éviction de la ministre de l’écologie, un PS anti-écolo

Les politiques ne sont écolos qu’en apparence. Barack Obama, élu sur la promesse d’une révolution verte, devra sans doute sa réélection au développement spectaculaire des gaz de schiste. En cinq ans, les USA sont devenus le premier producteur de gaz au monde et le secteur a créé plus d’un demi-million d’emplois. Peu importe les risques environnementaux et le fait que racler les dernières traces de ressources fossiles ne fait que reculer un peu les échéances finales, le court-termisme du politique a encore prévalu. Il en est de même en France où l’addiction au pétrole pousse le gouvernement Hollande à autoriser de nouveaux forages au large de la Guyane.

Face à ce choix productiviste, la toute récente ministre de l’écologie Nicole Bricq n’a pas longtemps résisté. Sur l’ordonnance laissée par Nathalie Kosciusko-Morizet sur les forages, Nicole s’exclamait le 11 juin : « Ce bousin* sera remplacé par une loi en bonne et due forme réformant le code minier ». Le 13 juin, Nicole Bricq annonçait une suspension des permis de forage de Guyane, mettant en avant l’attachement du gouvernement « à la protection de la faune marine et de l’environnement », sur laquelle elle affirmait ne disposer d’« aucune garantie ». Mais dès le 21 juin, on autorisait la reprise des forages exploratoires, à 150 kilomètres au large de Cayenne, par quelque 6 000 mètres de profondeur – 2 000 mètres d’eau et 4 000 mètres de plancher océanique. Le ministre des outre-mer, Victorin Lurel, pour quelques emplois et subsides, l’a emporté contre la ministre de l’écologie. Pourtant les études sismiques recourent à des émissions sonores extrêmement puissantes, nuisibles pour les cétacés, et on utilise un procédé de forage polluant – des boues avec des huiles de synthèse – interdit par le code de l’environnement. Autant dire que le code minier actuel ne prend guère en compte l’impact sur la nature. Mais le bateau de forage loué – on parle d’un coût d’un million de dollars par jour – par Shell était déjà arrivé sur zone le 19 juin ! L’économique prime encore sur l’écologique.

Un groupe pétrolier est bien plus fort qu’un ministre, Nicole Bricq était remerciée le 22 juin. Une autre prenait sa place au ministère de l’écologie, Delphine Batho. On remplaçait une personne à l’initiative de la création du pôle écologique du PS par une novice en matière environnementale. Que François Hollande fasse au même moment coucou à la conférence de Rio+20 montre la duplicité de ce gouvernement. En fait le vrai « ministre de l’Ecologie », c’est le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault dont le premier arbitrage en faveur du pétrole de Guyane est significatif. N’oublions pas que l’auteur de la formule  » Taxe Carbone ? Une Taxe Bobo », c’est  Ayrault. Les socialistes ne résistent pas longtemps aux lobbies pétroliers, nucléaires, chimiques, agricoles. Le départ de Nicole Bricq est de très mauvais augure pour la future conférence environnementale, le débat sur la transition énergétique et la réforme du code minier. Que fera sa remplaçante ?

Delphine Batho a été porte-parole de François Hollande pendant sa campagne. Elle a été de 2003 à 2008 secrétaire nationale chargée des questions de sécurité au PS. Delphine visitait une maison d’arrêt, quand elle appris son changement de ministère ; elle n’était pas « demandeuse » de sa nouvelle affectation. Mais Delphine a déjà bataillé en 2008 contre les organismes génétiquement modifiés lors du vote de la loi sur les OGM. Et puis, devenir ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ce n’est pas rien. Ce ministère, c’est 118 000 agents à gérer. C’est un ministère opérationnel, ancien ministère de l’équipement à 90 %. Le secteur de l’énergie qui lui est rattaché va devenir prépondérant au fur et à mesure de l’épuisement des ressources fossiles. Et l’arrivée de différentes socialistes au poste de secrétaire national à l’environnement du PS a montré, que quand on commence à s’occuper d’écologie, on devient vraiment écologiste. Au risque d’être licencié…

