Faut-il encore emmener les enfants au ski ?

Alors que le ski a été inventé au XIXe siècle pour permettre à des alpinistes chevronnés d’accéder à des sommets enneigés, il est ensuite devenu un loisir de masse et de descente, dépendant des remontées mécaniques, des forfaits, des canons à neige, d’une infrastructure lourde, énergétiquement dispendieuse, et d’une artificialisation de la montagne. Et en plus aujourd’hui, il y a de moins en moins de neige ! Culpabilisons les skieurs sans conscience…

Cécile Cazenave : Sous l’effet du réchauffement issu des activités humaines, les Alpes ont perdu un mois d’enneigement en cinquante ans et la tendance va se poursuivre. Mais je suis déjà allée aux sports d’hiver et je sais l’euphorie que procure la beauté des cimes blanches. Me voici bien coincée sur le planter de bâton. Je ne suis pas la seule. « Une question que je me pose tous les ans depuis que ma première est en âge de tenir sur des skis est : faut-il vraiment encore apprendre à nos enfants à skier ? », s’interroge ainsi Coralie dans un courriel envoyé au Monde. Coralie vit en Suisse. Là où elle habite, les écoliers faisaient habituellement des sorties régulières au ski. « Ces après-midi n’existent plus. Nos petites stations, par manque d’enneigement, sont désormais fermées. Je suis effrayée par la vitesse du phénomène », note-t-elle. « Avec des canons à neige, une piste avait été tracée pour redescendre, c’était surréaliste, ce couloir blanc au milieu d’une montagne anormalement verte. Faut-il cautionner ça ? »

Le point de vue des écologistes hors piste

Tom tom : En 2020, 11 % des personnes âgées de 15 ans et plus résidant en France déclarent avoir fait du ski alpin au moins une fois au cours des douze derniers mois, soit environ 6 millions de personnes. Donc le problème n’est pas anecdotique.

Andrale : Le ski est un sport comme un autre. Un enfant peut éprouver du plaisir à pratiquer le judo, l’escalade ou la gymnastique. Il s’agit de pratiquer une discipline sportive nécessaire à un bon développement physique et mental. Pour les enfants qui aiment le ski, et bien quand il n’y aura plus de neige, ils feront autre chose. C’est quoi ce snobisme à considérer que le ski est  » une obligation de standing  » ?

Vieux : Pour profiter de l’aubaine enneigée encore quelques années, les stations n’ont qu’une seule option : s’adresser aux riches et ultra-riches. Faire de ce sport déjà très élitiste une activité réservée à quelques privilégiés prêts à payer très cher pour profiter de cette distinction. C’est déjà le cas, c’est anormal.

KonTiki : Faire 500 ou 1 000 km en voiture pour rejoindre une station, c’est absurde. Cela, il faut y renoncer pour le bien-être à venir .

Frog : En ce qui me concerne j’ai toujours considéré que les remonte pente, les barres d’immeubles années 70 et la foule entassée étaient des verrues sur des paysages magnifiques. En vertu de quoi mes enfants n’ont pas appris à skier et s’en passent très bien. Aimer le ski si on dit aimer la montagne, c’est un véritable contresens.

nicole l. : Ce n’est même pas l’éthique qui m’a fait arrêter le ski, je l’avoue. En fait, je m’ennuyais. Il n’y a quasiment plus de nature véritable. On se transporte sur les sommets avec des machineries qui gâchent le paysage et font du bruit, et on redescend, puis on recommence. Il y a un tas de monde qui fait la même chose. On mange mal dans des restos pleins à craquer. Tout coûte un bras, de la bouteille d’eau au forfait. Je me suis mise à envier mes parents qui montaient des pentes non damées, en pleine nature, avec les peaux de phoque, pendant des heures, sac au dos avec le sandwich et redescendaient avec un plaisir énorme, sans concours de vitesse, ni performance ni concurrence de dénivelé fantastique, mais avec le plaisir de l’effort et d’une journée au grand air entre amis.

Rccbb : J’ai 67 ans, je skie depuis l’âge de 10 ans, j’ai initié mes enfants 44 et 41 ans… mais mes petits-enfants ne skient pas. Je mourrai avec le sentiment d’avoir vécu une parenthèse spatio-climato-temporelle.

