre jamais les poings.

Si tu désapprouves la banalité, ne lis par le journal.

Si tu désapprouves la misère, dépouille-toi librement.

Si tu désapprouves le mensonge, quitte la ville.

Que font-elles de nécessaire les villes ?

Font-elles le blé du pain qu’elles mangent ?

Font-elles la laine du drap qu’elles portent ?

Font-elles du lait ? Font-elles un oeuf ? Font-elles le fruit ?

Elles font la boîte. Elles font l’étiquette.

Elles font les prix et la politique.

Elles font la réclame et du bruit.

Elles nous ont ôté l’or de l’évidence, et l’ont perdu. »

In Lanza del Vasto ou l’expérimentation communautaire (de Frédéric Rognon)

éditions les précurseurs de la décroissance, 110 pages, 8 euros

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Un enfant autonome ne reçoit pas de cadeaux à Noël

Fuyez les dépenses superflues qui épuisent les ressources naturelles et se transforment en déchets plus ou moins recyclables : n’offrez  pas de cadeaux à Noël. Nos enfants sont les petites victimes du marketing qui transforme le père Noël en fournisseur d’un bon de commande validé par l’industrie du jouet. Crise ou pas, l’infantilisation des masses jeunes et adultes se poursuit à chaque Noël. Les petits français ne savent même pas que le Christ dont Noël est la fête est né dans la plus pauvre des conditions. Le véritable message de Noël est celui du partage, certainement pas cette outrance des marchands du Temple qui nous proposent leurs gadgets plus ou moins chinois. Réagissez ! Ecoutez le message délivré en janvier 1973 par le mensuel La Gueule ouverte :

« Le Père Noël est le camelot immonde des marchands de rêve et d’illusion, véritables pirates des aspirations enfantines, colporteurs mercantiles de l’idéologie du flic, du fric, du flingue… Face à la grisaille géométrique des cités-clapiers, bidonvilles de la croissance, face aux arbres rachitiques, aux peuples lessivés, essorés, contraints, s’étale la merde plaquée or-synthétique, la chimie vicieuse des monceaux de jouets. Les jeux sollicitent de plus en plus de consommation électrique. Allez, tenez, on va fantasmer un peu : bientôt pour construire des centrales nucléaires, l’EDF s’adressera à nos gosses et leur proclamera la nécessité de l’atome pour fournir de l’électricité à leurs jouets !

Quelles sont les tendances d’enfants ouverts vers un milieu naturel ? Ils courent, ils jouent dans les flaques, se roulent dans la boue, ou tentent de percer les mystères de « papa-maman ». Ils vivent, pensent, créent, se contentent de quelques bouts de bois. Recouvrir ces apprentissages fondamentaux par une montagne de plastique animé par des piles électriques est le but criminel de notre société : n’offrez  pas de cadeaux à Noël. »

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Le Noël des marchands étouffe toute spiritualité

En Europe, les rituels liés à l’approche de l’hiver sont ancestraux. Fixer la naissance de Jésus près du jour le plus court de l’année, ce fut d’abord la tentative de l’Eglise catholique de nier un paganisme proche de la Nature.
La liturgie de la Messe de l’Aurore rappelle que la nuit est passée, le jour est avancé. L’invention du père Noël résulte d’un détournement historique complémentaire. L’Église catholique avait décidé de remplacer les figures païennes par des saints. Saint Nicolas de Lycie désignait le saint protecteur des tout-petits car, selon la légende, il aurait ressuscité trois enfants trucidés par un horrible boucher. Mais il était fêté le 6 décembre : un personnage, habillé comme on imaginait que saint Nicolas l’était (grande barbe, crosse d’évêque, grand vêtement à capuche), va alors de maison en maison pour offrir des cadeaux aux enfants sages.

C’est seulement en 1809 que l’Américain Washington Irving a créé le personnage du Père Noël. La mondialisation du Père Noël peut commencer, y compris avec sa couleur rouge, utilisée dès 1866. De nombreuses firmes avaient déjà utilisé cette symbolique dans des publicités, mais Coca-Cola a largement contribué à fixer l’image actuelle : à partir de 1930, une série de publicités pour la marque Coca-Cola utilise le costume rouge et blanc. En France les catholiques, qui depuis longtemps s’échangeaient des petits cadeaux à Noël le 25 décembre en l’honneur de la naissance du Christ, ont résisté un temps au « père Noël ». Mais entre le XIX et le XXe siècle, des chrétiens associent cette « fête des enfants » à celle de l’Enfant Jésus : Saint Nicolas fera désormais sa tournée la nuit du 24 décembre.

Le père Noël n’est qu’un hérétique dont la hotte va être garnie par les marchands du Temple. Aujourd’hui l’enfant Jésus est bien oublié, Noël est devenu la fête des marchands. Même des pays n’ayant pas de tradition chrétienne comme la Chine utilisent désormais le 25 décembre comme outil de vente. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette fête de Noël (censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique) qui a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Il nous faut trucider le père Noël.

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L’immonde père Noël vu au travers des yeux d’enfants

– Il s’agit d’enfants de CE1 mais cela peut se passer partout en France. Un garçon dit ne pas croire au père Noël. Les autres lui rétorquent : « Attention, si tu n’y crois pas, tu n’auras pas de cadeaux ! » Ce mécanisme d’intimidation est fréquent : « Attention, si tu ne crois pas en Dieu, tu iras rôtir en enfer… »

– Une fillette de cinq ans a fait une liste pour le père Noël longue comme un jour sans pain. Un membre de sa famille lui pose la question : « Si tu n’avais qu’un seul choix à faire, lequel ferais-tu ? » Et la petite fille de répondre sans sourciller, « Premièrement celui-ci, deuxièmement celui-là, et aussi… » Comme chacun sait, la société de consommation ne connaît pas de limites dès le plus jeune âge.

– Ce petit garçon ne croit plus trop au père Noël. Son oncle veut lui faire sentir les limites de toute chose : « Et si ta maman n’a pas assez d’argent pour t’offrir des cadeaux à Noël. » Sans se démonter, l’enfant envisage immédiatement de changer de mode de garde et d’aller vivre chez son père. L’affectif dans une famille n’est plus ce qu’il était.

