Chute du brut, l’inverse de ce qu’il faudrait

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEP +) continue à desserrer le robinet de leur production. Pour Donald Trump, dont le flot de parole est constamment ouvert à haut débit, la rengaine c’est devenu « drillBabydrill ». Or qui dit flux de barils supplémentaires dit reflux des cours. En début de séance le 2 mai 2025, le prix du baril de brent de la mer du Nord glissait légèrement aux alentours de 61,80 dollars. En juin 2022, le baril valait 125 dollars, après avoir atteint 140 dollars au début de la guerre en Ukraine. La Banque mondiale table maintenant sur un prix moyen du Brent de 60 dollars en 2026. L’institution anticipe en effet un ralentissement de la demande mondiale de pétrole et un coup de frein au commerce mondial secoué par des tarifs douaniers erratiques.

Michel Sourrouille : Le prix du baril comme l’indique l’actualité pétrolière découle du jeu de l’offre et de la demande, un mécanisme de marché qui n’envisage que le court terme. Or nos réserves fossiles (non renouvelables) sont à terme en voie d’épuisement inéluctable. Ce qui veut dire que le prix du pétrole devrait augmenter constamment. Car soyons clair par rapport aux quantités physiques. Un baril par jour correspond à peu de chose près à 50 tonnes par an. La consommation mondiale de pétrole est proche de 100 millions de barils par jour soit 5 milliards de tonnes par an. Nous sommes plus de 8 milliards de parasites sur cette Terre qui continuent à se multiplier et à surconsommer, plus de 600 litres par personne et par an. Mais tout parasite qui tue son hôte (fossile) voit son existence abrégée. Sans pétrole, même les végétaux seront un jour hors de prix.

Devinez ce qui va se passer…

Une réponse dystopique de biosphere

Les pays arabes, aidés par Poutine, ont décidé finalement de garder le plus possible de réserves fossiles pour leurs générations futures. Le GIEC approuve, c’est la bonne méthode pour combattre le réchauffement climatique, laisser le pétrole sous terre. L’or noir quintuple, passant de 60 dollars le baril à 300 dollars en trois mois.

La facture pétrolière française a en effet explosé, la France est importatrice de brut, plus de 47 Mtep (millions de tonne équivalent pétrole). Le gouvernement réagit à bon escient. Nécessité fait loi, il programme le fait que le prix du baril va impacter nos activités en proportion du choc pétrolier. L’État met en place une intense campagne de sensibilisation de la population aux enjeux géophysiques. Dans les médias et les écoles, on insiste sur la fragilité extrême de notre société thermo-industrielle, devenue trop complexe et malade de son croissancisme. Pour faciliter l’acceptation sociale des immenses efforts à accomplir, on lutte contre les inégalités sociales. Par un vote presque unanime du Parlement, il y a instauration d’un revenu maximum autorisé, bonus et revenus du capital compris ; il est fixé à dix fois le salaire minimum. Au delà, l’État prend tout.

L’essentiel du plan gouvernemental est centrée sur les mesures d’économies d’énergie dans tous les domaines. Gaspiller devient source de culpabilité. Les municipalités suppriment complètement l’éclairage public, les dépenses d’infrastructures sont complètement repensées. Les citoyens commencent à bouder volontairement les escalators pour faire de l’exercice physique dans les escaliers. Prendre son vélo ou marcher est devenu tendance, rouler en voiture est désormais ressenti comme exceptionnel, si ce n’est condamnable. Il y a réduction de la vitesse à 80 km/h sur toutes les routes sans exception, 20 km/h en ville. Comme le prix de l’essence est passé assez rapidement de moins de 2 euros le litre à 10 euros, les déplacements se font au minimum de frais. Les transports en commun deviennent indispensables.

L’État prône les quatre D, Démondialisation, Désurbanisation, Dévoiturage et Décentralisation. Pour la Dépopulation, les élus commencent seulement à y réfléchir. Le citoyen a compris que la résilience à un choc pétrolier structurel ne pourra s’effectuer que par l’autonomie alimentaire et énergétique acquise au niveau local. L’État décide d’abandonner la plupart de ses prérogatives au bénéfice des entités territoriales.  Se rendre personnellement autonome devient un leitmotiv. Les couples restent plus longtemps en couple, partageant difficultés… et appartement. Ils décident de faire moins d’enfants, et les enfants partagent la même chambre dans des maisons plus petites, plus faciles à chauffer. On garde les personnes âgées dans le foyer familial le plus longtemps possible. Les familles élargies, source de solidarité intergénérationnelle se généralisent. Le suicide assisté se banalise.

