faim du monde, fin du libre-échange

Au XXIe siècle il y aura la guerre des terres*, comme il y aura les guerres du pétrole, les guerres de l’eau, les guerres du climat, les guerres civiles, les guerres aux frontières… La flambée des prix alimentaires mondiaux avaient provoqué en 2008 des émeutes de la faim dans plusieurs pays. Aujourd’hui les prix alimentaires enregistrent leur sixième mois consécutif de hausse. Ce n’est pas seulement la faute des catastrophes naturelles et des spéculateurs, c’est la conséquence de la surpopulation mondiale. La pénurie n’est plus conjoncturelle. Nous sommes six milliards d’humains et on en dénombrera 3 milliards de plus en 2050. Quels sols mettront-nous en culture pour soutirer à la terre leur pitance ?

Pour protéger leur souveraineté alimentaire, l’Inde vient d’interdire l’exportation de l’oignon national, la Russie suspend ses exportations de céréales, Canberra prévoit de réduire de 25 % ses exportations de sucre en 2011. S’il est bien un domaine dans lequel la démondialisation est en marche, c’est bien  celui de l’agriculture et de l’alimentation. Le philosophe Fichte publia en 1800 L’Etat commercial fermé, ouvrage de l’anti-libre-échange. La thèse dépasse très largement le protectionnisme transitoire de Friedrich List. Fichte s’engage au contraire dans une perspective d’interdiction totale des échanges commerciaux avec d’autres nations.

Selon le philosophe allemand, l’Etat doit garantir à chaque citoyen des conditions d’existence décentes lui permettant de subvenir à ses besoins fondamentaux, et lui assurer le droit de travailler. Pour y parvenir, l’Etat doit organiser et contrôler la production de richesses, contrôle impliquant la fermeture des frontières économiques puisque tout flux en provenance de l’extérieur échappe par définition au gouvernement. La fermeture des échanges commerciaux se répercute sur la politique monétaire du pays car cela induit nécessairement de ne plus participer à des flux monétaires par la voie des taux de change. Cela évite les antagonismes en matière économique qui sont à l’origine de guerres armées.

* La guerre des terres de Thierry Pouch (Choiseul, 2010)

5 réflexions sur “faim du monde, fin du libre-échange”

  1. Dans le livre* de Satish Kumar
    La mondialisation du commerce alimentaire est l’une des pires tyrannies de notre époque. Nous croyions que l’holocauste était derrière nous, mais la mondialisation du commerce alimentaire nous impose un nouveau type d’holocauste. Chaque année, des milliers de paysans indiens se suicident parce qu’ils ne parviennent pas à rembourser leurs dettes. Le commerce mondial est en guerre contre la nature et les petites fermes familiales ; il lutte âprement contre tout ce qui est diversifié, petit et autochtone. La monoculture à grande échelle, centralisée et mondialisée est une violence faite à la nature et aux hommes. L’agriculture diversifiée, décentralisée, locale et à petite échelle est non violente pour la nature comme pour les hommes.
    *(Tu es, donc Je suis)

  2. Réponse à la question de healthsciences
    Plus que l’aléa climatique* ou les spéculateurs, c’est l’allongement des distances entre production et consommation qui importe. Pas tellement à cause du transport, le prix du baril étant à un niveau ridiculement bas. Mais à cause de la financiarisation des marchés agricole que la multiplication des intermédiaires entraîne. La spéculation est la conséquence, pas la cause.

    Le problème dans l’avenir, c’est que le climat va de plus en plus dicter sa loi et que les politiques attendent les émeutes pour réagir. La régulation des matières premières par l’encadrement des marchés (méthode Sarko) n’est pas une solution, cela a déjà été essayé historiquement, avec des échecs cuisants.

    La solution n’est donc ni politique, ni financière. Elle reposerait sur la redynamisation des paysanneries locales et des marchés de proximité. Mais la souveraineté alimentaire au niveau de chaque territoire ne se décrète pas.
    * LeMonde du 8 janvier 2010, l’aléa climatique fait flamber les prix alimentaires

  3. Exemples concrets :
    L’inflation, poussée par la hausse des prix de l’alimentation, a atteint 9,2 % sur un an au Vietnam en 2010, augmentant la pression sur le gouvernement. Le dong, la monnaie locale, a été dévaluée trois fois depuis la fin de l’année dernière et a perdu près d’un tiers de sa valeur par rapport au dollar depuis 2007. Une telle politique monétaire n’est pas durable.

    Le Japon et la Corée du Sud importent près de 60 % de leur alimentation. La Chine ne représente que 9 % des terres agricoles mondiales pour une population à nourrir représentant plus de 20 % de la population mondiale. La guerre des terres s’opère aussi par le landgrabbing, achat ou location des surfaces agricoles dans des pays étrangers. Cela aussi n’est pas durable…

    Un pays doit-il vraiment arriver à se nourrir par ses propres forces ?

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