Entre tuer les insectes ou les humains, comment choisir ?

Le DDT (DichloroDiphénylTrichloroéthane) est un produit chimique organochloré, insecticide très utilisé à partir de la seconde guerre mondiale. Il tue en ouvrant les canaux sodiques des neurones des insectes, ce qui les détruit instantanément, conduisant à des spasmes, puis à la mort. Il est classé comme POPs, polluant organique persistant aux effets écosystémiques. En effet le DDT se concentre dans les systèmes biologiques, principalement les corps gras. Ainsi il se bio-amplifie le long de la chaîne alimentaire, atteignant sa plus haute concentration pour les superprédateurs, comme les humains ou les rapaces. Voici quelques points de vue sur cette question controversée :

« Quand j’allais à la Maison Blanche lorsque j’étais enfant, je regardais toujours l’ancienne porte au bout de Pennsylvania Avenue, où des générations de faucons pèlerins nichaient sans discontinuer depuis la présidence d’Abraham Lincoln. C’était l’oiseau de proie le plus spectaculaire d’Amérique du Nord, qui pouvait voler à plus de trois cents kilomètres à l’heure. Or mes enfants ne verront jamais cette espèce qui, empoisonnée par le DDT, s’est définitivement éteinte en 1963, année où mon oncle a été assassiné. Cette créature, dont l’évolution avait exigé un million d’années, disparut en un clin d’œil à cause de l’ignorance et de la cupidité … » (Robert F Kennedy Jr.)

« D’après James Lovelock (A Rough Ride to the Future), l’activisme « vert » serait directement responsable de plusieurs millions de morts dans les pays en développement. Pourquoi ? Parce que, explique M. Lovelock, l’inconséquence écologiste aurait, dans les années 1970, poussé à l’interdiction d’un insecticide-miracle – le célèbre DDT –, rendant ainsi impossible la lutte contre l’anophèle, le moustique vecteur du paludisme. Le problème est que cette histoire est parfaitement imaginaire. L’interdiction mondiale du DDT ne concerne que ses usages agricoles et l’une des raisons à cela est d’assurer que les moustiques ne deviennent pas résistants à cette substance : en d’autres termes, la réalité est exactement à l’opposé des affirmations de M. Lovelock. Empêcher un usage massif du DDT a vraisemblablement sauvé des vies plutôt qu’il n’en a détruit… En France, c’est l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) qui a popularisé cette fable du DDT » (Stéphane Foucart, LE MONDE du 27-28 avril 2014)

« En 2006, l’Organisation Mondiale de la Santé va de nouveau recommander l’usage du DDT, constatant que « de nombreux tests et travaux de recherche ont montré que la pulvérisation de DDT à l’intérieur des habitations dans le cadre de programmes bien gérés n’est dangereuse ni pour l’homme ni pour la faune et la flore ». Cette histoire est contestée par certaines associations écologistes, et à leur suite, par le journaliste du Monde Stéphane Foucart qui parle à ce propos d’une « légende forgée et diffusée par les milieux néoconservateurs américains » et d’une « fable dépourvue de tout fondement »… Le paludisme est encore responsable, selon l’OMS, d’environ 600 000 décès chaque année. » (Jean-Paul Krivine pour l’AFIS)

«  C’est la façon de répandre le produit qui a posé problème : dans la fin des années 40, l’épandage par avion sur certaines oasis a détruit non seulement les moustiques mais aussi les insectes pollinisateurs, du coup : plus de dattes les deux années suivantes… Or c’était un des aliments-clés de la population. Dans la même veine on a fait le même genre d’erreur en Camargue ce qui a impacté les flamands. A chaque fois, ce qui est en cause est plus la méthode massue. » (un commentateur sur lemonde.fr)

« Les insectes, dans une splendide confirmation de la théorie darwinienne de la « survie du plus adapté », ont évolué vers des super-races immunisées contre l’insecticide utilisé ; il faut donc toujours en trouver un nouveau, encore plus meurtrier… Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue…Vouloir contrôler la nature est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal. » (Rachel Carson dans Le Printemps silencieux)

NB : pour avoir une vue synthétique du DDT,

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dichlorodiph%C3%A9nyltrichloro%C3%A9thane

3 réflexions sur “Entre tuer les insectes ou les humains, comment choisir ?”

  1. Citer l’article Wikipedia sur le DDT est une très mauvaise idée. Il cite abondamment Milloy ou Bate, plus connus pour leurs contestations systématiques des problèmes environnementaux (réchauffement climatique, ozone…) que pour leur expertise indépendante sur le DDT.
    Quant à l’article de Krivine à l’AFIS que vous citez, il est également très mauvais (raccourcis odieux, sources tronquées, sources manipulatoires…).
    L’histoire du DDT a effectivement fait l’objet d’une propagande. Je m’y suis longuement intéressé ici : http://www.factsory.fr/2014/ddt-le-mythe-du-genocide-ecolo et un blogueur, aussi membre de l’AFIS, ici : http://blogs.univ-poitiers.fr/n-yeganefar/2014/05/08/paludisme-et-ddt-les-ecologistes-sont-ils-coupables/

  2. Cette affaire de pesticides illustre au mieux la nécessité d’arrêter de faire la guerre à la nature. Si nous continuons nous subirons un double châtiment. Nous devrons supporter l’opprobre morale d’avoir été les agresseurs et le coût humain d’une guerre perdue. Nous devons comme le disait très justement Alain Gras  » établir un rapport plus humble avec la planète », tout le reste serait une marche vers l’échec.

  3. Quel dosage pour les pesticides ?
    L’association Générations futures publie, mardi 29 avril, une étude sur l’exposition des enfants aux pesticides perturbateurs endocriniens (PE), ces substances chimiques capables de modifier le fonctionnement hormonal et produire des effets néfastes. Leur singularité est d’affecter les organismes à des doses très faibles, spécifiquement lors de périodes-clés du développement (stade fœtal, petite enfance)… L’analyse des mèches a montré que 80 % des enfants auraient été exposés à des pulvérisations de pesticides à usage agricole, alors que 98 % des parents disent ne pas travailler dans un secteur nécessitant la manipulation de pesticides. Treize substances interdites dans l’agriculture ont été retrouvées dans les cheveux de ces enfants. Ces substances sont susceptibles d’agir de manière synergique (par « effet cocktail ») dans l’organisme.
    (Le Monde.fr | 29.04.2014, Des enfants exposés à des centaines de résidus pesticides)

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