simplicité volontaire

Une décroissance voulue n’est pas une récession subie

Paul Ariès dit vrai : « On reste dans l’idée que la croissance est la solution, alors qu’elle est le problème, écologiquement, socialement et politiquement… La gauche n’est pas à la hauteur de l’enjeu… Mais la remise en cause du mythe de la croissance est en recul. »* Il estime que les partisans de la décroissance ont une responsabilité dans ce reflux. Ce serait d’après lui contre-productif de revendiquer l’austérité, comme le fait par exemple le mensuel « La décroissance ». On ne changerait pas la société en culpabilisant les gens, « il faudrait susciter le désir ». Alors, que propose-t-il ? Des vœux pieux comme le «buen vivir» sud-américain** ou l’expansion de la gratuité. Un peu court comme alternative. Ce n’est pas en nous voilant la face que nous convaincrons les masses populaires, mais en montrant que nous sommes en situation d’urgence. La plupart des pays sont entrés dans un maelström  de turbulences socio-économiques et écologiques qui ne peuvent que durer : surendettement, descente énergétique, réchauffement climatique, stress hydrique, etc. Pour répondre à cela, il n’y a qu’une voie : rigueur budgétaire, limitation de la masse monétaire, recentrage sur les besoins essentiels des ménages, fin programmée de la publicité, etc. Tous ceux que disent le contraire ne veulent pas voir la réalité en face. Même l’expert Dominique Bourg ne croit plus au « développement durable ». Il prévoit lui-aussi un effondrement de notre système. Dominique Bourg n’est pas une dame patronesse. Il écrit pourtant dans le mensuel La Décroissance !

Notons que sur l’ensemble de l’année 2012, la croissance française est de zéro. Croissance-zéro cela ne vous dit rien ? En 1972, un rapport du Club de Rome indiquait que les croissances exponentielles de l’activité économique allaient se heurter au plafond des ressources de la planète. Il fallait donc décélérer jusqu’à atteindre une croissance zéro (stabilité) qui nous permettrait de rester juste au-dessous de ce plafond. Nous n’avons pas entendu ces avertissements et nous avons crevé le plafond ; notre empreinte écologique dépasse déjà de 25 à 30 % les capacités de renouvellement des écosystèmes. Une grave crise socio-économique va donc s’ensuivre, la Grèce nous en montre déjà le chemin. Dans ce contexte, il ne faut pas confondre société de décroissance et récession économique. D’un côté austérité coordonnée, assumée et partagée ; de l’autre austérité éclatée, imposée et injuste. Dénonçons les vrais coupables : la crise économique est l’aboutissement inévitable d’une volonté de croissance dans un monde fini.

Un objecteur de croissance préfère la décroissance voulue. Il récuse la décroissance subie, celle que nous prépare un capitalisme avide. La décroissance, c’est l’austérité, mais une austérité qui doit, pour être acceptée, s’accompagner d’une limitation drastique des inégalités de revenus et de modes de vie. Ceux qui pratiquent la simplicité volonté et la sobriété énergétique sont des précurseurs qu’il nous faudra imiter un jour ou l’autre, de gré ou de force.

* http://www.liberation.fr/economie/2013/02/14/la-decroissance-ce-n-est-pas-l-austerite_881828

** Paul Ariès, « Le Socialisme gourmand – Le bien vivre un nouveau projet politique (Editions La Découverte)

La valorisation du luxe crée un mauvais ethos social

La journaliste Nicole Vulser n’est pas très écolo dans la conclusion de son article* : « On se croirait revenu aux temps où le luxe était considéré comme très proche de la débauche… (mais) l’engouement pour les griffes (les marques) est si ardent qu’il prouve que la thèse des ascètes et des moralistes n’a pas encore trouvé d’adeptes en Chine. »

Nicole Vulser minimise la politique chinoise qui, si elle se confirmait, serait pourtant une bonne nouvelle pour la planète : « Les médias chinois vont devoir cesser de diffuser des publicités en faveur de cadeaux précieux… Ces publicités ont promu des valeurs inconvenantes et contribué à fabriquer un mauvais ethos socialLa radio et la télévision doivent pleinement exercer leur rôle d’éducateurs du peuple. »

Nicole Vulser n’a pas lu le livre** de son confrère du MONDE Hervé Kempf :  « La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. (p.90-91) »

Que ce soit en Chine ou en France, la phrase du publicitaire  Jacques Séguéla « Si on n’a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie » devrait être frappée d’infamie.

* LE MONDE du 9 février 2013, A Pékin, le luxe crée un « mauvais ethos social »

** Comment les riches détruisent la planète d’Hervé Kempf (Seuil, 2007)

Figaro Madame, le machin-truc à jeter au feu

Cherchez l’intrus. Une des pages décrite ci-dessous constitue une anomalie significative… nous n’en dirons pas plus !

Page 1 : spécial « Good News » culture, style, beauté, célébrités… Tout ce qu’il faut voir, savoir ou avoir

Page 2-3 : publicité Lancôme, nouvelle vision de la peau parfaite

Page 4-5 : un sac Louis Vuitton

Page 6-7 : un autre sac Louis Vuitton

Page 8-9 : Gucci, achetez dans la boutique en ligne

Page 10 : Chanel joaillerie, une nouvelle bague ultra

Page 11 : le sommaire… Karl Lagerfeld… Toute l’actualité mode, design, arty… Stars & Style… Success story… Chronique VIP… 2013 sera snob… Voyages, auto, high tech… horoscope…

Page 12: Chaumet, la montre class one

Page 16, devousàmoi : « Dans une envie de pérennité, nous sanctifions le « vintage », mais nous ne réparons plus rien. Regardons la vie autrement qu’au travers d’un écran tactile, redonnons du sens au partage, redécouvrons nos cinq sens sans culpabiliser… » (Richard Gianorio)

Page 15-16 : Chanel, parfum coco noir

In Figaro Madame (dernière semaine de décembre 2012)

s’abonner à BIOSPHERE-INFO pour un Noël autrement

Ce blog édite un bimensuel électronique auquel vous pouvez vous abonner gratuitement. Il suffit d’envoyer un courriel à biosphere@ouvaton.org. Pour donner un avant-goût du dernier numéro paru, voici sa présentation :

Les religions et l’écologie ne font pas bon ménage. C’est anormal. Le respect de la Création devrait être un devoir pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, tous issus d’une même tradition. Pourtant rares sont les chrétiens qui prônent, à l’occasion de Noël, le retour à la simplicité biblique. Cette fête de Noël, censée représenter la naissance du fondateur d’une religion à l’origine ascétique, a dégénéré en un rite purement commercial et mène à son paroxysme la fièvre consumériste. Rien n’est plus emblématique de l’esprit de notre temps que cette perte du sens de la modération. Le mouvement « Vivre Noël autrement » montre que la résistance est possible. Des initiatives laïques comme les mouvement pour la simplicité volontaire et l’objection de croissance vont dans la même direction…

Pour lire le numéro complet, cliquez ICI.

