Edgar Grospiron est nommé président du Comité d’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2030. L’ancien skieur acrobatique, médaillé d’or à Albertville en 1992, explique quel patron des Jeux il compte être. Mais il a beaucoup de mal à trouver des vertus au ski de compétition à l’heure du réchauffement climatique !
Edgar Grospiron : On sait que le ski ne sera pas viable sur le long terme ; mais on ne sait pas bien à quel horizon il ne le sera plus… Si on équipe certaines pistes de canons à neige, sachant que cette neige va rallonger la saison, on prolonge de fait l’économie autour du ski. Après, il faut évaluer si cet investissement est rentable… Dire que les Jeux vont sauver les sports d’hiver ou qu’ils vont sauver la montagne serait une erreur… Mais les pistes de ski font vivre énormément de monde… Si TotalEnergies doit rejoindre l’aventure, c’est parce que ça a du sens… C’est une entreprise qui, comme la montagne française, se transforme, est en transition… Je prends le dossier tel qu’il est, ce n’est pas forcément celui que j’aurais aimé qu’il soit.
Le point de vue des écologistes
On ne peut plus ignorer le réchauffement climatique dans nos activités.
– les destructions de l’environnement font vivre beaucoup de monde aujourd’hui et les condamnent à une survie impossible demain.
– on va user la montagne jusqu’au bout et après ben… on verra bien.
– le transport vers les stations est responsable de 70 % des émissions de GES du ski !
– quand on voit que les épreuves sur glace sont proposées à Nice…
– les Jeux olympiques faisant partie du problème, ils ne peuvent pas être la solution.
– le greenwashing ne fera revenir ni la neige, ni les glaciers.
L’autre aspect du problème, c’est le côté compétition des Jeux olympiques.
Des trois modes de régulation des rapports sociaux, la coercition, la coopération et la concurrence, l’idéologie libérale n’a voulu retenir que la troisième. La culture occidentale utilitariste est devenue hypertrophiée en compétition, délaissant sa partie généreuse, altruiste et bienveillante, passablement atrophiée. Nous voici sommés de choisir entre une évolution fondée sur des activités positives où l’emporteraient l’amitié, la solidarité, la coopération, la fraternité, la convivialité, les forces de l’esprit et, pour tout dire, l’amour, et une société d’intense compétition aboutissant à un cataclysme écologique sans précédent. Cela contribue à créer une planète qui compte 99 % de perdants ! Le sport de haut niveau a atteint non seulement ses limites physiques, mais aussi son utilité sociale. Nous avons dépassé les limites de la planète, nous devons retrouver le sens des limites et remplacer l’esprit de compétition par l’esprit de coopération. Cela nécessite entre autres de supprimer toutes les compétitions sportives « de haut niveau » qui ne sont là que pour anesthésier les populations, promouvoir la marchandisation du monde et dénaturer les athlètes.
Dans l’organisation symbiotique du vivant, ce n’est pas la compétition et la domination qui sont les stratégies les plus efficaces, mais les systèmes de coopération. Un naturaliste américain faisait remarquer qu’on ne trouve pratiquement pas d’individualisme dans la Nature, une communauté biotique fonctionne comme une république de plantes et d’animaux étroitement associés se rapprochant davantage d’un organisme autonome qu’aucune de ses parties constituantes.
En savoir plus sur le ski grâce à notre blog biosphere
Faut-il encore emmener les enfants au ski ?
extraits : Alors que le ski a été inventé au XIXe siècle pour permettre à des alpinistes chevronnés d’accéder à des sommets enneigés, il est ensuite devenu un loisir de masse et de descente, dépendant des remontées mécaniques, des forfaits, des canons à neige, d’une infrastructure lourde, énergétiquement dispendieuse, et d’une artificialisation de la montagne. Et en plus aujourd’hui, il y a de moins en moins de neige ! Culpabilisons les skieurs sans conscience…
La culpabilité gagne les skieurs sans neige
extraits : L’anxiété provoquée par les manifestations concrètes du dérèglement climatique en montagne s’est insidieusement installée dans mon quotidien d’athlète. « Pour skier, je dois monter de plus en plus haut. Chaque hiver, les chutes de neige se font de plus en plus rares .» La fonte des glaciers trouble mes aspirations : « Aujourd’hui, je vois tous les jours les signes de détérioration des glaciers… Je me sens égoïste de continuer à pratiquer mon sport…. (Victoire Radenne)
Covid-19, l’oraison funèbre du « tout-ski »
extraits : Victoire, les pistes de ski resteront fermées jusqu’en janvier. La phrase du premier ministre Jean Castex nous a mis en joie : « Il sera loisible à chacun de se rendre dans ces stations pour profiter de l’air pur de nos belles montagnes ; toutes les remontées mécaniques et équipements collectifs seront fermées au public. (26 novembre 2020) » Le Covid-19 aurait du nous apprendre à distinguer entre l’essentiel et le superflu et à abandonner les « stations de ski ». De toute façon le réchauffement climatique nous condamne à éviter tout ce qui dégage inutilement des gaz à effet de serre, à commencer par les flux touristiques vers une montagne plus ou moins enneigée et les canons à neige comme piètre substitut aux cycles de la nature….