Les habitants des villes se demandent ce qu’ils vont manger, ils commencent à s’organiser. Les jardins partagés se multiplient au milieu des HLM, les tomates poussent sur les balcons. Les pelouses deviennent des potagers, les jardins d’ornement font place à des arbres fruitiers. L’œuf sera pondu dans le poulailler familial, le lait produit dans une économie communautaire et le miel récolté dans des ruchers collectifs. Il y a de moins en moins d’employés et de cadres, moins d’emplois surnuméraires. Avoir fait des études longues est devenu un handicap, l’intelligence manuelle est revalorisée. Les artisans, petits commerçants, et paysans se multiplient dans tous les domaines. La reconversion des tâches effectuées par nos esclaves mécaniques est ressentie comme nécessaire. Des techniques douces sont mises en place, la force physique et l’ingéniosité humaine permet de suppléer l’obsolescence de la thermodynamique industrielle. On recycle un peu partout les grosses machines qui ont produites le chômage de masse, car avec moins d’énergie, il y moins de métaux disponibles.

Chacun comprend qu’aller moins vite, moins loin et moins souvent pouvait procurer le vrai bonheur. Les voitures rouillent, les rotules se dérouillent : marcher dans la forêt devient le nec plus ultra, plus besoin de paradis artificiels. La France est devenue le pays que le monde entier va imiter… le Bonheur national brut a remplacé le PIB. Puisse le rêve devenir réalité !

Précisions : Pétrole de schiste américain : 1) pas rentable en dessous de 65 $ ; 2) : durée de vie d’un puits : 3 ans maximum ; 3) en 2030 tout le territoire forable l’aura été ; d’où : 4) : effondrement de la production américaine avant 2035. Pour le pétrole «  conventionnel, le pic de production mondial a été atteint en 2008 ; nous sommes actuellement sur un plateau qui va commencer à décliner après 2030 et dont la pente du déclin va s’accélérer : aucun mécanisme de marché ne pourra l’arrêter. La civilisation thermo-industrielle c’est terminé, peu avant ou bien après 2050, peu importe la date. Les réalités biophysiques sont plus fortes que les sentiments humains…

11 réflexions sur “Chute du brut, l’inverse de ce qu’il faudrait”

  1. Finalement, c’est comme pour la démographie (les choses ne sont d’ailleurs pas sans lien de cause à effet), notre consommation de pétrole comme notre nombre sont à un pic.
    Ce que nous connaissons depuis un siècle est une anomalie dans l’Histoire; et dans quelques siècles, tout cela sera vu comme un soubresaut non durable (mais pas sans conséquence).

  2. Le meilleur des mondes biosphérique

    « […] Gaspiller devient source de culpabilité. […] Le suicide assisté se banalise.
    Les habitants des villes se demandent ce qu’ils vont manger, ils commencent à s’organiser… »

    Par un vote presque unanime du Parlement il y a instauration du Plan 75. L’anthropophagie se banalise. Papi et Mamie finissent en Soleil Vert. Les voleurs de bicyclettes, les fainéants, les mal-pensants finissent eux-aussi de la même manière. La peine de mort se banalise, il faut bien accélérer la Dépopulation. Rien ne se perd tout se transforme, tout et n’importe quoi se doit d’être recyclé. Tout ce qui est jugé futile, inutile ou pas rentable n’a plus lieu d’être.
    Les élégants minous et les gentils toutous c’est de l’histoire ancienne. Les doudous et les robots de compagnie n’en parlons pas. Le Ricard et le Chichon non plus. Ceux qui sont en manque d’amour et d’affection peuvent toujours adopter un pied de tomate, un arbre, ou un caillou.
    Enfin le Vrai Bonheur ! (à suivre)

    1. parti d'en rire

      Que demande le Pôple !
      La France est enfin devenue Championne du monde.
      Le pays que le monde entier veut imiter. Et se doit, de singer.
      Pour être comme NOUS, dans le vent. Telle est l’ambition des feuilles mortes.

  3. rapporterre

    BP vote pour le réchauffement climatique
    Le géant pétrolier BP a annoncé en février2025 qu’il renonçait à la quasi-totalité de ses engagements climatiques, afin de privilégier les hydrocarbures. Cela passe par sur une réduction de ses investissements dans les énergies vertes…
    Trump nie l’existence du réchauffement climatique
    Donald Trump est le président le plus anti-science du climat de l’histoire. La croisade du républicain climatosceptique est à la fois méthodique et inédite dans sa brutalité. Pour lui, pointer du doigt la montée du niveau de la mer et les iécheresses exposent à l’« anxiété climatique » et à l’« exagération des menaces climatiques »….

