CLIMAT, l’adaptation dessert la résilience

Thierry Ribault : « La résilience entend nous préparer au pire sans jamais en élucider les causes. Dans les années 1970, l’écologue Crawford Holling développera un programme de « sécurité écosystémique » baptisé Résilience, c’est-à-dire la capacité à supporter les chocs et à se réorganiser efficacement en capitalisant sur les « opportunités émergentes ». C‘est ce qui fonde la « transition écologique et climatique » tant attendue par la loi Climat et résilience. Cette loi a toutes les allures d’une implacable fabrique du consentement. Appelant à « lutter contre » le dérèglement climatique en vivant avec, en exhortant chacun à prendre part de manière positive et citoyenne, la loi euphèmise le fait que nous sommes dans la catastrophe, en tablant sur nos aptitudes à rebondir vers un « monde de demain » déjà là. Ce qui la rend contestable n’est pas tant qu’elle serait un collage de « mesurettes », comme s’en indignent ceux qui en attendent toujours plus d’un Etat pétrifié, mais qu’elle entérine ce nouvel esprit reposant sur le « do it yourself ». Citoyens, industriels et décideurs deviennent responsables à parts égales, là où on a affaire à des processus socio-économiques. Sortir de la prétention technologique de pouvoir répondre à des situations impossibles, c’est prendre conscience de l’impuissance et de ses causes de notre impuissance. La suite en découlera. »

Du point de vue des écologistes, Thierry Ribault veut réactualiser l’opposition entre ceux qui prônent des démarches individuelle de sobriété avec réduction de leurs propres émissions de gaz à effet de serre, et ceux qui attendent de l’État qu’il agisse à notre place. Fausse opposition puisque la collectivité est formée par un ensemble de citoyens, le pouvoir politique décide en fonction de l’acceptation sociale du partage de la sobriété. C’est une relation d’interdépendance et de complémentarité. Laissons aux commentateurs sur lemonde.fr le soin de poursuivre le débat :

Thibaut : Très très discutable ce Thierry Ribault. D’abord, on ne voit pas bien en quoi améliorer notre résilience collective exclurait de remettre en cause « en même temps » les excès du modèle productiviste actuel. Au contraire, les deux vont même de pair, quand on relocalise la production agricole par exemple. Ensuite, il suffit de regarder l’évolution des grands indicateurs biophysiques pour comprendre qu’on n’a plus guère d’autre choix que celui de la résilience : il est déjà trop tard pour éviter le mur écologique.

Pangeran : Je trouve intéressant de réfléchir sur cette notion qui vise à rendre des épreuves acceptables. Qui vise à rendre les défaillances du progrès tolérables. Sommes-nous toujours en état de « servitude volontaire » comme dans beaucoup de domaines ?

Stephane D : Il y en a assez des « catastrophistes »… Oui, le réchauffement climatique est un problème sérieux, oui nous devons, ensemble, le résoudre. Et, AUSSI, nous sommes dans une bien meilleure situation qu’il y a quarante ans. Moins de pauvreté, moins de mortalité infantile, moins de mort suite aux catastrophes naturelles, espérance de vie nettement supérieure. Que propose ce prophète du malheur ? La bonne solution serait de tous paniquer, tous ensemble, en détruisant tout, les bras levés, en courant et en criant « Malheur, malheur » ???

verst : L’exemple souvent cité pour parler de résilience est le comportement des Londoniens à l’automne 1940, qui continuaient autant que faire se peut leurs activités malgré les bombardements allemands. Rien à voir, donc, avec la définition donnée ici par l’auteur. Vive la vraie résilience.

Suzette : Je crois au contraire que c’est exactement ce que décrit l’auteur : apprendre à vivre avec l’inacceptable. Si on suit son raisonnement, concentrer son énergie pour apprendre à vivre sous (avec) les bombes fait qu’on ne cherche pas à agir sur la raison pour laquelle les bombes tombent mais on accepte ces bombes comme un fait. Heureusement que les anglais n’ont pas fait qu’apprendre à vivre avec mais ont aussi appris à lutter contre. Le point de l’auteur, si je le comprends bien, est d’indiquer que préparer la résilience, c’est affirmer qu’on est impuissant à éviter la catastrophe et se préparer à vivre avec. Dans votre exemple, ce serait construire des abris anti-bombe en 1936 pour « vivre avec » l’inéluctable. Dans le cas du changement climatique, le gouvernement a choisi le vivre avec plutôt que lutter contre.

A. Morin : Beaucoup de mots, mais quand même un con qui marche va plus loin que deux intellectuels assis. Alors c’est quoi les propositions pour le climat ? Mis à part revenir 50 ans en arrière dans nos modes de vie sur la quasi totalité de la planète.