– Dans cette famille, c’est terrible. Dès que les cadeaux sont achetés et cachés, les enfants ont un sixième sens pour le deviner ; ils exigent d’avoir ces cadeaux immédiatement tout de suite sans attendre le jour de Noël. Pourtant il y a de fortes chances que ces cadeaux soient oubliés aussitôt qu’ouverts.

Ainsi va le conditionnement dans la société des marchands. Cela commence très tôt, dès le jour de Noël et chaque fois qu’un enfant passe devant la caisse d’un supermarché où s’amoncelle (à sa hauteur !) les friandises. Mais on peut toujours rencontrer pire, par exemple l’objet en caoutchouc que machouille le bébé  et qui a la forme d’un portable.

Si vous avez d’autres histoires d’enfants intoxiqués par la société de consommation, prière d’en mettre en commentaire sur ce post, merci.

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pour un Noël autrement, s’abonner à Biosphere-Info

Ce blog édite un bimensuel électronique auquel vous pouvez vous abonner gratuitement. Il suffit d’envoyer un courriel à biosphere@ouvaton.org. Pour en donner un avant-goût, voici la présentation d’un numéro sur le Noël des marchands :

Les religions et l’écologie ne font pas bon ménage. C’est anormal. Le respect de la Création devrait être un devoir pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, tous issus d’une même tradition. Pourtant rares sont les chrétiens qui prônent, à l’occasion de Noël, le retour à la simplicité biblique. Cette fête de Noël, censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique, a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette perte du sens de la modération. Le mouvement « Vivre Noël autrement » montre que la résistance est possible. Des initiatives laïques comme les mouvement pour la simplicité volontaire et l’objection de croissance vont dans la même direction…

Pour lire le numéro complet, cliquez ICI.

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Se moucher sans mouchoir, tel sera notre avenir

Il n’y a pas meilleure invitation à la réflexion que les questions que vous pose un jeune enfant. Sa curiosité et son sens de l’observation font merveille. Ainsi une petite fille m’a dit à brûle-pourpoint : « Mais un chat, il n’a pas de mouchoir, comment fait-il quand il a la goutte au nez ? »

Un chat laisse la nature faire et la goutte couler, ou bien il souffle dans son nez pour faire partir ce qui gêne. Alors, pourquoi un être humain, cet animal parmi d’autres, n’en ferait-il pas autant ? On s’interroge doctement sur les vertus écologiques comparées du mouchoir en papier ou du mouchoir en tissu, on étudie lequel de cet ustensile de poche a le cycle de vie le plus court et l’impact sur la planète le plus doux. Mais personne ne conseille de se boucher une narine avec un doigt (avantage de l’homme sur le chat), souffler très fort pour vider l’autre, et réciproquement : soulagement garanti de la façon la plus naturelle qui soit. C’est la même démarche que Diogène avait initiée il y a bien lontemps. Ayant vu un jour une souris qui courait sans se soucier de trouver un gîte, sans crainte de l’obscurité, il la prit pour modèle. Cet écologiste avant la lettre pratiquait la vie la plus simple qui soit, marchant pieds nus en toute saison, dormant sous les portiques des temples et ayant pour demeure habituelle un tonneau. Le principe de sa philosophie ? Vivre simplement et sainement selon la nature. Il jeta un jour son écuelle en voyant un enfant boire l’eau de la fontaine avec ses mains : « Cet enfant m’apprend que je conserve encore du superflu. »

Oui, les enfants nous apprennent des choses que la civilisation matérialiste nous a fait oublier. Sur une planète exsangue, il nous faut dorénavant aller au plus simple, limiter nos besoins. Aujourd’hui, alors que nous voulons encore dépasser toutes les limites, cette tournure d’esprit devient indispensable. Se moucher à main nue ou avec un mouchoir n’est qu’une des innombrables questions que nous devrions nous poser sur notre comportement personnel, particulièrement en cette fête des marchands qu’on appelle Noël. A chacun ensuite de trouver sa voie du moment que c’est celle de la modération.

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Le café, ce breuvage amer au service des multinationales

Le café est le deuxième produit (en valeur) échangé dans le monde après le pétrole. C’est le produit dont les Français auraient le plus de mal à se passer, 80 % d’entre eux en boivent au petit déjeuner, 74 % après le déjeuner. Pourquoi donc buvons-nous du café ? Au XVe siècle, les soufis l’utilisaient comme dopant lors des cérémonies religieuses. Louis XIV a été séduit par ce breuvage en 1669. Cela fait travailler les esclaves, 500 000 noirs à Saint Domingue en 1790. Durant les années 1820-1840, le café prend son essor grâce à l’afflux d’esclaves au Brésil et représente plus de 60 % de ses exportations à la fin du XIXe siècle. Main d’œuvre à bas prix, usages d’une élite, industrialisation des processus de fabrication, propagande publicitaire pour la pause café, ce breuvage qui n’a même pas bon goût se répand dans toutes les couches de la société. Pourtant nous n’avons pas besoin de café pour notre équilibre alimentaire, c’est un désir créé de toutes pièces. L’urgence écologique nous demande de limiter nos besoins, nous pourrions commencer par nous priver de café.

La culture du café de la ceinture tropicale occupe 125 millions de personnes. Il s’agit uniquement d’une culture d’exportation, écologiquement et socialement néfaste. Non seulement l’agriculture d’exportation se fait au détriment de la culture vivrière, mais elle pousse à l’exode rural et à la paupérisation. De plus l’exportation de produits agricoles veut dire exportation d’une partie des qualités du sol. Or le maintien de la fécondité de la terre est la condition essentielle d’un système d’agriculture durable. Certains mettent en avant le café  « équitable » qui valorise le prix d’achat en faveur des petits producteurs. En Europe 75 % du commerce équitable est sous le contrôle de Max Havelaar : les normes sont maison et les contrôles aussi, laissant place à des dérives. Enfin le café doit parcourir de nombreux kilomètres pour aboutir dans notre tasse : adieu le breuvage de proximité et le choix locavore.

