Dépasser les limites amène à l’effondrement

Un roman de 482 pages qui parle de la réalité de l’effondrement à venir, « Cabane », d’Abel Quentin. Cet auteur a les même références que ce blog, le rapport Meadows sur les limites de la croissance, Arne Naess, Theodore Kaczynski, Alexander Grothendieck, etc.… et pourtant nous ne nous sommes pas concertés.

Tout au cours de ce livre, nous avons une bonne approche de la question démographique, un des cinq paramètres du rapport Meadows. En voici le contenu :

– Beaucoup de phénomènes agissent de façon différée. Prenez la baisse de la mortalité infantile. On sait qu’elle conduit les couples à faire moins d’enfants. Mais on sait aussi que cet effet n’est pas immédiat. Il faut a minima qu’une génération se passe. Donc il faut introduire des délais dans notre modèle statistique (Gros Bébé). Ils essayèrent de nouvelles hypothèses : et si la population se stabilisait rapidement, avec un enfant par femme? Et si l’on freinait drastiquement la production industrielle ? Et si l’on parvenait à endiguer les niveaux de pollution grâce à l’innovation technologique ? Et si l’on découvrait d’immenses gisements de ressources énergétiques facilement exploitables ? Gros Bébé était formel : aucun de ces mesures ne pouvait, seule, éviter l’effondrement. Pour espérer une issu favorable elles devaient être mises en œuvre SIMULTANÉMENT et IMMÉDIATEMENT. (page 51-52)

– Bien sûr l’humanité n’allait pas disparaître, l’effondrement serait d’ordre économique et démographique ; il y aurait quelques centaines de millions de gens qui disparaîtraient dans le processus, il y aurait une grande « régulation » (à défaut de trouver une meilleurs formule), mais après celle-ci, la population et la production seraient à nouveau adaptées à la capacité de charge de la planète. Ce n’était pas la fin du monde, mais la fin d’un monde. (87)

– Nous avons rédigé de préconisations. Par exemple, une politique d’enfant unique dans l’ensemble des pays ayant un taux de fécondité supérieur à la moyenne mondiale. Mildred a dit : on ne peut pas écrire ça. J’ai dit à Mildred que c’était pourtant la conséquence logique (du rapport Meadows). Elle a dit : oui, mais ça ne s’écrit pas. Ce n’est pas politique. J’ai dit que je ne connaissais pas la politique, que je ne connaissais que la vérité. (341)

– Je ne vois plus que les famines, les pénuries, les monstruosités que préparent nos orgies présentes. (344)

– janvier 1984, dispute à propos d’une famine en Éthiopie. J’ai dit que la régulation des populations humaines par la Nature était saine. Les famines sont une sorte de purge. Elles sont la réaction normale d’un organisme vivant. Il m’a traité de fanatique, de fou. Nous avons rompu. (349)

– Motifs récurrents dans ma tête, la suite de Fibonacci sur la multiplication exponentielle des lapins, la malédiction des villes, symbole de la bombe démographique, les grandes cités où pullulait l’espèce invasive, la race maudite, le super-prédateur qui déréglait l’ordre naturel. (357)

– Cher Gudsonn, on dirait que la question des populations a éclipsé toutes les autres. Oui. D’ailleurs, personne ne niera que c’est une bombe à retardement. Dans notre rapport, nous avions prévu que la population mondiale décroîtrait au milieu du XXIe siècle, conséquence de la fameuse transition démographique. Nos prévisions se sont avérées parfaitement exactes. L’usage du préservatif et de la pilule a permis des avancées significatives. Mais cette transition est lente. Avant de décroître, la population mondiale aura le temps d’atteindre 10 ou 11 milliards d’’humains. Pour pimenter le tout, les bassins de population explosent dans des zones qui risquent fortement de disparaître : le delta du Gange au Bangladesh, est un exemple particulièrement atroce. (438)

– La taille des populations humaines, peu d’écologistes osent brandir cette carte-là. Malthus est considéré unanimement comme un penseur ringard, un mélange de nazi et de professeur Nimbus. Et pis, on touche là à l’intime, au sacré. Pour beaucoup, décourager les naissances revient à s’attaquer à la vie même. Du coup les décroissants s’en tiennent à la dénonciation des habitudes de consommation et des modèles de production. Rares sont ceux qui osent l’ouvrir sur les habitudes de procréation et les allocations familiales. (439)

– Un jour, pour la énième fois, Gudsonn m’avait dit qu’il fallait écrire dans le rapport que nous préconisions un contrôle strict des naissance. Et – je m’en souviendrais tout ma vie – il avait ajouté une phrase glaçante, il avait dit : « Dans un premier temps ». (440)

– Erika m’a dit qu’il fallait frapper le système en plein cœur. Elle parlait de charges explosives, de sabotage des trains, de fusis automatiques. Elle me parait de faire sauter la banque centrale, ou la raffinerie de Statoil. Je lui ai répondu : « A quoi sert de détruite les Machines si nous laissons des hommes pour les reconstruire ? » (457)

