Euthanasie, la belle mort

Michel Sourrouille, auteur en 2017 du livre « On ne naît pas écolo, on le devient », a décidé avant de mourir de partager sa pensée avec tous les Internautes qui fréquentent ce blog biosphere. La parution se fera chaque jour pendant les mois de juillet et août. Il dédie ce livre aux enfants de ses enfants, sans oublier tous les autres enfants… car nous partageons tous la même maison, la Terre, si belle, si fragile…

Euthanasie, mourir de belle manière comme heureuse conclusion

Une médecine qui est devenue apte à prolonger quasi indéfiniment des vies qui n’en sont plus n’est pas une bonne médecine. Mon cousin germain souffrait de plus en plus. Cancer du colon, ganglions près de la colonne vertébrale, une opération qui a arrêté le déchaînement cellulaire à un endroit mais laissé des métastases ailleurs, de la chimio qui rend très malade mais qui n’a pas soigné grand chose. Alors il se retrouve dans un lit anonyme, occlusion intestinale ou hémorragie, on ne sait plus trop, morphine à haute dose, fin de plus en plus proche, douleur en soi et douleur des autres. Est-ce cela mourir dans la dignité ? Quant à mon propre père, quelle fin de vie a-t-il eu ? Il a été nécessaire de le confier à une structure extériorisée plutôt que de le garder en famille. Ma mère s’épuisait à bientôt 90 ans pour accompagner à domicile son mari atteint de démence vasculaire. L’existence des centres de soins palliatifs ou des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pose en définitive la question de la fin de vie.

Fin de vie par euthanasie, la mort douce, du grec « eu », bien et « thanatos », la mort ? Un acte simple quand il s’agit de faire piquer son chat ou son chien, un acte illégal envers les humains dans la plupart des pays. Le problème de l’euthanasie est d’autant plus urgent à résoudre que les techniques de soins palliatifs multiplient les cas d’acharnement thérapeutique. Un vif débat pseudo-philosophique s’est engagé entre ceux qui font de la vie un droit sacré et ceux qui font de la mort provoquée un droit légal, entre ceux qui jugent que l’on ne peut disposer de la vie d’autrui et ceux qui veulent abréger l’agonie d’un malade dont on sait la mort certaine. Lorsque l’euthanasie a été légalisée aux Pays-Bas, il est significatif que les réactions hostiles proviennent à la fois de l’Osservatore Romano et de la Société française de soins palliatifs. Dans l’encyclique Evangélium Vitae (l’Evangile de la vie) de 1995, il est écrit que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu en tant que meurtre délibéré d’une personne humaine, moralement inacceptable.

Mais où est la loi de Dieu quand la vie est reliée à des tuyaux ? Lorsque certains soins curatifs ne sont plus adaptés, il faut savoir s’abstenir et reconnaître que la mort est en train de venir. La sagesse, c’est de ne pas mettre en suspens le vieillissement de nos artères, d’accepter notre destin et la fatalité de notre mort. En France, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité milite pour le libre choix de terminer sa vie. Les trois objectifs de l’association sont le droit à la lutte contre la douleur (soins palliatifs), le droit au refus de l’acharnement thérapeutique (l’euthanasie passive) et le droit à l’euthanasie volontaire. Les deux premiers points commencent déjà à passer dans les mœurs. Reste le troisième point, le suicide assisté. Cette pratique pourrait concerner trois catégories de personnes, les grands malades, les grands vieillards et les grands infirmes. L’aide à mourir est inscrite depuis 1994 dans la loi des Pays-Bas sous réserve de force majeure pour le médecin. Le praticien doit respecter les critères de minutie : demande du patient de façon volontaire et répétée d’une aide pour mourir ; maladie incurable et insupportable ; information du patient et conclusion commune qu’il n’y a aucune autre décision acceptable ; avis d’un confrère indépendant ; avis d’une commission paritaire qui sert de tampon entre le praticien et la justice. La loi reconnaît la validité d’une déclaration écrite d’euthanasie possible si l’individu devient incapable de s’exprimer (coma, sénilité…).

