Fatih Birol et l’AIE contre la démarche Négawatt

Dans un rapport publié fin mai 2012, l’Agence internationale de l’énergie soulignait l’importance des impacts environnementaux du gaz de schiste : « Ce n’est pas un problème, c’est «LE» problème », indiquait Fatih Birol*. Pour cet économiste en chef de l’AIE, « les préoccupations environnementales ne sont pas un «lobbying» vert, mais un souci parfaitement légitime ». Poudre aux yeux, greenwashing ! Fatih Birol faisait croire que « divers procédés existent pour limiter ces émissions », mais il ne les précisait pas. Pourtant les problèmes environnementaux du gaz de schiste concernent aussi la consommation de quantités importantes d’eau, la pollution des nappes phréatiques et l’impact sur les territoires (le gaz de schiste requiert un puits au km2, contre moins d’un aux 10 km2 pour le gaz conventionnel) : un simple surcoût, pour Fatih Birol ! Le rapport n’analysait pas le coût de restauration des terrains : trop de coûts, donc moins de profit, donc on n’en parle pas.

Le 12 novembre, l’AIE publie à Londres son rapport 2012. Dans une interview donnée au MONDE**, Fatih Birol récidive, il promeut une stratégie de l’offre : « La future autonomie énergétique américaine est due au développement des technologies de pointe qui lui permettent notamment d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels comme le pétrole et le gaz de schiste. » Fatih Birol croit que la demande d’énergie va croître de plus d’un tiers d’ici à 2035, nulle mention dans son discours de la nécessaire sobriété énergétique. Pour lui, la « demande » se résume à la politique menée par Obama en faveur des biocarburants. Nulle remarque sur l’incompatibilité entre agrocarburants et nourriture, nul rappel du fait que le pic pétrolier est déjà dépassé. Pourtant l’AIE, dans son rapport annuel 2010, affirmait : «  La production de pétrole conventionnel a atteint son « pic historique » en 2006, elle ne le redépassera « jamais ». Quant aux renouvelables, Fatih Birol minimise : « La facture d’électricité des ménages augmente en raison du soutien aux renouvelables. Ce prix élevé de l’électricité sera un handicap de compétitivité et une ponction sur le pouvoir d’achat. » Il constate surtout que l’efficacité énergétique constitue un échec majeur des politiques publiques dans tous les pays : « Si aucun changement majeur n’intervient avant 2017, il sera impossible de tenir l’objectif d’une hausse maximale des températures de 2 °C d’ici à 2050. Concentrer les efforts sur l’efficacité énergétique permettrait de repousser l’échéance fatidique de 2017 à 2022. » La catastrophe est donc au mieux repoussée de cinq ans seulement !

Rappelons à Fatih Birol que la démarche négaWatt se décline en trois temps : sobriété, efficacité, renouvelables. Fatih Birol méprise les renouvelables, dit que l’efficacité a été un échec et ignore la sobriété. Il valorise les combustibles de stock (charbon, gaz, pétrole, uranium) au détriment des flux d’énergie, inépuisables puisqu’ils proviennent plus ou moins directement du Soleil. Fatih Birol est un théologien, croyant au mirage des gaz de schiste,  à l’image d’une société qui défend le niveau de vie dans les pays riches malgré la déplétion des énergies fossiles. Le choc pétrolier et gazier qui nous attend, gaz de schiste ou non, va donc être sanglant.

* Article paru dans l’édition du 30 mai 12, L’exploitation du gaz de schiste serait aussi nocive pour le climat que le charbon ; L’AIE prône des « règles d’or » pour encadrer la production

** LE MONDE du 13 novembre, « L’efficacité énergétique doit être une priorité pour les Etats »

1 réflexion sur “Fatih Birol et l’AIE contre la démarche Négawatt”

  1. Fatih Birol a parfaitement raison de dire que l’efficacité énergétique n’a pas marché jusqu’ici : les intensités carbones ou énergie de l’économie s’améliorent seulement de moins de 1% par an depuis 40 ans, et ce taux baisse.
    1% par an, c’est aussi l’amélioration de la productivité du travail… permise par l’énergie, et elle aussi en baisse.

    Reste donc la sobriété. Mais cette ci est récessive, et Birol ne pense pas que les sociétés démocratique puissent supporter les longues récessions. Un peu comme Rocard.
    On peut ne pas être d’accord (c’est mon cas), mais ça ne fait pas de Birol un théologien.

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