Ne skiez pas, ni au Pla d’Adet ni ailleurs
Avec ses remontées mécaniques modernes et ses domaines skiables reliés, la France offre 350 stations de ski dans 7 massifs. Comment résister devant les snowparks, le snowboard, le freestyle, les boarder cross, les slaloms et les bosses, l’espace ludique Ludo’Glyss et le speed-riding ? Comment expliquer qu’il ne faut pas skier ? Comment expliquer cela dans un monde sur-développé où les loisirs sont devenus un art de vivre ? Comme amener les touristes des sommets à ne plus aimer les vacances à la neige ? Comment faire ressentir que la montage ensevelie dans son manteau neigeux ne peut que mieux se porter sans tire-fesses, nacelles et autres remonte-pentes ? Le skieur qui ne s’occupe que de la réussite de ses vacances peut-il glisser sans se poser quelques questions sur une neige vomie par des canons alimentés par l’eau qu’on est allé chercher deux mille mètres plus bas dans la rivière ? Comment convaincre des gamins qu’on amène en classes de neige que skier n’est pas bon pour la planète ?
Dès les années 1930, Ellul et Charbonneau écrivaient déjà : « Décrire la civilisation actuelle sans tenir compte du tourisme, c’est commettre une grave erreur parce que, dans bien des pays ou régions, il joue un rôle plus important que l’industrie lourde. Il s’agit maintenant d’énormes organisations et de milliards de capitaux. Une publicité intense a dirigé les foules vers certains points aménagés de la montagne… » Tout notre système thermo-industriel est construit pour nous inciter à envahir tous les espaces terrestres, même ceux qui étaient de tout temps considérés comme inhabitables. La griserie de la vitesse ne devrait pas occulter toute l’énergie exosomatique dépensée pour ce loisir de luxe. Le territoire des autochtones des montagnes, bouquetins, chamois et marmottes, est lacéré par des routes, striés par les skieurs hors piste, pollué par la présence de milliers de personnes. Pour ce tourisme de masse, il faut ériger des HLM en altitude, établir des parkings, damer les pistes chaque nuit, entretenir d’énormes chasse-neige. La consommation d’eau pour produire de la neige nécessite des millions de mètres cubes et des millions de kWh. Sans parler du bruit infernal de ces canons à neige. Ce n’est pas un loisir qui préserve la Biosphère que de déplacer des citadins en mal d’air pur vers de lointaines destinations où on va recréer la ville et poursuivre des activités sans intérêt. Car quoi de plus débile que de faire des va-et-vient entre la queue en bas de piste et la queue en bas de piste ? Mouvement pendulaire, vertige des installations techniques, on brûle du pétrole pour des instants de bonheur factice. Sans parler des chutes et des jambes cassé. On peut même rencontrer dans les Pyrénées celle qui a fait 8 500 kilomètres depuis Madagascar pour se traîner sur la piste sans pouvoir se relever. Tout ça pour dire que les quelques mètres parcourus coûtent très cher à la biosphère, à la collectivité et aux vacanciers.
Moi, j’étais au Pla d’Adet, arrivé en covoiturage, refusant toute remontée mécanique, descendant à pied à Saint Lary, quasiment seul sur l’étroit sentier neigeux, au milieu du silence vertigineux et des sapins ployant sous le poids de la neige. Le plaisir physique et l’éloge de la lenteur. Mais n’est-ce pas déjà trop que de faire 300 kilomètres pour un plaisir solitaire même s’il est partagé en couple ?