BorderlineyeDisruptive : Fatigant de répéter aux cancres comme A.Morin que la Décroissance, ou sobriété, ou simplicité volontaire, ne consiste PAS DU TOUT à « revenir 50 ans en arrière dans nos modes de vie ». Il y a 50 ans, pas d’Internet, pas d’habitat bioclimatique, pas de permaculture, etc. L’écologie profonde propose un bond en avant, avec moins de gadgets inutiles mais plus d’intelligence, car nous devons faire des choix. Posséder un véhicule polluant, c’est terminé, le nucléaire c’est fini, la surproduction-surconsommation c’est enterré. Reste à produire l’utile et l’agréable sans détruire la planète, et nous savons le faire.

NB : Thierry Ribault vient de publier Contre la résilience. A Fukushima et ailleurs (L’Echappée, 368 pages, 22 euros)

20 réflexions sur “CLIMAT, l’adaptation dessert la résilience”

  1. Quelle résilience ? C’est clair que le progrès désert la résilience. En Europe 42 % des déplacements effectués en voiture sont pour des trajets inférieurs à 1 km ! Voilà c’est clair, les archéologues du futur nommeront notre civilisation Homo-Socialo-Grocus autrement dit de grosses larves obèses qui peinent à effectuer un trajet de 500 mètres à pied et biberonnées par le gouvernement en allocs et subventions pour pouvoir pousser le caddy dans un supermarché. Aucune résilience, car à présent quasiment plus personne ne sait coudre, enfoncer une vis sans machine, faire pousser un radis, pas même cuisiner avec la multiplication des fast-food et plats préparés en supermarché. Nos chez zozos accros aux technologies rêvent sûrement pouvoir se balader en ville en fauteuil volant qui sortiraient de la voiture car trop pénible de marcher.

    1. Dans l’avenir ils manifesteront sûrement place république avec Mélenchon en fauteuil volant. Évidemment ces techno-scientistes du progrès doivent rêver un monde à la star wars où chacun aurait 10 droïdes pour le servir…

      Donc oui l’effondrement a commencé mais ce n’est pas comme un effondrement d’immeuble du jour au lendemain à coup de dynamite, c’est un processus qui se prolonge sur plusieurs années voir décennies. Bien que ça ira de plus en plus vite, chaque crise sera plus violente que la précédente

      On le voit aujourd’hui déjà à Cuba, la Permaculture n’a pas suffit à sauver le pays, la population crève la dalle, manifeste et fait la queue dans les magasins quasiment vides. Voir article sur Figaro intitulé = « Cuba au bord du chaos alimentaire » C’est clair que nous sommes trop nombreux sur Terre, la Permaculture même là où elle est effectuée à grande échelle ne suffit pas.

      1. Alors en plus en occident, quasiment personne ne fait de permaculture. Autant dire que la résilience est au ras des pâquerettes !

        Donc le processus est déjà bien entamé, Venezuela, Printemps arabes, Cuba, Gilets jaunes, révolution orage dans les pays de l’est, le Liban, Syrie etc… Bref les pays sombrent les uns après les autres comme des dominos du fait que les échanges ont été trop mondialisés au profit de multinationales, les pays n’ont plus aucune résilience car on dépend quasiment tous des multinationales pour manger boire et s’équiper, on est trop interconnecté et dépendant d’un pays aux autres, il n’y a plus de résilience interne dans chaque pays. Alors le pire est à venir, les pays d’occidents sont des dominos comme les autres, hormis qu’on est en bout de chaîne et seront les derniers à tomber…

  2. – « La résilience entend nous préparer au pire sans jamais en élucider les causes » (Thierry Ribault)
    Du même auteur lire aussi : Pour les habitants autour de Fukushima, « il y a une injonction à être des contaminés satisfaits » (12 mars 2021 bastamag.net)

    Lire également «Le concept de résilience expliqué par Boris Cyrulnik» (27.04.17 infirmiers.com)
    Boris Cyrulnik est neuropsychiatre. Extraits :
    – « En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. […] À l’origine la résilience s’applique à la physique : c’est la résistance d’un matériau aux chocs. Par extension, et au sens figuré, c’est une force morale; qualité de quelqu’un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre. […] la résilience n’efface rien, elle permet de supporter et de continuer … »

    1. Continuons donc. La résilience est donc entrée en politique et dans les entreprises.
      Soyons déjà sûrs d’une chose, utilisé dans ces milieux là ce mot a toutes les chances d’être un piège. Comme tant d’autres avant lui, on fera en sorte que nous ne l’entendions que d’une certaine façon : résilience = TINA = amen.

