Démocratie et guerre, idéalisme et pragmatisme

La « démocratie » est un mot valise où on peut mettre ce qu’on veut. Même la pire des dictatures peut se présenter sous les oripeaux d’un vote démocratique. La démocratie est formelle dans un pays capitaliste soumis aux puissances d’argent. La démocratie n’est pas réelle dans un système marxiste où domine la dictature du prolétariat. La démocratie n’est certes pas un régime qui nous protège de la guerre.

– Il n’y a pas de différence ontologique qui sépare le projet démocratique des régimes autoritaires. On peut passer très facilement du populisme à la dictature, les exemples contemporains sont nombreux. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump par les urnes montre que la démocratie peut se fourvoyer. Et ce n’est pas un cas isolé.

– Les démocraties occidentales n’ont pas été historiquement pacifistes, mais colonialistes. Le souvenir de l’exploitation, de l’esclavage et de la destruction a été gommé par une amnésie démocratique alors que la richesse des premiers pays à s’industrialiser s’est bâtie sur une histoire meurtrière. L’entrée en guerre peut se faire pour de multiples raisons, la fin justifie le moyen. Dans son livre « Les guerres du climat », Harald Welzer montre que les solutions sont extrêmes quand on se retrouve en situation de péril extrême. Fini sans doute bientôt la démocratie libérale avec les guerres des ressources amplifiés au XXIe siècle par la donnée climatique. La théorie de la « paix démocratique » qui postule que les démocraties tendent à établir des relations pacifiques stables entre elles n’est qu’une parenthèse fragile. La situation actuelle montre d’ailleurs que même le « droit international » n’est que textes théoriques pour les grandes puissances que sont les États-Unis et la Russie.

Dans la démocratie française, il n’y a pas de « débats parlementaires houleux » qui précède un engagement militaire. Selon l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement se contente d’informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Cette information donne lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Certes dans l’article 35 alinéa 1, « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement »… mais il n’y a eu aucun guerre sous la 5ème république, uniquement des « opérations spéciales » comme en Algérie. Car tout dépend de ce qu’on appelle guerre : l’invasion de l’Ukraine était aussi une opération spéciale russe, il était d’ailleurs interdit de prononcer le mot guerre.

On peut toujours justifier le commerce des armes pour des raisons multiples, à commencer par le financement de nos importations. Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle 1974, il remarque : « Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. » Or vendre des armes à l’étranger ne fait qu’entretenir la tendance guerrière des humains. C’est donc une faute stratégique si on veut un monde non violent comme l’exprime les fondements de l’écologie politique (Charte internationale des Verts). Le message écologique s’intéresse à l’avenir commun, c’est un projet du long terme qui conteste la « Realpolitik » actuelle.

Par contre il est compréhensible que la France et l’Union européenne (les USA?) fournisse gratuitement des armes à l’Ukraine car il en va du respect des règles internationales : les deux principes de base des Nations unies sont la non-intervention contre un autre État sans mandat de l’ONU et l’intangibilité des frontières sauf accord des parties. La Russie de Poutine doit se conformer à ces deux principes qu’il a bafoué.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

La guerre en Ukraine, bientôt 3 ans pour rien

extraits : Le principe le plus fiable reste celui des non violents : «  Si tu veux la paix, prépare la paix. » Si les Ukrainiens avaient laissé les chars russes arriver à Kiev sans intervenir, un gouvernement pro-Poutine aurait été mis en place, mais il n’y aurait eu aucun mort. Certes une dictature peut perdurer, mais cela ne dure que si les citoyens font preuve de soumission volontaire. Aucune dictature n’est éternelle, d’autant plus qu’elle repose le plus souvent sur une seule personne. Le problème n’est donc pas l’absence temporaire de démocratie réelle dans un pays, mais l’inertie des peuples. Une population d’objecteurs de conscience ne se laisserait pas faire, elle aurait la capacité de résister à toute situation imposée à mauvais escient….

objecteur de conscience en temps de guerre

extraits : Combien de Navalny en Russie ? Les militaires ont le pouvoir parce qu’ils sont institutionnalisés, ce sont les citoyens qui payent des impôts pour les équiper et les nourrir. On pourrait refuser de payer les impôts qui vont au budget militaire. Une population d’objecteurs de conscience ne se laisserait pas faire, elle aurait la capacité de résister à toute situation imposée à mauvais escient. Une armée composée d’individus qui déterminent par eux-mêmes pour quoi et pour qui il faut se battre ne pourrait être utilisée par aucun pouvoir politique. Un pays œuvrant pour la paix et non pour la guerre n’aurait pas besoin d’armée. Avec des citoyens profondément objecteurs de conscience, nous n’aurions pas en France suivi les fantasmes de gloire de Napoléon, nous ne serions jamais intervenus militairement en Indochine ou en Algérie, nous n’aurions pas envoyé des supplétifs en Afghanistan ou en Côte d’Ivoire, ni des avions sur la Libye, ni intervenus au Mali. La France aurait été un pays déterminant au niveau international pour éliminer toutes les armées et construire une paix durable….

