Détruire les robots, ce n’est jamais trop tard

Simon Ninheimer : Depuis 150 ans, la machine a entrepris de remplacer l’Homme en détruisant le travail manuel. La poterie sort de moules et de presses. Les œuvres d’art ont été remplacées par des fac-similés. Le domaine de l’artiste est réduit aux abstractions ; son esprit conçoit et c’est la machine qui exécute. Appelez cela le progrès si vous voulez ! Pensez-vous qu’on n’éprouve aucune jouissance à voir l’objet croître sous l’influence conjuguée de la main et de l’esprit ? Un livre doit prendre forme entre les mains de l’écrivain. Il doit travailler et retravailler, voir l’oeuvre croître et se développer. De même le potier. Il existe des centaines de contacts entre une personne et son œuvre, c’est de tout cela que votre robot nous dépouillerait.

Susan Calvin : Ainsi font une machine à écrire, une presse à imprimer. Proposez-vous de revenir à l’enluminure manuelle des manuscrits ?

Ninheimer : Machine à écrire et presse à imprimer nous dépouillent partiellement, mais le robot nous dépouillerait totalement. Ce robot se charge de la correction des épreuves, bientôt il s’emparera de la rédaction originale, de la recherche à travers les sources, et pourquoi pas des conclusions. Que restera-t-il à l’écrivain, au journaliste ? Je veux épargner aux générations futures de sombrer dans un pareil enfer. Et c’est pour cette raison que j’ai entrepris de détruire l’U.S.Robots en employant n’importe quel moyen.

Calvin : Vous étiez voué à l’échec.

Ninheimer : Du moins me fallait-il essayer…

Isaac Asimov, The Rest of the Robots (1964)

PS : Apparus au début des années 2000 dans les rédactions des journaux américains, les robots journalistes sont capables de rédiger des dépêches, des brèves et des comptes-rendus de séances boursières, d’événements sportifs et de résultats électoraux. Le robot n’est qu’un algorithme, pourtant le journaliste n’a plus qu’à sortir de son lit, ouvrir son ordinateur, relire le papier, et appuyer sur le bouton  « publier ». Bientôt il n’y aura plus de journalistes, plus d’enseignants, plus de potiers… vive le progrès !

3 réflexions sur “Détruire les robots, ce n’est jamais trop tard”

  1. Les journalistes (alias journaputes) sont la seule corporation qu’ on verrait avec plaisir remplacer par des robots !
    Pour les autres , la robotisation est un désastre comme le dit Ninheimer !

    1. Un « bon » journaliste est généralement un bon toutou à son mai-maître. Et grâce à notre sacro-saint Progrès, aujourd’hui des robots remplacent nos animaux de compagnie. Finies les corvées de promenades pour le pipi-caca, finies les poils partout dans la maison, fini aussi le long et laborieux dressage, pour un résultat plus qu’aléatoire. En fonction de ce qu’on attend de lui et en seulement quelques clics, Supermédor sera le toutou parfait. Et obéissant comme on en a toujours rêvé : assis, couché, donne la papatte, tais-toi, attaque, bouffe-le ! etc. C’est formidable !
      En 2017, un robot du nom de Sophia (comme la sagesse. Faut voir la gueule de la sagesse !) s’est vu décerné le titre de citoyenne. C’était en Arabie Saoudite, oui c’est vrai ! Je vous le dit, on n’arrête pas le Progrès !
      Demain nous aurons probablement des robots pour époux ou épouses, un ou des (au diable l’avarice !) compagnons et compagnes bien comme il faut, pas chiant(e)s du tout, parfait(e)s de partout etc. etc. Et il y’en aura pour tous les goûts !
      En attendant … plus je vois faire les hommes, du moins certains, plus j’aime mon chien. Sans parler des chiennes 🙂

  2. On nous dit que «les algorithmes de rédaction pourront permettre aux journalistes de se recentrer sur l’écriture de reportages et d’entretiens, des formes d’écriture qui impliquent davantage leur subjectivité. »
    https://balises.bpi.fr/sciences-et-techniques/les-algorithmes-ecrivent-pour-les-journalistes
    Autrement dit, vive le Progrès !

    Ainsi donc, en leur faisant «gagner du temps », ces robots permettraient aux journaleux de se con centrer sur des taches disons plus nobles, notamment la réflexion. C’est c’là oui.
    Et pour tout c’est pareil, c’est toujours la même façon de penser qui opère, c’est toujours ce même argument qui ressort : LE GAIN DE TEMPS. Sous-entendu : Le TEMPS C’EST DE L’ARGENT. HI-HAN !
    Dans tous les domaines les machines travaillent à notre place, toujours plus. Elles sont sensées nous nous simplifier et donc nous faciliter la vie… en fait elles ne font que nous la compliquer et nous la pourrir. Elles sont sensées nous faire «gagner du temps» … alors que partout nous entendons, «je n’ai pas le temps».
    Puisse déjà ces algorithmes à la con, permettre à leurs adorateurs de réfléchir à ça.

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