Le mot extrativismo (sans c) est apparu au Brésil, dans les années 1930, pour désigner l’exploitation des plantations de caoutchouc. C’est avec une acception différente que le mot extractivismo (avec un c) s’est diffusé, à partir des années 1980 dans les pays voisins, avec comme contexte la résistance des peuples autochtones aux grands projets miniers.A la fin des années 2000, cette notion militante a été généralisée par des chercheurs engagés. Ce terme est devenu une caractéristique du capitalisme contemporain : la valeur y est “extraite” plutôt que “produite” par le travail. Deux traits majeurs le définissent : une exploitation des ressources qui ne se préoccupe pas de leur renouvellement et des externalités négatives (pollution, pauvreté…), et un contrôle par des réseaux oligopolistiques. Les bénéfices tirés de cette « capture de valeur » sont concentrés entre les mains de quelques-uns, tandis que les coûts sont légués au reste de l’humanité.
L’extractivisme imprègne les mentalités de nombreux dirigeants, ce que Donald Trump a confirmé avec son slogan de présidentiable : « Drill, baby, drill ! » (« fore, bébé, fore ! »)
Pascal Riché : Si tous les maux de la planète pouvaient être encapsulés dans un seul mot, quel serait-il ? « Extractivisme » ferait un bon candidat. La dénonciation de l’extractivisme est intersectionnelle : on la croise aussi bien dans les discours écologistes, décoloniaux ou anticapitalistes. L’extractivisme, c’est le vol, la prédation, l’exploitation du Sud, la pollution et le dérèglement climatique. On l’utilise désormais dans des contextes très divers : la surpêche, l’appropriation des savoirs indigènes, l’installation d’éoliennes, l’usage des données personnelles par les géants du numérique… « Extractivisme » propose une grille d’analyse totale du système économique, dans la lignée de l’« exploitation » de l’homme par l’homme. La résonance entre les deux concepts n’est pas fortuite. Avant d’être popularisé par Karl Marx (1818-1883), le mot Ausbeutung (« exploitation ») était utilisé pour évoquer l’extraction du charbon et des minerais.
Lire, Extractivisme d’Anna Bednik (2016)
extraits : Les nouveaux tenants du pouvoir en Amérique du sud ont en effet poursuivi la spécialisation primo-exportatrice historique de leurs pays car la rente extractive a permis à ces régimes les fonds qui leur permettaient de financer les politique sociales. Aux dires du président équatorien Rafael Correa, on construira une société plus juste et plus équitable «avec le même modèle». La lutte contre la pauvreté (entendu au sens occidental du terme) a pris le dessus. Derrière la notion de développement, il y a l’idée que vivre ne serait pas suffisant. Ceux qui nous disent pauvres, expliquent les paysans-ronderos d’Ayabaca au Pérou «ne voient pas nos richesses, ils comptent l’argent». En Australie, les Aborigènes interrogent : «Nous avons du soleil, du vent et des habitants, Pourquoi polluer notre environnement pour de l’argent?» Le buen vivir (ou vivir bien) n’est plus qu’un slogan utilisé à des fins de marketing politique qui se confond, selon les besoins de ceux qui les utilisent, avec «développement», «services de base», voire «accroissement du pouvoir d’achat». Le seul fait d’intensifier l’extractivisme a enseveli tout espoir de renouveau….
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Extractivisme, l’inquiétante frénésie (2025)
extraits : L’extraction minière est considérée comme l’une des activités humaines ayant le plus lourd impact sur l’environnement. Pollution de l’eau, de l’air et des sols, déforestation, pression sur les ressources en eau… Une grande partie des mines sont illégales. La gestion des déchets est un autre défi : chaque année, l’industrie en produit des milliards de tonnes. Par exemple, produire 1 000 à 2 000 tonnes d’or par an nécessite, en raison de sa faible concentration, d’extraire 1,5 milliard de tonnes de minerai. Les éléments toxiques sont souvent naturellement présents dans la roche, où ils sont en quelque sorte enfermés. Le fait de les sortir et de les mettre dans un milieu oxydant au contact de l’air ou des eaux de pluie fait qu’on va libérer des substances comme l’arsenic, le plomb ou le chrome.
L’extractivisme se veut indispensable, à tort (2024)
extraits : La sagesse de Thomas More a été ignorée, qui condamnait toute ouverture des entrailles de la Terre : « L’or et l’argent n’ont aucune vertu, aucun usage, aucune propriété dont la privation soit un inconvénient véritable. C’est la folie humaine qui a mis tant de prix à leur rareté. La nature, cette excellente mère, les a enfouis à de grandes profondeurs, comme des productions inutiles et vaines, tandis qu’elle expose à découvert l’air, l’eau, la terre et tout ce qu’il y a de bon et de réellement utile. » (L’utopie 1ère édition, 1516)….
