Fin de vie, le débat en Charente

D’un côté Alliance Vita, association du mouvement « pro-vie » en France, qui milite contre l’avortement et l’euthanasie. De l’autre l’ADMD, association pour le droit de mourir dans la dignité, un groupe de 400 adhérents en Charente. Voici leur controverse.

Alliance Vita : Les personnes s’inquiètent, derrière l’aide à mourir se cache l’euthanasie.

ADMD : Tous les sondages indiquent que 90 % des Français sont pour une évolution de la loi. C’est transpartisan. C’est avant tout une nouvelle liberté. Pour moi (Jean-Michel Nivet), c’est un nouveau droit, pas une obligation. Cela n’enlève rien à celui qui n’est pas d’accord. Je (Josette Avril, 80 ans) revendique depuis toujours, au nom de la liberté individuelle, le droit de faire ce que je veux de mon corps : « Comme les pro-IVG, je revendique la même chose pour mourir. On m’oppose la religion, l’éthique, je respecte. Moi je revendique le droit au suicide assisté. »

Alliance Vita : Le problème, c’est le manque de soins. Une personne sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs. La priorité, c’est le soin. Je (Cédric Humann) souhaite que les personnes puissent partir de leur mort naturelle sans souffrir.

ADMD : Sur les soins palliatifs, sur la nécessité de développer les moyens, il n’y a pas de débat à avoir. Un plan de développement aurait été suffisant. Moi (Josette Avril) je n’en veux pas des soins palliatifs. J’avais une copine dont la mère venait de mourir. Un AVC l’avait laissé légume. Elle n’avait pas remplie de directes anticipées. Elle a vécu quatre ans de calvaire. Mon copain est mort de la maladie de Charcot. Horrible !

Alliance Vita : On meurt mal en France.

ADMD : On ne meurt pas de gaieté de cœur, mais cela n’empêche pas le droit au suicide assisté.

Alliance Vita : La méthode légale de la sédation profonde n’est pas assez connue. Attention à l’émotion.

ADMD : La sédation profonde et continue, celle qui consiste à cesser d’alimenter le malade, c’est hypocrite. Je (Jean-Michel Nivet) considère ça presque comme de la torture. On sait qu’il ne se réveillera plus, mais on ne sait pas quand. »

Alliance Vita : On ne souhaite pas que le droit à mourir devienne le devoir de mourir. Les barrières finiront toujours par sauter les unes après les autres. Quid de l’euthanasie des sans-abris ou d’ouvrir comme en Belgique le suicide assisté aux jeunes de 17 ans.

ADMD : Jean-Michel Nivet a vécu depuis son adhésion à l’ADMD en 1996 la caricature : « Vous voulez euthanasier tout le monde. » La loi en France ne concernera que les majeurs français, atteintes d’une maladie incurable avec une souffrance réfractaire, en phase avancée ou terminale.

Alliance Vita : On regrette le manque de collégialité, un seul médecin suffirait pour décider.

ADMD : Selon un sondage IFOP, 74 % des médecins sont d’accord avec l’aide à mourir si l’encadrement est bien clair, si l’on ferme la porte aux dérives. Mais il y a encore un antagonisme marqué chez les proches des milieux catholique. Josette Avril réagit : « On accepte que les autres puissent avoir des idées autres, mais c’est pas Dieu qui décide. C’est moi. »

Alliance Vita : L’interdiction de tuer devrait rester un verrou. Nous préférons parler de fraternité.

ADMD : On espère que le débat législatif actuel va déboucher sur une loi de liberté, de fraternité, de laïcité. « Est-ce que ma mort m’appartient ou pas, telle est la question », estime le député LFI René Pilato. On estime à 2000 par an les euthanasies clandestines. Le droit à choisir sa mort, c’est l’ultime liberté. Aujourd’hui seulement pour ceux qui ont les moyens de se rendre en Suisse !

Alliance Vita : Ne précipitons pas cette question de fin de vie.

ADMD : Le délégué départemental en Charente de l’association ADMD attend cette loi depuis des années. Le sénateur Henri Caillavet était l’auteur le 6 avril 1978 d’une proposition de loi relative au droit de vivre sa mort. On ne peut donc pas dire que le débat actuel au Parlement ait été « précipité ».

source : Charente Libre (23 mai 2025, page 3)

5 réflexions sur “Fin de vie, le débat en Charente”

  1. Le modèle belge d’aide à mourir est, pour les uns, la preuve d’une pente glissante inévitable, pour les autres, le modèle à suivre. J’y suis allée avec mon regard de bénévole. En France, le débat est pris dans un conflit d’autorités qui s’affrontent et de pensées idéologiques déconnectées du vécu des personnes malades. La Belgique n’échappe pas aux antagonismes philosophiques et religieux. Mais ils se vivent sans entraver le chemin des malades vers la solution de fin de vie qu’ils souhaitent. L’euthanasie y est un mot du langage commun, une manière de mourir devenue familière. Certains prêtres réalisent un rituel d’adieu auprès des personnes sur le point de recevoir l’ultime soin. En bruit de fond, on entend ici et là que la légalisation de l’euthanasie aurait affaibli les soins palliatifs en Belgique. J’ai observé le contraire. Croire aussi que les soins palliatifs font disparaître toutes les demandes d’euthanasie, c’est un mythe. (à suivre)

    1. (suite et fin) Dans les Ehpad belges, comme dans les unités de soins palliatifs (USP), des euthanasies sont pratiquées. L’humanité, au cœur même du modèle d’accompagnement, impose parfois de dépasser certaines réticences philosophiques.
      Rares sont aujourd’hui les structures qui refusent encore collectivement l’euthanasie en leur sein – elles s’exposent à des condamnations judiciaires. Pour ses médecins, la Belgique met en pratique la clause de conscience en bonne intelligence. Les euthanasies pour souffrances psychiques restent rarissimes et concernent des patients ayant fait l’objet de multiples expertises.

      La Belgique a accepté l’idée que, face à la mort, personne n’a à imposer sa vérité à l’autre. Il n’y a pas de sens à choisir entre soins palliatifs et aide à mourir, on peut faire coexister des convictions diverses sans les imposer.

  2. esprit critique

    Les arguments des uns comme des autres sont connus et archiconnus. Quel intérêt y a t-il à opposer deux familles aussi radicalement opposées ? Si ce n’est pour vendre du papier (Charente Libre), je ne vois pas ce que cette “controverse“ apporte à l’intelligence collective.

    1. « esprit critique », comme ton pseudo l’indique, la critique vient après l’esprit.
      Car pourquoi éviter le résumé de l’opposition frontale qui compare les positions de l’association pour le droit de mourir dans la dignité et celles d’une officine catho (fondée par Christine Boutin). La démocratie repose sur le libre débat. La Charente Libre avait fait deux articles distincts, évitant la confrontation directe. Nous avons préféré réaliser un montage, avec les arguments point par point pour mieux permettre au lecteur de juger par lui-même où se trouvait l’expression de l’intelligence collective.

  3. Les députés se sont prononcés le 27 mai par 305 voix pour et 199 contre, avec 57 abstentions… pour inscrire dans la législation française un nouveau droit à l’aide à mourir. Aucun groupe parlementaire n’a voté de façon unanime pour ou contre le texte, à l’exception des seize députés ciottistes de l’Union des droites pour la République, qui s’y sont tous opposés.

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