* bousin : tourbe de qualité inférieure

4 réflexions sur “éviction de la ministre de l’écologie, un PS anti-écolo”

  1. Tout le pouvoir aux pétroliers !
    Mme Bricq estimait que le code minier est par trop favorable aux exploitants, tout simplement parce qu’une compagnie qui découvre un gisement est aujourd’hui quasi certaine de l’exploiter. Mme Bricq n’est pas seule à souhaiter cette modification du code minier. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, est sur la même longueur d’onde. Tous deux préviennent Matignon de leurs intentions à propos de la Guyane. Réaction de l’équipe du premier ministre : négociez avec Shell si vraiment vous le souhaitez, mais sans perturber le climat de confiance. Toute l’ambiguïté est là. D’un côté, deux ministres soucieux d’un autre rapport de forces avec les groupes pétroliers, de l’autre un chef de gouvernement et des élus guyanais ayant constamment en tête la défense de l’emploi et le redressement de l’industrie.

    D’un côté, Shell France accepte, par la voix de son président, Patrick Romeo, de faire de substantielles concessions. En apparence, le document envoyé peut faire croire à Mme Bricq qu’elle a eu finalement gain de cause. En apparence seulement. Car, en coulisse, Shell s’agite. Tout le gratin du petit monde pétrolier décroche son téléphone. En réalité, dès le 19 juin, le sort de Mme Bricq est scellé. Le jour même, Laurence Parisot se félicite devant l’assemblée permanente du Medef des interventions efficaces de son organisation auprès du gouvernement, pour relayer les doléances de Shell.

    Pour Mme Bricq, le choc est violent. Lors de son voyage à Rio, au Sommet de la Terre, elle discute avec le chef de l’Etat, qui ne lui parle de rien. La ministre de l’écologie n’apprend son éviction que par téléphone, le 21 juin, jour du remaniement.
    source : LE MONDE | 26.06.2012 Les dessous de l’éviction de Nicole Bricq du ministère de l’écologie

  2. Info du 25/06/2012, Nicole Bricq avait tout juste
    Nicole Bricq a plutôt un caractère de cochon. Et la discussion très franche, explosive serait le mot juste, entre elle et Jean-Marc Ayrault lui a été fatale. Une erreur psychologique et tactique, sans doute. Une incompatibilité caractérielle, certainement. Mais faut-il que la première qualité d’une ministre de l’Environnement soit d’être « cool » ? D’autant plus que Nicole Bricq a bien fait son travail de ministre de l’Environnement. Un accord avait été passé dans lequel le pétrolier Shell s’engage à prendre des mesures très précises à caractère environnemental. Les principaux points allaient dans le sens demandé par les ONG et vers une gestion maîtrisée des forages. Guillaume Malaurie
    http://planete.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/06/25/exclusif-l-accord-que-nicole-bricq-avait-obtenu-du-groupe-sh.html

  3. Moi qui ai voté pour François Hollande, non par conviction mais pour éviter les abus de pouvoir flagrants, je commence à me poser des questions. Le renvoi de Nicole Brick ( dont j’attends avec impatience la justification officielle) ne présage rien de bon. Gouvernement PS = gouvernement UMP?????

  4. un autre signe de l’anti-écologisme du PS :
    Stéphane Le Foll était l’auteur d’un rapport sur l’agriculture et le changement climatique. En tant que ministre de l’agriculture, il vient pourtant de s’opposer à la proposition de la Commission européenne d’allouer au minium 25 % des fonds européens à des mesures agro-environnementales et à l’agriculture biologique. Après la mise au rebut de la nécessaire refonte du code minier avec l’éviction de la ministre de l’écologie, le gouvernement socialiste montre encore une fois son mépris total envers la problématique écologiste.

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