Noël, sans achat de tablette numérique pour enfants

Marlène Duretz : « Il devrait se vendre un million de tablettes à l’occasion des fêtes de fin d’année en France, dont la moitié pour enfants. »* On trouve des tablettes « résistantes et sécurisées » conçues spécifiquement pour les enfants. Le besoin d’écran est soutenu par les parents qui croient que la tablette favorise la créativité et l’apprentissage, comme le disent les fabricants. La génération de l’écran est instituée par la société qui croit que la familiarisation avec les nouveaux outils numériques nous ouvrent des horizons qui chantent. Enfer et damnation, c’est au contraire la mort culturelle de nos petits-enfants. L’enfant est fasciné par cet appareil tactile, il est complètement subjugué, il peut y rester très longtemps, plus longtemps que sa capacité d’attention ordinaire. L’enfant peut jouer quelques dizaines de minutes aux jeux traditionnels, parfois même quelques minutes seulement selon l’âge et la maturité. Le même enfant de trois à dix ans pourra rester des heures entières sur un Iphone. Car si la tablette est ordinateur, elles est surtout console de jeu. La tablette sert de baby-sitter en plus du téléviseur.

Tout a déjà été dit sur les méfaits de l’écran télé, la tablette ne fait qu’accentuer l’addiction. Tous les parents devraient lire Michel Desmurget** sur les méfaits de l’écran : « De nos jours, le complexe médiatico-publicitaire dépense des sommes pharamineuses pour manipuler les ressorts d’une dépendance cathodique. Aucune branche des sciences humaines n’est dispensée d’apporter son obole à la Cause mercantile. Pouvons-nous accepter qu’un « troisième parent cathodique » pénètre subrepticement l’intimité psychique de nos enfants afin de susciter chez eux des comportements de dépendance aux effets dévastateurs ? Les heures dilapidées devant l’écran ont été utilisées par notre fille pour dormir, nager, rêver, faire du vélo, chasser les papillons, préparer les gâteux, nourrir les ânes de la voisine ou simplement lire un bouquin. Chacune de ces activités contribua directement à renforcer les compétences sociales, culturelles, artistiques, cognitives et physiques de ma gamine. La télé (l’écran) exerce au contraire une action fortement nocive sur le développent cognitif, le sommeil, la réussite scolaire, la santé, l’agressivité, la sociabilité intra et extra-familiale. Bien qu’il existe de (rares) bons programmes, il n’y a pas de « bon usage » du petit écran. La meilleure solution me semble donc être, sans aucun doute possible, le zéro écran… »

Après avoir lu ce livre, vous aurez compris qu’il ne faut certainement pas acheter de tablette numérique à un enfant, seulement parfois une tablette de chocolat…

* LE MONDE du 15 décembre 2012, ardoise de Noël

** TV lobotomie (la vérité scientifique sur les effets de la télévision) (Max Milo, 2011)

s’abonner à BIOSPHERE-INFO et pratiquer la simplicité

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No impact man de Colin Beavan est un livre qui pose le problème de l’articulation entre comportement individuel et décision collective. Ces deux aspects sont absolument complémentaires d’autant plus que nous agissons par mimétisme ou interaction spéculaire, en miroir : tu fais parce que je fais parce que nous faisons tous de même. Colin Beavan espère une « réaction en chaîne » : plus nous serions nombreux à imiter Colin Beavan, plus la nécessité de limiter ses besoins se répandrait dans la société.

Un certain nombre de livre abordent cette problématique de l’acte individuel qui a valeur exemplaire. Ainsi Serge Mongeau nous parle de la simplicité volontaire. Et Frédéric Mars nous explique comment il a arrêté de CONsommer. Un Américain, un Canadien et un Français commencent à parler un langage commun, celui de la sobriété. Mais, particulièrement en France, la volonté d’exemplarité est trop souvent absente : les individus attendent surtout de l’Etat que l’on agisse à leur place. Et les politiques attendent que leurs électeurs abandonnent le slogan du « toujours plus » pour promouvoir la modération. La situation est bloquée ! Il faut donc que quelqu’un commence à limiter ses besoins, ce sera toi, ce sera moi, ce sera toi et moi, il suffit de s’y mettre.

Divisons par quatre nos émissions de gaz à effet de serre

Comment diviser par quatre les émissions françaises de gaz à effet de serre d’ici à 2050 ? L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie vient de publier son « exercice de prospective énergétique ». L’Ademe parie sur l’absence de pétrole dans les transports en 2050… enfin la bonne parole ! Mais pronostiquer un tiers de véhicules « thermiques » roulant au gaz, un tiers d’électriques et un tiers d’hybrides rechargeables à cette époque, c’est fantaisiste ! Et une croissance du PIB de 1,8 % par an en moyenne jusqu’en 2050, c’est tellement irréaliste que cela en devient ridicule. Si cette nouvelle prévision à la Nostradamus vous intéresse, lisez LE MONDE*. Pour notre part, nous préférons nous attarder sur la cafetière « made in France » : la relocalisation, tout bénéfice pour consommer moins d’énergie… théoriquement !

