faire ou ne pas faire confiance aux experts ?

Les experts ne sont pas au-dessus de tout soupçon. Prenons l’exemple du rapport très controversé de l’Académie de médecine sur les ondes. Cette Académie jugeait dangereuse une baisse des normes d’exposition aux ondes, alors que cette baisse ne pouvait, en toute hypothèse, qu’être favorable à la santé humaine. Parmi les rapporteurs, on comptait plusieurs membres en copinage avec les opérateurs, particulièrement Bouygues Telecom, ainsi que deux personnes extérieures au sujet. Ce type de comité est-il de nature à  délivrer l’avis des sommités médicales sur un sujet de santé publique ? Autre exemple,  l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont les avis sont déterminants pour les autorisations de commercialisation et de culture des OGM. Certains experts sont liés aux multinationales du secteur et la Commission européenne vient d’annoncer qu’elle allait reconsidérer leur sélection. Il n’y a que les experts du climat dont plusieurs enquêtes indépendantes viennent de montrer qu’ils avaient été accusés à tort par les climato-sceptiques : il n’y a en définitive aucune erreur significative dans le rapport du GIEC (LeMonde du 9 juillet).

Car le maître-mot est là, « l’indépendance » des experts. Or le vocable « technosciences » renvoie à une mutation profonde des rapports entre science et technique, à un renforcement des liens qui se font plus étroits. Il se réfère à un monde où l’emprise de l’industrie sur la science est toujours plus pressante. Un monde où le savoir-faire prend le pas sur le savoir et où la maîtrise de la nature prime sur la connaissance. La colonisation des organes d’expertise nationaux et internationaux par des personnes venues du secteur industriel et y retournant, en application du principe des « portes tournantes », a des conséquences très lourdes sur les choix qui sont faits par les pouvoirs publics et favorise la manipulation des opinions. Alliés objectifs des lobbies industriels, certains scientifiques entretiennent de plus une confusion systématique entre avancées scientifiques et progrès. Mais cette collusion entre scientifiques et entreprises ne joue que pour l’introduction de nouveaux produits ou de nouvelles technologies susceptibles de profit sur le marché. Par voie de conséquence seul le domaine marchand, celui de l’application des technologies, est en cause. Comme le climat mondial à venir n’intéresse pas les entreprises (qui à la limite peuvent y voir seulement un profit potentiel), les experts du climat restent donc au-dessus de tout soupçon.