contre-attaque des climatologues

Éthique scientifique et sciences du climat : lettre ouverte

Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les structures référentes de la recherche scientifique française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre communauté.

Un pacte moral relie les scientifiques et la société. Rémunérés principalement par les crédits publics, les scientifiques doivent déployer une rigueur maximale, pour la conception, la réalisation, la publication de leurs travaux. Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à travers les processus critiques de relecture, de vérification, de publication des résultats. Les hautes instances scientifiques sont les garants de cette rigueur. C’est sur cette éthique scientifique que repose la confiance que la société peut accorder à ses chercheurs. (Ci-contre la démonstration par Grudd du trucage de son graphique par Claude Allègre)

Reconnaître ses erreurs fait également partie de l’éthique scientifique. Lorsqu’on identifie, après la publication d’un texte, des erreurs qui ont échappé aux processus de relecture, il est d’usage de les reconnaître, et de les corriger, en publiant un correctif. Ainsi, des glaciologues ont mis en évidence une erreur dans le tome 2 du 4ème rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur Page 1/17 l’évolution du climat («Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, chapitre 10 : Asie») concernant le devenir des glaciers de l’Himalaya. En l’absence de procédure formelle d’«erratum», le GIEC a publié son «mea culpa» ( http://www.ipcc.ch/pdf/presentations/himalaya-statement-20january2010.pdf), reconnaissant l’erreur, et soulignant que les processus de relecture du rapport n’avaient pas fonctionné pour ce paragraphe. En cela, le GIEC a respecté la déontologie scientifique.

Depuis plusieurs mois, des scientifiques reconnus dans leurs domaines respectifs dénigrent les sciences du climat et l’organisation de l’expertise internationale, criant à l’imposture scientifique – comme le fait Claude Allègre (photo) dans L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon, 2010), pointant les prétendues «erreurs du GIEC», comme le fait Vincent Courtillot dans Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009) et dans des séminaires académiques. Ces accusations ou affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire.

Ces ouvrages n’auraient pu être publiés si on leur avait simplement demandé la même exigence de rigueur qu’à un manuscrit scientifique professionnel. De nombreuses erreurs de forme, de citations, de données, de graphiques ont été identifiées. Plus grave, à ces erreurs de forme s’ajoutent des erreurs de fond majeures sur la description du fonctionnement du système climatique. Leurs auteurs oublient les principes de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société. Ces attaques mettent en cause la qualité et la solidité de nos travaux de recherche, de nos observations, études de processus, outils de modélisation, qui contribuent à une expertise nécessairement internationale.

Vous constituez les structures référentes de la recherche scientifique française. Les accusations publiques sur l’intégrité des scientifiques du climat sortent des cadres déontologiques et scientifiques au sein desquels nous souhaitons demeurer. Nous pensons que ces accusations demandent une réaction de votre part, et l’expression publique de votre confiance vis-à-vis de notre intégrité et du sérieux de nos travaux. Au vu des défis scientifiques posés par le changement climatique, nous sommes demandeurs d’un vrai débat scientifique serein et approfondi.

Liste des premiers signataires: Valérie Masson-Delmotte (LSCE)- Edouard Bard (Collège de France / CEREGE)- François-Marie Bréon (LSCE)- Christophe Cassou (CERFACS)- Jérôme Chappellaz (LGGE)- Georg Hoffmann (LSCE)- Catherine Jeandel (LEGOS)- Jean Jouzel (LSCE)- Bernard Legras (LMD)- Hervé Le Treut (IPSL)- Bernard Pouyaud (IRD)- Dominique Raynaud (LGGE)- Philippe Rogel (CERFACS)

Ce matin, Libération consacre ses trois premières pages à cet événement sans précédent.

http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/04/climat-400-scientifiques-signent-contre-claude-all%C3%A8gre.html

 

Voici un document open office avec la liste des signataires hier soir, plus de 400.

