Faire un enfant quand tout est foutu

Marianne Durano : « Au moment où j’écris ces lignes, je suis enceinte de mon troisième enfant.Et moi, je rédige un article sur la fin du monde. N’est-il pas criminel d’enfanter dans un monde promis à la destruction ? On connaît le succès des discours néomalthusiens, justifiés par les rapports scientifiques et les chiffres qui s’accumulent depuis des dizaines d’années. Ce monde, c’est celui de la croissance sans limite et dénuée de sens. Les inégalités ne cessent d’augmenter, les ressources de s’épuiser, la biodiversité de décliner, la température d’augmenter, les glaces de fondre, les migrants de migrer, l’angoisse de monter. A quoi bon des enfants en temps d’effondrement ? Moi je mets des enfants au monde en leur souhaitant de bien finir leurs jours, quel qu’en soit le nombre imparti. N’y a-t-il, comme toujours en philosophie, un moyen de surmonter la contradiction ? Je crois que oui, et c’est pourquoi j’attends mon troisième enfant. Nous ne sommes pas la cause de la fin, mais la fin nous donne une cause : vivre, ici et maintenant, la meilleure vie possible. Si j’éduque mes enfants à la tempérance, ce n’est pas pour les préparer au chaos, mais parce que c’est bon pour eux. Dans quelques semaines, nous rejoignons un éco-hameau, situé dans un village. Nous y allons pour y vivre pour donner à nos enfants la vie que nous pensons être la meilleure pour eux, loin des pollutions de toutes sortes et d’un monde qui ne nous rend pas heureux.Kant défendait la nécessité de penser des « horizons régulateurs », des grandes idées indémontrables – Dieu, l’âme, le cosmos –, mais qui permettent de donner un sens à nos actions… »*

Marianne Durano est professeure « agrégée » de philosophie, membre fondatrice de la revue d’écologie intégrale « Limite ». Elle a pris part au mouvement de La Manif pour tous. Tant de lectures, tant de diplômes pour dire « faut faire avec », et « qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête », et encore « tant qu’il y a la vie il y a l’espoir », et encore, et encore,… Au marché, au bistrot, dans ma tête, j’en dispose d’un inépuisable stock, vous aussi ! Pour en savoir pus sur l’antimalthusianisme de Marianne Durano, sur notre blog biosphere :

Marianne Durano : « ça te fait quoi, petite jouisseuse des temps modernes, d’être obligée de bouffer docilement ton médoc tous les matins pour pouvoir baiser tranquille le soir ? De laisser ton ventre aux mains des spécialistes, pour qu’ils y enracinent des bouts de ferraille ? … Le malthusien préfère ligaturer les trompes de sa femme plutôt que se serrer la ceinture … Je préfère dépenser en soupes pour bébés bios ce que vous gaspillez en condoms irresponsables. » Je laisse à Marianne la responsabilité de ses propos !

(11 novembre 2015, Limite, revue d’écologie intégrale… antimalthusienne)

* LE MONDE du 25 juillet 2019, « Nous ne sommes pas la cause de la fin du monde, mais la fin du monde nous donne une cause : vivre la meilleure vie possible »

2 réflexions sur “Faire un enfant quand tout est foutu”

  1. – « Le malthusien préfère ligaturer les trompes de sa femme plutôt que se serrer la ceinture. » (Marianne Durano). C’est rigolo, après tout c’est possible, c’est probable qu’il en existe des comme ça, comme il est également possible de trouver un malthusien qui ne porte pas de ceinture, ni même de bretelles. Et je ne vois pas ce qui empêcherait un malthusien d’être célibataire ou veuf, ou moine. Pourquoi le malthusien devrait-il avoir une femme, et pourquoi ne pourrait-il pas être polygame, ou alors homosexuel, ou impuissant ou que sais je d’autre ? Et idem en ce qui con cerne l’ « anti-malthusien ». Quoi qu’il en soit je trouve rigolo ce besoin ou cette manie de voir le monde en binaire, de le peindre en noir et blanc. D’autant plus rigolo que cette tare transcende les partis, les étiquettes, les chapelles etc.

    – « Le seul moment réfléchi sur la question démographique résulte d’un entretien avec Olivier Rey  » (BIOSPHERE le 11 novembre 2015 dans sa critique de la revue Limite).
    Un moment réfléchi, tiens… serait-ce là une phrase réfléchie ? Réfléchir… au lieu de dire n’importe quoi… tiens, en voilà une bonne idée !
    Voici donc ce que dit Olivier Rey : « Ce n’est pas le nombre d’humains à lui seul qui change la situation planétaire. C’est le nombre combiné à la multiplication et à l’accélération des déplacements et à la diffusion de certains modèles de vie et de consommation… Encore une fois, ce ne sont pas les sept milliards d’humains sur la terre qui sont la source de nos difficultés actuelles, mais le couplage de ce nombre avec des modes d’organisation sociale et de consommation destructeurs. Un signe parmi d’autres de ce caractère destructif est que la multiplication des êtres, loin de promouvoir la diversité humaine, entraîne d’innombrables génocides culturels et uniformise… Je ne crois pas que les hommes doivent s’efforcer d’être le plus nombreux possible. Dans la Genèse, Dieu invite Adam et Eve à croître et multiplier. Mais à ce moment, l’humanité se résume à deux personnes. Dieu leur demande d’emplir la terre, non de la submerger et de la ravager… Quoi qu’il en soit, la terre étant de dimension finie, il est clair que le nombre des hommes ne saurait croître sans mesure sans entraîner de graves difficultés. »

    Oui mais voilà, le malthusien « pur et dur » risque fort de ne pas trouver son compte dans cette vision des choses, bien trop complexe. Et Olivier Rey sera con damné pour n’avoir pas fait une fixette sur le nombre. Et pour avoir maintenu cette hérésie :  » Encore une fois, ce ne sont pas les sept milliards d’humains sur la terre qui sont la source de nos difficultés actuelles. »

    1. Tout Malthusien sensé ou tout simplement écologiste sensé, parle de cette combinaison : le nombre et les modes de consommation; Et pas seulement de démographie. Les Malthusiens sont aussi capables d’appréhender la complexité..
      Pour revenir à ce texte de Marianne Durano, je suis toujours un peu choquée de cette attitude « après moi, le déluge » de ceux qui se disent écolos vertueux et essaient surtout de se construire une bulle hors du temps et de ce monde pourri . S’armeront-ils pour la défendre contre les plus pauvres, les moins chanceux? Dans ce cas, mieux vaut faire un 3ème enfant , il tiendra le 5ème fusil…

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