Écolo, moi vouloir être élu pour un plat de lentilles

Pascal Durand sur la liste LREM !!! Dans une élection, les individus sont des pions qui sont poussés ou sacrifiés au gré des circonstances socio-politiques. Avant les législatives 2017, Macron avait embauché Nicolas Hulot au poste de ministre de l’écologie, cela verdissait son image. Peu importe que Nicolas soit obligé de démissionner le 28 août 2018, n’ayant jamais pu vraiment verdir la politique jupitérienne. Mais Macron avait obtenu sa majorité parlementaire. Dans la préparation des européennes, le même jeu d’échecs se perpétue. La macronie redoute un score important de la liste portée par Europe Écologie-Les Verts puisque la question environnementale est de plus en plus prégnante dans l’opinion publique. Elle cherche donc à incarner davantage le combat écologiste, à reverdir la liste LREM. Pascal Durand, ex-secrétaire général d’EELV et actuellement eurodéputé EELV, sera donc candidat en position éligible, dans les premières places de la liste « Renaissance européenne ». N’oublions pas que le président Hollande n’avait pas hésité à débaucher sauvagement la secrétaire nationale d’EELV Emmanuelle Cosse pour en faire une ministre du logement ! Dans ce contexte politicien, les déclarations de Pascal Durand n’ont qu’une importance très relative, on peut toujours justifier ses actes : « Je m’engage pour un combat européen sur une liste où on ne me demande pas de renoncer à ce que je suis, écologiste. Mais vu l’état actuel de l’Europe, quelle capacité aurons-nous demain d’y faire progresser une vision humaniste, solidaire, écologiste ? Les principes fondateurs sont battus en brèche en Italie, en Hongrie, en Pologne, en Autriche, en Roumanie, et sont attaqués partout ailleurs… Mon choix, c’est celui de la position centrale, plutôt que de la marge. Et EELV a fait, en France, le choix tactique d’un repli identitaire plutôt que celui d’une liste ouverte. » Les membres d’EELV seraient mal venus de critiquer Pascal Durand. Ils avaient abandonné la candidature de Yannick Jadot à la présidentielle 2017 au profit du candidat PS Benoît Hamon, tout ça en croyant qu’ils allaient ainsi conserver leurs groupes parlementaires. Mauvais calcul tacticien, ils ont tout perdu.

Encore une fois aujourd’hui s’oppose une écologie pragmatique, pratiquée par beaucoup d’écologistes dans le but d’être élu, et une écologie radicale, en déphasage avec la psychologie conservatrice et consumériste de la majorité des gens. D’un côté on obtient une toute petite partie du pouvoir, de l’autre on reste marginalisé, si ce n’est tourné en ridicule. Mais ce n’est pas parce qu’on reste minoritaire qu’on a tort. Une des référence pour les écologistes, H.D.Thoreau, écrivait en 1848 dans « La désobéissance civile »  : « Peu importe qu’un début soit modeste : ce qui est bien fait au départ est fait pour toujours… Un homme qui a raison contre tous les autres constitue déjà une majorité d’une voix… Homme d’État et législateurs, si bien enfermés dans leurs institutions, parlent de changer la société, mais ils n’ont point de refuge hors d’elle… » Nous aimerions que les candidats EELV aient un discours à la mesure de l’impératif écologique, extrémiste car urgentiste, portant la parole des générations futures et des non-humains. Laissons aux pions qui croient avoir le pouvoir la bêtise de nous traiter de « prophètes de l’apocalypse ». Tous les indicateurs sont au rouge et le dernier résumé à l’usage des décideurs du GIEC est clair : la stabilité et la sécurité dans le monde sont menacés à moyenne échéance.

Nous ne reprochons pas à Pascal Durand d’être sur la liste de Macron, nous lui reprochons de ne pas tenir le même discours que celui qu’il avait eu en 2012 en tant que secrétaire national d’EELV, incisif, réaliste : « L’écologie ne peut s’inscrire dans les vieux moules de la gauche… La gauche actuelle, c’est d’abord la conquête de la nature par l’être humain… Nous devons sortir de la logique de l’homme dominant la nature… Si demain l’air, l’eau, la terre, le ciel et le vivant sont privatisés, notre civilisation sera derrière nous… Si, dans l’imaginaire collectif, la réussite reste la Rolex et la grosse bagnole, on va dans le mur… Tant que le PS cherchera une croissance qui n’existe plus, on n’y arrivera pas… La réussite ne consiste pas à avoir toujours plus, mais à avoir autrement… Si Jaurès était vivant, il serait écologiste… La nouvelle fraternité du XXIe siècle n’est plus réservée à la pensée humaine et aux seuls êtres humains, il faut y inclure le vivant et même, pourquoi pas, le minéral… »* Il avait alors perdu sa place de secrétaire, démis par la gauchisante Cécile Duflot : trop radical ! Mais il avait raison.

* http://www.liberation.fr/politiques/2012/08/12/si-jaures-etait-vivant-il-serait-ecologiste_839411