Ukraine et Palestine, des guerres injustifiées

extraits : Il n’y a pas de guerre juste, que ce soit en Ukraine, en Palestine ou n’importe où ailleurs. C’est l’idée qu’aurait du défendre tous les dirigeants des pays démocratiques : les guerres sont intrinsèquement mauvaises pour être jamais justes. Mais la nature humaine est conflictuelle, et un monde sans guerre supposerait un droit supranational doté des moyens d’imposer sa juridiction aux Etats. L’ONU est loin de remplir ce rôle. Le monde restera sans paix durable tant qu’une « société des nations » ne sera pas en mesure de se donner des lois et de les mettre en œuvre….

5 réflexions sur “Démocratie et guerre, idéalisme et pragmatisme”

  1. esprit critique

    – « On peut toujours justifier le commerce des armes pour des raisons multiples, à commencer par le financement de nos importations. Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle 1974, il remarque : « Chaque fois que vous prenez votre voiture pour le week-end, la France doit vendre un revolver à un pays pétrolier du Tiers-Monde. » Or vendre des armes à l’étranger ne fait qu’entretenir la tendance guerrière des humains. C’est donc une faute stratégique si on veut un monde non violent […] » (Biosphère)

    Tout à fait ! Une faute stratégique, un non sens, une aberration, de la folie, de la pure hypocrisie, appelez ça comme vous voulez.
    C’est à l’instant que je découvre le (très bon) commentaire d’Alain Refalo :
    (12 février 2025 à 22:03 – La guerre en Ukraine, bientôt 3 ans pour rien)

  2. MC Esprit critique

    Mieux qu’un mot valise (voir définition), je dirais plutôt un mot fourre-tout (idem, voir Wikipédia)
    Et des mots de ce genre, hélas ce n’est pas ça qui manque !
    Déjà, rien que dans le titre j’en vois quatre :
    1) Démocratie (démocrassie) : bien sûr !
    2) Guerre : économique, idéologique, cybernétique, sainte, propre etc. guerre des prix, des boutons, guerre contre l’illettrisme, contre le chômage, le Covid, contre tout et n’importe quoi !
    3) Idéalisme : ontologique, métaphysique, épistémologique, objectif, subjectif, et j’en passe sûrement, choisis ton camp camarade idéaliste !
    ( à suivre)

    1. MC parti d'en rire

      4) Pragmatisme : Celui-là je l’adoooore. Comme tout le monde d’ailleurs.
      Ben oui, personne aujourd’hui n’oserait critiquer le pragmatisme, surtout pas moi.
      Et s’en moquer n’en parlons pas. Le pragmatisme c’est comme l’écologie, tout le monde s’en revendique. Parce que c’est sacré et qu’ON ne rigole pas avec ça !
      Comme l’honnêteté, l’intelligence, le changement… et j’en passe !
      Bref, attention toutefois à ne pas con fondre le pragmatisme avec le bon vieux réalisme.
      Et surtout pas avec l’hyperréalisme. La Realpolitik n’en parlons pas !

    2. les mots et les maux

      En 2) il ne faut pas oublier la guerre des mots. D’un côté nous avons les mots obus, qui percutent dur. Normal, leur but est de Détruire. Oui mais, pour la Bonne Cause !
      La Décolonisation des imaginaires. En face, les mots poisons, ou toxiques, qui eux servent à nous empoisonner, nous pourrir la vie etc. Dans le même genre, les mots valise, et autres fourre-tout, qui eux visent plutôt à nous enfumer. Bref, plein de mots que nous devrions bannir de notre vocabulaire. Le problème alors, c’est que nous risquons de ne plus en avoir de reste pour nous comprendre. 🙂

      – 7 mots toxiques que vous devriez arrêter d’utiliser (amelioretasante.com)
      – Islamo-gauchisme : histoire d’une notion fourre-tout (radiofrance.fr 23 fév 2021)
      (à suivre)

      1. les mots et les maux

        – « Le mot wokisme ne désigne rien de précis – et c’est précisément ce qui fait sa force polémique. Il fonctionne comme un fourre-tout flou dans le débat public, permettant de regrouper sous une même étiquette des revendications pourtant diverses […] » (“Wokisme” : mot toxique pour des idées justes ? leredacteurmoderne.fr)
        – L’écologie : fourre-tout ou catalyseur ? Entretien avec Lucile Schmid (lafabriquedelacite.com 08.04.2019)

        – « Il faut avoir en mémoire cette loi fondamentale : « plus on parle d’une chose, moins elle existe ». Non parce qu’elle s’évanouirait à cause de la parole mais parce que si l’on en parle, c’est pour cacher et voiler son absence. » (Jacques Ellul)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *