Comment éviter l’enfer où règne Alzheimer ?

« C’est une version infernale de la caverne de Platon. Ici, la réalité ne pénètre plus, ni même son reflet. L’odeur est un mélange d’urine, de gaz et de déodorant chimique. A l’entrée, derrière la porte à verrouillage numérique, une allégorie de la souffrance, tête renversée, yeux exorbités, bouche ouverte, lance ses membres squelettiques aux quatre points cardinaux d’une terre désaxée, tel un personnage de Jérôme Bosch. Cette créature est une femme. D’autres humains en fauteuil roulant attendent, immobiles. Les mâchoires se décrochent, les sucs s’écoulent, des regards tournés vers l’intérieur contemplent le vide. Cette armée de semi-fantômes au bord de l’Achéron semble oubliée de tous et du passeur Charon lui-même. Ça siffle, ça ronfle, ça geint dans tous les coins. Bienvenue dans l’unité Alzheimer fermée d’une maison de retraite de la région parisienne. Jérôme et moi en ressortons le cœur au bord des lèvres. Nous ne pouvons pas parler pendant plusieurs minutes. Nos parents là-dedans ! » C’est là un extrait de « La tête qui tourne et la parole qui s’en va », dans lequel Béatrice Gurrey raconte le bouleversement qu’a été la découverte d’Alzheimer chez ses parents.* Nous avons déjà traité en 2009 cette problématique dans « Quel est le prénom d’Alzheimer ? ». En voici notre conclusion à laquelle nous ne changerions pas un mot :

Plus on est « intelligent » et actif intellectuellement et plus on a de chances de découvrir son mal dès qu’il apparaît. Bruno Bettelheim, la grande référence en pédo-psychiatrie des années 60-70, s’étant aperçu qu’il était atteint d’Alzheimer, préféra se donner la mort. Soit donc on décide, grâce à son sens de sa responsabilité sociale, de mettre un terme à une vie qui, de toute façon perdra de jour en jour sa richesse d’humanité. Soit, quand le patient n’est plus responsable de lui-même, la collectivité qui prend en charge a le droit de se poser démocratiquement la question sur la durée de cette prise en charge… Voici en complément d’analyse quelques commentaires du texte de Béatrice sur lemonde.fr.

Phil : Quand les cathos n’auront plus l’influence néfaste qu’ils ont encore sur la vie politique française, on pourra ENFIN légaliser le suicide assisté. Et ces pauvres gens pourront mourir en paix plutôt qu’à petit feu dans des conditions horribles dans ces maisons de retraite. Et quel soulagement pour les proches. Ouais je sais, je vais en faire hurler. Allez-y hurler !… Mais mince si j’ai cette maladie horrible un jour, j’espère que quelqu’un pensera à cette solution.

Claude Gauthey @Phil : c’est pas un médecin qu’il vous faut mais un assassin professionnel, donc désolé de ne rien pouvoir faire pour vous. Vérifiez cependant en Suisse ou en Belgique ça doit pouvoir se faire, c’est pas remboursé par la sécurité sociale…

Phil @ Claude Gauthey : Vous êtes catho je suppose ? Adepte du dolorisme et autre fadaise ! Vous êtes peut-être maso aussi mais pas moi. Non ce n’est pas un assassinat que d’aider quelqu’un qui le souhaite à mourir. D’ailleurs la vie des autres ne vous regarde pas. Par contre, le forcer à vivre dans des conditions pareilles, cela s’appelle de la torture et de la barbarie. Quand on est trop malade, on devrait pouvoir avoir le droit d’en finir. Et ne pas avoir à aller en Belgique ou en Suisse.

SERGE BOVET : Je me souviens d’un film japonais, où l’on menait les vieux mourir au sommet de la montagne. De Imamoura, peut-être… Cette maladie m’angoisse, et j’aimerais que cette société nous laisse la prendre décision de descendre en marche. Un protocole libératoire en quelque sorte.

Claire SAUVAGE : Au milieu de ce texte sobre qui parle de notre vieillesse collective j’ai retenu un chiffre… 9000 euros par mois pour une » chambre double dans une maison de retraite… 9000… comment peut-on avoir marchandisé à ce point nos maisons de retraites pour en faire un commerce lucratif ?

Catherine R. @ Claire Sauvage : Oui malheureusement dans les EHPAD privés à Paris et IDF, c’est le tarif pour 2 personnes en GIR 6, au maximum de l’échelle des degrés de dépendance. Dans le public, c’est un tout petit peu moins élevé mais le délai pour espérer deux places d’un coup, c’est très long et très aléatoire. Néanmoins, il faut quand même dire que les personnes âgées sans ressources et sans famille (sans descendants en ligne directe précisément), sont prises en charge dans les EHPAD publics, payés par l’Aide Sociale.

Jacques : Oui, pour mes parents dans le sud des Landes, c’était 6500€. Il y a 6 ans. Auparavant, pour soulager ma mère, nous avions embauché par l’intermédiaire d’une association gériatrique, 4 aides à domicile qui se relayaient chaque soir de 18h au lendemain 8h dont le travail consistait à une veille et à l’aide au lever et au coucher : 4200€/mois. Décision prise après 2 nuits qui m’ont mis sur les genoux. Les familles qui n’ont pas les moyens (95%) vivent certainement un calvaire. Respect et compassion.

* LE MONDE du 26 avril 2018, Alzheimer, une épreuve familiale

5 réflexions sur “Comment éviter l’enfer où règne Alzheimer ?”