Le 1er décembre Malongo mettra sur le marché une « cafetière à dosettes éco-révolutionnaire, baptisée Ek’oh »**. L’entreprise niçoise veut sortir du schéma de l’obsolescence programmée des cafetières et propose un produit entièrement démontable et réparable. La réalisation est française, 90 % des 160 composants ont été conçus par des sous-traitants tricolores. Pour les dosettes, les anciens opercules en plastique ont été remplacés par du carton, pour former un ensemble en papier naturel et biodégradable à 100 %. Enfin, voilà un leader du marché équitable et de l’innovation ! Le problème, c’est que le café n’est pas un produit français et que les dosettes constituent un luxe inutile. De toute façon, nous n’avons pas besoin de boire du café pour être heureux. Economisons l’entropie***, l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas

La vraie recette d’une moindre émission de gaz à effet de serre, c’est le retour aux conditions de confort des années 1950. On ne se chauffait pas l’hiver dans les chambres, on allait au travail à côté de chez soi, le tourisme existait à peine et il n’y avait ni cafetière électrique, ni Vendée Globe.

* LE MONDE du 11-12 novembre 2012, Comment bâtir une France plus verte

** http://www.lefigaro.fr/conso/2012/10/30/05007-20121030ARTFIG00322-malongo-lance-une-cafetiere-a-dosettes-payable-en-24-mois.php

*** LE MONDE science&techno du 10 novembre 2012 : « Se déplacer, se chauffer, cuire ses aliments ou fabriquer un objet nécessite de l’énergie… L’énergie se conserve, mais en revanche elle se dégrade, se dissipe dans l’atmosphère… Pour mesurer la dégradation de l’énergie, les physiciens utilisent une autre quantité, l’entropie… Ce n’est pas l’énergie qui a de la valeur, mais sa qualité… Il faut économiser l’entropie ! »

Plafonnement des salaires pour une planète plafonnée

Le plafonnement des hauts revenus est une manière indirecte de poser la question des limites biophysiques : combien la Terre peut-elle supporter de personnes d’un niveau de vie donné ? Déjà le pouvoir d’achat des Français, s’il était mondialement généralisé, nécessiterait plusieurs planètes, ce qui est déjà impossible. A plus forte raison si certains peuvent gagner chaque mois des dizaines de milliers d’euros. Mais dans la tête de nos dirigeants trop bien payés, il n’y a nulle place pour les limites de la planète : « Plafonnement des revenus : les PDG se rebiffent »*. Analysons les arguments patronaux qui justifient l’injustifiable.

Le respect du patron qui passe par des salaires élevés ? Un système de rémunération qui survalorise certains n’est basé que sur le statut juridique du poste occupé, pas sur le mérite. Nous respectons normalement les personnes respectables, ce qui n’a rien à voir avec la hauteur des émoluments. L’argent est une mesure de la valeur qui n’a aucun fondement objectif et surtout pas dans les grandes entreprises. Les comités de rémunérations qui se chargent d’éclairer les Conseils d’administration pour fixer le salaire du patron en font à leur guise. Car comment justifier que la compétence du patron soit supérieure à la compétence d’un technicien confirmé. L’entreprise est un groupe de travail dont la performance résulte des efforts de tous, du plus mal payé au mieux considéré. L’éventail des rémunérations résulte en fait d’une conception hiérarchique de la société, les « honneurs » étant de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’on grimpe dans cette hiérarchie. Les 16 millions de « rémunération différée » accordés au patron de Publicis ne récompense pas le fruit de neuf années de travail, mais témoigne de la puissance de la publicité qui fait payer aux consommateurs la cause de leur servitude. N’oublions jamais que la valeur ajoutée d’une entreprise, et donc la rémunération de ses travailleurs, résulte des clients de cette entreprise.

Les postes à responsabilité occupés par les meilleurs, attirés par des hauts salaires ? L’efficacité d’un dirigeant ne résulte pas de son salaire, mais de son sens des affaires. Un bon patron peut un temps augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise grâce à ses choix stratégiques comme il peut provoquer un fiasco quand il y a retournement du marché. D’autre part, la multiplication des diplômés des écoles de management  offre un tel vivier de compétence que la forte concurrence qui en résulte devrait faire baisser le prix des managers. Mais ce n’est pas le jeu du marché qui provoque la nomination de telle ou telle personne à un poste, mais plutôt le carnet d’adresse de cette personne. Dans ce contexte, que les « meilleurs », affolés par les mesures socialistes de plafonnement, partent à l’étranger, ils verront assez vite que les meilleurs postes ne seront pas pour eux.

La question de fond est l’usage que font tous ces surpayés de leurs indemnités. Les dirigeants n’ont besoin que d’un lit pour dormir et un toit pour s’abriter… comme n’importe quel travailleur. Ils n’ont qu’un estomac, dont la capacité est très limitée, comme celui des autres travailleurs. S’ils prennent plus souvent l’avion, c’est pris en charge par l’entreprise. S’ils prennent l’avion pour leurs loisirs, s’ils vont dans les  restaurants gastronomiques, s’ils ont une demeure immense et des résidences secondaires, tout cela peut s’exprimer en termes d’émissions de gaz à effet de serre. L’argent ne compte pas, ce qui importe, c’est la capacité de charge de la planète. Les riches, et pas seulement les plus riches, ont oublié les limites de notre planète. Une autre conception de la vie professionnelle est possible, qui valorise l’esprit d’équipe, l’égalité et le sens des limites. Le gouvernemtn socialiste a voulu instaurer un plafonnement à 450 000 euros par an. Gagner au maximum 37 500 euros par mois, chiffre qui ne considère d’ailleurs que le salaire et non la rémunération totale, nous paraît exorbitant. Comme l’exprime Hervé Kempf**, « Nous voulons vivre dans une société qui suive d’autres règles que le capitalisme : qui veuille le bien commun plutôt que le profit, la coopération plutôt que la compétition, l’écologie plutôt que l’économie ». Les objecteurs de croissance travaillent moins, gagnent moins, adoptent un mode de vie frugal, cela ne les empêche pas d’être heureux. La qualité des hommes et des femmes découle de la conformité de leurs actions avec les possibilités de la planète, pas d’un « jeu » économique complètement faussé.

* LE MONDE du 16 juin 2012, page 12

** Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (Seuil, 2009)

pour une religion de la décroissance, un curé nous parle

Fondateur de l’association « Chrétiens et pic de pétrole » Michel Durand veut être, dans sa paroisse de Saint-Polycarpe à Lyon, un prêtre en lutte contre l’illusion de la croissance infinie. Cette position est inaudible dans une Eglise qui chante les louanges du développement économique. Il déclare à la journaliste Catherine Thumann* :

« En 2002, j’ai rencontré des paroissiens qui m’ont parlé de décroissance. J’ai vu, à travers la « simplicité volontaire », des gens qui vivaient concrètement ce que j’essaye moi-même de vivre. Je me suis dit qu’il y avait là une vérité fondamentale. C’est assez étonnant de voir que la plupart de ceux qui écrivent dans le mensuel La Décroissance se disent athées alors qu’ils sont très proches du message originel de l’Evangile. Pour moi, un objecteur de croissance, tout athée qu’il soit, véhicule l’esprit saint en me parlant de la radicalité de l’Evangile. L’importance des limites est un principe universel et il faudrait que tout le monde en reconnaisse la réalité. Mais l’Eglise, comme la société civile, a tendance à enfermer les chrétiens dans la sacristie. Au sein de l’Eglise nous, les objecteurs de croissance, nous ne sommes pas seulement minoritaires, nous sommes inexistants. Mais le disciple du Christ est quelqu’un qui espère. Il veut croire qu’un jour, l’homme saura trouver le raisonnable.

J’ai un blog, « En manque d’Eglise ». Pour moi est sage celui qui ne s’ennuie pas quand il n’a absolument plus rien à faire. Combler le vide en permanence, c’est passer à côté de la vocation humaine, de la rencontre, de la plénitude dans l’immobilité. Cela ne signifie pas ne pas sortir de chez soi, mais préférer la contemplation à l’agitation des trajets en voiture ou en avion. Aujourd’hui les enfants ont des emplois du temps très chargé, à faire de l’escrime, du judo, de la musique. Ils ont perdu la possibilité de ne rien faire. Le message que j’adresse aux catholiques, c’est qu’en tant que baptisés, nous sommes tous appelés à être sobres. Nous n’avons pas vocation à l’accroissement mais à la simplicité. C’est ce que m’a rappelé le mouvement de la décroissance en me rapprochant du cadre de l’Evangile. Les Chrétiens devraient tous être conscients d’être appelés à vivre une lutte contre l’illusion de la croissance infinie. »

* résumé d’un article du mensuel La Décroissance, novembre 2012

(page 7, dédiée à la simplicité volontaire : « Aspirant à l’ermitage »)

retour à la bougie contre société industrielle, le débat

Ce n’est pas retourner à la bougie que de prôner la fin des pratiques productivistes. C’est au contraire vouloir nous éviter les désagréments, parfois violents, qui découlent de l’industrialisation de la société. Des voix officielles commencent à le reconnaître.

Selon le rapporteur sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, la pêche artisanale est la seule solution durable*. Le rapport recense les dégâts provoqués par la pêche industrielle et sa flotte suréquipée, gourmande en énergie et arrosée de subventions. La pêche industrielle ne fait travailler en moyenne que 200 personnes pour 1 000 tonnes de poissons pris, tandis qu’avec des méthodes artisanales il faut 2 400 personnes et une quantité moindre de carburant pour pêcher autant.

Le raisonnement serait similaire pour l’agriculture paysanne, beaucoup plus performante en termes d’emplois et de durabilité par rapport à l’agriculture industrielle, suréquipée, gourmande en énergie et arrosée de subventions. Le raisonnement serait similaire pour l’artisanat que l’industrialisation a pourtant fait disparaître. Les sociétés à technologies dures comme la nôtre nécessitent de grands apports d’énergie. Les matériaux sont non recyclés et l’énergie non renouvelable. La production est industrielle et on donne priorité à la ville contre la campagne. L’individu est séparé de la nature aussi bien physiquement que psychologiquement. Les limites à l’expérimentation technique ne découlent que de celles imposées par l’argent… A l’opposé les communautés à technologies douces se caractérisent par de faibles apports d’énergie. Les matériaux sont recyclables et l’énergie renouvelable. La production est paysanne ou artisanale, centrée sur le village. Les humains se sentent intégrés à la nature, ils y vivent et ils savent que les seules limites à la technique sont celles imposées par la nature… Mais nous sommes une société qui a dépossédé les paysans et artisans de toute réalité, de toute autonomie.

Maintenant l’industrie exige des apports en énergie fossiles gigantesques alors que les réserves s’épuisent (pic pétrolier, etc.). L’effondrement est inéluctable, c’est donc l’industrialisation qui a préparé la montée des violences et le retour à l’âge de pierre. Nous aurions préféré, comme Olivier De Schutter, des politiques qui s’intéressent enfin aux petits pêcheurs, aux petits paysans, aux petits artisans.

* LE MONDE du 1er novembre 2012, Devant l’ONU, la pêche industrielle mise en accusation

lectures complémentaires sur ce blog :

techniques douces contre techniques dures

nos techniques ne sont pas durables

un milliard de cons… et moi et moi et moi ?

Un Terrien sur sept est inscrit sur Facebook. Seules deux autres entreprises, Coca-Cola et McDonald’s, atteignent ce chiffre magique, un milliard de con-sommateurs. Personnellement je n’ai pas de compte Facebook, je ne bois jamais de Coca-Cola et je me refuse à entrer dans un truc de restauration rapide. Qui est anormal, un milliard de personnes ou ma pomme ?

Il y a mille raisons de refuser Facebook : vacuité des échanges en milieu virtuel, amitié qui perd son sens, vie privée offerte aux publicitaires… Il faut supprimer Facebook.

Il y a mille raisons de refuser Coca-Cola. Coca-Cola vide les nappes phréatiques, c’est aussi la mainmise sur nos esprits, le sponsoring des Jeux Olympiques, du greenwashing.  Supprimons (le) Coca-Cola, buvons de l’eau, c’est plus écolo … Boycottons Coca-Cola.

Il y a mille raisons de refuser McDonald’s. Comme Coca-Cola, McDo s’ingénie à pratiquer le greenwashing. C’est pourtant le travail à la chaîne appliqué à la restauration. C’est l’impérialisme américain qui ne fait que vendre du rêve et un espace enfant  pour mieux provoquer l’obésité. Mais tu as certainement mille raisons de consulter ta page Facebook en buvant un Coca dans un McDo. Vraiment, la vie ainsi vécue est-elle de bonne qualité ?

