Conflit des générations, une idée farfelue

Anthropologue spécialiste des sociétés océaniennes, Margaret Mead distinguait trois types de culture. La culture « postfigurative », dominante dans les sociétés traditionnelles, au sein de laquelle les enfants sont instruits par leurs parents (le passé des adultes est l’avenir de la génération  suivante) ; la culture « cofigurative » de la société de croissance dans laquelle les enfants et les parents suivent les modèles culturels véhiculés par l’école, l’armée, et l’entreprise ; et, enfin, la culture actuelle dite « préfigurative » où il y a inversion de la transmission . Ce sont les enfants qui apprennent à leurs parents comment aborder les rivages du nouveau monde, dans lequel se déploient des technologies, des pratiques et des mœurs inédites (Le Fossé des générations, 1971).

Est-ce donc le terreau d’un conflit des générations ?

Lire, éthique de la réciprocité… intergénérationnelle

Nicolas Truong : Des jeunes super-diplômés en quête de sens annoncent qu’ils ne perdront pas leur vie à la gagner. Des adolescents affichent leur « fluidité » de genre devant des adultes qui ont l’impression de voir leur monde se liquéfier. Des activistes aspergent de soupe à la tomate Les Tournesols de Van Gogh afin d’alerter sur l’urgence écologique. ll flotte dans l’air du temps comme un nouveau conflit de générations. En effet, aucune génération n’a jamais connu des changements aussi rapides , un monde unifié par les technologies de l’information ou globalisé par la fin des empires – sans oublier une révolution scientifique qui multiplie les productions, qui est aussi en train de modifier d’une manière terriblement dangereuse et radicale l’écologie de la planète.

Mais qu’y a-t-il de commun entre le quotidien, la perception du présent et l’inscription dans l’avenir d’un enfant d’une périphérie paupérisée et celles d’un adolescent d’un centre-ville huppé ?  La jeunesse n’est qu’un mot traversé par tous les maux de notre société. Alors que la radio et la télévision s’écoutaient encore en famille jusque dans les années 1990, l’entre-soi culturel des jeunes, la culture par groupes de pairs et non de pères-mères sont bien plus puissants et créent de l’ignorance intergénérationnelle .

Commentaires

Vivelevexinlibre : Plus j’avance en âge et plus le découpage de la population en strates ( ici l’âge) me semble aussi biaisé que le serait de prendre celles de la couleur de peau ou de la taille.

Kentel : Dans les études sociologiques, la variable de classe supplante toujours toutes les autres (âge, sexe, ethnie etc), Bourdieu avait raison, il est donc illusoire de chercher à délimiter les aspirations d’une classe d’âge. Celle décrite ici qui parle de fluidité de genre et d’intersectionnalité vient visiblement des milieux urbains et privilégiés que fréquente Nicolas Truong. C’est donc SA classe sociale qui est déterminante.

Jean Kaweskars : Les jeunes sont moins sensibles au changement climatique que leurs aînés. Cf le sondage Ipsos de nov. 2021 : 47% des jeunes pensent que la réalité du réchauffement climatique n’a pas été démontrée scientifiquement ; 55% pensent que l’énergie nucléaire contribue autant au réchauffement climatique que le gaz ou le charbon ; 46% déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « gaz à effet de serre » ; 55% déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « empreinte écologique ».

Narrabeen : La vraie différence générationnelle, la seule, c’est l’individualisme extrême: « j’ai le droit, je veux être qui je veux, avec un voile c’est mon droit, transgenre je l’exige, etc.

C moi : J’ai fait un rêve,une jeunesse sacrifiée prenait les armes pour incendier les raffineries , raser les usines d’embouteillages de bouteille plastique, clouer au sol les avions pour Bali… Que les jeunes descendent dans la rue on pourra les compter, pour l’instant j’en vois en Iran mais pas en France.

PP2 : Les « boomers » sont la génération qui est née juste après la guerre cad entre 1946 et 1955/60, dite du « baby-boom », parce que nous étions très nombreux. Nous étions à 40 par classe, on avait recruté n’importe qui comme enseignants, dont des vieillards égrotants, on jouait dans les ruines de la guerre. Ceux qui avaient la chance d’avoir un logement vivaient comme au Moyen Âge ou presque, avec une seule pièce chauffée dans la maison, pas de sdb, les toilettes au fond du jardin. 80% de la population était pauvre et vivait en autarcie : légumes du jardin, poules et lapins. Nos parents avaient vécu World War 2, nos grands-parents WW1, on attendait WW3… On a été les premiers à prendre conscience des problèmes écologiques et à militer pour y remédier…

