Nous sommes sur ce blog adeptes des Dé, Démondialisation, Démilitarisation, Dépollution, Dépopulation, Désurbanisation, Dévoiturage, Décroissance, Débond. Il n’était que temps d’adopter aussi l’expression « Déconsommation » puisque LE MONDE nous a pris de vitesse dans son numéro du 17-18 septembre 2017, « Déconsommation, j’écris ton nom » : Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, ce n’est pas en remplissant mais en vidant ses placards que l’on fait sensation… Petit à petit se dénouent les liens qui enchaînent à la ronde des promos et à l’obsolescence programmée des tendances (de la mode)… La blogueuse Laetitia Birbes vit avec deux tenues, trois culottes et une paire de chaussettes qu’elle rapièce … Loin d’être un cas isolé, elle fait partie de ces Français qui empruntent la voie de la déconsommation… On note au premier semestre 2017 une baisse de 0,3 % de la consommation en volume… Le consommateur ne remplit plus son chariot avec l’entrain sifflotant d’un zombie accumulateur… Alors que la commercialisation des produits d’entretien industriels s’effondre, le vinaigre blanc comme nettoyant multisurface connaît un succès sans précédent… Chez de nombreux déconsommateurs s’impose l’idée qu’il faut réévaluer le coût réel de nos achats, en y intégrant aussi bien les maladies de civilisation que les dégâts environnementaux… Certains nomment « éconologie » cette vision émergente qui imbrique intimement économie et écologie… »
La déconsommation est un phénomène vraiment nouveau dans son expression médiatique officielle. Après la crise mondiale des surprimes en 2008, on n’avait pas assisté à un phénomène massif de « déconsommation », l’expression entre guillemets utilisée à l’époque par LE MONDE. Mais les militants de la décroissance pratiquent depuis longtemps la déconsommation qu’ils nomment simplicité volontaire, sobriété partagée, limitation des besoins, austérité ou même ascétisme. Richard B.Gregg nous donne en 1936 une des meilleures synthèses sur la question dans The value of Voluntary Simplicity, traduit et édité en français par les éditions « Le pas de côté » seulement en 2012. Extraits :
« Dans la mesure où les désirs de l’humanité sont illimités, quelles limites devons-nous nous fixer ? C’est à chacun de déterminer le degré de simplification à atteindre. Mais il est facile de voir que nos existences individuelles et notre vie collective seraient grandement changées si tout le monde simplifiait ses desseins. Les actions comptent plus que les mots. La simplicité volontaire affecte en premier lieu la consommation. Elle instaure une limite d’achats. La consommation est le secteur dans lequel chaque individu peut influencer la vie économique de la communauté. Le consommateur a donc le devoir de réfléchir et de se conformer à un niveau de consommation pour lui-même et sa famille. Doit-il posséder trois ou un seul chapeau ? Sa maison doit-elle comporter une salle à manger séparée ? L’exploitation des êtres humains est un mal ancestral, plus vieux que le capitalisme. Le plus grand fossé est celui qui sépare les riches et les pauvres. Le premier pas que je peux faire pour réduire ma participation à l’exploitation, c’est de vivre dans la simplicité. Tout superflu demande un travail inutile. La production et la consommation de produits de luxe détournent le travail et le capital de tâches plus bénéfiques socialement ; elle empêche souvent une utilisation plus judicieuse des terres ; et elle gaspille les matières premières qui pourraient être employées à meilleur escient. En conséquence, cela tend donc à augmenter le prix des biens de première nécessité et renforce la misère des plus démunis. Je n’ai pas le droit de dénoncer le mal sans commencer d’abord par le déloger de ma propre vie. L’exemple est plus puissant que l’exhortation et le modèle donné par une personne, inlassablement répété, s’étendent à tous ceux qui reçoivent ce stimulus. Par son ascétisme, le dirigeant prouve son désintéressement et sa sincérité. En partageant les conditions d’existence des gens, le gouvernement garde en tête leurs problèmes et reste en rapport [en français dans le texte] avec eux. Si un groupe entier de dirigeants ou d’intellectuels adoptait pour toujours la simplicité, l’unité morale de toute la nation en serait renforcée. »
Magnifique définition de la simplicité volontaire. Et dire qu’elle date de 1936 !
Tout le monde en prend pour son grade, du simple travailleur-consommateur bien embourgeoisé jusqu’aux élites, dirigeants et autres intellectuels. On peut toujours rêver !