dématérialisation, histoire de la catastrophe monétaire

La monnaie est actuellement l’instrument de tous les pouvoirs. Mais la valeur de l’argent est fragile, elle ne repose que sur la confiance. Et même l’Etat le plus fort pourrait se retrouver en banqueroute si, par exemple, le dollar ne valait plus rien comme l’a été le reichsmark à une époque. Pour nous l’effondrement monétaire est inéluctable. En voici un historique :

Etape 1. Sociétés non monétaires, groupes restreints. Plutôt que le troc, ces communautés reposent sur un échange ritualisé et sur une complémentarité des fonctions de chacun dans le groupe social. Tout est organisé de façon stable sans passer par l’intermédiaire d’une monnaie. L’introduction de la monnaie va déséquilibrer complètement ce genre d’organisation.

Etape 2. Introduction de la monnaie marchandise (or et argent) pour assurer un commerce souvent lointain pour des denrées de luxe. Cela va permettre l’expansion des échanges suivant la formule M = Q, les Quantités échangées sont fonction de la Monnaie en circulation et réciproquement. Nous entrons dans un engrenage croissanciste, plus la monnaie sera abondante plus il y aura d’échanges (sauf inflation si l’activité ne suit pas l’expansion monétaire).

Etape 3. Le goût de l’échange généralisé et la division croissante du travail incite à la création de billets qui, rapidement, ne vont plus être convertibles en or. Il n’y a plus de limites à la création monétaire (planche à billets), donc à l’expansion des échanges. La monnaie devient fiduciaire, reposant sur la confiance dans un billet comme moyen de paiement assurant une contrepartie marchande. Le système se fragilise toujours davantage.

Etape 4. Le chèque ou monnaie scripturale facilite encore plus la création monétaire : il suffit d’écrire une ligne de compte sur un papier ou dans le bilan d’une banque. Cela accompagne la croissance vertigineuse des échanges économiques lors des Trente glorieuses (1947-1974). Or une croissance démesurée dans un monde fini est impossible,

Etape 5. La monnaie électronique avec la carte bancaire est le summum de la dématérialisation de la monnaie : celui qui paye n’a plus aucun contact direct (or, billet, chèque) avec le système monétaire. Cela facilite la financiarisation de l’économie, l’union des banques de dépôt et des banques d’investissement en un seul organisme. En fait la spéculation devient telle que la monnaie en circulation dépasse de beaucoup la valeur monétaire des quantités réelles à acheter. La carte bancaire se transforme pour un nombre de plus en plus de personnes en carte de crédit. L’endettement se généralise, que ce soit celui des ménages ou de l’Etat. Nécessairement, à un moment ou un autre, le système s’effondre puisqu’il n’y a plus de cohérence entre la masse monétaire en circulation et l’économie réelle : ainsi la crise des subprimes en 2008, qui succède à bien d’autres crises financières. Un refus de la carte bancaire est un préalable pour en revenir à l’essentiel de nos besoins.

Etape 6, en gestation à l’heure actuelle : les systèmes d’échange local sont une réaction à cette démesure de la création monétaire qui favorise le fait d’exploiter plus que ce que la planète peut nous fournir durablement. Une monnaie locale ou un système de SEL (système d’échange local qui peut se faire aussi sans monnaie) peut accompagner une relocalisation de l’activité et la formation de communautés de transition écologique. Les communautés qui seront les plus résilientes pourront peut-être limiter au niveau local l’effondrement du système financier et de l’appareillage énergétique qui va avec. L’histoire est cyclique, nous en revenons à l’étape 1 des groupes restreints qui peuvent se passer de monnaie…

Pour en savoir plus, lire « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » de Michel Sourrouille (parution en librairie le 11 juillet 2016 aux éditions Sang de la Terre)

2 réflexions sur “dématérialisation, histoire de la catastrophe monétaire”

  1. Que la monnaie fiduciaire et/ou celle scripturale soient émises en quantité supérieure aux échanges réels est immédiatement compensé par l’inflation. Il est donc impossible que la monnaie en tant que simple instrument d’harmonisation des échanges soit cause en elle-même de la menace d’effondrement.

    Inutile de chercher midi à quatorze heures, la cause de cette double-crise à la fois sociale et écologique est en réalité une cause purement physique, c’est-à-dire le fait que pour la maximisation de la fortune des grands patrons (laquelle fortune est, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, non pas simplement virtuelle, mais bel et bien matérielle, et composée d’usines d’armement envahissant une très grande superficie de terres qui pourraient être arables, de résidences secondaires inoccupés, de jets privés…), les travailleurs soient surexploités et soient contraints de bosser énormément et d’extraire une bien trop grande quantité de ressources fossiles.

    Ni que les échanges soient organisées au moyen de la carte bancaire ou alors à celui du troc ni que la politique des monnaies locales soient adoptée ou non ne peuvent servir à quoi que ce soit face à la catastrophe que nous risquons. Ce qu’il faut pour lutter contre le matraquage des petites gens et contre le pillage de la biosphère, c’est que les biens ne soient plus sous la propriété exclusive des milliardaires et que l’humanité produisent beaucoup moins qu’actuellement.

  2. Que la monnaie fiduciaire et/ou celle scripturale soient émises en quantité supérieure aux échanges réels est immédiatement compensé par l’inflation. Il est donc impossible que la monnaie en tant que simple instrument d’harmonisation des échanges soit cause en elle-même de la menace d’effondrement.

    Inutile de chercher midi à quatorze heures, la cause de cette double-crise à la fois sociale et écologique est en réalité une cause purement physique, c’est-à-dire le fait que pour la maximisation de la fortune des grands patrons (laquelle fortune est, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, non pas simplement virtuelle, mais bel et bien matérielle, et composée d’usines d’armement envahissant une très grande superficie de terres qui pourraient être arables, de résidences secondaires inoccupés, de jets privés…), les travailleurs soient surexploités et soient contraints de bosser énormément et d’extraire une bien trop grande quantité de ressources fossiles.

    Ni que les échanges soient organisées au moyen de la carte bancaire ou alors à celui du troc ni que la politique des monnaies locales soient adoptée ou non ne peuvent servir à quoi que ce soit face à la catastrophe que nous risquons. Ce qu’il faut pour lutter contre le matraquage des petites gens et contre le pillage de la biosphère, c’est que les biens ne soient plus sous la propriété exclusive des milliardaires et que l’humanité produisent beaucoup moins qu’actuellement.

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