Alain Giraudo : Puisque c’est « la route des vacances » qui aggrave le bilan carbone des familles aussi bien à la mer ou la montagne, je propose qu’on supprime les congés payés.

Irai : Poussons le raisonnement plus loin: Faut-il faire des enfants ? Car même si ils ne vont pas au ski il est trés probable qu’ils aient déjà un smartphone et qu’ils voudront prendre l’avion…

Gaspard : Faut-il continuer à respirer ? Parce que quand on expire, on recrache du gaz carbonique qui réchauffe la planète.

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La culpabilité gagne les skieurs sans neige

extraits : L’anxiété provoquée par les manifestations concrètes du dérèglement climatique en montagne s’est insidieusement installée dans mon quotidien d’athlète. « Pour skier, je dois monter de plus en plus haut. Chaque hiver, les chutes de neige se font de plus en plus rares .» La fonte des glaciers trouble mes aspirations : «  Aujourd’hui, je vois tous les jours les signes de détérioration des glaciers… Je me sens égoïste de continuer à pratiquer mon sport…. (Victoire Radenne)

Covid-19, l’oraison funèbre du « tout-ski »

extraits : Victoire, les pistes de ski resteront fermées jusqu’en janvier. La phrase du premier ministre Jean Castex nous a mis en joie : « Il sera loisible à chacun de se rendre dans ces stations pour profiter de l’air pur de nos belles montagnes ; toutes les remontées mécaniques et équipements collectifs seront fermées au public. (26 novembre 2020) » Le Covid-19 aurait du nous apprendre à distinguer entre l’essentiel et le superflu et à abandonner les « stations de ski ». De toute façon le réchauffement climatique nous condamne à éviter tout ce qui dégage inutilement des gaz à effet de serre, à commencer par les flux touristiques vers une montagne plus ou moins enneigée et les canons à neige comme piètre substitut aux cycles de la nature….

De la neige hélitreuillée pour skier

extraits : Même la ministre de l’écologie réagit : « Enneiger des stations de ski par hélicoptère n’est pas une voie possible. » Le directeur du syndicat mixte à Luchon-Superbagnères, conscient que ce n’est pas hyper écologique, se défend : « C’est vraiment exceptionnel, on n’a pas eu le choix cette fois-ci. » C’est en fait la faute du conseil départemental de Haute-Garonne qui sait calculer le bon rapport coût/bénéfice : « En termes de retour sur investissement, il faut multiplier au moins par 10 ». Les skieurs sont contents et 50 à 80 personnes vont pouvoir travailler grâce à cette opération aérienne….

Des vacances de Noël sans chausser les skis

extraits : La Biosphère espère que vous allez passer un bon Noël sans skis. On ne peut en effet maintenir la montagne « propre » quand on y multiplie les immeubles et les remonte-pentes. Ce n’est pas un loisir qui préserve la Biosphère que de déplacer des citadins en mal d’air pur vers de lointaines destinations où on va recréer la ville et poursuivre des activités sans intérêt. Mais le greenwashing règne dans tous les  domaines. On veut dorénavant vendre la destination neige en l’inscrivant sur le registre du développement durable ! L’office de tourisme d’Avoriaz avait installé un « corner environnemental » qui invite à calculer son empreinte écologique….

Ski : le consumérisme touristique, c’est fini

extraits : En 2018, j’étais au Pla d’Adet dans les Pyrénées, arrivé en covoiturage, refusant toute remontée mécanique, descendant en raquettes à Saint Lary, quasiment seul sur l’étroit sentier neigeux, au milieu du silence vertigineux et des sapins ployant sous le poids de la neige. Le plaisir physique et l’éloge de la lenteur. Mais n’est-ce pas déjà trop que de faire 300 kilomètres pour un plaisir solitaire même s’il est partagé à deux couples ?….

5 réflexions sur “Faut-il encore emmener les enfants au ski ?”