  3. C’est un sujet tout à fait important.
    Par exemple… pour la démographie, tout ce qu’on nous dit de faire (ne pas manger de viande, habiter dans un petit appartement, ne pas utiliser sa voiture (ne pas en avoir), ne pas se déplacer inutilement, économiser le pétrole et le gaz et le charbon etc.) tout cela n’aura qu’un effet : nous permettre d’être plus nombreux sur la planète en repoussant (un peu) l’échéance de l’impossible, mais finalement, nous détruirons tout en étant 11 milliards plutôt que 8 et, in fine, le problème sera encore plus difficile à résoudre, car tous les territoires seront occupés. Plus d’hommes souffriront et tous les animaux et forêt auront disparu puisqu’il n’y aura plus de place.
    Ainsi parfois les meilleures intentions sont bien mal récompensées
    Que l’on ne prenne évidemment pas cela pour un appel au gaspillage, mais juste comme un rappel de l’incontournable.

    1. Ce qu’on nous dit de faire pour «sauver» la planète (ne pas manger de viande, habiter dans un petit appartement etc.) n’aura pas comme seul effet de nous permettre d’être plus nombreux, à détruire plus etc. De toute façon personne ne souhaite ça.
      Toutes ces mesurettes visent avant tout à faire durer (le plaisir). Notamment le Business.
      D’autre part elles permettent d’entretenir l’illusion que nous agissons. Et pour les plus optimistes, un certain espoir. Ce qui permet avant tout d’éviter la panique, ou la débandade, qui risquerait de mettre en péril l’Ordre Etabli. .

    2. Et oui Didier, les politiciens sont trop couards pour vouloir organiser la récession, alors nos dirigeants nous annoncent une croissance à 5 à 6% dans les années à venir et nous rassurent avec le montage d’Iter en guise de propagande… Le merdier à gérer sera destiné pour les générations futures qui se devront d’agir à la dernière minute dans un chaos social sans nom…

      Je l’ai toujours dit, je n’espère rien de ces débats ou autres conventions pour le climat et leurs G7 ou G20, les commissions Attali et j’en passe les vertes et les pas mûres. On ne peut que jouer la montre en attendant l’armaggedon et se préparer qu’à titre individuel ou groupe de personnes, mais à l’échelle nationale c’est peine perdue. La plupart des jeunes français sont pour le moment préoccupés à devenir des starlettes en récoltant des followers sur leur facebook ou en participant à des émissions Graines de star ou équivalent.

      1. La seule émission où ils se préparent à être résilients ce sont les candidats de Koh Lanta qui s »entraînent à ne plus manger LOL ^^ Mais pour le reste du programme télé, rien à espérer.

        Donc je joue la montre car il n’y a plus que ça à faire, hormis se préparer individuellement ou en groupe. J’attends l’Armageddon qui permettra de faire le grand reset; on aura des cités d’Angkor et des Atlandides en France et ailleurs…., ainsi que des croque-mossieurs pour les survivalistes… Mais au moins les forêts pourront repousser…

        1. – « les politiciens sont trop couards pour vouloir organiser la récession  »
          Ce n’est pas que je veuille les défendre, mais les politiciens ont bon dos. Là encore pensons à la Poule et l’Oeuf. Qui sont ceux qui élisent les «élites » ? Nous avons donc les politiciens que nous méritons, disons qu’il sont à notre image, et déjà là la boucle est bouclée.
          En attendant, mis à part quelques grands malades qui souhaite la récession ? Personne. Même la décroissance ne fait pas recette. Et pour cause, «à force de répétitions etc. » elle est comprise comme récession. L’utopie, entendue comme rêves de doux rêveurs. L’anarchie, comme gros bordel. Le socialisme (et le communisme), comme goulag, dictature et j’en passe. Il en sera donc de même de la résilience.

        2. – «De l’extrême-gauche au LR sur l’échiquier politique, vous reportez vos voies à l’UmPs  »
          Taratata ! Tu veux que je te rappelle ce que les uns et les autres donnaient comme consignes de vote aux seconds tours ?
          De toute façon on se disperse, réfléchis plutôt sur ce que j’ai écrit ci-dessous À 18:41. Enfin si tu peux.
          Question à 10 balles : la Décolonisation des imaginaires sert-elle la résilience, ou pas ?