Bien entendu LE MONDE éco&entreprise* dont nous avons tirés les chiffres de ce post ne fait aucun critique de la consommation de café. Pour nos journalistes, nos dirigeants et nos maîtres de conférence, ce qui compte, c’est de consommer toujours davantage, ce n’est pas de réfléchir au bien-fondé de notre consommation…

* LE MONDE éco&entreprise du 28 septembre 2013, Le café, de la traite des Noirs au commerce équitable

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Faut-il être végétarien ? de Cl. Aubert et N. Le Berre

La deuxième partie du XXe siècle est une grande période de remaniement de l’alimentation humaine. Le langage courant en rend compte : en 1900 on gagne son pain avec son travail, vers 1950 on fait son beurre, vers 1970-80 on défend son bifteck, en 2000 il n’y a plus de référence à l’alimentation : on gagne tout simplement de l’argent. L’alimentation ne compte plus en tant que repère de base. Ce livre fait donc le point sur les dérives et  conséquences néfastes de nos modes alimentaires : importations frauduleuses, intoxications alimentaires, risque de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers, énormes gaspillages d’eau et de terre, contribution à la déforestation et à l’effet de serre…

Dans un contexte d’inculture nutritionnelle grandissante, ce livre est surtout important car il nous donne des connaissances précieuses sur le contenu de nos assiettes. Le passage du « fait maison » au tout industriel a un effet pervers majeur : le consommateur ne sait plus ce qu’il mange et comment sont faits les plats qu’il ingère. Par exemple nous devrions tous connaître le raffinage. Il s’agit d’un ensemble d’opérations physiques et chimiques permettant d’obtenir un produit très stable, facile à conserver et de qualités gustatives reproductibles. Mais pour obtenir ce résultat, très pratique pour les industriels, on n’hésite pas à faire perdre au produit une partie de ses protéines et surtout une majorité de ses minéraux, vitamines, fibres et substance bioactives. C’est le triomphe du pain blanc et des viennoiseries, ou des soi-disant céréales au petit-déjeuner.

Le film de Morgan Spurlock, Super Size Me, devrait être projeté dans toutes les écoles. Le réalisateur, homme jeune, bien portant et sportif, décide de manger exclusivement pendant un mois les repas fabriqués par un fast food. De plus il arrête le sport. De semaine en semaine la dégradation de la santé s’installe ainsi que la prise de poids. Morgan Spurlock mettra six mois pour retrouver son état de bonne santé antérieur. C’est toute une culture agroalimentaire qui est en cause.

Ce livre « Faut-il être végétarien ? » laisse pourtant à chacun sa liberté : « Une dominante végétale n’est pas synonyme de suppression de la viande, et il faut redécouvrir les plats traditionnels dan lesquels la viande, au lieu d’être l’ingrédient principal, est un complément d’une base végétale…. Mentionnons le couscous, paella, pizza, riz cantonais, pot-au-feu, potées  de toutes sortes, petit salé aux lentilles (jadis appelé lentilles au petit salé !) » Quelques recettes viennent éveiller les sens à autre chose que la viande.

(Terre vivante, 154 pages, 14 euros)

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en mémoire du décroissanciste René Dumont (8/9)

Enfant, René Dumont appréciait les ouvriers agricoles polonais qui « marchaient pieds nus sur les chemins de terre et ne mettaient leurs chaussures qu’une fois arrivés en ville pour les économiser ». Plus tard, se souvient sa fille « A table, mon père exigeait qu’on prenne peu, qu’on se resserve si nécessaire, mais qu’on ne laisse jamais rien ». Adepte un temps de l’école distributive de Jacques Duboin, il pense que la consommation de quantités importantes de viande ne présente pas un caractère de nécessité absolue. Beaucoup plus tard, dans un restaurant très parisien, on en est au troisième plat. Dumont se lève et, d’une voix qu’il sait si bien rendre cinglante, qualifie l’agneau doré à point d’agression « contre ce pour quoi je lutte ». Calcul rapide des calories déjà ingurgitées, comparaison avec les rations habituelles des pauvres du Sud : « Bon appétit, mesdames, messieurs. » Et Dumont quitte la salle. Ne conseillait-il pas de se lever de table en ayant encore un peu faim ?

Il a très vite abandonné la cravate, « ce bout d’étoffe symbole de ceux qui veulent marquer qu’ils sont bien au-dessus des paysans et des travailleurs. » Il est capable de s’emporter contre le déodorant pour hommes (inutile, donc stupide, dangereux car il arrête la transpiration). Il ne proteste avec excès que contre les excès, excès de consommation ou excès de misère. Le gaspillage le rendait furieux. Le paysan, lui, ne jette pas, il récupère, répare, recycle. Le paysan ne détruit rien, il met en valeur ! A propos du programme commun de gouvernement en 1972, il écrit : « Quand je pense aux affamés du Sahel, je trouve certaines revendications grotesques… Cet objectif de croissance de 8 %, croissance pour qui, croissance pour quoi faire ? Proposer une hausse générale du niveau de vie, c’est oublier que ce niveau de vie résulte en partie du pillage du tiers-monde, du sous-paiement de ses ressources rares. Pour ma part, je crois qu’il faut viser une hausse du niveau de vie limité aux tranches les plus basses de revenus. Et poser comme objectif la diminution de la consommation du tiers le plus riche de la population française. » « Cette croissance est celle des inégalités » jette-t-il à ceux qui exhibent leurs courbes statistiques à la hausse. « Il ne faut pas confondre croissance économique et développement », avertit-il.

Sa conception tient en une phrase : « L’espèce humaine doit savoir se limiter. » René Dumont était sans le savoir un adepte de la simplicité volontaire et de la décroissance.

René est mort le 18 juin 2001, souvenons-nous qu’il a été aussi un objecteur de croissance à une époque où le mot « décroissance » n’existait pas encore.…

Source : René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset

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efficacité énergétique contre limitation des besoins

Le texte suivant montre clairement l’antagonisme qui existe dans le débat sur la transition énergétique (paradoxalement syndicats et patronat se retrouvent sur la même ligne ou presque). Notre société n’a pas encore compris que les citoyens devront limiter leurs besoins. A quoi sert en effet une bonne isolation thermique de sa maison (efficacité énergétique) si on en retire l’idée qu’on peut augmenter la température de son foyer (refus de la sobriété). Il est d’ailleurs significatif qu’on confonde généralement dans les débats « économies d’énergie » et « efficacité énergétique », ce qui permet de passer la sobriété à la trappe.

Efficacité et sobriété énergétique : un « bon sens » à géométrie variable

Thème majeur du Débat national en cours sur la transition énergétique, l’amélioration de l’efficacité est approuvée par l’ensemble des acteurs. En revanche, l’idée même de sobriété, autre objectif fixé par le gouvernement pour consommer moins d’énergie, divise les parties prenantes.