– Moi, Johannes Gudsonn, ce que je vais accomplir avec quelques autres ont une seule signification : montrer l’exemple, initier le grand mouvement pour desserrer notre empreinte funeste sur le vivant. Nous sommes une avant-garde, mais des milliers suivront et des millions imiteront les milliers. Laissons les maisons vides se faire dévorer par le lierre sauvage. Déserter la vie pour sauver la Vie. (472)

– Dan ouvre le coffre. Il décharge les packs de soda et le petit jerrican qui contient un mélange de cyanure de potassium, de Valium et d’hydrate de chloral. (475)

la recension d’Emmanuel Carrère

Le livre d’Abel Quentin, « Cabane », parle de l’effondrement. Les optimistes s’attendent à la fin du monde que nous connaissons et les pessimistes à la fin du monde tout court, mais aujour­d’hui cette peur millénariste est devenue une évidence à la fois scientifique et d’expérience quotidienne. Il est surprenant que tant de gens continuent à le faire comme si de rien n’était, comme si, au volant d’une voiture qui va dans quelques ­secondes s’encastrer dans un camion remorque, ils continuaient à régler l’autoradio à la recherche de leur playlist préférée. Abel Quentin part d’un rapport réel, le rapport Meadows, commandé par un think tank appelé le Club de Rome et paru en 1972 sous le titre « Les limites à la croissance (dans un monde fini) ». Il y a cinquante-deux ans, le rapport Meadows prévoyait très exactement tout ce qui nous arrive aujourd’hui. Il a troublé certains esprits. D’autres, plus nombreux, ont traité ses auteurs de Cassandres. On a haussé les épaules, on est passé à autre chose. Business as usual : l’éternelle histoire.Cabane s’ouvre sur cette « note de l’auteur » : « Le contenu du rapport 21 est librement inspiré du rapport sur les limites de la croissance de 1972. Quant aux auteurs du rapport 21, ils ont été inventés de toutes pièces pour les besoins de la cause. » Abel Quentin remplace les auteurs réels du rapport au Club de Rome Donella Meadows, Dennis Meadows et Jorgen Randers, par des auteurs fictifs de qui il peut faire ce qu’il veut. Le procédé gêne, pourquoi transformer en roman la réalité ?

Sur notre site de documentation quelques compléments d’analyse

Les limites de la croissance ou rapport Meadows au club de ROME (1972)

Arne Naess, Vers l’écologie profonde avec David Rothenberg (1992)

Ecologie, communauté et style de vie d’Arne Naess (1976)

L’effondrement du système technologique de Theodore J. Kaczynski (2008)

En savoir encore plus sur le rapport Meadows

Meadows prévoit la décroissance démographique

extraits : Voici une compilation des réponses en 2023 de Dennis Meadows à 21 des questions les plus récurrentes sur le rapport « Les limites de la croissance », publié en 1972. Si nous acceptons qu’une petite fraction de la population contrôle la plupart des richesses de la planète et exerce un contrôle central sur la majeure partie de l’humanité, qui vit dans la pauvreté matérielle, avec une mauvaise santé et peu de liberté, plusieurs milliards de personnes pourraient probablement survivre sur Terre plus ou moins indéfiniment. Si, au contraire, nous voulons que les peuples de la Terre vivent longtemps et en bonne santé, avec une relative aisance matérielle, une bonne santé et une liberté substantielle, et avec une équité en matière de bien-être et de pouvoir politique, le niveau de population durable sera certainement bien inférieur aux chiffres actuels…..

Le message actualisé du rapport Meadows

extraits : Le rapport sur les limites de la croissance avait observé que l’impact environnemental de la société humaine avait augmenté de 1900 à 1972 à cause de la croissance de la population mondiale, de l’utilisation des ressources et de l’impact environnemental par personne. Cette hausse s’est poursuivie depuis 1972, l’empreinte écologique humaine totale augmente encore, poussée par l’augmentation de la population mondiale et de la consommation matérielle. Nous savons aujourd’hui qu’aucune action réelle visant à prévenir le dépassement n’a été mise en place (dans le monde réel) en 1975. Aucun effort majeur n’était non plus en cours en 2000. Quand les limites approcheront, la société passera du temps à discuter de sa réalité mais pendant ce temps, la croissance continuera et mènera l’empreinte écologique en territoire insoutenable….

1 réflexion sur “Dépasser les limites amène à l’effondrement”

  1. au risque de provoquer...

    Et un de plus, toujours plus ! Et en plus, un roman. Et combien d’arbres, en moins ?
    – « Roman : J’ai lu énormément de romans des genres les plus variés dans mon adolescence (littérature, science-fiction, polars…), j’y ai perdu une petite partie de mes capacités visuelles et je n’ai pas beaucoup gagné en sagesse […] le roman n’est pas nécessaire à la prise de conscience, des livres existent qui apprennent à réfléchir et non à rêver, à agir et non à subir, à comprendre et non à opprimer : une revue économique plutôt que la collection qui nous parle de cœur ou de peurs, une étude sociologique plutôt qu’un roman existentiel, l’histoire d’une expérience vécue plutôt qu’une aventure imaginaire ou l’analyse d’une innovation qui bouleverse notre monde. »
    (Michel Sourrouille, son Dictionnaire des apparences – 12 février 2025)

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