Ecologie en temps de guerre aux Etats-Unis

Aux États-Unis, les générations actuelles sont-elles équipées pour répondre au défi que représente le réchauffement climatique ? Non, notre empreinte écologique ne cesse d’augmenter. À titre d’exemple, la maison américaine typique est aujourd’hui 40 % plus grande qu’il y a vingt-cinq ans, alors même que la taille de chaque foyer s’est réduite. Dans le même temps, les mammouths du genre 4×4 représentent 50 % des voitures particulières. Autrement dit, nous sommes trop nombreux à conserver un mode de vie surdimensionné. Mais la bonne nouvelle nous vient du passé.

Dans les années 1940, les Américains combattaient simultanément le fascisme à l’étranger et le gaspillage chez eux : ils laissaient la voiture au garage pour se rendre au travail à vélo, retournaient leur pelouse pour planter des choux, recyclaient les tubes de dentifrice et l’huile de cuisson, et s’efforçaient consciencieusement de réduire leur consommation et d’éviter le gaspillage inutile. Le symbole le plus célèbre de ce nouvel état d’esprit était les « jardins de la victoire », des jardins potagers communautaires. Près de 20 millions de « jardiniers de la victoire » assuraient 30 % à 40 % de la production nationale de légumes. Certains des horticulteurs les plus enthousiastes étaient les enfants des centres-villes, reconvertis en paysans urbains fiers de leur capacité d’autosubsistance. À Chicago, 400 000 écoliers s’engagèrent dans la campagne « Clean Up for Victory », destinée à récupérer de la ferraille pour l’industrie et à nettoyer des parcelles pour les transformer en jardins.

La guerre eut aussi pour effet d’affaiblir considérablement le règne de l’automobile. L’essence était rationnée. Quand le réseau des transports collectifs parvint à saturation, il devint urgent d’inciter les travailleurs au covoiturage. Si les grands centres de production militaires surpeuplés comme Detroit, San Diego et Washington, n’atteignirent jamais l’objectif de 3,5 personnes par voiture, ils réussirent toutefois à doubler le taux d’occupation des véhicules grâce à la mise en place d’impressionnants réseaux de ramassage. Le co-voiturage fut aussi encouragé par des amendes salées pour les amateurs de balades automobiles en solitaire et des slogans agressifs : « Quand vous conduisez SEUL, vous conduisez avec Hitler ! » Même l’autostop devint une forme tout à fait officielle de co-voiturage.

À défaut d’automobile, les voyages d’agrément motorisés étant prohibés, les familles partaient en balade ou en vacances à vélo. On assista au retour triomphal de la bicyclette, en partie grâce à l’exemple de la Grande-Bretagne, où plus d’un quart de la population se rendait alors au travail en vélo. Moins de deux mois après Pearl Harbor, une nouvelle arme secrète, le « vélo de la victoire » – un engin en ferraille équipé de pneus en caoutchouc de récupération – faisait son apparition à la une des journaux et dans les actualités cinématographiques. Les fonctionnaires du ministère de la Santé ne cachaient pas leur satisfaction : horticulture et cyclisme favorisaient tous deux la bonne santé de la population.

Pendant la guerre, on retrouva une bonne partie de l’idéalisme des débuts du New Deal. Exemple particulièrement intéressant : le mouvement en faveur d’une « consommation rationnelle », qui encourageait les citoyens à « n’acheter que le nécessaire » et mit en place des centres d’information pour les consommateurs prodiguant des recommandations en matière de nutrition, de conservation des aliments et de réparation des appareils ménagers. L’OCD (Bureau de la Défense civile) remettait en question les valeurs les plus sacrées de la consommation de masse – turnover effréné des styles, tyrannie de la mode et de la publicité, obsolescence structurelle des produits, etc. Un « féminisme de guerre » commença à bouleverser la mode. On mit l’accent sur la préservation et la durabilité. En tant que contribution à l’effort de guerre, les starlettes coupaient le bas de leur chemise de nuit ou arboraient des pyjamas passablement raccourcis. En mai 1942, les ciseaux de l’austérité vestimentaire s’en prirent aussi à la mode masculine et supprimèrent les revers de pantalon de laine. L’impératif de préservation entrait également en contradiction avec la culture du luxe ; les grands ploutocrates américains étaient obligés de se montrer nettement plus discrets dans leurs dépenses. Certains millionnaires déménagèrent dans des appartements de taille plus modeste, acceptant de céder (provisoirement) leur gentilhommière aux programmes de logements sociaux.

Cette mobilisation totale fut rebaptisée la « guerre du peuple ». Un chroniqueur au New York Times observa qu’après une première phase de désarroi et de confusion, les banlieusards commencèrent à enfourcher leurs vélos, raccommoder leurs vêtements, cultiver leur jardin, et consacrer plus de temps à coopérer avec leurs voisins. Mais avec la Guerre froide et la normalisation culturelle des banlieues américaines, il ne subsista plus grand-chose des valeurs et des programmes innovateurs de la « Guerre du peuple ». Pourtant, quelques générations plus tard, cette brève période qui vit se côtoyer jardiniers de la victoire et allègres auto-stoppeurs demeure une source d’inspiration et un vivier de compétences pour la survie de la planète.

Article résumé de Mike Davis, source : Mouvements

Réévaluer notre échelle de besoins

Notre société de consommation a perdu tous les repères permettant de retrouver une société plus sobre. Il est pourtant certain que nos enfants dans les pays dits développés connaîtront des conditions d’existence moins généreuses qu’à l’heure actuelle. Les contraintes financières et les crises écologiques, en particulier énergétiques, vont nous imposer de revenir à des besoins plus essentiels qu’il nous faudra satisfaire de manière plus simple. Comment s’y préparer alors que les jeunes générations actuelles ne peuvent même pas concevoir qu’à une époque encore récente il n’y avait ni télévision, ni portables, ni jeux vidéos ? Dans son Manuel de transition, Rob Hopkins nous demande d’écouter les anciens, de « rendre hommage aux aînés » (point 10 des 12 étapes de transition). Voici en raccourci quelques extraits :

« Nous avons intérêt à apprendre de ceux qui peuvent se remémorer cette transition qui nous a fait accéder à l’âge du pétrole bon marché et, en particulier, la période entre 1930 et 1960. Dans le cadre de l’initiative de Totnes, nous avons interviewé des personnes âgées. Plus de monde logeait dans les maisons existantes… Totnes importait encore peu de nourriture… Il y avait peu de circulation… Je suis fasciné par le fait que tout le monde jardinait parce que c’était comme ça… Les histoires orales vous aideront à découvrir les savoir-faire que les gens possédaient et qui devraient faire partie de votre programme de requalification… Je pense que l’idée de demander la contribution des aînés est très enrichissante. Cette démarche serait pratiquement instinctive dans plusieurs autres cultures, mais nous l’avons oublié dans la nôtre. »

Si vous voulez diffuser un témoignage pour montrer aux jeunes générations que d’autres modes de vie sont possibles (et parfois nécessaires), vous pouvez en faire un commentaire rattaché à ce billet… Merci.

bientôt des émeutes de la faim… contre les riches

La cherté croissante de la nourriture due aux perturbations climatiques (à l’effet de serre ?) est une tendance forte. Bruno Parmentier dans LE MONDE* s’inquiète : sécheresse historique aux Etats-Unis, mousson qui se fait attendre en Inde, excès de pluie en Europe… une nouvelle année de déficit en grain se profile sur la planète. On va franchir de nouveau le cap symbolique du milliard d’affamés. Or la moitié du blé mondial et les trois quarts du maïs et du soja servent à l’élevage. Les Français mangent en moyenne 233 grammes de viande par jour, les Américains 343 grammes ! Si on ajoute les subventions aux agrocarburants, la coupe est pleine : 40 % de l’énorme récolte américaine de maïs sert désormais à faire rouler leurs berlines.

Bruno Parmentier se contente de souhaiter des débats citoyens sur ces questions et la négociation multilatérale pour limiter la spéculation et constituer des stocks-tampons. Vœu pieux. Or nous pouvons rapidement instaurer dans les pays riches le lundi végétarien obligatoire pour tous. Comme il est vain d’attendre de la loi la modification de nos comportements, chacun de nous peut commencer l’aventure dès lundi prochain…

Les très pauvres consacrent souvent 70 % à 80 % de leurs ressources à acheter leur nourriture, en France le coefficient budgétaire pour l’alimentation est à moins de 15 %. Nous avons là l’illustration de la loi d Engel : la part du revenu attribuée aux dépenses alimentaires est d’autant plus faible que le revenu est élevé. Quand viendra le temps d’une énergie fossile raréfiée, les Français abandonneront leur automobile pour pouvoir consacrer plus d’argent à leur alimentation… sauf à rouler à l’éthanol pour les plus riches. Toute gestion équitable de la pénurie passe donc par la limitation drastique des inégalités de revenus, à l’intérieur d’un pays et entre pays. Faudra-t-il attendre les prochaines émeutes de la faim ? Qu’en pense Bruno Parmentier ?

* LE MONDE du 21 août 2012, Il faut en finir avec la gabegie alimentaire

le sens des limites, contraire à l’esprit olympique

La devise olympique « citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort) ne fait que correspondre à l’expansion de la révolution industrielle et du goût de la bourgeoisie pour la concurrence et le record : vive le règne des plus forts !

Mais battre les records du monde devient de plus en plus rare, de plus en plus dépendant des innovations technologiques. Selon l’Irmes, l’homme utilisait 65 % de ses capacités physiques en 1896 (début des JO), contre 99 % actuellement et 99,95 % en 2025 si on prolonge les tendances. Nos performances ne sont pas séparées de nos paramètres vitaux, l’alimentation,  l’hygiène, l’instruction, les possibilités d’entraînement. La natation détient encore paraît-il le plus de potentiel, mais principalement grâce aux nouvelles combinaisons qui s’améliorent d’années en années jusqu’à ce que la peau des nageurs s’apparente à la peau des dauphins (LE MONDE du 9.08.2008). Si on nageait tout nus, ce biais n’existerait pas et nous atteindrions plus rapidement nos limites physiologiques.

« Plus vite, plus haut, plus fort », telle est la devise des jeux olympiques modernes alors que les principes de la Biosphère sont à l’inverse « Aller moins vite, aller moins loin, avec plus de douceur » : il faut respecter les écosystèmes. Notre futur n’a pas besoin de jeux et de télévision, mais de sobriété et de réflexion. Cet été, la propension des dirigeants à détourner l’attention des crises grâce aux clameurs dans les stades a encore repris le dessus. Hollande veut encore les JO à Paris ! Mais bientôt, un jour, nous serons débarrassés des Jeux Olympiques et nous pourrons recommencer à marcher au lieu de s’avachir devant le poste de télé. Retrouvons le sens de limites…

L’objecteur de croissance, responsable et non coupable

Catherine Thumann, c’est la journaliste qui interviewe régulièrement les acteurs de la simplicité volontaire dans le mensuel La décroissance. Pour le dernier numéro juillet-août 2012, c’est l’intervieweuse qui est interviewée :

La Décroissance : tu m’as dit cet après-midi avant l’interview : « On va finir dans la rubrique écotartufe ! » Pourtant vous n’avez ni voiture, ni télévision, ni téléphone portable. Vous n’êtes pas propriétaire non plus.

Catherine : « Oui, mais nous sommes plein de contradictions. Nous ne sommes pas du tout dans la recherche de la pureté. »

Commentaire de biosphere : Il est vrai que la perfection n’est pas de ce monde, elle est d’ailleurs indéfinissable en soi. Ce qui est essentiel dans la démarche de Catherine, c’est qu’elle a pleinement conscience de ses insuffisances tout en pratiquant la simplicité volontaire. Un autre article du même numéro, c’est le spécialiste de la rubrique « la saloperie que nous n’achèterons pas » qui s’auto-flagelle :  « Pour faire la manifestation de Millau à Strasbourg cet été, j’ai acheté une tente chez Go Sport. J’ai payé moins de 30 euros, autant dire que la tente a plus de chances d’être fabriquée par des esclaves en Asie qu’en France. J’aurais pu acheter une tente fabriquée en France ; par fainéantise et pingrerie, je ne l’ai pas fait. J’aurais pu me renseigner auprès du Vieux Campeur, je ne l’ai pas fait et je n’ai pas d’excuses. L’écrire ici soulage un peu ma conscience. Mais c’est de la pure hypocrisie. Il faut assumer son geste. J’ai choisi la facilité, c’est ce dont crève le monde. La prochaine fois, j’essayerai de mieux faire. »

C’est là l’essentiel, « La prochaine fois, j’essayerai de mieux faire ». Il faut avoir ce sentiment de culpabilité qui nous pousse à améliorer toujours plus notre comportement. Personne n’est parfait, l’essentiel est de poursuivre dans la voie de la sobriété, d’être fier de ses victoires sur soi-même, de regretter ses manques, d’aller vers l’avant, de se sentir responsable.

Dépénalisation du cannabis, Duflot pour, l’écologie contre

La dépénalisation du cannabis, c’est « la position » d’Europe Ecologie-Les Verts, depuis « très longtemps ». En tant que chef de parti Cécile Duflot a déclaré sur RMC et BFM TV : « Il faut considérer que le cannabis, c’est comme l’alcool et le tabac, même régime ; une politique de santé publique et de prévention, notamment vis-à-vis des plus jeunes. »

Ce positionnement résulte de l’amalgame qu’il y a eu au moment de la formation des Verts entre un gauchisme issu de mai 1968 bercé par les illusions du slogan « il est interdit d’interdire » et l’écologie scientifique qui s’intéressait réellement au devenir des écosystèmes. Il faut que l’écologie politique abandonne son aspect permissif pour atteindre sa maturité. Il faut que Cécile Duflot sache dire « Non, cela ne doit pas se faire ». Rappelons que le principe actif du cannabis, le THC tétrahydrocannabinol, est inscrit sur la liste des stupéfiants. Des doses fortes entraînent rapidement des difficultés à accomplir une tâche, perturbant la perception du temps, la perception visuelle et la mémoire immédiate, et provoquent une léthargie*. Est-ce cela qu’on attend d’un écolo, l’inconscience citoyenne ? L’appareil respiratoire est exposé aux risques du tabac qui accompagne le joint. Il y a des difficultés de concentration, donc des difficultés sociales, une dépendance psychique possible, des dédoublements de la personnalité… Ces effets peuvent se traduire par une forte anxiété et favoriser la survenue de troubles psychiques. Est-ce cela que les écologistes défendent, des citoyens en difficulté ?

Nous savons combien il est difficile de résister à l’addiction à l’alcool ou au tabac, il n’est nullement besoin de favoriser une drogue supplémentaire. D’autant plus que le cannabis est un produit importé, un comble quand on prône la relocalisation. Quant au cannabis produit sous serre, bonjour la consommation d’énergie ! Aux surfaces cultivées pour produire de l’alcool, du tabac ou du cannabis, on ferait mieux de privilégier les cultures vivrières et de laisser le plus possible de surface non cultivées pour la biodiversité. Un peuple écolo est un peuple exemplaire, il ne fume pas, ni tabac, ni cannabis. Simplicité volontaire oblige.

* Drogues, savoir plus, risquer moins (www.drogues.gouv.fr)

pour un peuple écolo, l’austérité est notre destin

Le peuple communiste existe avec l’avènement de la révolution industrielle et la polarisation entre facteur travail et facteur capital. Contre le pouvoir du capital, le peuple communiste avait ses mots d’ordre et son catéchisme marxiste : exploitation de l’homme par l’homme, lutte de classes, syndicat courroie de transmission, dictature du prolétariat, etc. Le peuple communiste avait sa solidarité de classe, dans l’atelier, dans les banlieues rouges, dans les mutuelles, dans le syndicat. Le peuple communiste existait, il n’existe presque plus. Le peuple écolo n’existe pas encore, il existera un jour.

Le facteur travail et le facteur capital sont aujourd’hui surdéterminés par la raréfaction du troisième facteur qu’on croyait inépuisable, les ressources naturelles. Il n’y a plus seulement les travailleurs contre les capitalistes, il y a l’activité humaine confrontée avec les limites de la planète. Comme le pensait Marx, ce sont les circonstances matérielles qui déterminent les consciences et non l’inverse. Notre existence sociale est conditionnée par une réalité qui nous dépasse : les rapports de production chez les communistes, la géologie des richesses minières et l’état des écosystèmes pour un écologiste. Notre activité économique dépend étroitement des ressources fossiles que nous avons dilapidées et de la dynamique de l’écosphère que nous avons gravement détraquée. Or la nature ne négocie pas, que ce soit à Fukushima ou en termes de réchauffement climatique. Aux humains de s’adapter. Il est trop tard pour éviter la catastrophe, mais plus tôt nous agirons, plus nous réduirons la violence du choc. Les richesses naturelles étant en quantité limitées et rapidement décroissantes pour les non renouvelables, la seule solution pour vivre en paix est le partage équitable de la pénurie. Un parti politique définit le sens de l’histoire. L’écologie politique relaye le constat de l’écologie scientifique, l’austérité est notre destin.

Devant la catastrophe en marche, nous n’avons que deux solutions, soit subir dans le désordre et la violence une récession économique sévère, soit faire preuve de coordination et d’exemplarité. Une crise écologique, donc économique, pourrait avoir un effet déstructurant sur nos sociétés complexes. Mais nous savons aussi que la société dépend des perceptions croisées entre individus : je me représente comment les autres se représentent les choses et moi-même. En termes savants, on dit qu’il y a interactions spéculaires, comme devant un miroir. Il y aura un peuple écolo quand il y aura effet boule de neige : tu fais parce que je fais parce que nous voulons tous faire de même. Cela commence par des petits gestes, économiser l’énergie, prendre l’escalier plutôt que l’escalator ou l’ascenseur, boire bio, c’est-à-dire boire de l’eau. L’écolo utilise des techniques douces et rejette les techniques sophistiquées. Il sait que marcher à pied vaut mieux que de prendre un vélo, mais le vélo est bien préférable à l’autobus ou au train. L’écolo fait plutôt du covoiturage et rapproche son domicile de son lieu de travail, il isole sa maison et baisse la température dans ses pièces. Il choisit de vivre à l’étroit plutôt qu’augmenter son emprise sur les sols arables, il fait ce qu’il doit et le bonheur lui est donné de surcroît.