1) L’efficacité énergétique, que l’on peut définir comme le fait de consommer moins d’énergie pour un résultat équivalent ou supérieur, « relève du bon sens », souligne le rapport du groupe de travail (GT) dédié à cette thématique dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique (DNTE).

2) Toutefois, le sujet qui oppose le plus les acteurs, jusqu’à provoquer de vifs débats, concerne la sobriété. Un concept central de la pensée de l’association négaWatt, qui propose de « s’interroger sur nos besoins » et de faire la part entre ce qui est « utile » et ce qui est « futile ».

– Secrétaire fédéral FO Energie et Mines, Jacky Chorin estime qu’une telle approche relève de la liberté individuelle et que « mélanger efficacité énergétique et sobriété énergétique résulte d’un choix politique qu’on peut ne pas partager ». Il se déclare donc « en désaccord le plus total avec une inscription dans la prochaine loi d’une division par deux (d’ici 2050) de la consommation d’énergie » qu’envisagent des scénarios mis en avant par le rapport du GT.

– Représentant du Medef au DNTE, le président de l’Union française de l’électricité (UFE) Robert Durdilly est sur la même ligne. Prétendre « que l’on doit diviser la demande, donc la consommation, par deux pour atteindre le Facteur 4 (la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ndlr) est un raccourci et un parti pris », accuse-t-il. Car il estime que d’autres voies sont possibles. Comme le recours au nucléaire ou les « ruptures technologiques ».

Avec d’autres, il dénonce la « partialité » des deux experts sollicités par le GT. L’un d’eux, le président de négaWatt Thierry Salomon, pourfendeur de « l’ébriété énergétique », a dû se sentir principalement visé…

Ce clivage entre les apôtres de deux logiques s’opposant frontalement – l’une privilégiant l’offre, l’autre, la demande – est à vrai dire au cœur de l’ensemble du débat autour de la transition énergétique. Les premiers accusant les seconds de prôner la décroissance, les seconds reprochant aux premiers de porter une vision productiviste.

Entre ces deux idéologies, la position du gouvernement demeure imprécise. En particulier, sur le sens de cette « croissance verte » brandie par la ministre Delphine Batho, dont la France devrait devenir « une référence planétaire ».

3) La question de l’obligation s’est régulièrement posée dans les échanges entre les participants du GT Efficacité et Sobriété du DNTE, dès lors qu’il s’agissait d’aller au-delà d’un diagnostic en général partagé. Par exemple, faut-il imposer au particulier la rénovation thermique de son logement ? Oui, estime le Comité de liaison énergies renouvelables (CLER), car on « n’a pas le choix de faire ou de ne pas faire » lorsqu’il y a un gisement considérable d’économies d’énergie.

Non, rétorquent les syndicats FO et CGT, en mettant en avant le pouvoir d’achat. A se demander si « ce débat n’est pas déconnecté de la vraie vie », s’est même interrogé le cégétiste Dominique Launay. En rejetant, toujours pour des raisons de pouvoir d’achat, l’instauration d’un bonus-malus sur l’électroménager.

(source : La Gazette des communes, 15/05/13)

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Un très bon article du MONDE dans un magazine pourri

8 avril 1999 : Devant une assistance de patrons (Nabisco, Kraft, General Mills, Mars, Coca-Cola, Procter & Gamble et Nestlé), James Behnke, docteur en sciences de l’alimentation, expose la situation : augmentation du pourcentage d’obèses dans la population, notamment chez les enfants, victimes de diabète, d’hypertension et de problèmes. L’orateur va jusqu’à comparer les méfaits de la malbouffe à ceux du tabac et exhorte les participants à diminuer l’usage du sel, du sucre et des graisses – les trois agents provocateurs de l’obésité. Stephen Sanger, le patron de General Mills, va droit au but : « Ne me parlez pas de nutrition. Parlez-moi de goût et, si un produit a meilleur goût, n’essayez pas de me faire vendre autre chose qui a moins bon goût. » La messe était dite. C’est devenu un métier aux Etats-Unis : « optimiseur » de produit. Son objectif : trouver le bliss point, le point de l’extase, qui plonge l’usager dans la béatitude et lui en fait redemander. Ni trop ni pas assez de sucre, de sel ou de graisse. Le juste point où le cerveau envoie un message de satisfaction sans sensation de satiété, l’important n’étant pas d’aimer trop mais d’en redemander beaucoup. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, un adulte sur trois est considéré cliniquement obèse, un enfant sur cinq ; 24 millions d’Américains sont atteints de diabète de type 2, près de 79 millions de pré-diabète et 7 millions souffrent de goutte, la « maladie des riches » associée à la gloutonnerie*.

Le problème français, c’est qu’un tel article se retrouve dans M, le magazine du MONDE : le summum du luxe inutile et de l’achat compulsif fabriqué par la publicité. Parfum Guerlain (p.2 et 3), Passat à 23460 euros (p.4 et 5), Chanel n° 5 (p.6), Tiffany&Co. (p.9), smartphone (p.13), SUV à 238g de CO2 par km (p.15), etc. Il ne faut pas avoir le sens de la contradiction pour faire un article sur la pollution de l’air à Pékin en p.19-20 à cause de la circulation automobile ! Il est vrai que c’est votre smartphone qui vous indique le « taux de PM 2,5 » dans l’atmosphère… Il y a quelque chose de pourri au royaume des médias.

* M le magazine du Monde | 10.05.2013, Les dealers de l’agroalimentaire

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manifester contre l’austérité, ce n’est pas très écolo

Jean-Luc Mélenchon appelait à manifester contre l’austérité ledimanche 5 mai à Paris. LE MONDE* titrait : « Faute d’alternative, l’austérité reste la seule option. Qui a raison ? Le problème, c’est que le mot « austérité », comme tant d’autres mots, est un mot-valise qui porte tellement de signifiants qu’on peut leur faire dire une chose et son contraire.

D’abord constatons que ceux qui sont pour l’austérité sont aussi pour la croissance, ce qui est déjà assez paradoxal. Ainsi Barack Obama : « Nous avons besoin d’un programme de croissance tout en maintenant la discipline fiscale. » (19 mai 2012 au G8). De même Christine Lagarde, la directrice du Fonds monétaire international : « il faut à la fois observer « une discipline budgétaire » et « favoriser les éléments de croissance ». Il n’y a « pas d’alternative à l’austérité » » (discours au lendemain du 1er mai 2013).