Le point de vue de Michel Sourrouille

J’écrivais le 6 janvier 1971 : « Les adultes doivent savoir qu’ils ne se sentiront plus tout à fait chez eux dans un monde qui sera de plus en plus soumis aux valeurs et aux opinions de la jeunesse. » Personnellement je n’ai pas changé. Âgé de 75 ans, je militais dans les années 70 avec José Bové dans un groupe de soutien aux objecteurs de conscience. En janvier 1971 dans Partisans, un dossier Libération des femmes, année zéro : j’étais devenu féministe. J’étudiais en 1972 le rapport du MIT sur les limites de la croissance : j’étais devenu objecteur de croissance. Je votais pour l’écologiste René Dumont à la présidentielles 1974, j’avais enfin trouvé politiquement ma voie, l’écologie. Et aujourd’hui encore j’écris des livres sur l’écologie, j’adhère à Génération écologie et je milite avec l’association Démographie Responsable. D’après mon expérience, il n’y a pas de changement générationnelle au niveau de l’engagement, seulement des prises de conscience différentes accompagnées par la passivité du plus grand nombre, qu’ils soient jeunes ou vieux.

La grosse différence entre les années 1970 et 2022, c’est que nous sommes maintenant 8 milliards, que le chômage est structurel en France depuis le premier choc pétrolier (1974) et que la planète est malade de l’homme. Depuis 75 ans, nous avons augmenté notre nombre de 76 millions chaque année en moyenne, c’est invivable et ingérable même si on s’habitue à s’entasser dans des HLM de banlieue et à faire la queue dans une automobile qui pourrait aller à 180 km/h. Les jeunes naissent sur une planète pillée et dévastée dont il ne leur restera que quelques miettes à se partager entre les mieux « armés ». Né en 1947, j’ai bénéficié des Trente Glorieuses et je suis épouvanté de voir manifester contre une réforme des retraites alors que les jeunes savent déjà que pour eux il n’y aura sans doute pas de pension de retraite. Je suis épouvanté de voir que dans un monde qui se fragmente, la principale préoccupation de trop d’adolescent(e)s est de savoir de quel genre on est. Perte généralisée des repères, c’est cela la vérité de la génération actuelle !

Lire mon autobiographie, mémoire d’un écolo

4 réflexions sur “Conflit des générations, une idée farfelue”

  1. S’il faut croire l’anthropologue Margaret Mead qui distinguait trois types de culture, la «postfigurative», la «cofigurative» et la «préfigurative»… je dirais alors, sans hésiter, que nous sommes dans la seconde.
    – « la culture « cofigurative » de la société de croissance dans laquelle les enfants et les parents suivent les modèles culturels véhiculés par l’école, l’armée, et l’entreprise.»

    Je rajouterais seulement les me(r)dias, aux mains de qui nous savons. Les me(r)dias qui ne sont que le prolongement de l’Entreprise, entendue ici comme Capitalisme (Business, Pognon, Croissance, Compétition etc.)
    Encore une fois, comme le chantait si bien Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire, etc.
    La Pub cible (c’est comme ça qu’on parle aujourd’hui, misère misère) aussi bien les jeunes que les vieux. ( à suivre )

    1. L’Entreprise produit et vend une multitude de produits et gadgets, spécialement conçus pour les un(e)s comme pour les autres. Un seul exemple, le téléphone portable pour séniors.
      Business as usual ! Tout le reste n’est encore que du blabla, qui ne fait qu’en rajouter à la Grande Confusion, toujours plus. En attendant, le fossé se creuse, toujours plus.
      Le fossé entre les uns et les autres. Entre jeunes et vieux, entre citadins et ruraux, entre fonctionnaires et travailleurs du Privé, entre les «de souche» et les autres, etc. etc.
      Diviser pour mieux régner, le truc est vieux comme le monde.
      Regardons seulement à qui ça profite et où ça nous mène. ( à suivre )

      1. La grosse différence entre les années 1970 et 2022, c’est que nous sommes maintenant noyés, perdus, déboussolés. Gauche et droite ne veulent plus rien dire, mâle et femelle non plus, pareil du vrai et du faux, du beau du laid etc. etc. etc.
        Et ceci non pas à cause du Surnombre… comme le ressassent ces pauvres épouvantés terrrorisés… mais tout connement à cause de la Grande Confusion.
        Ce Grand N’importe Quoi véhiculé et alimenté, toujours plus, par toute cette Pub et tous ces merdias omniprésents dans nos vies. Nos vies de vieux cons des neiges d’antan, comme celles des jeunes cons de la dernière averse.
        Là encore le truc est vieux comme le monde, nous enfumer. Faire en sorte que nous ne sachions plus où nous en sommes, nous faire peur, nous terroriser.
        Pour moi le plus triste, c’est de voir à quel point ça marche. Misère misère.

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