initiatives citoyennes pour une véritable transition

Le mouvement des villes ou initiatives de Transition s’étend comme une traînée de poudre à travers le monde. Fin 2011, on compte 382 initiatives officielles et 458 initiatives démarrées, sans compter les initiatives naissantes…

Ce mouvement vise à conscientiser les citoyens à propos de la nécessité de diminuer nos consommations énergétiques et d’agir collectivement pour prendre à bras le corps le double problème incontournable de la dépendance au pétrole et du changement climatique. Les acteurs des initiatives de Transition recherchent un mode de vie nouveau, relocalisé, inspiré du passé (mais sans en faire l’apologie) et tourné vers l’avenir, au travers de visions prospectives qui mobilisent l’imaginaire et fixent notamment des Plans d’action de descente énergétique (PADE). La démarche de la Transition est positive, ce qui favorise l’adhésion de nombreux acteurs, y compris les entreprises. Des outils de facilitation visent à augmenter l’efficacité des réunions. Enfin, le mouvement de la Transition s’est très vite renforcé autour d’un réseau très performant qui inspire, relie, encourage, soutient et entraîne les collectivités engagées dans le mouvement.

Limite 1 : un public restreint

Les préoccupations environnementales du mouvement des initiatives de Transition constituent des sujets peu intégrés par le citoyen lambda. Le public engagé dans ces initiatives est une population post-matérialiste travaillant davantage à temps partiel et plus diplômée que la moyenne de la population. Profil-type d’une initiative : une petite ville de moins de 10 000 habitants, qui abrite des citoyens et des élus sensibilisés aux enjeux écologiques. Il est interpellant de noter que Totnes, berceau historique du mouvement, est une ville de 7 700 habitants impliquée dans le développement d’activités économiques durables, accueillant l’université alternative Schumacher College et abritant une communauté alternative new age … Profil peu courant !

Limite 2 : un financement aléatoire

Aucune subvention ne constitue un appui financier permanent et structurel. Or, il est évident que ces moyens financiers sont une des conditions indispensables à la pérennité d’un tel mouvement à long terme.Les initiatives ne refusent pas d’aide financière des entreprises privées, pour autant qu’elles participent au mouvement de relocalisation de l’économie.

Limite 3 : contribution nécessaire des gouvernements

Rob Hopkins souligne le fait que des mécanismes nationaux et internationaux devront impérativement être mis en place. À l’échelle internationale, il faudra des protocoles internationaux forts sur le changement climatique, l’application du scénario de contraction et convergence, un moratoire sur la production de biocarburants, un protocole sur l’épuisement des ressources pétrolières, le « repensement » de la croissance économique et la protection de la biodiversité, etc. Mais il fau­dra également faire bouger les choses à l’échelle nationale. Nous aurons besoin d’une législation forte sur le changement climatique, des quotas d’émissions carbones personnalisés, d’une stratégie nationale sur la sécurité alimentaire et de la dévolution de pouvoirs aux collectivités locales.

Rob Hopkins pense que « les réponses nationales et internationales sont plus probables dans un environnement où les réponses des collectivités locales sont nombreuses et enthousiastes». Le mouvement devrait générer des forces de changement ascendantes, depuis les groupes de citoyens, vers les entreprises, les organisations et enfin les institutions gouvernementales. Mais les institutions nationales ou internationales peuvent très bien être des obstacles à la relocalisation de l’économie ! La relocalisation est par exemple proscrite par les lois de l’Organisation mondiale du com­merce (OMC) et contraire à la politique économique de l’Union européenne, basée sur la libre circulation des biens.

Limite 4 : difficulté du changement comportemental

De plus en plus de gens ont atteint l’étape [1] de la reconnaissance de la nécessité de changer (précontemplation). Mais la phase [2] de contemplation équivaudrait à imaginer nos futurs sans pétrole avec créativité et envie. L’action [4] et la consolidation [5] du changement de comportement sont encore improbables. Les biens matériels et les services sont enchâssés dans la structure culturelle de nos vies. À travers eux, on satisfait nos besoins, on communique à propos de notre identité… Dès lors, changer les comportements nécessite d’agir sur tous les volets (psychologiques, sociaux, normatifs, …) qui leur sont associés. Tâche immense et tellement complexe.

Limite 5 : une vision prospective encore floue

Rob Hopkins demande aux citoyens de tracer les contours d’une société future « décarbonisée », relocalisée, conviviale et résiliente. Cette pensée positive aurait le pouvoir de nous faire imaginer, espérer un futur abondant, sobre en énergie, moins stressant, plus heureux et plus prospère. Elle diminuerait le découragement inhérent à la crise protéiforme actuelle.  Cette pensée positive valorise les possibilités de chacun plus qu’elle ne fustige le système. Néanmoins, ces exercices semblent trop abstraits, et surtout trop déterminés par le présent. Ces visions doivent franchir le cap des « robinsonnades » théoriques inopérantes. Il faut aussi fournir des occasions d’action plus « tangibles ».

Une piste néanmoins très intéressante

Le mouvement comporte certaines limites. Malgré tout, le mouvement reste très prometteur. Prendre conscience des problèmes qu’engendreront ces limites, c’est déjà faire un pas vers leur résolution. Mais le temps presse et la Nature n’attend pas. Le mouvement de la Transition saura-t-il se consolider à temps et construire un mouvement citoyen de résilience à la portée politique performante ?

Simon de Muynck