L’extractivisme au fond des abysses (2023)
extraits : Le fond des océans, ce monde du silence où règne l’obscurité la plus complète, abrite quantité de minerais. Les profiteurs, on n’ose pas dire les requins, salivent déjà. De jeunes sociétés testent des engins pour collecter, par 6 000 mètres de fond, des nodules polymétalliques qui pourraient satisfaire les besoins mondiaux en batteries. The Metals Company (TMC) a envoyé à 4 400 mètres de profondeur un gros engin à chenilles aux allures de moissonneuse-batteuse, une dizaine de mètres de long et autant de large….
Nauru, l’extractivisme à l’image de ce qui nous arrive (2016)
extraits : Une espèce appartenant au règne animal s’est lancée dans une activité totalement inédite : l’extraction de minerais sans passer par les végétaux, qui jouaient jusqu’alors le rôle de fournisseurs intermédiaires. Cette espèce creuse, perce, concasse le sol, cette espèce c’est la nôtre. Or Nauru est un miroir de la fragilité des civilisations fondées sur le pillage des ressources de la Terre. Nauru, perdu dans l’étendue du Pacifique, ses 10 000 habitants, ses gisements de phosphate….
La fin programmée de l’extractivisme… en 2017 ? (2016)
extraits : Depuis deux siècles nous sommes une société extractiviste, charbon, pétrole, minerais, métaux… On a transformé la Terre en gruyère. Nous avons déjà prélevé plus de la moitié du pétrole et il faudrait en laisser une grande partie sous terre pour éviter l’emballement climatique. Les politiques n’en ont pas encore conscience, mais l’extractivisme est derrière nous. En 1859 le pétrole a été trouvé à 23 mètres de profondeur en Pennsylvanie. Pour les huiles de schiste, la roche mère se situe entre 1500 et 3500 mètres de profondeur….
Démence extractive, c’est-à-dire «Explosons la planète» (2015)
extraits : Nous traversons la dernière étape de l’exploitation à grande échelle des minéraux. En deux siècles à peine, au terme d’une guerre impitoyable, nous aurons remonté à la surface de la terre un trésor qui avait mis des millions, voire des milliards d’années à se constituer. Le point culminant de cette démence extractive est la décision des compagnies pétrolières d’exploiter certains combustibles non conventionnels comme le gaz de schiste, le pétrole en eaux profondes ou les sables bitumineux….
Dernière goutte de l’extractivisme, exemple en Equateur ? (2013)
extraits : L’Equateur de Rafael Correa n’indique pas au monde une voie exemplaire. Pourtant il jouissait d’une renommée indéniable auprès de la gauche française. Même les antiproductivistes ont célébré sa politique du buen vivir. Les termes de la constitution uruguayenne en faveur de Pacha Mama (la Terre Mère), la détermination apparente de Correa de sauvegarder un parc naturel (Yasuni) de tout forage pétrolier… n’étaient que du vent. Voici quelques extraits de la pensée productiviste de Correa : « Nous allons exploiter nos ressources naturelles comme le font tous les pays du monde. »… « Tant que je serai président, je profiterai au maximum, jusqu’au dernier gramme, jusqu’à la dernière goutte des ressources naturelles, afin de sortir le plus rapidement possible mon pays de la pauvreté. »…..
arrêt des extractions minières partout dans le monde (2012)
extraits : A qui appartiennent les ressources minières du Groenland ? Les immenses ressources de son sous-sol attirent les convoitises ; l’accélération de la fonte de la calotte glaciaire permet d’envisager leur exploitation. Mais ces ressources n’appartiennent ni à l’Europe via le Danemark, ni aux autres Etats limitrophes. Ces ressources n’appartiennent pas non plus aux 57 000 habitants de cette île recouverte d’une couverture de glace atteignant 150 mètres d’épaisseur. Ces ressources n’appartiennent certainement pas aux firmes multinationales comme Exxon Mobil, Cairn Energy ou encore EnCana. Ces ressources n’appartiennent même pas aux générations futures qui n’en feraient pas un usage meilleur qu’aujourd’hui. Il faut lutter contre la logique extractive et sanctuariser les dernières et rares ressources du sous-sol qui nous restent….
– « En 2015, pour chaque unité de matière première exportée par les pays du Nord vers le Sud global, cinq unités de matières premières étaient acheminées du Sud vers le Nord. Ce ratio inégal et récurrent de 5:1 en faveur des pays riches de la planète est une des nombreuses conséquences de l’extractivisme, que certains auteur·e·s qualifient de néo-colonialisme. […] À l’échelle mondiale, l’extractivisme se traduit par des ruptures écologiques irréversibles: perte de biodiversité, gaz à effet de serre dans l’atmosphère, pollution des nappes phréatiques, etc. »
( Économie 101: qu’est-ce que l’extractivisme? – iris-recherche.qc.ca 25 janvier 2023 )
Le graphique sur les extractions mondiales de 1900 à 2015 parle de lui-même.
En 1950 l’ensemble pesait environ 15 Gt … et en 2015 c’était 90 Gt . Soit 6 fois plus !
Pour comparer… de 1950 à 2015 la population mondiale a été multipliée par même pas 3 . 😉