Comme nous avons amplement traité de la problématique de l’austérité sur ce blog, nous vous renvoyons à nos textes antérieurs, sachant que la sobriété choisie ne peut pas être confondue avec l’austérité subie.

La décroissance voulue n’est pas une récession subie

résumé : « On reste dans l’idée que la croissance est la solution, alors qu’elle est le problème, écologiquement, socialement et politiquement… Il ne faut pas confondre société de décroissance et récession économique. D’un côté austérité coordonnée, assumée et partagée ; de l’autre austérité éclatée, imposée et injuste…

vivre comme un écolo, dans la souffrance ?

résumé : « Vivre comme un écolo implique des « sacrifices » qu’il vaudrait mieux pratiquer volontairement dès aujourd’hui plutôt que de les subir violemment demain… Le mode de vie à l’occidentale est bien au-dessus des possibilités de la planète (cf. empreinte écologique), ce qui nécessite une cure d’austérité qui implique une sobriété personnelle importante…

austérité et relance, une grève générale pour rien !

résumé : « La Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelait à une « journée d’actions » en Europe contre l’austérité. La  thématique est ambiguë : les travailleurs seraient-ils d’accord pour qu’un pays continue de vivre à crédit ? Cette grève ne serait-elle pas un soutien indirect au patronat qui s’acharne à nous vendre de la merde après avoir vidé nos cerveaux grâce à la pub ?…

aujourd’hui 22 août 2012, le jour du dépassement

résumé : « Mauvaise nouvelle pour la planète, ce mercredi 22 août l’humanité a déjà épuisé son crédit annuel de ressources naturelles. Nous avons déjà atteint le « Global Overshoot Day » ou « jour du dépassement ». En d’autres termes, nous vivrons à crédit jusqu’à la fin de l’année. Autrement dit, nous puisons dans le capital naturel…

manifester contre l’austérité, ce n’est pas très écolo Lire la suite »

La valeur croissante de la simplicité volontaire

Un livre de 1936 que tous les écoliers futurs apprendront à connaître, La valeur de la simplicité volontaire de Richard B.Gregg*. Il a un goût d’actualité car il présente à la fois le problème actuel et sa solution. Voici quelques extraits :

Le problème : L’idée d’Henry Ford selon laquelle la civilisation progresse avec l’augmentation des besoins des gens a l’air sensée. L’énorme quantité de papier et d’encre destinés à la publicité ajoute du poids à cette croyance. Le capitalisme n’est pas une simple organisation extérieure de banquiers et d’industriels. Ceux qui veulent le réformer ou l’éradiquer ont généralement intériorisé certaines des attitudes, des manières automatiques de penser et de désirer inhérentes au capitalisme. La cupidité et la compétition sont deux éléments nuisibles. La rivalité ostentatoire – imiter à tout prix les voisins – est une caractéristique marquante de la vie moderne. Un grand nombre d’Américains, les pauvres comme les riches, pensent qu’ils doivent posséder une automobile et considèrent le téléphone comme extrêmement important. Lorsqu’une personne vit au milieu de possessions pléthoriques, celles-ci constituent un environnement qui l’influence ; sa perception des relations humaines importantes est susceptible de devenir obstruée. Nous payons plus pour nous divertir que pour nous protéger du froid, de la maladie, des criminels. En apparence, les machines et l’argent nous procurent plus d’énergie, mais ils se nourrissent de notre énergie intérieure et nous en dépouillent. Dans la mesure où les désirs de l’humanité sont illimités – et nous tendons tous à justifier nos désirs -, quelles limites devons-nous nous fixer ?

La solution : Afin de corriger notre sur-mécanisation délirante, la simplicité est grandement nécessaire. La sobriété est une question relative, qui dépend du climat, des coutumes, du caractère de l’individu. Ce qu’est la simplicité pour un Américain serait loin d’être simple pour un paysan chinois. C’est à chacun de déterminer le degré de simplification à atteindre. Mais il est facile de voir que nos existences individuelles et notre vie collective seraient grandement changées si tout le monde simplifiait ses desseins. Un mode de vie simple agit comme un moyen de dissuasion contre l’ostentation et décourage à la fois l’avarice et la compétition. C’est à la portée de chacun d’entre nous.

Les actions comptent plus que les mots. La simplicité volontaire affecte en premier lieu la consommation. Elle instaure une limite d’achats. La consommation est le secteur dans lequel chaque individu peut influencer la vie économique de la communauté. Le consommateur a donc le devoir de réfléchir et de se conformer à un niveau de consommation pour lui-même et sa famille. Doit-il posséder trois ou un seul chapeau ? Sa maison doit-elle comporter une salle à manger séparée ? Je n’ai pas le droit de dénoncer le mal sans commencer d’abord par le déloger de ma propre vie. L’exemple est plus puissant que l’exhortation et le modèle donné par une personne, inlassablement répété, s’étendent à tous ceux qui reçoivent ce stimulus. Un groupe combinant la simplicité de vie, la discipline de la non-violence, et une sage transformation des pratiques économiques et sociales, pourrait acquérir une puissance morale suffisante pour guider et façonner une nation nouvelle. La simplicité ne serait pas un facteur négligeable dans l’influence de ce groupe.

* éditions Le pas de côté, 2012

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Pascal Bruckner, incompétence notoire liée au MONDE

Un donneur de leçons qui vocifère, Pascal Bruckner. Etonnant que LE MONDE offre tant de colonnes à ses écrits, exemple type de dissonance cognitive. Pour Bruckner, « la richesse n’est pas un crime* ». Encore faudrait-il avoir un argument pour s’exprimer ainsi. Il se contente d’accumuler les poncifs : « La haine de l’argent, de l’envie inversée » ; « L’argent, c’est d’abord ce qui manque tragiquement » ; « A vociférer contre le Veau d’or, on décourage les jeunes générations de travailler chez nous, on pousse les plus talentueux à s’exiler » ; « L’appât du gain, n’a en soi rien de honteux » ; « S’il y a de l’argent sale, il y a aussi de l’argent juste ».