De la neige hélitreuillée pour skier
extraits : Même la ministre de l’écologie réagit : « Enneiger des stations de ski par hélicoptère n’est pas une voie possible. » Le directeur du syndicat mixte à Luchon-Superbagnères, conscient que ce n’est pas hyper écologique, se défend : « C’est vraiment exceptionnel, on n’a pas eu le choix cette fois-ci. » C’est en fait la faute du conseil départemental de Haute-Garonne qui sait calculer le bon rapport coût/bénéfice : « En termes de retour sur investissement, il faut multiplier au moins par 10 ». Les skieurs sont contents et 50 à 80 personnes vont pouvoir travailler grâce à cette opération aérienne….
Des vacances de Noël sans chausser les skis
extraits : La Biosphère espère que vous allez passer un bon Noël sans skis. On ne peut en effet maintenir la montagne « propre » quand on y multiplie les immeubles et les remonte-pentes. Ce n’est pas un loisir qui préserve la Biosphère que de déplacer des citadins en mal d’air pur vers de lointaines destinations où on va recréer la ville et poursuivre des activités sans intérêt. Mais le greenwashing règne dans tous les domaines. On veut dorénavant vendre la destination neige en l’inscrivant sur le registre du développement durable ! L’office de tourisme d’Avoriaz avait installé un « corner environnemental » qui invite à calculer son empreinte écologique….
Ski : le consumérisme touristique, c’est fini
extraits : En 2018, j’étais au Pla d’Adet dans les Pyrénées, arrivé en covoiturage, refusant toute remontée mécanique, descendant en raquettes à Saint Lary, quasiment seul sur l’étroit sentier neigeux, au milieu du silence vertigineux et des sapins ployant sous le poids de la neige. Le plaisir physique et l’éloge de la lenteur. Mais n’est-ce pas déjà trop que de faire 300 kilomètres pour un plaisir solitaire même s’il est partagé à deux couples ?….

– « L’autre aspect du problème, c’est le côté compétition des Jeux olympiques. »
Exactement ! Et pas seulement les Jeux olympiques, mais la Compétition en général.
Et combien sommes-nous pour la dénoncer, pour y voir un problème, si ce n’est la cause première de tous nos problèmes ? Pas des masses.
Ah par contre pour la vanter, l’idolâtrer, n’y voir que du positif, alors là ON se bouscule.
Et pour en organiser et y participer, de tous les côtés, alors là je vous dis pas !
Compétitions de ski, championnats de baballes, courses de bagnoles, de vélos, de fauteuils roulants, lancers de patates, de nains etc. compétitions économiques, politiques, courses aux innovations, aux armements etc. etc. etc ! Bref, il y en a pour tous les goûts.
Vive les Jeux du Cirque et vive la Compétition !
Toujours plus haut, plus vite, plus fort et plus cons ! (à suivre)
(suite) Mais bon, c’est normal puisque qu’ON nous l’a enseignée depuis la maternelle.
Et puis ON a bien retenu la Leçon ! La Compétition est inscrite dans nos gènes, dans la Nature Humaine, et même chez toutes les espèces animales, et même chez les arbres, les gros qui étouffent les petits et patati et patata. Et puis c’est la Compétition qui nous permet de nous dépasser, toujours plus, et finalement d’avancer, vers où peu importe, plus con que moi tu meurs !
En attendant, je propose d’organiser une compétition de décolonisation des imaginaires.
Le gagnant remporte une merdaille et un filet garni. 🙂
– « Brohm perçoit le sport comme « l’institution de la compétition physique qui reflète strictement la compétition économique », tant sous le capitalisme privé que sous celui d’État des pays de l’Est de l’époque […]
Brohm considère le record comme « peut-être la notion clé de la sociologie du sport, comme l’est par exemple la catégorie de la valeur dans l’analyse du Capital. » […] écrivant dans la vague d’une contestation, notamment « anti-olympique », d’un sport trop vite considéré jusqu’alors comme « politiquement neutre », Brohm inaugurait avec ce livre un champ d’analyse passionnant, qui nous montre qu’il n’y a jamais assez de chats à fouetter, de domaines négligés à tort par la critique. »
( La critique du sport moderne par Jean-Marie Brohm – 1libertaire.free.fr )
Le respect de la nature, les économies d’énergie, le refus d’un nationalisme ridicule à coup de comptage de médailles, la rigueur budgétaire, bref, la sagesse et le respect des gens à qui l’on demande des efforts par ailleurs conduirait logiquement à annuler ces Jeux. Bientôt il n’y aura plus que la France et les dictatures pour candidater à l’organisation des Jeux pour des raisons de prestige. Pas de quoi être fier.