9 réflexions sur “contre-attaque des climatologues”

  1. «  » » »On s’attaque à Claude Allègre parce que c’est un m’as-tu-vu célèbre.
    Mais il n’est pas seul à dire que les bien-pensants de la science nous racontent des
    histoires. » » » »

    Non ces scientifiques attaquent Allègre pour ses mensonges et ses tricheries, ce n’est pas pareil.

  2. Je pense, tout au contraire, que ce qui fait peur c’est de constater l’audience d’un mammouth des médias comme Allègre qui, hors de son champ de compétences, vient asséner au mieux des contre-vérités, au pire en arrive à se livrer à de honteuses manipulations pour des motifs purement idéologiques, et qu’il puisse encore se trouver des gens pour lui accorder un quelconque crédit, ou lui ouvrir grand leurs micros sur des sujets sur lesquels il a notoirement fait montre de sa profonde incompétence.

  3. Je trouve effrayant qu’on puisse obliger un scientifique à un « pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société ».
    C’est « les ennemis du peuple » en version soft, une sorte de totalitarisme doux ?
    Qui défnit la Société et si on y est moralemnt fidèle ou pas ?
    C’est au minimum anti démocratique, sinon de la graine de totalitarisme.
    Ca me fait peur.

  4. On s’attaque à Claude Allègre parce que c’est un m’as-tu-vu célèbre.
    Mais il n’est pas seul à dire que les bien-pensants de la science nous racontent des
    histoires. Ce n’est pas l’accumulation indignée des grands mots: « imposture, éthique,
    scientifique, intégrité, vrai débat…. » qui peut convaincre, même s’ils sont signés par
    des « scientifiques ».
    En vrai, on n’est pas sûr de grand’chose – sauf que Hulot, Étienne, Arthus-Bertrand,
    Al Gore……..usent beaucoup de pétrole avec leurs avions et hélicoptères (et gagnent
    beaucoup de sous) pour prendre des photos afin de nous convaincre de ne plus rouler dans notre toute petite auto.

  5. Claude Vincent je crois que vous n’avez pas compris. Il ne s’agit pas de censure (puisque plus une pétition a de signatures mieux c’est en général) mais au contraire il s’agit d’une volonté de donner du crédit à cette pétition pour qu’elle ne soit pas juste une profession de foi sur le réchauffement climatique.

  6. Jean-D doit être un clone de Claude Allègre, cf. ci-dessous :

    Sollicité par Libération (à propos de la pétition sur l’éthique scientifique), Claude Allègre a balayé d’un revers de manche ce qu’il a qualifié de « pétition nulle et stupide », ironisant sur une réaction de gens « qui ont gaspillé beaucoup d’argent public et ont peur de perdre des moyens, peur de perdre leur job ».

    Source :
    http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2010/04/01/climat-400-chercheurs-appellent-pecresse-a-prendre-position_1327231_3224.html

  7. « Cela réduit le potentiel au millier de scientifiques œuvrant dans les laboratoires où l’on s’occupe des diverses facettes du climat – atmosphère, géographie, océans, glaces, hydrologie… Hier plus de 410 d’entre eux l’avaient signé. »

    Evidemment: ils ne veulent pas voir s’échapper toutes ces bonnes subventions, interviews par les journaux et voyages vers des conférences internationales aux frais de la princesse!

  8. Hier soir, Valérie Pécresse informait Libération qu’elle avait «saisi le président de l’Académie des sciences pour qu’il organise en son sein un débat sur le sujet». Notant qu’elle «ne peut trancher un tel débat sans l’avis des pairs», elle ajoute :

    «ce n’est pas par hasard si j’ai proposé que le climatologue Jean Jouzel préside le Haut conseil pour la science et la technologie. C’est un signe de confiance du gouvernement envers cette communauté».

  9. Ce texte pèse par ses signataires. L’accès à la signature est limité aux «scientifiques capables par leur expertise de savoir que Claude Allègre ment», précise Valérie Masson-Delmotte.

    Cela réduit le potentiel au millier de scientifiques œuvrant dans les laboratoires où l’on s’occupe des diverses facettes du climat – atmosphère, géographie, océans, glaces, hydrologie… Hier plus de 410 d’entre eux l’avaient signé.

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