Eric le Boucher 4/4

Pour mieux connaître Eric Le Boucher, chroniqueur Lemonde, cet échange de correspondance : 

Missive au courrier des lecteurs du journal Lemonde :Dans la chronique du 29-30 janvier 2006, cette affirmation d’Eric Le Boucher : « L’Asie supplante l’Europe, Mittal Steel fait main basse sur l’acier européen, adaptons-nous. Sinon on ferme nos frontières et on relance massivement le transport à cheval ». En fait les politiques et les médias veulent nous faire croire qu’il faut toujours plus de vitesse alors que le problème de la planète est un trop de  croissance. Le PIB de l’Asie est extraordinaire, mais il n’est significatif que d’une entrée dans l’impasse : exode rural, urbanisation sans frein, déséquilibres sociaux et environnementaux. Le modèle de développement occidental que l’Asie imite a déjà fait faillite, tous les indicateurs sont au rouge ici ou ailleurs. Il ne s’agit donc plus de prôner concentration ou concurrence, mais de lutter contre les délocalisation par la relocalisation, contre l’épuisement de la planète par la sobriété. Cela implique de réguler les flux trans-frontaliers, cela implique de limiter nos déplacements, mais il y a bien d’autres manières que le retour au cheval. Ce n’est pas la modernité ou la bougie (le retour à l’âge de pierre ?), c’est l’objection de croissance pour tous, ici et en Asie. 

Suite donnée par Yves Marc Ajchenbaum (le Courrier des lecteurs) : « Nous sommes très attentifs aux points de vue exprimés par nos lecteurs, soyez sûr que votre courriel sera transmis à Eric Le Boucher ». 

Courriel d’Eric Le Boucher à Missive: « Allez dire qu’il faut moins de croissance aux paysans chinois ou aux Africains qui en rêvent ! Je ne partage pas du tout cette idée de décroissance. Il faudra qu’elle soit économe, oui. Mais seule la croissance remplit les assiettes et permet de lutter contre la pauvreté. Merci de me lire. » 

Réponse de Missive : « Merci d’abord de ne pas déformer mes propos, l’objection de croissance n’est pas toujours la décroissance ! Le problème d’ailleurs n’est plus de partager ou non l’idée de décroissance, sa réalité va être inéluctable (cf. par exemple Pétrole Apocalypse d’Yves Cochet ou les calculs d’empreinte écologique). Dans ces conditions, la seule question qui se pose : est-ce que nous serons assez sage pour l’organiser le plus en douceur possible ?            

Un chroniqueur du Monde a dont un rôle essentiel à jouer ; encore faut-il qu’il transcende son opinion personnelle. Ce n’est pas parce que tous les pauvres rêvent de l’abondance que cela va devenir une réalité. La Chine s’enferme dans d’innombrables problèmes et le paysan migrant ressemble de plus en plus à ceux qui s’entassent déjà dans les bidonville du Tiers-monde et survivent de l’économie souterraine. Ce n’est pas parce que nous nommons la Chine « pays émergent » que cela va être une réalité pour tous et encore plus une réalité durable. Quant à l’Afrique, ils étaient bien plus heureux avant que l’Afrique soit mal partie » (René Dumont).           

Enfin ce n’est pas la croissance qui remplit nos assiettes, c’est l’équilibre des écosystèmes qui permettent un recyclage de l’énergie solaire que nous retrouvons sous forme de céréales ou de viandes : l’économie ne peut rien faire sans l’aide de la biosphère, et elle est en train de détruire la capacité d’homéostasie. Ce n’est pas parce que notre société (journalistes, politiciens, sondages) véhicule une véritable croyance collective en une croissance économique qu’elle a raison : la durabilité de la croissance est impossible dans un monde fini. Maintenant l’idée de décroissance est complexe, il peut s’agir de décroissance énergétique et c’est déjà en cours avec le protocole de Kyoto (il faut diminuer les émissions de gaz à effet de serre), il peut s’agir de simplicité volontaire dans le mode de vie… mais il serait dommageable que nous soyons victimes d’un rationnement drastique par la crise !           

Il faut savoir que le ministre de l’environnement en Grande Bretagne travaille déjà sur un projet de carte carbone (en fait un ticket de rationnement). Merci de m’avoir lu et compris, la planète a besoin de toi, Eric ! » 

Eric Le Boucher : « J’ai lu et ai compris, oui il y a des problèmes de ressources. Mais je ne crois qu’au progrès pour  résoudre les problèmes qui se posent. Merci d’être tolérant. »