Fabrice Flipo nous parle d’une écologie malthusienne

Le malthusianisme désigne surtout la limitation des naissances par la continence, et par extension les pratiques anticonceptionnelles (Petit Robert, 2007). Dans ce cas, les écologistes sont souvent malthusiens. La décroissance est malthusienne car il s’agit de ne pas augmenter la population à l’infini. Mais à rebours d’une solution malthusienne, les écologistes tendent plutôt à réclamer le partage. Naess explique que les pauvres ont raison de se faire du souci car si tout le monde vivait comme les Américains, la planète ne pourrait supporter que 500 millions d’habitants. Or les riches sauront, mieux que les autres défendre leur mode de vie. Les pauvres sont donc directement menacés par eux. D’où cette conclusion chez Naess, bien peu malthusienne, selon laquelle il y a d’abord trop de riches. De même Paul Ehrlich (la bombe P) permet de se convaincre de son souci des inégalités ; il estime en effet que les Etats-Unis devraient commencer par donner l’exemple en réduisant leur natalité et leur consommation, pour permettre le partage. Même la transition démographique, saluée comme étant une marque de modernité (le développement économique entraînerait une baisse de la fécondité), consiste bel et bien à réduire le nombre des naissances.  Personne n’y voit une forme de génocide !

A brandir le malthusianisme hors de tout contexte on veut faire oublier que les avocats de la natalité ne se retrouvent pas toujours du côté des humanistes. Le natalisme est une doctrine qui accompagne tous les régimes qui ont besoin de chair à canon.  Yves Cochet a d’ailleurs rappelé que la « grève du troisième ventre » était un mouvement libertaire ayant pour objectif de s’opposer aux politiques natalistes belliqueuses du gouvernement en place. Difficile de faire des écologistes malthusiens des fascistes en puissance. Au contraire !

En matière d’analyse économique, le nom de Malthus est aussi une référence pour les écologistes. En effet Malthus, dans l’histoire standard des idées économiques, tout en étant le premier économiste professionnel, est considéré comme appartenant à la génération des physiocrates. Comme eux, il pensait que la terre agricole était la seule source de richesse, à l’exclusion du commerce et de l’industrie.

In Nature et politique, Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation

(Editions Amsterdam, 442 pages, 21 euros)

1 réflexion sur “Fabrice Flipo nous parle d’une écologie malthusienne”

  1. Le nom de Malthus illustre au mieux combien l’Histoire peut-être injuste. Cet homme est méprisé par 95 % de ceux qui se prétendent écologistes et par une proportion identique de ceux qui se prétendent économistes. Il avait pourtant posé la question fondamentale de l’adéquation d’une population et d’un volume d’activité à un milieu donné. Il n’est pas exclu que l’on enseigne dans les manuels d’histoire du 25ème ou du 26ème siècle que le 21ème fut celui de l’effondrement pour ne pas avoir entendu Malthus.
    L’étude de la convention de pensée qui lie de façon touchante les croissancistes les plus éhontés et certains théoriciens de la décroissance économiques qui occultent la question démographique constituerait un excellent sujet de thèse pour un étudiant en recherche d’originalité. Qu’il se dépêche, il n’est pas sûr que l’institution universitaire survive à la déplétion pétrolière et à l’écroulement prévisible.

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