  1. Un commentateur : « Les stations de ski font le plein, elles peuvent donc encore augmenter les prix et donc investir dans plus de canons, de remontées etc. Qu’est-ce qui est anormal ? »

    Le ski de masse pour le loisir n’est qu’un des nombreux secteurs où l’anormalité règne. Les critères d’un comportement social normal, c’est entre autres de savoir s’il peut être généralisé à tous, s’il respecte la nature et s’il est durable dans le temps. Or le ski ne peut être qu’à la portée d’une minorité car l’espace et les possibilités géographiques manquent. D’autre part une montagne urbanisée n’est plus une montagne. Enfin le réchauffement climatique est favorisé par la pratique du ski, ce qui entraîne moins de neige pour plus de sportifs du dimanche ; un cercle vicieux insoutenable, donc anormal.

    1. Esprit critique

      Merci Biosphère pour cette réponse, et donc pour l’intérêt que vous portez à ce que je raconte. 😉 Pour moi la question de savoir ce qui est normal, ou au contraire anormal, est quelque peu… biaisée. Une question piège, si vous préférez.
      La politique commerciale des stations de ski n’est ni plus ni moins que la politique, et la logique, du Système. Et c’est bien sûr la même que nous retrouvons ailleurs, pour ne pas dire partout. Derrière la fameuse démocratisation du ski (plus généralement des loisirs, du Tourisme, de la Bagnole, de l’Avion etc.) nous retrouvons toujours le Business, le Pognon, la Croissance et ce tout aussi fumeux Développement. Avec bien sûr toutes les conséquences que nous savons, et pas seulement sur l’environnement. Un cercle vicieux en effet.

  2. Sans aucune hésitation, pour moi la réponse est N0N !
    En 1974 René Dumont clamait : « La voiture, ça pue, ça pollue et ça rend con »
    En février 2011 Catherine Thumann (La Décroissance) écrivait : « Le ski ça pue, ça pollue et ça rend con ». J’en suis d’ailleurs la Preuve vivante. 🙂
    Précisons que l’invention du ski remonte à 4 000 ans avant J-C, qu’il n’a pas spécialement été inventé pour pouvoir déconner toujours plus vite et toujours plus haut, mais tout simplement pour pouvoir se déplacer sur la neige. C’est l’alpinisme, défini comme pratique sportive d’aventure ou de loisirs, qui apparaît au 19e siècle. Quant au ski, dit alpin, ou de piste, il se démocratise (comme ON dit) dans les années 60. Avec le développement du tourisme de masse. (à suivre)

    1. (suite) Le ski de piste est une activité de petits bourgeois. Ou alors de locaux qui vivent quasiment au pied des pistes. Pour les autres, Parisiens, Lyonnais et autres Bordelais… entre le trajet en bagnole, en train ou en car, voire en avion comme Macron… l’hébergement, la restauration, le matériel et les billets pour les remontées… là c’est sûr il faut de la thune !
      En 2022 une enquête Ipsos révélait que 53% des Français ne vont jamais au ski, 34% n’ont jamais chaussé de ski de leur vie.
      – Les sports d’hiver en France n’arrivent toujours pas à se démocratiser (rfi.fr)

      Ceci dit les dits sports d’hiver ne se limitent pas au ski de piste. Le vacancier, le touriste, comme l’habitant du coin, peut aussi chausser des skis de fond, ou de randonnée, ou encore des raquettes. Ou tout simplement des Moon Boots.
      La question est alors : Faut-il encore emmener les enfants à la neige ?
      Voire faut-il encore emmener les enfants à la montagne ?

    2. esprit critique

      Le commentaire de Vieux est pertinent. C’est vrai que même en habitant au pied des pistes, plus de 50 euros le forfait journalier… pour une famille modeste c’est hors de prix.
      Plus que jamais la politique commerciale des stations s’adresse en effet aux riches et ultra-riches (ceux que j’appellent petits-bourgeois). Là où je ne suis plus trop d’accord avec ce Vieux, c’est quand il conclut que c’est anormal.
      Qu’est-ce qui est anormal ? Malgré ces tarifs les stations font le plein, et affichent même des records. Elles peuvent donc encore augmenter les prix… se faire encore plus de Pognon… et ainsi investir dans plus de canons, de remontées etc.
      Qu’est-ce qui est anormal ?

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