En matière de fin de vie comme en bien d’autres matières, le problème de nos sociétés qui ont voulu s’affranchir de toutes les limites est de discerner maintenant où sont les limites, même en matière de fin de vie. Grâce à ses progrès, la médecine a brouillé les frontières entre la vie et la mort. Elle est devenue si efficace que, bien souvent, on meurt trop tard. Un jour prochain sans doute, le testament de fin de vie sera la règle commune, une vie ne vaut que si elle est utile pour soi et pour les autres. Voici mon propre testament de fin de vie, rédigé sur mon site (biosphere.ouvaton.org) alors que j’avais 55 ans et que je réitère en écrivant ce livre :

Sain de corps et d’esprit, je déclare ce jour (4 novembre 2002) que je n’accepte pas les soins palliatifs qui ne serviraient qu’à me maintenir en vie et non à me réinsérer dans la société. Je déclare accepter par avance une euthanasie passive si la conscience morte de mon cerveau m’empêche de percevoir mon état de légume humain. J’exige le droit à l’euthanasie active si j’estime en toute conscience que ma vie ne vaut plus la peine d’être prolongée.

Je pense que pour mon père il y aurait eu délivrance s’il était parti paisiblement et en toute conscience pour le dernier voyage avant que les faiblesses de ses artères et son cerveau déconstruit ne l’amoindrissent irrémédiablement. Terminer dans un Ehpad est un sort que je ne souhaite à personne.

(à suivre… demain sur ce blog biosphere)

Déjà paru :

On ne naît pas écolo, on le devient, introduction

Abécédaire, la façon la plus simple pour s’y retrouver

Abeille, qui ne pique que si on l’embête

Abondance, s’éloigne dès qu’on lui court après

Absolu, un mot à relativiser, un mot indispensable

Acteurs absents, dont on a eu tort d’ignorer l’existence

Adolescence, moment de révolte ou de soumission ?

Alcool, dur pour un écolo de refuser de trinquer !

Amour, une construction sociale trop orientée

Animal, une facette de notre humanité trop ignorée

Austérité, mot qui fait peur et pourtant source de bonheur

Barbe, un attribut des hommes qu’on voulait faire disparaître

Cannabis, une dépénalisation qui créerait l’usage

Chasse, activité dénaturée par des chasseurs motorisés

Compétition, système inhumain au service d’une société inhumaine

Croissance, l’objectif économique le plus débile que je connaisse

Démographie, le problème central qui est systématiquement ignoré

Devoir, la contre-partie nécessaire de nos droits

Doryphore, symbole d’une agriculture post-moderne

École obligatoire et gratuite, une entreprise de déculturation

Écologiste en devenir, notre avenir commun

Électricité, les inconvénients d’un avantage

Ethnologie, la leçon primordiale des aborigènes

Eugénisme, engendrer de bonne façon est-il condamnable ?

8 réflexions sur “Euthanasie, la belle mort”

  1. Chacun est propriétaire de son propre corps, donc ça doit être à chacun de pouvoir décider d’être euthanasié ou pas ! Les croyants de Dieu n’ont pas à imposer leur doctrine aux autres ! Que les croyants appliquent leur doctrine de vie, d’interdiction de suicide qu’à eux-mêmes ! Les croyants de Dieu n’ont pas à décider pour les autres ! Alors la voie la plus légitime étant de laisser à chacun de choisir, car là il n’y a plus rien à redire ou à contester !

    1. Plus rien à redire ?

      – “ Est-on propriétaire de son corps ? “ ( devoir-de-philosophie.com )
      – “ Suis-je propriétaire de mon corps ? “ ( bioethique.com )
      Quoi qu’il en soit, ce n’est pas parce qu’on est propriétaire de quelque chose qu’on peut en faire n’importe quoi.

  2. Esprit critique

    – « Un vif débat pseudo-philosophique s’est engagé entre ceux qui font de la vie un droit sacré et ceux qui font de la mort provoquée un droit légal, entre ceux qui jugent que l’on ne peut disposer de la vie d’autrui et ceux [etc.] »

    Pseudo… philosophique ? Que ce débat soit un pseudo-débat (un faux débat) c’est entendu.
    Je l’ai dit X fois, il ne peut pas y avoir de véritable débat sur ce genre de sujet. Pour moi le véritable débat s’entend comme un échange. Rien à voir avec ces joutes, ces combats où s’affrontent deux camps, deux points de vue radicalement opposés. Pro vs Anti : pro ou anti-OGM, pro ou anti-immigration et j’en passe. Ces débats, disons plutôt et tout simplement ces discussions, ces bavardages etc. ne nous avancent à rien. Par contre il existe, rarement, ce qu’on appelle des débats méthodiques, on peut dire aussi socratiques. Et sur ce genre de sujet, le débat, les rares fois où il existe, ne peut être que philosophique.

