Climat : les raisons de s’inquiéter sont innombrables

Quelques motifs d’inquiétude tirés du dossier COP21 de 34 pages inséré dans LE MONDE du 29-30 novembre 2015.

– Ce dossier laisse les multinationales faire leur publicité sur 6 pages entières, même quand elles détraquent le climat !

– La situation actuelle avait été correctement anticipée par certains scientifiques. Wallace Broecker, dans un article du 8 août 1975, prévoyait non seulement l’imminence du réchauffement global, mais il estimait aussi que la vitesse avec laquelle les activités humaines modifiaient la composition de l’atmosphère porterait la concentration de CO2 à 400 ppm autour de 2010.

– De 2008 à 2012, on peut tirer un bilan calamiteux des engagements issus du protocole de Kyoto (signé en 1997)

– En 1990, les pays développés émettaient 14 milliards de dioxyde de carbone par an, en 2012 un peu moins, 13 milliards. Mais dans le même temps les pays émergents ont triplé leurs émissions, de 7,5 milliards de tonnes de CO2 en 1990 à plus de 20 milliards de tonnes en 2012.

– L’OMM a annoncé que le seuil de 400 parties par millions de concentration atmosphérique de CO2 devrait être franchi de manière imminente. Ce taux était de 270 ppm environ au cours de la période préindustrielle et n’a jamais excédé 300 ppm au cours du dernier million d’années. Dans la semaine du 1er novembre 2015, l’observatoire de référence de Mauna Loa (Hawaï) relevait une concentration de 399,06 ppm. Un tel niveau de concentration est inédit depuis le pliocène, voilà 5,3 à 2,6 millions d’années, à une époque où le niveau des océans fluctuait entre 5 mètres et 40 mètres au-dessus du niveau actuel.

– Sur la foi des neufs premiers mois de l’année, 2015 sera la première année dont la température franchira le cap de 1°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle.

– Les extrêmes climatiques affecteront toutes les espèces, à commencer par les humains. Selon le GIEC, les rendements agricoles pourraient baisser en moyenne de 2 % par décennie alors qu’il faudrait augmenter la production de 14 % par décennie pour répondre aux besoins.

– Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, près de 250 millions de personnes seront déplacées d’ici à 2050 à cause de conditions météorologiques extrêmes, de la baisse des réserves d’eau et d’une dégradation des terres agricoles.

– En 2005, la Chine devient un géant industriel en passe de devenir le premier pollueur mondial.

– Les Etats-Unis se sont lancés dans les hydrocarbures de schiste.

– Les mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) annoncées par les Etats avant la COP21 mènent droit vers un réchauffement de l’ordre de 3°C. Cette série de promesses nous permet uniquement d’éviter le désastre d’un réchauffement de 4°C, mais pas une catastrophe à 3°C.

– Rien ne garantit juridiquement que les promesses de contribution nationale seront tenues.

– Les Etats-Unis font démarrer le compteur de réduction des gaz à effet de serre en 2005, année où leurs émissions étaient proches de leur maximum.

– Stephen Harper, chef du gouvernement canadien entre 2006 et 2015, fut le premier dirigeant à se retirer du protocole de Kyoto, jugeant les objectifs de ce traité incompatibles avec les ambitions énergétiques du pays. Son successeur, Justin Trudeau, a encore pour priorité de « gagner de nouveaux marchés, ce qui suppose de nouveaux projets de pipelines ».

– Tony Abbott, premier ministre australien de 2013 à 2015, avait qualifié le changement climatique de « connerie absolue » et n’a cessé de vanter le charbon, « bon pour l’humanité ». Son successeur, Malcolm Turnbull, a rejeté les demandes de moratoire sur l’exportation de charbon, soutenant qu’une telle mesure n’aurait aucun effet sur le changement climatique : « Les pays iraient simplement l’acheter ailleurs… Notre charbon est plus propre que celui des autres pays ». Son ministre de l’environnement a donné, à la mi-octobre, le feu vert au méga-projet minier Carmichael.

– La Chine, premier pollueur de la planète, s’est seulement engagée à atteindre son pic d’émission de CO2 « au plus tard en 2030 ».

– Les pays pétroliers tiennent depuis des années le même discours : « Si notre intensité énergétique est très élevée, c’est parce que nous produisons du pétrole pour nous mais aussi pour le reste du monde. »

– Pour le Venezuela et la Bolivie, la question des contributions nationales renvoie à l’utilisation des ressources nationales pour financer le développement. Ces deux pays, riches en ressources fossiles, sacrifient le combat contre le réchauffement au nom de la lutte contre la pauvreté.

– L’Inde, pays le plus peuplé du monde à l’horizon 2030, doit faire face à des besoins énergétiques colossaux. A ceux qui s’inquiètent de la croissance accélérée de ses émissions de GES, elle répond qu’elle est à la fois une puissance économique montante… et un pays pauvre. Le ministre de l’environnement interpelle les pays développés : « Nous ne pouvons pas rester inactifs face aux 20 % d’Indiens qui n’ont pas accès à l’énergie. »

– L’organisation 350.org milite pour le désinvestissement dans les société extractives. Elle a un budget de 10 millions de dollars annuels, soit 27 400 dollars par jour. Exxon dépense environ 100 millions de dollars par jour, uniquement pour ses opérations de prospection de nouveaux gisements d’hydrocarbures.

– Le lobbying des industries minières ne se fait plus au premier niveau, qui était simplement le déni du changement climatique. Désormais l’objectif est de ralentir l’arsenal législatif qui se met en place.

– En Europe, les groupes patronaux se disent en faveur d’un accord sur le climat, mais ajoutent qu’on ne doit agir que quand le reste du monde fera de même. On risque d’attendre l’éternité.

– La compagnie pétrolière française Total est membre du Business Europe, Cefif, FuelsEurope et OGP. Ces quatre organismes ont systématiquement mis des bâtons dans les roues des législateurs européens dans la lutte contre le réchauffement climatique.

– Ce qui s’annonce ? Une forme d’état d’urgence permanent, l’institution d’une gestion planétaire autoritaire des populations, avec l’impératif du « nous n’avons pas le choix » sur fond de business-as-usual.

– Les murs et les barbelés qui traversent l’Europe donnent un avant-goût de ce qui vient.

– Nul ne peut s’exonérer de sa responsabilité au nom de son impuissance s’il n’a fait l’effort de s’unir à d’autres, ou au nom de son ignorance s’il n’a fait l’effort de s’informer.

1 réflexion sur “Climat : les raisons de s’inquiéter sont innombrables”

  1. Tous ces échecs, tous ces dénis, tous ces reniements ne sont en fait que les différentes facette d’une seule et même chose: l’incompatibilité fondamentale entre la protection de la nature et le maintien de la croissance démographique et économique dans un monde fini.
    Tant que cette opposition fondamentale et incontournable n’aura pas été reconnue, tant que nous accorderons quelques crédits aux défenseurs naïfs ou irresponsables de « l’oxymorienne » croissance verte, tant que nous n’aurons pas décidé entre la croissance et la nature de sacrifier la croissance, alors nous pourrons aligner à l’infini la liste de nos échecs, et nous donner bonne conscience en sacrifiant ici et là sur l’autel de l’écologie tel ou tel bouc émissaire.
    C’est ce que nous faisons depuis de nombreuses années sans bien sûr obtenir le moindre résultat.

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