Débat européen sur la notion de post-croissance

Dans Libération : A l’occasion de la conférence «Post-Growth» qui se tiendra à Bruxelles les 18 et 19 septembre, un groupe d’universitaires de toute l’Europe appelle à revenir sur le dogme de la croissance, devenu incompatible avec la contrainte écologique et le bien-être des peuples. Extraits :

La croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) est donnée comme l’objectif économique premier des nations européennes depuis plusieurs décennies. Mais si nos économies ont grandi, l’impact négatif sur l’environnement a augmenté en rapport. Nous dépassons aujourd’hui l’espace de fonctionnement sécurisé pour l’humanité sur cette planète et il n’y a aucun signe que l’activité économique soit en voie de découplage avec l’usage des ressources ou la pollution à l’échelle qui serait requise. Aujourd’hui la réponse politique consiste principalement à essayer d’entretenir la croissance par la dette, l’affaiblissement des régulations environnementales, l’extension des heures de travail et des coupes dans les systèmes de protection sociale. Cette recherche agressive pour de la croissance économique à tout prix divise la société, crée de l’instabilité économique et affaiblit la démocratie. La croissance économique pourrait bien s’enrayer définitivement dans moins d’une décennie. Les élites et les décideurs n’ont pas investi encore ces questions. Le processus « Au-delà du PIB (Beyond GDP) » de la Commission Européenne s’est affaibli au fil du temps. Le mantra officiel demeure la croissance économique — corrigée comme ‘soutenable’, ‘verte’ ou ‘inclusive’ — mais d’abord et avant tout, la croissance. Même les Objectifs de Développement Durable de l’Organisation des Nations-Unies incluent la poursuite de la croissance comme l’un des buts pour tous les pays, en dépit de la contradiction fondamentale entre croissance et soutenabilité.

La bonne nouvelle est qu’au sein de la société civile et des sphères scientifiques, un mouvement post-croissance a émergé. Il porte différents noms suivant les lieux : décroissancePostwachstumsteady-state ou doughnut economicsprosperity without growth, pour n’en nommer que quelques-uns. Depuis peu un réseau de recherche européen fédère les travaux sur les ‘modèles macroéconomiques écologiques’ alternatifs. Ces travaux suggèrent qu’il est possible d’améliorer la qualité de vie, de restaurer le monde vivant, de réduire les inégalités et de fournir des emplois décents en nombre suffisant sans recourir à la croissance économique, sous condition de configurer les politiques publiques. La tendance dans l’utilisation des ressources pourrait être inversée par une taxe carbone dont les revenus pourraient être utilisés pour financer une allocation universelle ou d’autres programmes sociaux. Introduire à la fois une allocation universelle et un revenu maximum réduirait encore davantage les inégalités sociales, tout en aidant à redistribuer le travail social et en brisant les asymétries de pouvoir qui affaiblissent nos démocraties. De nouvelles technologies pourraient être utilisées pour réduire le temps de travail et améliorer la qualité de vie, au lieu de conduire à licencier en masse et augmenter les profits d’un petit nombre de privilégiés. Étant donné l’ampleur des enjeux, il serait irresponsable que les acteurs politiques et les décideurs n’explorent pas les possibilités d’un avenir post-croissance.

La Conférence qui se tient à Bruxelles est un coup d’envoi prometteur, mais des engagements bien plus importants sont nécessaires. En tant que groupe de scientifiques concernés et issus des 28 États-membres, nous appelons l’Union Européenne, ses institutions et États-membres à (entre autres) transformer le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) en un Pacte de Stabilité et de Bien-être. Le PSC est un jeu de règles visant à limiter les déficits gouvernementaux et les dettes nationales. Il doit être révisé pour que les États-membres répondent aux besoins fondamentaux de leurs citoyens, tout en ramenant l’utilisation des ressources naturelles et la production de déchets à un niveau soutenable.

7 réflexions sur “Débat européen sur la notion de post-croissance”

  1. La conférence « historique » est donc terminée. Et je ne trouve rien dans les me(r)dias qui puisse me dire ce qu’il en est sorti. Quelqu’un pourrait-il m’éclairer ?

