Chronique d’un effondrement annoncé, de Tainter à Greer

Dans un article de janvier 2011, The Onset of Catabolic Collapse (traduction française), John Michael Greer  fait le résumé de sa théorie centrale, l’effondrement catabolique, dont voici quelques extraits qui complètent l’analyse de Joseph Tainter :

Au fur et à mesure que les sociétés grandissent et commencent à dépendre d’infrastructures complexes pour satisfaire les activités quotidiennes de leur population, les besoins en maintenance des infrastructures augmentent progressivement jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau où ils ne peuvent plus être couverts par les ressources à portée de main. Le seul moyen fiable pour résoudre une crise qui est causée par des coûts de maintenance en hausse est de réduire ces coûts, et le moyen le plus efficace est d’envoyer une partie de ces choses qui devraient être entretenues dans la poubelle la plus proche. Ainsi, le rythme normal de l’histoire des sociétés complexes oscille entre la construction, l’anabolisme, et la dégradation, le catabolisme*.

Il est possible de fournir une date assez précise pour le début de l’effondrement catabolique aux Etats-Unis d’Amérique, c’est 1974, l’année où le cœur industriel des Etats-Unis a commencé sa brutale transformation en rust belt « la ceinture de rouille » lors du premier choc pétrolier. Les USA ont catabolisé la plupart de leurs industries lourdes, la plupart de leurs exploitations agricoles familiales et une bonne moitié de leur classe ouvrière. Notons que cette crise américaine correspond non seulement à l’action de l’OPEP, mais surtout au passage du pic pétrolier aux USA atteint en 1971-1972.

Nous sommes depuis les années 2000 dans les premières phases d’un second et probablement plus sévère round de catabolisme, ici en Amérique mais aussi dans toute l’Europe. Ce qui est arrivé à la classe ouvrière industrielle dans les années 1970 est en train d’arriver à une grande part de la classe moyenne, au fur et à mesure que les jobs disparaissent, que les services publics sont réduits et qu’une demi-douzaine d’Etats est en train de glisser sur une pente qui fera d’eux les équivalents de la « ceinture de rouille » au XXIème siècle.

Il est difficile de dire ce qui va se passer les prochaines années, tant le processus de catabolisation d’une société aussi opulente que la nôtre peut s’exprimer de manières différentes. A l’échelle du pays il faudra se battre pour sauvegarder ce qui est vraiment nécessaire, privilégier l’intérêt du plus grand nombre. A l’échelle personnelle, il faudra peut-être apprendre à planter des choux avec les mains.

* catabolisme : utilisation imagée d’une expression biochimique ; ensemble des dégradations de substances organiques qui aboutissent à la formation de déchets (par opposition à anabolisme)

Source d’inspiration : http://imago.hautetfort.com/archive/2011/01/26/le-debut-de-la-fin.html

 

1 réflexion sur “Chronique d’un effondrement annoncé, de Tainter à Greer”

  1. Un article* de Marie-Béatrice Baudet dont nous saluons l’existence et que nous résumons ainsi :

    Combien d’appels solennels à sauver la Terre, ses ressources et sa biodiversité ont-ils été lancés ? Combien de travaux les scientifiques ont-ils réalisés pour alerter sur l’urgence à agir ? Combien de documentaires et de films avons-nous déjà regardé ? Qui se souvient encore des sommets internationaux de Cancun ou de Durban ? Seulement voilà, toutes ces prédictions ennuient : 2050, c’est loin, que vive plutôt le présent et la planète à crédit ! L’urgence n’est pas les petits oiseaux et les ours polaires, mais les gains de pouvoir d’achat et la lutte contre le chômage. Et puis, les écologistes ont la réputation d’être ennuyeux, répétitifs, sectaires et mal habillés. D’ailleurs, ce premier tour de l’élection présidentielle a fait disparaître l’environnement et la crise écologique des écrans radar. Et puis il y a eu des perles : un ministère de l’écologie qui achève son quinquennat sans ministre, ou le présidentiable Cheminade expliquant sans rire devant l’Association des journalistes de l’environnement « qu’il fallait dépasser la vision d’une Terre aux ressources finies »

    Il est temps de faire de l’humour environnemental, comme le Refedd : « Gaspillons tant que nous pouvons » ; « Monsanto président ! » ; « CO2, j’en veux ! » ; « L’effet de serre, c’est nécessaire ! » ; « Gaz de schiste, résiste ! Prouve que tu existes ! » et « Les engrais, c’est le progrès ! » Laure Noualhat explique « comment réussir sa fin du monde« … L’humour est la politesse du désespoir.
    * Ecologie, quand on n’a que l’humour, LE MONDE du 21 avril 2012

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