Dans le même article, Pascal Bruckner énumère aussi le contraire, tout ce qui rend nuisible la richesse : « L‘argent roi qui ruine et pourrit jusqu’à la conscience des hommes » ; « Confiscation insolente par une poignée d’individus » ; « rémunérations astronomiques de certains dirigeants, persuadés d’être affranchis de toute obligation » ; « Qu’est-ce qu’un enrichissement qui ne contribue pas à l’enrichissement de tous » ; « L’argent peut pour beaucoup d’hommes devenir une fin en soi » ; « Elimination des paradis fiscaux, projet de limitation des très hauts salaires, encadrement des bonus et des parachutes dorés, telles sont quelques-unes des mesures prises par les plus lucides ». Que pense réellement Bruckner, on ne sait plus !

Explication de cet énorme paradoxe ? En fait Bruckner essaye vainement d’attaquer ces donneurs de leçon qu’il exècre en permanence, les écologistes : « Il ne faudrait pas que la duplicité de Cahuzac nous entraîne dans une apologie de la pauvreté telle que la défendent les écologistes » ; « Nous demander de chérir l’indigence comme notre bien le plus précieux » ; « Vanter la frugalité heureuse, c’est, sous couleur de sauver la planète, vouloir plier les populations à la nouvelle donne économique qui pénalise les classes populaires et moyennes » ; « Nous sommes déjà en décroissance, elle s’appelle la récession et n’apporte que détresse et malheurs.

Pascal Bruckner n’a pas encore compris que ce sont les riches qui détruisent la planète et que le mécanisme ostentation/imitation qui résulte de l’étalage des richesses matérielles a gagné nos modes de consommation. La véritable richesse est autre, elle est celle du cœur.

* LE MONDE du 21-22 avril 2013, N’en déplaisent aux donneurs de leçons, la richesse  n’est pas un crime !

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L’industrie du luxe connaîtra-t-il jamais la crise ?

La « critique de l’industrie du luxe » n’existe pas. Le moteur de recherche google donne sur cette expression seulement deux occurrences, nullement concluantes. Les syndicats condamnent parfois la richesse, mais jamais l’industrie du luxe. Les politiques valorisent l’industrie du luxe, un si gros exportateur de notre savoir-faire. Le ministre Arnaud Montebourg a simplement rappelé que le secteur du luxe « avait besoin d’être conforté dans ses excellents résultats ». Des médias comme LE MONDE vivent de l’industrie du luxe par annonces publicitaires interposées. Le luxe est donc intouchable. La preuve, cet article* de Sophie Chassat :

« Le luxe, en tant qu’incarnation par excellence du « superflu », symbolise ce qui fait le propre de l’homme… Emblème de la dépense inutile, du surplus pour rien, le luxe serait ainsi un des moyens privilégiés par lesquels l’homme réaffirme qu’il n’est pas un animal comme les autres… Marcel Mauss en avait conclu, dans son Essai sur le don (1924), que le goût de la dépense inutile constituait un véritable invariant anthropologique… Le prix très élevé des produits de luxe n’est pas un obstacle à la « consommation ostentatoire », bien au contraire… Dans ces conditions, le luxe connaîtra-t-il jamais la crise ? »

Cette interrogation par laquelle se termine cet article demande une réponse. D’abord précisons que le luxe n’a pas toujours existé. Dans la plupart des sociétés premières, on se gardait bien d’accumuler un surplus et la différenciation sociale se faisait sur des détails, pas sur la différence de richesses. Nous conseillons à Sophie Chassat de lire le livre ethnologique « âge d’or, âge d’abondance » : c’est parce qu’on limite ses besoins qu’on arrive à atteindre un sentiment de plénitude, pas en achetant le dernier sac à la mode qui, en se démodant sera source d’insatisfaction. Pour la consommation ostentatoire, Sophie se réfère à Thorstein Veblen. Or Veblen dénonce ce penchant social : « La conscience économique ne se satisfait pas de voir un individu faire bonne figure en se comparant à un autre, en rivalisant avec lui ; elle ne peut donc approuver la concurrence dépensière. La règle du désœuvrement exige que l’on soit futile, rigoureusement et complètement ; l’instinct artisan veut que l’on soit utile et agissant. » Tout superflu demande un travail inutile. La production et la consommation de produits de luxe détournent le travail et le capital de tâches plus bénéfiques socialement ; elle empêche souvent une utilisation plus judicieuse des terres ; et elle gaspille les matières premières qui pourraient être employées à meilleur escient. En conséquence, cela tend donc à augmenter le prix des biens de première nécessité et renforce la misère des plus démunis…

En fait le goût du luxe n’est pas une constante psychologique, mais une construction par la publicité et le mode de vie des riches dans une société qui épuise la planète. Cela aura une fin avec l’augmentation du prix des ressources naturelles. Nous serons obligés, sauf à admettre la perpétuation de l’esclavage par une élite, à économiser collectivement en situation de rareté. Voici le pronostic que faisait déjà en 1936 Richard B.Gregg : « Ceux qui travaillent dans le secteur du luxe sont, lors d’une dépression économique, dans la position la plus précaire qui soit, puisque dans ce cas les dépenses consacrées au superflu sont les premières à éliminer. Moins il y aura de personnes impliquées dans l’industrie du luxe, plus la population sera protégée. »**

* Le Monde.fr | 16.04.2013, La barbe ne fait pas le philosophe… le succès du luxe, si !

** La valeur de la simplicité volontaire de Richard B.Gregg (l’édition originale de 1936, The value of Voluntary Simplicity, a été traduit et édité en français par les éditions « Le pas de côté » en 2012)

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Sélection naturelle ou séquençage de l’ADN ?

Il y a deux manières extrêmes de faire de la sélection à la naissance : laisser faire complètement la nature ou tout miser sur les techniques d’eugénisme. Chez les indiens Piraha d’Amazonie, les femmes doivent accoucher seules, si bien que beaucoup en meurent. Ce groupe social estime que chacun doit affronter par lui-même les épreuves de la vie : c’est une première forme de sélection*. Il y a quelque année seulement, l’accouchement à domicile était encore la règle. Aujourd’hui c’est l’hôpital, les échographies, la péridurale, la technicisation totale d’un acte naturel. En France, même les maisons de naissance (« comme à la maison »), intermédiaire entre l’accouchement à domicile et la clinique, cherchent encore leur reconnaissance légale**. Les grossesses normales sont prises en charge comme si elles étaient pathologiques. Il ne faut plus faire confiance à son corps ! La méthode Piraha est-elle meilleure que la sur-médicalisation de l’accouchement ? A vous de voir, mais les extrêmes sont souvent l’ennemi du bien. Surtout en matière d’eugénisme.