    1. Parti d’en rire

      Comme dit Jeunesèpluki… ce n’est pas parce que c’est Trump qui le dit qu’il faut systématiquement dire le contraire. En effet, plus ON parle du Réchauffement et plus l’(eco)anxiété progresse. Et plus ON a tendance à peindre le tableau encore plus noir qu’il n’est en réalité. C’est donc pour nous protéger, nous redonner la pêche et la banane, que Donald a décidé d’effacer des millions de données scientifiques, d’interdire certains mots dans les articles, de virer des centaines de chercheurs qui bossent sur le Climat, de réduire les financements des recherches sur l’environnement… bref de casser le thermomètre.
      Et comme ça fini la fièvre ! Après tout c’est comme quand ON balance la Télé par la fenêtre (un militaire, avec un peu de bol se la mange en pleine tête).
      Eh bien croyez-le ou pas, des fois ça peut marcher.

      – Avec la réélection de Donald Trump, l’éco-anxiété de ces Français n’a jamais été aussi forte
      (huffingtonpost.fr 09/11/2024 16:30)

      1. Didier BARTHES

        Ah, c’est la première fois qu’on m’appelle Jeunesépluki, ça me rajeunit, ce n’est pas mal finalement.

        1. Comme quoi le véritable nom (identité) de l’auteur d’un point de vue n’a finalement que peu d’importance. Là encore je pense à Jeunesèpluki… 🙂

  4. Esprit critique

    – « Le prix du baril comme l’indique l’actualité pétrolière découle du jeu de l’offre et de la demande, un mécanisme de marché qui n’envisage que le court terme. Or [etc.] »
    (Michel Sourrouille)

    D’abord je dirais que s’il en découle (ou dépend), ça n’est que… principalement. Ce qui est déjà beaucoup, je vous l’accorde. Ensuite tout le monde sait que cette « loi » (ou jeu) a ses limites.
    Ce jeu de l’Offre et de la Demande ne peut donc à lui seul expliquer que le cours (en Bourse) de ceci ou cela s’envole, ou au contraire dégringole.
    Si le monde était parfait… les gens parfaits… ceux qui offrent autant que ceux qui demandent… alors ça se passerait comme Michel Sourrouille aimerait que ça se passe. Du moins à la Bourse…
    Laissons tomber les (pré)visions dystopiques, qui par définition n’ont rien à voir avec un monde parfait. (à suivre)

    1. Esprit critique

      (suite) Or un Marché Parfait ça n’existe pas. C’est pour ça qu’ON préfère parler de «volatilité excessive», de «dysfonctionnements», de «marchés imparfaits»…. ce qui permet notamment de continuer à (faire) croire qu’ON peut toujours améliorer tout ça. N’importe quoi !
      Parmi les limites de cette fumeuse loi (de ce jeu de dupes), tout le monde a entendu parler des comportements irrationnels. Une mouche qui pète, un canard qui fait coin-coin, un bruit de chiottes… et hop ça monte, ou alors ça descend.
      L’économie est une science humaine (et/ou sociale), comme la psychologie. Les psys vous l’expliqueront donc mieux que moi. Bref, en fait ça ne dépend que du vent, ou de l’air du temps. Ce qui fait que la Bourse c’est du vent.

    2. Il n’y a aucune élasticité offre demande concernant le pétrole ! Voir conférence de Jancovici. La demande peut fortement augmenter puis voir le prix du pétrole baisser. En fait, ce sont les volumes produits de pétrole conventionnel qui vont faire fluctuer le prix du pétrole. Car si le prix du pétrole augmente, du coup ça rend rentable le pétrole de schiste, puisque le pétrole de schiste est beaucoup plus cher à extraire, du coup les investisseurs de pétrole de schiste augmente la production de pétrole de schiste qui se cumule aux volumes de pétrole conventionnel, alors du coup il y a trop de pétrole sur le marché alors le prix baisse,…. donc si le prix baisse le pétrole de schiste n’est plus rentable, donc moins de production, mais rebelote plus assez de pétrole sur le marché alors le prix raugmente donc le pétrole de schiste devient à nouveau rentable… Voilà ça fait un effet yoyo…

      1. Esprit critique

        En fait, la Loi de l’Offre et de la demande nous dit tout simplement (ou connement) que si c’est plus cher… alors j’en veux. Et vice versa. Si tu veux boursicoter, et notamment trader le pétrole, comme ON dit, voici les tuyaux :
        – Le cours du pétrole : un indicateur économique des plus suivis (ig.com)

        Maintenant si tu refuses de jouer à ce jeu, à la con, et que veux juste essayer de comprendre le Système, notamment ici l’Économie, avec son fumeux Marché, la Bourse, comment elle fluctue etc. etc. là aussi fait l’effort de lire :
        – Antimanuel d’économie (Bernard Maris)
        – La « loi de l’offre et de la demande » sert surtout à justifier les inégalités – Entretien avec David Cayla (lvsl.fr)

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