Contre l’esprit clanique à l’Assemblée nationale

A l’Assemblée nationale, le rassemblement des députés qui ne sont affiliés à aucun groupe politique (les « non-inscrits », NI) comptait vingt-cinq membres fin juillet 2016. Ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis 1962, francs-tireurs de carrière, en désaccord avec leur parti d’origine ou issus de l’éclatement du groupe parlementaire des Verts. Or la vie parlementaire est plus difficile en électron libre. A l’Assemblée, tout est organisé autour des groupes politiques, c’est même le principe de base, renforcé par la réforme constitutionnelle de 2008. Sans groupe, aucun moyen d’accéder aux postes clés, aucune représentation dans les instances dirigeantes, ni aucune possibilité de soumettre un texte à l’examen. Les temps de parole dans les débats sont répartis à la proportionnelle entre les groupes et les NI ne récupèrent que les miettes*. Est-ce normal ?

Il faut d’abord noter que cette réforme constitutionnelle, proposée par la droite et soumise au Congrès le 21 juillet 2008, n’a été adopté qu’à deux voix près… et Jack Lang n’avait pas suivi les consignes de vote « contre » de son propre parti. Une décision « démocratique » est toujours relative. Elle repose surtout sur le libre choix des votants qui ne sont jamais tenus d’obéir à un parti. Un député est le représentant du peuple français, pas d’un parti politique ou d’une circonscription. La Constitution française est très claire sur ce point : « Article 27. Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Trop de votes dans l’hémicycle procèdent d’une logique partisane, on vote comme ses camarades car le grand chef l’a dit. Pourtant, il suffit d’appliquer cette idée d’un parlementaire votant en son âme et conscience pour que les choses changent. On pourrait arriver à la recherche d’un consensus entre opinions différentes au lieu d’avoir un affrontement stérile entre majorité et opposition. La place des partis est seconde, non déterminante.

Ensuite les groupes politiques reconnus par la révision de 2008 ne sont pas l’apanage des partis constitués, ils permettent aux députés de se regrouper en fonction de leurs affinités. On a simplement ajouté l’alinéa suivant à l’article 4 de la Constitution : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ». Le règlement de l’Assemblée prévoit des règles de constitution et d’organisation totalement autonomes par rapport à l’existence et au régime juridique des partis politiques proprement dits. Il suffit de remettre à la Présidence une déclaration politique signée des membres qui adhèrent à ce groupe et présentée par le président qu’ils se sont choisi. Ainsi par exemple les frondeurs du PS seraient-ils en droit de quitter le groupe socialiste pour fonder un autre groupe, tout nouveau. Il suffit d’être quinze pour former un groupe parlementaire.

Tout cela pour dire qu’il n’y a nul besoin de quémander un groupe parlementaire au grand frère PS comme l’a fait EELV lors des législatives 2012. Il suffit de regrouper des élus qui ont compris l’avenir de l’écologie politique pour agglomérer des personnes qui ne voteraient plus dans un esprit clanique, mais pour l’intérêt de la planète et donc du bien commun. Avec un tel objectif, il n’y aurait pas eu d’éclatement du groupe écolo lors de ce quinquennat, ou il y aurait eu une recomposition avec des non-inscrits,

* LE MONDE du 23 juillet 2016, à l’Assemblée, le parti des non-inscrits progresse