  1. Baumgartner

    Alzheimer existait-il dans nos campagne il y à 100 ans , chez les Sioux, les Maasais ou les Tibétains ?
    Cette maladie est la face sombre de notre société industrielle de notre médecine chimique
    Si c est ça le soit disant allongement de la vie avec terminus en EPAD , franchement j envie mes grands parents qui vivaient peut être 10 de moins mais évitaient cette enfer de la dépendance de l enferment .
    Alzheimer/EPAD Ca c est pas vivre ,c est une malédiction la mort est préférable à cela.

  2. Sujet délicat, je l’ai toujours dit, et de plus intimement personnel. Nous ne devrions pas ignorer ce dont parle Florian, « ce pernicieux instinct de survie » … en effet il semble bien que nous soyons condamnés à survivre. Mais nous entrons là, encore une fois, dans ce genre de réflexions qui ne semblent pas intéresser la masse. Et pour cause, l’époque est au matérialisme et au pragmatisme vulgaires, au cultes des performances, des corps jeunes et parfaits, du plaisir « parce que le vaux bien », du pognon, du prestige et autres valeurs propres aux sociétés décadentes.
    Il n’y a pas besoin d’être catho pour refuser les risques de dérives à vouloir tout légiférer, tout planifier, tout mesurer, tout quantifier, tout mettre en équation.
    Nous voyons bien les limites de notre fameuse « démocratie » … sur des sujets aussi délicats, demander son avis à un peuple de cons-ommateurs manipulés, quand ce n’est pas un peuple d’andouilles, je ne vois pas où ça pourrait nous mener de bon.

  3. Pour commenter dans la ligne de l’article, il est clair que définir soit-même une limite (de son vivant… le vrai, quant on a toute sa tête) et de s’y tenir est l’attitude la plus admirable.
    En pratique, ce pernicieux instinct de survie nous met des bâtons dans les roues…
    Un peu plus, toujours un petit peu plus, jusqu’à être condamné à survivre !

    Et là c’est bien à la société de définir une limite, marge au delà de laquelle il n’est raisonnablement plus possible de parler de meurtre, mais bien de libération. Et tout le monde raisonnable n’en vivra que mieux.
    On doit pouvoir de son vivant s’exprimer sur le niveau de la marge à appliquer à soi-même (directives anticipées). Il faut cependant démocratiquement poser ensemble une limite supérieure à cette marge, et repousser les cathos dans leur position : une minorité en perte de vitesse, qui pourra s’exprimer pour peser sur cette marge, mais dans leurs proportions seulement.

  4. Il faudra bien un jour se poser la question de quelle proportion de l’activité économique nous acceptons de consacrer à allonger notre vie. Les puritains seront horrifiés, mais il est impossible d’éluder la question.
    Par le passé, cette période (la fin de vie) était limitée dans le temps, abrupte et était l’affaire de l’entourage, prêt à œuvrer corps et âme au service du (futur) défunt.
    Maintenant que la médecine a atteint un niveau industriel, on peut consacrer 10-20-30… etc pour-cents de l’activité de la société (l’activité de la vie pleine de vie!!) pour allonger la vie (biologique) de quelques pour cents. Il est clair qu’il y a une limite au delà de laquelle l’investissement devient déraisonnable.

    Le raisonnable court-circuite ici l’instinct dont nous a pourvu l’évolution.
    C’est toujours ce même problème pour toutes les questions relatives au devenir de l’espèce me direz-vous : la reproduction, les déplacements, la consommation etc. En quelques mots, cette force invisible qui pousse dans une seule direction : toujours plus, mais qui ne se pose pas la question de la qualité. Ça a bien marché pendant des millions d’années, mais c’est devenu obsolète.

    Je vais être méchant, mais j’affirme que la frange profondément religieuse de la population -qui freine la formulation d’une réponse raisonnable par la société à cette question- est la frange de la population la plus aux prises avec cet archaïsme (l’instinct biologique) et dont l’intellect est incapable de prendre le dessus. Toutes les élucubrations mythologiques en sont le résultat.

  5. Il faudra bien un jour se poser la question de quelle proportion de l’activité économique nous acceptons de consacrer à allonger notre vie. Les puritains seront horrifiés, mais il est impossible d’éluder la question.
    Par le passé, cette période (la fin de vie) était limitée dans le temps, abrupte et était l’affaire de l’entourage, prêt à œuvrer corps et âme au service du (futur) défunt.
    Maintenant que la médecine a atteint un niveau industriel, on peut consacrer 10-20-30… etc pour-cents de l’activité de la société (l’activité de la vie pleine de vie!!) pour allonger la vie (biologique) de quelques pour cents. Il est clair qu’il y a une limite au delà de laquelle l’investissement devient déraisonnable.

    Le raisonnable court-circuite ici l’instinct dont nous a pourvu l’évolution.
    C’est toujours ce même problème pour toutes les questions relatives au devenir de l’espèce me direz-vous : la reproduction, les déplacements, la consommation etc. En quelques mots, cette force invisible qui pousse dans une seule direction : toujours plus, mais qui ne se pose pas la question de la qualité. Ça a bien marché pendant des millions d’années, mais c’est devenu obsolète.

    Je vais être méchant, mais j’affirme que la frange profondément religieuse de la population -qui freine la formulation d’une réponse raisonnable par la société à cette question- est la frange de la population la plus aux prises avec cet archaïsme (l’instinct biologique) et dont l’intellect est incapable de prendre le dessus. Toutes les élucubrations mythologiques en sont le résultat.

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