Comment agir ? Sur l’offre !

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mieux vaudrait que le carbone reste sous terre. Mais à Bali (13ème conférence de l’ONU sur les changements climatiques), la rencontre est venue confirmer l’inconséquence des décideurs et des parties prenantes. Il est sidérant de constater que les acteurs politiques et les représentants du monde associatif présents à Bali ont la même vision réductrice de l’état d’urgence engendré par les gaz à effets de serre. Dans le dernier rapport du GIEC de novembre 2007, il est préconisé que les pays industrialisés divisent par 20 leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, cela fait plus de cinq ans que les stratèges du climat préconisent une simple réduction par quatre pour ces pays-là. Comment expliquer ce négationnisme de l’urgence ? Déni, aveuglement, lâcheté ? Aux sommets de La Haye en 1998, à Marrakech en 2001, à Johannesburg en 2002, les mêmes mots sont ressassés : « pas décisif », « grande avancée », « processus volontariste ». Mais les ravages des dérèglements climatiques s’amplifient.

 

Une meilleure façon de concevoir un plan climat serait de s’intéresser aux extracteurs d’énergies fossiles et aux sources de l’offre énergétique, plutôt qu’aux émetteurs et à la demande. Kyoto avait cette ambition folle de contenir les émissions de milliards de personnes, de tous les conducteurs individuels d’automobiles, de toutes les industries mondiales. Par contre dans les pays producteurs, le pétrole est généralement nationalisé, cela reviendrait à ne devoir négocier qu’avec les gouvernements. Nous réduirions ainsi le nombre d’interlocuteurs à convaincre de plusieurs milliards à une douzaine. En se maintenant dans le paradigme de réduction des émissions de gaz à effets de serre par la limitation de la demande, les négociations sont passées à côté du paradigme décisif de la décroissance de l’extraction des ressources fossiles.

 

Prenons l’exemple d’une personne en partance pour un long voyage, en plein dilemme, seule face à sa conscience d’écocitoyen. Cet individu doit partir en Amérique Latine : prend-t-il ou ne prend-t-il pas l’avion ? Du côté de la demande, il y a deux manières de croire que l’on est vertueux : on peut ne pas prendre l’avion, mais il décollera certainement quand même. On peut aussi s’acheter une indulgence : compenser son émission excessive de gaz à effet de serre en payant quelques arbres, en contribuant à la reforestation de pays dévastés. Ce genre de « compensation carbone » est un luxe que seuls les très riches peuvent se permettre et cela n’a pas d’impact immédiat, ni même réellement efficace sur l’absorption de CO2.

 En revanche une mesure réellement effective serait envisageable du côté de l’offre, en réussissant à convaincre un pays producteur comme l’Arabie Saoudite de modérer sa vente. Si elle consentait à ne plus produire que 9 millions de barils par jour, au lieu des 10 habituels, cela constituerait une réduction équivalente d’émissions de gaz à effet de serre. L’offre de pétrole diminuerait, par conséquent, les prix augmenteraient ce qui garantirait un revenu en pétrodollars à peu près équivalent pour l’Arabie Saoudite. Cette mesure alternative aurait prise sur le réel, et c’est ce qui a cruellement manqué à Bali.

Yves COCHET (Mathématicien, ancien Ministre de l’Environnement, Député de la 11e circonscription de Paris)

 

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