  2. @ Michel C

    ‘ » »Celle-là n’aura rien à voir avec celle dont rêvent les dits décroissants. » »

    Je suis un des rares décroissants à ne pas rêver à ce que cette décroissance puisse se dérouler autrement, d’où le fait que je préconise toujours d’éviter d’habiter toutes les villes de plus de 150.000 habitants, car déjà lorsqu’on voit comme ça se déroule dans un stade comment ça dégénère pour un vulgaire match de foot, je n’ose penser à comment ça va se dérouler lorsque tout le monde va se retrouver à la dèche suite à une pénurie de pétrole…. Je suis réaliste objectif et surtout très concret… je le vois très bien que tout ça va mal très mal se finir… D’ailleurs, j’ai une fois regarder et survoler la kabbale, et j’y ai vu quelque chose de très intéressant, un symbole exactement le même que celui de l’agence d’interim manpower où le logo montre un homme, et des explications y sont fournies, notamment le fait que l’homme en général (en tant qu’espèce et non sexe) n’aspire qu’à sont expansion de plaisir et qu’il mettrait tout en œuvre pour y parvenir surtout pas les moyens économiques et matériels et qu’il n’y avait aucune limite, que son expansion et ses désirs étaient infinis et que tant qu’il pouvait s’étendre il le ferait, sans se soucier des conséquences (aussi désastreuses soit-elles, les plaisirs d’expansion priment)… Rare très rare sont les individus qui savent contenir cette expansion, donc autant dire que vous et moi on est des extra-terrestres marginaux qui se présentent comme des curiosité pour le reste de la société….

  3. « Il ne faut pas avoir fait Sciences Po pour deviner que ces régimes politiques ne pourront être que des régimes totalitaires. »
    Ben oui , des sociétés ayant des chiffres de populations élevés à très élevés sont des sociétés chaotiques par essence où une poigne de fer est indispensable malheureusement : la démocratie véritable ne peut s’ instaurer que dans des groupes de population peu nombreux et encore , même là , la démocratie peut mener à des désaccords sérieux .
    La décroissance « onctueuse » (cfr Silverberg) est une utopie réservée à qques personnes dotées d’ un certain entendement mais n’ est en rien réalisable à grande échelle : je ne la rejette pourtant pas .

  4. Séverine Fontan

    La décroissance d’ici 10 ans dans le chaos ?
    L’agence internationale de l’Energie craint une pénurie de pétrole au cours de la décennie 2020. Relayé dans la presse économique, le Wall Street Journal…, analyse identique faite par des experts reconnus comme Jean Laherrère.

  5. @ Bga80
    C’est sûr, la décroissance ne sera jamais ni un programme politique ni un projet de société partagé par une large majorité. C’est sûr la décroissance s’imposera, par la force des choses.
    Celle-là n’aura rien à voir avec celle dont rêvent les dits décroissants. Celle là n’aura rien de volontaire, rien de joyeux. Eh ben tant pis !
    Cette décroissance là, il faudra bien la planifier, la gérer etc. Et c’est là le rôle de la politique. Vu comme ça on peut dire qu’il y aura donc des programmes politiques de décroissance. On planifiera et on gèrera les naissances, les consommations et les activités des uns et des autres, leur durée de vie, etc. etc. Il ne faut pas avoir fait Sciences Po pour deviner que ces régimes politiques ne pourront être que des régimes totalitaires.

  6. La décroissance ne sera jamais un programme politique mais s’imposera factuellement, dommage car la population ne sera pas prête pour cette inéluctable transition, en somme il va y avoir de la casse…

  7. Puisqu’il s’agit d’un mot-obus le mot « décroissance » percute. Et du coup il fait mal aux oreilles. Alors on lui préfère des formules plus douces… et « post-croissance » (Post-Growth) ça sonne bien aux oreilles délicates. Les oreilles (d’ânes ?) n’ont peut-être pas fait le rapprochement avec « post-pétrole ». Ou alors si elles l’ont fait, peut-être croient-elles que le carburant de la société « Post-Growth » sera le Cosmogol 999.
    Quoi qu’il en soit même adoucie la formule ne prend pas. Il faut vraiment chercher entre les lignes pour trouver quelques mots au sujet de cette « bonne nouvelle », cette conférence qui débute aujourd’hui à Bruxelles.

    Par contre l’actu du jour qui ne manquera pas d’ « inspirer les rêveurs qui sommeillent en nous » (sic)… c’est ce conte pour s’endormir, l’histoire de ce milliardaire japonais qu’ Elon Musk propulsera prochainement dans la lune, entraînant « avec lui une demi-douzaine d’artistes ». Ça oui ça fait rêver ! Mais pas la décroi… pardon, pas la Post-Growth !
    https://www.france24.com/fr/20180918-spacex-milliardaire-japonais-lune-2023-yusaku-maezawa-elon-musk

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