Car le bien-être n’est pas lié à la somme des objets que nous pouvons posséder, tout au contraire. L’achat d’un téléphone portable qui est démodé dans le mois qui suit n’entraîne pas un sentiment de satisfaction, mais un perpétuel sentiment de manque. La publicité nous formate pour avoir toujours envie d’autre chose, alors nous ne pouvons plus trouver la plénitude d’être. Un écolo refuse la pub, refuse la cigarette, refuse le verre d’alcool de trop. Pour chanter et s’épanouir, pas besoin d’être alcoolisé. Un écolo est sobre, il n’est pas austère même s’il pratique l’austérité. Il y aura un peuple écolo quand la majorité des citoyens refusera le voyage en avion, la voiture individuelle et les trois heures de télé par jour. Le peuple écolo préférera jouer au ballon plutôt que regarder un match de foot, il préférera une partie de belote plutôt qu’une séance télé. La simplicité volontaire des uns se conjuguera avec la décroissance conviviale des autres.

Toute personne qui a compris que nous avons dépassé les limites de la planète devrait savoir qu’il lui faut vivre autrement. Un parti écologiste sera adulte quand ses adhérents agiront en ce sens. Un parti politique digne de ce nom est composé de militants qui vivent ce qu’ils prêchent. Il y aura un peuple écolo quand les militants d’EELV commencement à donner l’exemple de la sobriété énergétique et de la simplicité volontaire. Le peuple écolo existera quand EELV nous donnera une certaine cohérence, des éléments de langage, le sens de la solidarité, l’exemplarité de ses membres. L’équilibre compromis entre les possibilités de la planète et l’activisme humain entraîne nécessairement l’avènement du peuple écolo… ou l’écolo-fascisme !

le tabac tue et rend esclave, un écolo ne fume pas

LE MONDE* le dit, Golden Holocaust de Robert Proctor paraît ces jours-ci aux Etats-Unis. Ce livre puise dans les « tobacco documents ». Le Master Settlement Agreement en 1998 ordonne la mise dans le domaine public des secrets de l’industrie du tabac ; un vaste complot depuis un demi-siècle pour tromper le public.

Au cours de la réunion de Paris qui a mis en mouvement le plan Marshall le 12 juillet 1947, il n’y avait aucune demande des Européens spécifique au tabac. Cela a été proposé et mis en avant par un sénateur de Virginie. Au total, pour deux dollars de nourriture, un dollar de tabac a été acheminé en Europe. Les populations européennes sont alors devenues accros au tabac blond flue-cure. Ce procédé permet de rendre la fumée moins irritante, donc plus profondément inhalable ; or plus l’afflux de nicotine dans l’organisme est rapide, plus les dégâts occasionnés sur les tissus pulmonaires sont importants. Plusieurs centaines de composés – accélérateurs de combustion, ammoniac, adjuvants divers, sucres, etc. – sont ajoutés au tabac. Ils rendent la fumée moins irritante, plus inhalable. Tout est fait pour rendre les fumeurs le plus accro possible. A cause du polonium 210, un paquet et demi par jour équivaut à s’exposer annuellement à une dose de rayonnement équivalente à 300 radiographies du thorax.

Le 14 décembre 1953, les grands patrons du tabac se retrouvent discrètement à l’hôtel Plaza de New York. Quelques mois auparavant, des expériences menées sur des souris ont montré que le produit qu’ils vendent est cancérigène. Les géants du tabac se lancent alors dans une entreprise d’instrumentalisation du doute scientifique qui retardera la prise de conscience des ravages de la cigarette. Ce n’est qu’en 1964 que les autorités sanitaires américaines commenceront à communiquer clairement sur le lien entre tabac et cancer du poumon. Les mensonges d’une demi-douzaine de capitaines d’industrie provoqueront la mort de plusieurs millions de personnes. Mais pour cela, il faut fabriquer le consentement.

Philip Morris a formalisé ce projet en 1987 sous le nom de Project Cosmic – un plan destiné à créer un réseau extensif de scientifiques et d’historiens partout dans le monde. Créer de toutes pièces des réflexes mentaux dans la population est à la fois fascinant et inquiétant. Convaincre les adolescents que fumer tient de la rébellion, voilà un tour de force marketing. C’est le fruit d’investissements lourds, à coups de millions de dollars. Sylvester Stallone a touché 500 000 dollars pour fumer dans cinq films. Mais le passage enfumé à l’écran de Paul Newman, Sean Connery, Clint Eastwood ou Mickael Blomkvist résulte d’un processus similaire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été infiltré par les cigarettiers grâce à des associations écrans ou à des scientifiques secrètement payés par eux. Celui qui examinait les dossiers de la National Science Foundation (principale agence fédérale de financement de la recherche américaine) touchait de l’argent du tabac. Même l’American Civil Liberties Union, l’équivalent de la Ligue des droits de l’homme, a fait campagne au début des années 1990 pour la « liberté » de fumer sur le lieu de travail après avoir reçu des centaines de milliers de dollars de l’industrie du tabac. Une cinquantaine d’historiens – la plupart financés ou secrètement payés par les cigarettiers – ont formulé lors des procès du tabac des témoignages favorables aux industriels. Les chiens de garde du Project Cosmic avaient infiltré toutes les institutions. Pour quel résultat ?

Le plaisir procuré par la cigarette est une pure fabrication de l’industrie. Contrairement à l’alcool et au cannabis, la cigarette n’est pas une drogue récréative : elle ne procure aucune ébriété, aucune ivresse. Fumer, c’est devenir directement accro. Parmi ceux qui aiment le vin, seuls 3 % environ sont accros à l’alcool. Alors qu’entre 80 % et 90 % des fumeurs sont dépendants. C’est une forme d’esclavage. Chaque année la combustion des cigarettes déposera quelque 60 000 tonnes de goudron au fond de poumons humains. Chaque année, la cigarette tue plus que le paludisme, plus que le sida, plus que la guerre, plus que le terrorisme. Et plus que la somme des quatre. La cigarette est l’invention la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité.

Merci à Stéphane Foucart de nous donner tous ces éléments de réflexion. La cigarette est inutile, pernicieuse, dangereuse. Mais n’oublions pas que ce sont les fumeurs qui donnent aux cigarettiers les moyens de financer leur aliénation et de programmer leur propre mort. Un peuple écolo est un peuple exemplaire, il ne fume pas.

* LE MONDE culture & idées | 25.02.12 | Les conspirateurs du tabac