Futur, il sera à l’image de notre passé !

L’histoire est cyclique, au niveau des civilisations comme au niveau des destinées. Dans ma famille, nous étions tailleur de père en fils depuis des générations, au moins depuis la révolution française. Des ciseaux, du fil et une aiguille permettaient de fabriquer des vêtements. Mon père était donc tailleur comme son père, comme mon oncle, au travail à 14 ans. Mais l’industrialisation et le prêt à prêter ont donné un coup d’arrêt à cette stabilité professionnelle intergénérationnelle. J’ai été obligé de devenir un « intellectuel », l’explosion du secteur tertiaire créant l’emploi. Mon frère a passé son CAP d’apiéceur et il s’est tourné vers l’industrie du prêt à porter. Devenu cadre, la fabrication de vêtements s’est délocalisée avec son aide en Tunisie puis au Vietnam. Il y a instauré le travail à la chaîne dans une fabrique textile, une grosse pile de tissus coupée instantanément au laser… L’usine de Besançon où il avait commencé à travailler n’avait plus d’ouvriers. Les emplois disparaissent en France et nos générations présentes sont contemporaines du chômage de masse… La révolution thermo-industrielle nous a fait aboutir à une impasse. On croirait que les humains se sont réunis en société non pour assurer leur bonheur, mais pour produire à meilleur marché des voitures de métal, des tissus artificiels… et du chômage. Voici quelques éléments d’un scénario [Joël de Rosnay, Le macroscope, vers une vision globale (Seuil, 1975)] qui préfigurait notre avenir.

– L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).

– L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».

– A la différence des sociétés industrielles structurées « du haut vers le bas », l’écosociété s’est construite du « bas vers le haut ». A partir de la personne et de sa sphère de responsabilités : par la mise en place de communautés d’utilisateurs.

– La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1970. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.

– Alors que la maîtrise de la mégamachine, sécrétée par les sociétés industrielles, exigeait une sur-éducation, l’enseignement de l’écosociété est considérablement réduit. Il est à la fois plus global, plus pratique et plus intégré à la vie.

– Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.

L’histoire est cyclique, le passé nous servira d’exemple. Une croissance économique exponentielle se termine toujours par une forte récession économique, une complexité trop grande d’une civilisation prépare son effondrement. D’ici à 2050, la synergie des crises énergétiques, alimentaires, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du mode de vie à l’occidentale et une (r)évolution du monde du travail. Les générations futures redeviendront artisan ou paysan. Moins de machines, plus d’emploi. Retour aux ciseaux, à l’aiguille et au village. Si on ne naît pas tailleur, on peut le (re)devenir. Notre passé sera notre avenir.

(extraits de « On ne naît pas écolo, on le devient », Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre)

3 réflexions sur “Futur, il sera à l’image de notre passé !”

  1. Je pense moi aussi que les générations futures reviendront artisan ou paysan, je pense que les métiers de demain ne sont pas ceux qu’on nous raconte et vers lesquels on pousse ou attire les jeunes.
    Certes, pendant encore un certain temps… et bien malin celui qui pourrait dire combien… on aura besoin d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs pointus pour concevoir, construire et réparer toute cette quincaillerie high-tech. Et pour écouler tout ça, pour continuer à faire tourner la Machine… tant qu’elle pourra tourner … on aura toujours « besoin » de gens pour « bosser » dans la pub, et de vendeurs, bien formés, capables de vendre des frigos aux esquimaux.
    Puis nécessité oblige, viendra le temps où toutes ces machines seront redevenues comme avant, simples et faciles à réparer. L’obsolescence programmée sera alors inconcevable et enfin pensée comme une aberration. Comme avant, les machines seront conçues sur l’idée de ce lave-linge qui devrait durer 50 ans (baptisé « l’Increvable »), et qui commence déjà à faire parler de lui, les bagnoles seront conçues sur l’idée de la Ford T, « increvable » elle-aussi.
    Puis reviendra le temps des chariots à bras, de la traction animale et de la marine à voile. On reverra des lavandières pousser leur brouette pour aller au lavoir communal, des maréchaux-ferrants, des forgerons, des charpentiers de marine… dans les champs on verra tout plein de bineurs et de faucheurs, en ville des vitriers, des cordonniers, et des tailleurs… il n’y aura plus de chômeurs.
    Mais bien sûr, personne ou presque ne veut y croire, à cette prévision là, et pour cause, elle ne fait pas du tout rêver. Alors pour se rassurer, on dira qu’on n’arrête pas le Progrès, et puis qu’on ne peut pas revenir en arrière ! Hi han hi han !
    En attendant… les « bons » parents n’encourageront jamais leur très cher bambin, aussi brillant soit-il, à devenir maréchal-ferrant, ou tailleur. Parce que pour eux la réussite ce n’est pas ça. La réussite c’est la Rolex à 50 balais !

  2. Didier Barthès

    Bonjour Baumgmartner

    Oui c’est fort probable, ça va être plutôt brutal. quand je pense que ce sont ceux qui se seront préoccupés du problème qui auront été traités d’anti-humanistes, l’ironie sera savoureuse quoique brutale aussi.

  3. Est ce possible ?
    Il me semble que nous sommes comme des poulets de batterie , avons nous encore la vitalité , l intelligence pour vivre en dehors de notre poulailler industriel ?
    Si il y a reflux de la société industriel , il y aura un gros reset démographique via la sélection naturel .

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