  4. Sujet intéressant. C’est vrai que la propagande pour la Transition «a toutes les allures d’une implacable fabrique du consentement.» (lire Chomsky)

    La «lutte» (ou «guerre») contre le dérèglement climatique est du même ordre que celle contre le Covid, ou encore celle contre le (sur)nombre et bien d’autres problèmes.
    La solution à tous ces problèmes passerait donc par une participation de tous (tous ensemble ouai ouai !), par l’adoption de petits gestes tout simples et tout cons. Pour tel problème il suffit de mettre un masque, pour tel autre une capote, pour le reste de fermer le robinet lorsqu’on se brosse les dents, le top étant de balancer son vieux diesel à la poubelle, pardon au recyclage, pour le remplacer par une somptueuse bagnole électrique. Et avec ça, si tout le monde joue le jeu… c’est promis vous ne serez pas déçus.

    1. Même approche dans les entreprises, ces temps-ci toutes en crise, même celles qui cartonnent au Caca 40. Là encore tous «partenaires», «tous dans le même bateau », tous devant ramer à la même cadence, sans perdre de vue le «petit coin de ciel bleu», («sortie du tunnel» ou «monde d’après») que seuls ceux qu’on prend pour des capitaines semblent voir. Partout on nous dit que les temps sont durs. Et en même temps on nous promet des lendemains qui chantent. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Imaginons les conséquences d’un discours du genre «tout et foutu, et patati et patata».

      Toutefois, de temps en temps on nous dit qu’il va nous falloir… vivre avec. Depuis un moment on nous dit qu’il nous faut vivre avec l’insécurité de l’emploi, avec l’obligation de mobilité, de reconversions professionnelles, tout le long de sa vie, professionnelle. Et qu’il va falloir travailler plus longtemps, parce que ceci et cela et blablabla.

      1. Et «à force de répétitions etc. » ça rentre dans les têtes et on finit par trouver ça normal.

        Aujourd’hui on nous dit qu’il va nous falloir vivre avec le Covid. Et avec le reste et en même temps. Très bien. Si «vivre avec» veut juste dire qu’il nous faut accepter certaines choses comme elles sont, notamment celles contre lesquelles nous ne pouvons rien, comme accepter l’idée de la mort etc. très bien ! Dans ce cas je pense qu’on devrait tenir le même genre de discours au sujet du (sur)nombre et des migrants. Maintenant si ça veut dire qu’en attendant nous allons devoir vivre comme des taulards en «liberté surveillée», si ça veut dire que «la liberté c’est l’esclavage», que la lutte c’est la soumission, que la bestialité c’est l’humanisme, que la Bêtise c’est la Sagesse, etc. etc. là c’est autre chose.
        N’empêche qu’au niveau individuel la lutte ne vise qu’à assurer l’homéostasie. Vivre avec… ou mourir.

        1. Ne rêve pas ! Plus un pays est en surpopulation et moins il y a de liberté ! Plus une population est cosmopolite et moins il y a de liberté ! Et quand il y a les deux surpopulation et cosmopolitisme il n’y a plus de liberté du tout ! Tout simplement parce qu’il faut un régime autoritaire pour maintenir la cohésion de l’ensemble !

        2. C’est marrant ce besoin que tu as de toujours te servir d’un passage ou d’un mot pour remettre sur la table toujours la même chose. Pour dire qu’un pays, ou une entreprise, est en SURpopulation ou en SURéffectif, déjà faudrait-il connaître cet effectif optimum, voire maximum. J’ai connu une boîte où la politique (la même qu’ailleurs) consistait à diviser pour mieux régner. On tapait tantôt sur les uns, tantôt sur les autres, comme ça il n’y avait pas de jaloux. Curieusement… les libertés se réduisaient au fur et à mesure que se réduisaient les effectifs. Et pas seulement les libertés. Mais la solidarité, la cohésion, la joie de vivre, et de travailler, également. Comment expliques tu ça ?

        3. Ah bon ? Et la Chine ?

          Bref, déjà le fonctionnement d’une entreprise diffère de celui d’un état. Une entreprise gère une production de biens et services et l’état la cohésion dans la société.

        4. Puis je vais citer un exemple concret, comme la circulation en voiture. On circule plus librement dans une zone peu peuplée contrairement à une zone densément peuplée.

          Il en est de même pour les piétons. Bref plus il y a de monde plus il faut réglementer et restreindre les libertés, et cela implique de faire des lois qui s’appliquent à tous les individus. Or les communautés exigent des lois spécifiques qui ne s’appliquent pas à tous, veulent des passe-droits. Donc ça ne marche pas !

        5. Ça j’ai bien compris que tu veux balayer d’un revers de main tout sujet ou toute réponse qu’on donne à un sujet qui met en cause la surpopulation

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