Idées-forces de Science and Survival (Barry Commoner)

Parmi les penseurs qui jalonnent le passage de la science écologique à l’écologie politique, il faut retenir les noms de Fairfield Osborn (1948), Rachel Carson (1962) et Barry Commoner (1966). ce dernier obtint une maîtrise et un doctorat en biologie. Mais il fut marqué par la multiplication des essais d’armes atomiques dans l’atmosphère. Dès 1958, Barry lança le comité de Saint-Louis pour l’information nucléaire. Il est à l’origine du traité de Moscou qui, en 1967, interdit les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère et sous l’eau. Il s’attacha en effet à prouver la nocivité des retombées radioactives en s’intéressant au strontium 90, qui se fixe dans les squelettes en croissance des enfants. En moins d’un an, son comité a récolté plus de 200 000 dents de lait qui confirmèrent les soupçons. Voici quelques idées-clés de son livre de 1966, Science and Survival.

Depuis la seconde guerre mondiale, la science et la technologie sont devenues hors contrôle. Leurs développements, non seulement militaires mais aussi industriels, menacent la survie même de l’espèce humaine. Il incombe aux scientifiques d’alerter l’opinion publique sur les dangers encourus, mais les décisions incombent aux instances politiques. La panne générale d’électricité qui plongea dans l’obscurité le nord-est des États-Unis en novembre 1965 montre par exemple la possibilité de défaillances en chaîne des dispositifs sophistiqués. Il existe aussi une disparité entre les sciences physico-chimiques et l’infinie complexité de la biosphère ; l’ascendant de l’idéologie arrogante véhiculée par la biologie moléculaire marque en particulier cette disparité. Les conséquences pour notre quotidien s’aggravent au fur et à mesure que nos sociétés deviennent tributaires des sciences et des techniques, donc au fur et à mesure qu’elles s’industrialisent. Barry Commoner en donne comme premier exemple (en 1966!) l’accroissement du taux de l’air en CO2, dû principalement à la combustion d’énergies fossiles : « La température terrestre ne va pas manquer de s’élever à mesure qu’augmente le taux de gaz carbonique dans l’air. La combustion des carburants engendrera peut-être des inondations susceptibles d’immerger la surface terrestre pendant des siècles. » Par ce livre de 1966, Barry est l’un des premiers à avoir alerté l’opinion publique sur la pertinence des mesures d’accroissement du CO2, entamées par C.D.Keeling à Hawaï dès 1958.

Sa pensée reste catastrophiste comme l’illustre ce passage du dernier chapitre de Science and Survival (Quelle Terre laisserons-nous à nos enfants) : « Les effets cumulatifs des polluants (y compris le CO2), leurs interactions, et l’amplification de ces dernières, peuvent être fatals à l’édifice complexe qu’est la biosphère. Et parce que l’homme dépend lui aussi de ce système, je crois que si cette pollution continue sans contrôle, elle finira sans doute par détruire l’aptitude de notre planète à favoriser la vie. »

source : Ivo Rens, Entretiens sur l’écologie (de la science au politique) aux éditions georg 2017