LE MONDE donne la parole de façon renouvelée à Laurent Alexandre***. Cet homme-là veut nous faire croire que la part de la génétique dans l’intelligence est de 50 %. Pas étonnant, le séquençage de l’ADN et les manipulations génétiques constituent le gagne-pain de ce président de DNAvision. Il faut donc selon lui agir sur la génétique du cerveau : « Que ferons-nous si les puissances de l’Asie souhaitent asseoir leur hégémonie en optimisant le génome de leurs concitoyens (et donc les capacités cérébrales) grâce aux manipulations génétiques, bientôt au point ? » Ne nous laissons pas tromper, il s’agit d’un discours scientiste. Les capacités cérébrales n’ont rien à voir avec ce discours technicisé ; ce sont les mécanismes sociaux de l’apprentissage qui sont déterminants. Les gènes ne régentent pas l’univers synaptique du cerveau humain, uniquement la multiplication des neurones et la forte poussée frontale. C’est la confrontation avec l’environnement qui va donner sa densité à nos capacités cérébrales ; les connections entre neurones se mettent en place au fur et à mesure des expériences que fait l’enfant. Le cerveau humain est unique en ce sens qu’il est le seul contenant dont on puisse dire que plus on le remplit, plus grand est sa contenance. Sauf anomalie (hydrocéphale, etc.), l’ADN ne détermine pas notre intelligence.

Les gènes humains sont le moyen de notre liberté plus que notre limite, ils desserrent l’étau des comportements innés auxquels sont si étroitement assujettis les autres animaux. La bioingénierie et Laurent Alexandre veulent pourtant nous enfermer dans les limites de leurs laboratoires. Il nous faut combattre la technoscience et adopter des pratique les plus proches possibles des rythmes naturels… sans tomber dans l’excès de la pratique des indiens Piraha !

*LE MONDE culture&idées du 9 mars 2013, Jared Dimaond (The World until Yersterday. What Can We Learn from Traditional Societies ?

** LE MONDE du 1er mars 2013, Une dizaine de maisons de naissance pourraient voir le jour

*** LE MONDE science&techno du 9 mars 2013, La guerre des cerveaux a commencé (d’après Laurent Alexandre)

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pour des vêtements androgynes, non au luxe et à la mode

La mode vestimentaire s’inspire de  la garde robe masculine, c’est le thème du supplément Mode au MONDE du 27 février 2013 : « Inspirations masculines ». L’ensemble des photos est dégoulinant de marques, Balmain, Dior, Saint Laurent, De Beers, Alexander McQueen, Lanvin, Van Cleef, Giorgio Armani, Miu Miu… LE MONDE a besoin de sponsors. L’essentiel est donc dans les articles, qui montrent que la libération des femmes passe aussi par le dynamitage des standards sexuels. La loi du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800) stipule que les femmes ne peuvent quitter les habits de leur sexe que pour cause de santé. La loi du 26 brumaire an IX (17 novembre 1800) interdisait le port du pantalon… sauf dérogation accordée par un officier de santé. Dans les années 1960 en France, il était encore interdit d’aller à son lieu de travail en pantalon. Les vêtements sont l’expression d’un rapport de pouvoir, la différenciation sexuelle est pensée comme inégalité dans tous les domaines. La femme occidentalisée doit montrer sa morphologie et ses lignées épurées propices à la séduction. Mais la mode est aussi transgression. Pour l’été 2013, le masculin-féminin est donc à l’honneur. La plupart des défilés de la saison se sont ouverts sur un tailleur pantalon. Il y a des cycles qui reviennent… depuis le premier smoking pour femme créé par Yves Saint Laurent en 1966.

Enfin, pensez-vous, un article sur ce blog qui ne parle pas d’écologie ! Détrompez-vous. Ce qui devrait vous choquer  dans le paragraphe précédent est la notion de mode, de marques et de cycle. La mode, c’est ce qui démode pour faire acheter plus pour le plus grand profit des marques. Peu importe si ce qui est démodé aujourd’hui sera à la mode demain, le cycle des défilés permet de vider les porte-feuilles et de grandir la visibilité du luxe. Nous avions cru un instant en juillet 2008 à la fin des défilés de mode. Ma Ke, une jeune créatrice chinoise, prenait le luxe à contre-pied. Elle habillait 36 mannequins de tous âges de vêtement amples, de pièces intemporelles qui illustrait la fonction première du vêtement, habille, tout simplement. Ma Ke prenait le contre-pied de la boulimie consommatrice : «  Le luxe qui s’achète n’est pas ce qui nourrit l’homme, c’est la simplicité, la beauté d’un arbre, la lumière, l’échange entre les êtres, le Qing Pin ». Ma Ke détaillait le sens des deux  caractères chinois Qin et Pin : « dépouillement matériel, vie spirituelle la plus riche possible, indifférence totale à l’appel du pouvoir ou de la célébrité ». Pour Ma Ke, l’essentiel résidait dans les initiatives de chacun et non dans la passivité ou toute autre tentative de fuite de la réalité. L’écologie est le contraire du luxe ostentatoire, elle doit nous faire retrouver le sens des limites dans une société en  crise. Pourtant, en 2013, l’industrie du luxe a toujours le vent en poupe ; le pouvoir des riches se renforce encore plus dans les temps moroses. C’est la prolifération de l’inutile, la tyrannie du superficiel, société de consommation et société du spectacle réunis en un même lieu dans les Grands salons parisiens. Et les médias s’en font les porte-parole. Nous n’entendons plus parler de Ma Ke…

Dans le désert, nous crions : non à la mode, non au luxe, nous aux inégalités de revenus, oui à la stabilité, oui à la simplicité, oui à l’égalité. Nous voulons des vêtements unisexe, nous désirons l’androgynie des comportements.