Que ceux qui les veulent les payent de leur poches avec remise en état total des lieux après. Non à la bétonisation de la montagne.
Je rappelle que le Mouvement Ecologiste Indépendant s’est prononcé pour la non tenue des Jeux d’hiver en France, peu de partis politiques ont ce courage.
Nous donnons au sport une place bien trop importante dans nos sociétés et les Jeux Olympiques en sont l’exemple extrême.
– Ce que disent les politiques des JO (et ce qu’ils en disaient hier) – (lepoint.fr 06/08/2024)
– « « A quelques exceptions près, tout ce que la gauche compte de politiques, journalistes et intellos influents ignore les JO. La gauche française méprise le sport de compétition “capitaliste”, alors que les JO sont aussi un moment de joie et d’élan populaire », a déclaré, le 3 août, Philippe Marlière, professeur de science politique à l’University College de Londres. La critique passe pour un nouvel élément du procès en déconnexion de la gauche, trop snob. » (JO 2024 : la gauche contrainte de se défendre d’accusations de tiédeur voire d’hostilité face aux Jeux – Le MONDE 09 août 2024)
=˃ Si la gauche c’est snob, si critiquer les JO c’est snob… eh ben je suis snob. 🙂
( à suivre)
(suite) Si peu de partis politiques ont le courage de s’opposer à la tenue de tel ou tel évènement genre JO, d’hiver ou d’été… encore moins osent critiquer la Compéétition.
Et ce pour au moins deux raisons. Soit parce qu’ils la vénèrent (lire à 11:29…) soit parce qu’ils savent qu’il ne vaut mieux pas s’attaquer à ce genre d’exercice. La Populace adorant les Jeux du Cirque… ON ne va surtout pas risquer de se la fâcher en critiquant la Compétition. D’autant plus quand ON est en compétition pour un siège ou un strapontin dans une mairie ou ailleurs.
Quelle est au juste la position du MEI par rapport à la Compétition, en général ?
Le MEI n’a jamais pris position sur la compétition en général mais précisément contre les JO qui en sont l’exemple ultime oui. Là, il y a manifestement démesure. D’ailleurs de moins en moins de pays sont candidats.
Merci pour votre réponse. Bien évidemment les JO sont synonyme de démesure et d’aberration, et pas seulement pour l’environnement. C’est donc la moindre des choses que les écologistes du MEI ou d’ailleurs critiquent ces jeux, le contraire serait grave.
Si les Jeux olympiques d’hiver 2030 sont un anachronisme (titre Biosphère), que dire alors des Jeux asiatiques d’hiver 2029 en Arabie Saoudite ?
– Jeux d’hiver en Arabie saoudite: « C’est dramatique pour notre sport », peste Johan Clarey (rmcsport.bfmtv 04/10/2022)
Celui là ne s’inquiète pas pour la planète… mais pour son sport ! Celui là pense que la neige artificielle c’est nécessaire même en Europe, chez nous, à 3000 mètres d’altitude donc ça à la limite c’est un faux débat (sic). Bref, il aime ça.
En ce sens il est de la même famille qu’Edgar Grospiron, qui lui aussi regrette qu’il n’y ait pas plus de neige pour la Compétition. (à suivre)
(suite et fin) Ceci dit, le MEI (comme les autres) ferait bien de réfléchir à tout ça, et de prendre position sur la compétition en général.
– « Notre société se « shoote » à la compétition. On la retrouve partout. Dans les entreprises où s’affiche « l’employé du mois » qui s’est fait remarquer par ses performances, dans nos écoles où le meilleur élève verra s’ouvrir devant lui les portes des études les plus prestigieuses, dans nos championnats sportifs qui valorisent les équipes ayant le plus de résultats, dans la téléréalité qui invite les téléspectateurs à éliminer les moins chanceux en votant pour les plus méritants des chanteurs, des danseurs, des cuistots ou des pâtissiers. [etc.] »
( La compétition – Jacques Trémintin février 2014 – tremintin.com )
Éditorial du MONDE (20 février 2025) : Contrairement aux Jeux d’été, les Jeux d’hiver sont essentiellement dépendants des subsides publics et les risques de dépassement ont déjà été pointés par l’administration. De plus le réchauffement climatique a rendu obsolète un modèle consistant à bétonner et à aménager des massifs pour accueillir des centaines de milliers de pratiquants de sports d’hiver sur une durée de plus en plus courte, faute de neige.