Jane Goodall à l’heure du chimpanzé humain

A 85 ans, l’éthologue et primatologue Jane Goodall aime encore nous raconter des histoires*:

« En 1957, aucun zoologiste ne faisait d’observations de terrain . Les animaux sauvages n’étaient connus qu’en captivité. Il n’y avait aucune méthode scientifique que je pouvais suivre. Je devais gagner la confiance des primates. Ils n’avaient jamais vu de singe blanc comme moi, dit-elle en riant. Au bout de quatre mois, je n’avais toujours pas fait d’observations majeures.U n jour, je voit le singe alpha se servir d’une tige pour attraper des termites pour son déjeuner. Une révolution ! On pensait alors que l’outil était le propre de l’homme. Or les animaux étaient dotés de la même capacité à se servir d’outils dans leur vie quotidienne. Nous faisons partie du règne animal. Nous avons tellement en commun biologiquement et en termes de comportement. Nous devons accepter le chimpanzé comme humain. » Jane Goodall relève toutefois une différence qu’elle pense majeure entre l’homme et les primates : « C’est la progression explosive de notre intellect. Si nous sommes capables d’envoyer une fusée sur Mars, nous pouvons trouver des solutions aux problèmes de la planète. »

En 1965, la National Geographic Society accepte de lui financer une nouvelle mission, à condition de pouvoir filmer et photographier la chercheuse dans la forêt primaire : « J’ai fini par accepter le fait qu’il y avait deux Jane : celle qui vous parle, et l’icône qui a été créée à la fois par le National Geographic et par les choses inhabituelles que j’avais faites. Je n’avais pas demandé cette médiatisation, je ne l’avais pas voulue. Mais à un moment, j’ai réalisé que je pouvais m’en servir. »

En 1986, la primatologue prend un nouveau virage : alors qu’elle se rend à une conférence d’éthologues à Chicago, aux Etats-Unis, elle est submergée par les constats alarmants sur l’état des forêts tropicales dans le monde. « Je me suis rendue à cette conférence en tant que scientifique. J’en suis repartie en tant qu’activiste. »

« Je sais que chaque année il me reste un peu moins de temps pour vivre. Alors j’essaie chaque année d’en faire un peu plus. Je ne me battrais pas si je ne pensais pas que cela pouvait faire la différence. Et même si à la fin j’échoue, je mourrai en me battant. »

« Je me soucie passionnément de l’environnement, je me soucie passionnément des enfants. Et plus les perspectives sont sombres, plus je suis déterminée »

« Les jeunes sont la principale raison de mon optimisme. Ce n’est pas qu’ils peuvent changer le monde. Ils sont en train de changer le monde. 

« En lui donnant un peu de temps, et parfois un peu d’aide, la nature peut regagner la place qu’on lui a volée. »

Sur ce blog biosphere, le point de vue global de Jane : « Si nous tenons à notre avenir, il y a trois problèmes majeurs en apparence insolubles que nous devons absolument surmonter. Le premier est la pauvreté. Si vous êtes très pauvre et vivez dans une région rurale, vous êtes forcé de détruire votre environnement – vous devez cultiver davantage de nourriture, ou fabriquer du charbon de bois. Deuxième problème – et le plus difficile à résoudre : nous devons lutter contre le mode de vie consumériste de tous ceux qui ne sont pas les plus pauvres. Nous avons à notre disposition bien plus de choses que ce dont on a besoin. Enfin, il est impératif de réduire le taux de croissance démographique. Il est tout à fait absurde de penser qu’il peut y avoir une croissance économique illimitée dans un monde aux ressources naturelles limitées. Même le pape François nous dit que ce n’est pas parce que nous avons la capacité de nous reproduire comme des lapins que nous sommes obligés de le faire ! (LE MONDE idées du 5 janvier 2019) »

à lire, son livre de 2008, Nous sommes ce que nous mangeons

* LE MONDE du 11-12 août 2019, Jane Goodall : « Plus les perspectives sont sombres, plus je suis déterminée »