    1. – « Dans l’encyclique Evangélium Vitae (l’Evangile de la vie) de 1995, il est écrit que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu en tant que meurtre délibéré d’une personne humaine, moralement inacceptable.
      Mais où est la loi de Dieu quand la vie est reliée à des tuyaux ? [etc.] »

      Le Pape évoque la morale. On ne peut qu’admettre que c’est, avec le salut des âmes etc. un des domaines où il est bien placé pour en parler. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il est le mieux placé. Qui est alors le mieux placé ?
      Les Pro-euthanasie peut-être ? Même pas ! Cette question (Mais où est la loi de Dieu quand la vie est reliée à des tuyaux ?) ne peut que servir d’introduction à un de ces pseudo-débats. Qui peut parler de «la loi de Dieu» ? D’un côté comme de l’autre nous n’avons que des croyants. Les uns y croient, les autres pas. Et entre les deux ceux qui bottent en touche, les agnostiques.

    2. Esprit critique

      Pseudo-débats vs débats méthodiques, et/ou socratiques …
      – « Les motivations du débat méthodique […] Le débat méthodique au fondement de la citoyenneté. » ( Pourquoi faut-il débattre ? Par Emmanuel-Juste DUITS – 26 juillet 2003, sur hyperdebat.net )
      – « La revendication d’ignorance comme clé du questionnement mutuel […] La conversion éthique […] Le dialogue socratique comme condition du débat citoyen »
      ( Philosophie, éthique, politique : du dialogue socratique au débat citoyen – sur institut-ethique-contemporaine.org )

    3. Pour OU contre ? Oui ET non !
      – « « Dieu seul est maître de vie ou de mort ». (Ambroise Paré 1509-1590)
      Dans la Grèce et la Rome antiques, il est permis dans certaines circonstances d’aider un individu à mourir. […] Socrate comme Platon approuvent certaines formes d’euthanasie dans des cas particuliers. […] »
      (L’HISTOIRE DE L’EUTHANASIE – 06/02/2015 sur l-euthanasie.webnode.fr )

      – « Au cours de ses 2000 ans d’histoire, l’Église a toujours défendu la vie humaine, de la conception à la mort naturelle, avec une attention particulière aux phases les plus fragiles de l’existence. Le “non” à l’euthanasie et à l’acharnement thérapeutique est un “oui” à la dignité et aux droits de la personne: inguérissable ne veut pas dire incurable. »
      (Le Magistère de l’Église catholique sur l’euthanasie – 2022 sur vaticannews.va )

  3. Poil à gratter

    La bonne ou bien la belle … si ce n’est la douce … mort ? Faudrait savoir …
    Bon d’accord, c’est vrai que nous avons tendance à tout associer. Le beau c’est bien, le vrai aussi. Le pas beau c’est pas bon, c’est laid. Et le pas vrai c’est pareil. Et le pas doux c’est pas bon non plus, ça pique, ça gratte etc. Bref, bonne, belle et douce ce n’est pas tout à fait pareil.
    Quoique… Quoi qu’il en soit des goûts et des couleurs on ne discute pas ! Quoique… Bon d’accord, c’est vrai que nous ne faisons que ça. En attendant, ce n’est pas parce qu’on n’aime pas qu’il faut en dégoûter les autres et vice versa. Moi j’aime bien quand ça gratte.

    1. Vert et pas pressé

      Tout bien con sidéré, personnellement, à une bonne mort je préfère alors une belle mort. C’est quoi alors une belle mort ? Pour moi c’est mourir vite fait bien fait. Sans souffrir quoi. Le Top étant alors de mourir en se faisant du bien. En prenant du plaisir quoi, ça oui c’est une belle mort. Mourir comme Félix Faure, à 58 ans, ça c’est la plus belle mort. C’est celle que je souhaite à tout le monde. Quoique… pour moi et tous les vieux cons qui ont dépassé les 58… alors c’est loupé ? Mais non, peu importe l’âge, le temps ne fait rien à l’affaire. De toutes façons aujourd’hui on peut toujours bander à cent ans.

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