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industrie de la viande, massification de l’homme

Fabrice Nicolino* en résumé : « L’industrialisation de la viande a commencé avec la loi sur l’élevage de 1966. Ce texte ouvre la voie à la sélection génétique et à l’adjonction de quantité de médicaments vétérinaires. Avec la viande industrielle, on a changé de monde. Le maître-mot de la viande industrielle, c’est productivité. Pour cela, il existe des techniques qui sont bien connues, efficaces pour doper la croissance des muscles d’un animal : des anti-parasitaires, des antibiotiques, des hormones de croissance et quantité de produits dont on connaît très mal la toxicité à long terme. Il fallait aussi des débouchés pour écouler la viande produite massivement. Depuis les années 1950, ma consommation de viande a doublé en France. Cette augmentation de la consommation de viande n’a rien de spontané. Je rappelle que dans les années 1960, il y avait à la télévision française un programme quotidien d’incitation à la consommation de viande qui s’appelait « Suivez le bœuf ». Et maintenant, dans un univers mondialisé, les règles nationales sont impuissantes à contrôler réellement les flux de viande. Il y a des bureaux de lobbyistes par dizaines à Bruxelles qui défendent la cause de la viande.

La responsabilité des consommateurs est une question centrale. Pour de multiples raisons, morales, écologiques, de santé publique, il faut absolument réduire massivement notre consommation de viande. Mais beaucoup d’entre nous préfèrent disposer de trois, cinq, sept téléphones portables dans une famille que de payer le prix juste et nécessaire de la viande que l’on consomme. Ce que l’on pourrait imaginer, c’est un très vaste débat national qui pourrait durer un, deux, voire trois ans, suivi d’un pacte de confiance qui passerait par la disparition progressive de l’élevage industriel. Si l’on revient à une consommation modérée de la viande, il est clair que l’on pourra consacrer l’argent nécessaire à une viande de qualité. Un animal d’élevage, avant l’industrie, était un être vivant, sensible. Il pouvait être maltraité, mais la vision sociale de l’animal n’avait rien à voir avec celle imposée par l’industrie de la viande. Aujourd’hui, non seulement l’animal d’élevage est constamment maltraité pendant sa courte existence terrestre, mais en outre, on ne le voit plus que comme un assemblage de morceaux à découper. Son identité est totalement niée. Et je pense que les humains que nous sommes, que les hommes s’honoreraient à repenser radicalement leurs relations avec des animaux qui leur ont tant donné. »

Présentation de Fabrice Nicolino par lui-même : « Je suis né dans le sous-prolétariat urbain de la banlieue parisienne. Ma mère préparait le dimanche midi un rosbif farci à l’ail qui déclenchait chez nous tous, les enfants de cette pauvre nichée, une émeute de papilles. Oui, j’ai mangé beaucoup de viande. Mais je dois ajouter que, chemin faisant, j’ai changé d’avis et de goût. Modifier ses habitudes est l’une des vraies libertés qui nous sont laissées. Derrière une côte de bœuf, j’ai fini par voir un bœuf. Derrière un gigot, un agneau. Derrière un jambon, un cochon. Je mange encore de la viande. De moins en moins, et désormais j’entrevois le moment où je cesserai de le faire. Je ne suis pas un exemple. Je suis exactement comme vous. Mais ce livre vous convie à une plongée dont vous ne sortirez pas indemne. » (Bidoche, l’industrie de la viande menace le monde)

* Le Monde.fr | 21.02.2013, La viande est devenue une marchandise industrielle (Chat)

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Une décroissance voulue n’est pas une récession subie

Paul Ariès dit vrai : « On reste dans l’idée que la croissance est la solution, alors qu’elle est le problème, écologiquement, socialement et politiquement… La gauche n’est pas à la hauteur de l’enjeu… Mais la remise en cause du mythe de la croissance est en recul. »* Il estime que les partisans de la décroissance ont une responsabilité dans ce reflux. Ce serait d’après lui contre-productif de revendiquer l’austérité, comme le fait par exemple le mensuel « La décroissance ». On ne changerait pas la société en culpabilisant les gens, « il faudrait susciter le désir ». Alors, que propose-t-il ? Des vœux pieux comme le «buen vivir» sud-américain** ou l’expansion de la gratuité. Un peu court comme alternative. Ce n’est pas en nous voilant la face que nous convaincrons les masses populaires, mais en montrant que nous sommes en situation d’urgence. La plupart des pays sont entrés dans un maelström  de turbulences socio-économiques et écologiques qui ne peuvent que durer : surendettement, descente énergétique, réchauffement climatique, stress hydrique, etc. Pour répondre à cela, il n’y a qu’une voie : rigueur budgétaire, limitation de la masse monétaire, recentrage sur les besoins essentiels des ménages, fin programmée de la publicité, etc. Tous ceux que disent le contraire ne veulent pas voir la réalité en face. Même l’expert Dominique Bourg ne croit plus au « développement durable ». Il prévoit lui-aussi un effondrement de notre système. Dominique Bourg n’est pas une dame patronesse. Il écrit pourtant dans le mensuel La Décroissance !

Notons que sur l’ensemble de l’année 2012, la croissance française est de zéro. Croissance-zéro cela ne vous dit rien ? En 1972, un rapport du Club de Rome indiquait que les croissances exponentielles de l’activité économique allaient se heurter au plafond des ressources de la planète. Il fallait donc décélérer jusqu’à atteindre une croissance zéro (stabilité) qui nous permettrait de rester juste au-dessous de ce plafond. Nous n’avons pas entendu ces avertissements et nous avons crevé le plafond ; notre empreinte écologique dépasse déjà de 25 à 30 % les capacités de renouvellement des écosystèmes. Une grave crise socio-économique va donc s’ensuivre, la Grèce nous en montre déjà le chemin. Dans ce contexte, il ne faut pas confondre société de décroissance et récession économique. D’un côté austérité coordonnée, assumée et partagée ; de l’autre austérité éclatée, imposée et injuste. Dénonçons les vrais coupables : la crise économique est l’aboutissement inévitable d’une volonté de croissance dans un monde fini.

Un objecteur de croissance préfère la décroissance voulue. Il récuse la décroissance subie, celle que nous prépare un capitalisme avide. La décroissance, c’est l’austérité, mais une austérité qui doit, pour être acceptée, s’accompagner d’une limitation drastique des inégalités de revenus et de modes de vie. Ceux qui pratiquent la simplicité volonté et la sobriété énergétique sont des précurseurs qu’il nous faudra imiter un jour ou l’autre, de gré ou de force.

* http://www.liberation.fr/economie/2013/02/14/la-decroissance-ce-n-est-pas-l-austerite_881828

** Paul Ariès, « Le Socialisme gourmand – Le bien vivre un nouveau projet politique (Editions La Découverte)

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