esclavage électrifié

Cinquante ans seulement, le jour où symboliquement le monde dit civilisé a basculé du tout mécanique au tout électrique. L’édition du 7-8 décembre de mon quotidien préféré relate ce qui se faisait il y a cinquante ans. Auparavant le fonctionnement d’une montre reposait sur une source d’énergie fournie par la détente d’un ressort qu’on était régulièrement obligé de remonter manuellement. En 1958, pour la première fois en Europe, l’entreprise Lip a commencé à  fabriquer une montre dont l’énergie était fournie par l’électricité. L’article de l’époque précisait qu’il suffisait de mettre les piles hors circuit quand on n’avait pas besoin de connaître l’heure. Aujourd’hui l’électricité fonctionne 24 heures sur 24 dans tous les secteurs de nos activités, pour donner l’heure et programmer nos existences, pour accompagner nos chaudières au gaz, pour animer les balances des commerçants, pour allumer les différents écrans qui conditionnent une grande partie de notre vie. Mais plus personne ou presque n’a conscience du gigantesque système technique à l’œuvre dans la vie quotidienne pour alimenter nos activités. La minuscule prise de courant sur laquelle brancher la télé et recharger les batteries est reliée à des transformateurs, des lignes haute tension et tout au bout en France le plus souvent une centrale atomique.

Toutes les avancées techniques facilitées par le tout électrique ont créé un monde dans lequel le destin de l’homme moyen n’est plus entre ses propres mains ou entre les mains de ses voisins et amis, mais dans celles du système techno-scientifique et de ses centrales électriques. Les politiciens, les cadres et les bureaucrates sont au service de cette mégamachine sur laquelle aucun individu ne peut plus avoir une quelconque influence. Le citoyen est dépossédé aussi bien de son savoir-faire que de son savoir-être par la machinerie électrique. Disparition de métiers, impossibilité de communiquer sans machines, vision utilitariste du monde, filature incessante des individus avec les caméras de surveillance, les puces de détection et même la biométrie ; l’avenir s’assombrit. Le jour où on a cessé de remonter manuellement les montres, ce jour-là nous sommes devenus les esclaves de la société thermo-industrielle pour le meilleur et pour le pire.

C’est pourquoi 58 % des 742 experts interrogés par l’institut américain Pew  imaginait que, d’ici à 2020, des groupes de Refuznik hostiles à la technologie apparaîtront et pourront avoir recours à des actions terroristes pour perturber le fonctionnement du tout électr(on)ique. D’autres pensent que les ruptures d’approvisionnement en électricité qu’il faut bien fabriquer (raréfaction géologique du pétrole, du charbon, de l’uranium) seront les signes de l’effondrement de nos sociétés trop complexes sans même qu’il soit besoin d’agir contre la mégamachine…

1 réflexion sur “esclavage électrifié”

  1. Il est évident que l’ultra gauche chère à notre sinistre de l’intérieur d’ultra droite s’attaquera plus facilement aux lignes à haute tension qu’aux catènaires de la SNCF.
    D’ailleurs cela arrètera aussi les trains ! Et il faudra encore plus de flics pour surveiller les milliers de kilomètres de ligne.
    Du même coup, plus de caméra de surveillance, plus de feux de circulation, plus d’ascenseurs, plus d’éclairage, plus de machine qui tourne…

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