François de Rugy, adepte d’une écologie superficielle

François de Rugy n’était pas candidat pour la mission suicide qu’on appelle « ministre de l’écologie ». Mais il sera un bon missionnaire macroniste, admiratif du bilan « extraordinaire » de la période Hulot alors que l’intéressée lui-même a démissionné pour manque de résultat ! De Rugy trouve que « promettre du sang et des larmes est un discours démotivant pour les citoyens ». Comme il n’est pas partisan du « noir c’est noir », il veut nous faire le coup de « l’écologie positive ». On retrouve là les propos de Ségolène Royal  sur l’écologie punitive ; or une transition écologique assumée demande nécessairement beaucoup d’efforts de la part de nous tous, comme si nous étions en temps de guerre. Oui, nous faisons effectivement la guerre à la planète ! De Rugy se contente de revendications minimales en matière de mobilité, « donner l’avantage aux transports du quotidien plutôt qu’aux investissements dans des infrastructures nouvelles », ce qui inclut pour lui la voiture électrique ! Il écoutera d’une oreille attentive les positions des chasseurs et recherchera des « solutions partagées » (par eux). Il ne veut rien dire de l’affirmation de Nicolas Hulot sur l’imminence et l’irréversibilité de la crise écologique, il se contente d’un « Il reste beaucoup à faire ». Il n’a rien contre les lobbies, ce qui augure de la suite, pro business : «  On parle de lobbys, mais l’expression est un peu réductrice, je préfère parler d’intérêts. On peut tenir compte de leurs contraintes… » Il validera le projet minier de la Montagne d’or, en Guyane, quand « le projet sera revu de fond en comble ». A demi-mot, François de Rugy pense que les déterminants économiques et financiers l’emportent sur les éléments de biodiversité et de pollution. Quand il dit que « l’écologie et l’économie marchent la main dans la main, c’est dans tous les sens du terme, y compris que l’écologie permet de faire des économies », l’écologie est bien pour lui dépendante de l’économique. Bientôt il va croire comme Macron que le nucléaire est une énergie d’avenir « puisqu’il faut sortir de la guerre de religion » et tenir compte des données économiques. Il ne dit rien bien entendu sur le coût du démantèlement et de l’avenir des déchets nucléaires. Seule certitude pour lui, «  il faudra arrêter d’autres réacteurs que Fessenheim » et qu’EDF « fasse la démonstration que l’EPR fonctionne et reste compétitif au niveau des coûts ». Ces détails disparaîtront quand il faudra faire un arbitrage !

Mais arrêtons-nous sur cette phrase de Rugy qui pose le fond du problème : « Il y a tellement de gens qui adorent quand les écologistes sont très radicaux, marginaux et minoritaires. Le conservatisme et la radicalité sont les deux faces de la même médaille, celle de l’impuissance et de l’inaction. Ce que je veux, c’est une écologie qui agit. » En disant cela, de Rugy se place du côté de l’écologie superficielle à l’encontre des vrais sensibilités qui optent pour l’écologie profonde. Précisons :

La notion d’écologie profonde, introduite par le philosophe norvégien Arne Naess au début des années 1970, permet de se différencier d’une écologie superficielle, du type capitalisme vert ou croissance verte, sans oublier toutes les formes de greenwashing. C’est cette forme d’écologisme « non extrémiste », qui permet de continuer le « business as usual », qui constitue en fait un véritable extrémisme puisque cela nous amène à surexploiter la planète en toute bonne conscience. C’est une position politique conservatrice radicale (que certains appellent ultralibérale) qui a abouti à la religion de la croissance et qui nie le fait que tous les indicateurs sont passés au rouge, que ce soit au niveau financier, social ou écologique. Pour nous, écologistes profonds, il ne s’agit pas de croyance quant à la dévastation planétaire, mais de faits avérés, par exemple : l’endettement colossal des États les plus riches, ce qui est déjà un véritable paradoxe. La crise des subprimes qui démontre que la classe globale (qui se permet d’avoir un véhicule individuel) vit à crédit. Le chômage structurel et massif qui s’est installé dans les pays pauvres comme dans les pays riches. Le réchauffement climatique qui va faire ses effets sur la longue durée. Le pic pétrolier déjà dépassé qui nous fait envisager l’inéluctabilité d’un choc pétrolier à plus ou moins court terme. La perte de biodiversité qui commence à être bien documentée. Etc, etc. La distinction faite par Naess entre profond et superficiel est politique et porte principalement sur la différence que crée le fait d’accepter ou non de changer profondément nos modes de vie comme notre manière de pensée. Naess a proposé cette distinction en pensant aux récupérations dont l’écologie serait de plus en plus l’objet dans le futur, type Macron/Rugy. Notre travail de blogueur pour la défense de la biosphère peut être considéré comme une version quotidienne de la deep ecology.

(citations extraites du MONDE du 11 septembre 2018, François de Rugy : « Il faut sortir de la guerre de religion sur le nucléaire »)

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