la catastrophe, c’est Pascal Bruckner

Pascal Bruckner ou le refoulement du désastre ! Bruckner avait dit un jour détester par-dessus tout « le manque de courage intellectuel » ; or ce n’est vraiment pas de cela dont il fait preuve dans une tribune du Monde*. Il est vraiment affligeant que sur la cinquantaine de textes que le quotidien reçoit chaque jour, on retienne pour publication un pamphlet témoignant d’une connaissance aussi grossière de la réalité contemporaine.   

Pascal Bruckner place dans le même panier les scientifiques qui annoncent le dérèglement climatique ET des sectes apocalyptiques : c’est faire un raccourci digne d’un romancier qui a rédigé sa thèse sur le socialisme utopique de Charles Fourier. Car Bruckner veut confondre allègrement deux choses, catastrophes et catastrophisme. Les catastrophes sont des faits, mesurables scientifiquement : tsunami financier, Fukushima, crise de l’endettement, 6ème extinction des espèces, réchauffement climatique, pic pétrolier (descente énergétique), etc. De cela, Bruckner ne dit mot ! Ce qui l’intéresse, c’est une invention littéraire qu’il appelle « catastrophisme ». Si les prêcheurs de l’Apocalypse ont toujours existé, la crise systémique qui nous affecte n’a rien à voir avec les sectes millénaristes du catastrophisme. Mais Bruckner fait semblant de confondre. Pour lui, « les médias et les gouvernements diffusent en continu l’effroi pour la peur que cela inspire ». Pour attester de son propre imaginaire, Bruckner fait dire ce qui n’est pas dit, « La fin des temps est venue », « Dans cinq ans, dans dix ans, la terre sera devenue inhabitable », « Toutes les centrales nucléaires auront explosé », etc. Il paraît que « Le catastrophisme règne dans les pays occidentaux » alors qu’il ne s’agit que de recenser jour après jour les maux auxquels nous sommes de plus en plus confrontés et contre lesquels il nous faudrait réagir.. Quelle est donc l’intention cachée de Bruckner ?

Bruckner se réfère à l’Armageddon et à Paco Rabanne pour, implicitement, nous demander de ne pas réagir : puisque le catastrophisme règne, alors ne faisons rien contre les catastrophes. Pire, Bruckner dévalorise ceux qui essayent de faire quelque chose : abandonner la voiture et les voyages en avion, faire du vélo, monter les escaliers à pied, consommer local, délaisser la viande, devenir végétarien, recycler ses déchets, planter des arbres, modérer ses désirs, s’appauvrir volontairement. Pour Bruckner, il ne s’agit là que de remèdes dérisoires pratiqués par de gentils boy-scouts qui suivent les conseils dignes de nos grands-mères. Il s’agirait pour les décroissants d’une « illusion d’agir pour la Terre ». Nous consommons trop et Bruckner nous propose de faire comme si de rien n’était : c’est pathétique et profondément irresponsable ! Pour Bruckner, qui n’en est pas à une contradiction près, « on décrète la certitude du désastre car cela permet de se reposer, peinards, dans les douceurs », « on voulait nous alarmer, on nous désarme »..

Alors, que propose de son côté Bruckner pour réagir contre les réels désastres sociaux, économiques et écologiques qui se profilent ? Rien ! Ah, si, mais il ne le dit pas clairement, il n’ose même pas exprimer sa pensée profonde : il faudrait de la croissance ! C’est cela que nous lisons entre ses lignes, « Quant aux Chinois, aux Indiens aux Brésiliens, ils doivent retourner à leur misère, pas question qu’ils se développent ». Il nous propose aussi de faire une confiance aveugle au progrès : «  Les sociétés humaines survivent aux pires calamités et développent une intelligence des périls ». D’ailleurs pour Bruckner, il suffirait de ne jamais construire de centrales nucléaires dans une zone sismique !  A lire Bruckner, on ne peut donc que douter de l’intelligence humaine. Alors, quelle est la justification profonde de ce verbiage qui mêle allègrement une BD d’Hergé, l’Apocalypse chrétienne et le calendrier maya ?

                De révolutionnaire, Bruckner est simplement devenu de plus en plus réactionnaire. Car n’est-ce pas lui qui était invité au Fouquet’s un certain 7 mai ? Tout bonnement  Bruckner se comporte en petit soldat de Sarko pour qui « l’écologie, ça commence à bien faire ». M. Bruckner travaille actuellement à une réflexion sur l’écologie. Nous avions un Claude Allègre pour le climat, nous aurons désormais un Pascal Bruckner pour l’écologie. On comprend mieux, en lisant ses vaines élucubrations, qu’il n’a pas besoin de réfléchir au sujet puisque le catastrophisme est le plus sûr moyen de ne pas parler des catastrophes. Nous avons rédigé cette chronique, nous avons perdu notre temps. Mais 3/4 de pages donné par LeMonde à Pascal Bruckner méritait quand même une réponse.

* tribune LeMonde du 2 mai 2011, La séduction du désastre

(texte déjà parue sous forme Chronique sur lemonde.fr, mais les chroniques des abonnés sont si vite oubliées !)

6 réflexions sur “la catastrophe, c’est Pascal Bruckner”

  1. Pascal Bruckner  en tient  une énorme couche. Affligeant.


    Remarque de la modératrice du blog biosphere @ Julien
    -n’attaquez pas les personnes.
    -argumentez sur des idées.

    merci

  2. Pascal Bruckner  en tient  une énorme couche. Affligeant.


    Remarque de la modératrice du blog biosphere @ Julien
    -n’attaquez pas les personnes.
    -argumentez sur des idées.

    merci

  3. @ alias Schopenhauer

    « bien réel, tous le jours, un désastre intellectuel et moral, plein de méchanceté et de mépris pour l’humanité, c’est Biosphère.  »

    Bon sang , Descartes et Schopenhauer (philosophe du désespoir) connaissent une seconde mort avec le pâle type qui se cache derrière ces 2 alias .
    Remarquons que ce moraliste à haute teneur en humanisme est incapable d’apporter le moindre argument pour étayer sa « thèse » .

  4. Schopenhauer-Descartes

    « Alors, que propose de son côté Bruckner pour réagir contre les réels désastres sociaux, économiques et écologiques qui se profilent ? »

    Il y a un désastre qui ne se profile pas, qui est bien là, bien réel, tous le jours, un désastre intellectuel et moral, plein de méchanceté et de mépris pour l’humanité, c’est Biosphère.

  5. Schopenhauer-Descartes

    « Alors, que propose de son côté Bruckner pour réagir contre les réels désastres sociaux, économiques et écologiques qui se profilent ? »

    Il y a un désastre qui ne se profile pas, qui est bien là, bien réel, tous le jours, un désastre intellectuel et moral, plein de méchanceté et de mépris pour l’humanité, c’est Biosphère.

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