La COP 21, un débat globalisé qui nous empêche d’agir

Il est vain d’attendre des conférences sur le climat une réponse collective au changement climatique. La conférence des parties (COP), qu’elle se réunisse à Copenhague, Lima ou Paris, ne peut pas avoir de conséquences concrètes. La raison principale, c’est que les politiques ne s’y expriment pas au nom de l’équilibre général de la planète, ils représentent les intérêts à court terme de populations particulières. Le GIEC a produit son premier rapport sur les changements climatiques en 1988 et depuis aucun pays n’a jamais adopté de mesures significatives pour limiter les émissions de GES. Les Etats-Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto en 2001, ils ont nié l’origine anthropique du réchauffement climatique, ils ont toujours privilégié le niveau de vie des Américains. Les Américains ne peuvent se passer de leurs bagnoles et de leurs grandes maisons, les Canadiens veulent exploiter leurs sables bitumineux du Canada, le pouvoir d’achat des Français n’est pas négociable, ni l’enrichissement des Chinois, ni le développement des pays émergents. Les sociétés qui vivent à l’occidentale poursuivent un rêve contradictoire et suicidaire : jouir sans entraves des applications impressionnantes des ressources fossiles, et être aveugles aux conséquences fâcheuses de la perturbation climatique qui en découle.

L’autre raison, c’est qu’un changement de comportement ne se décrète pas d’en haut. Des scientifiques estiment que la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2) ne doit pas dépasser une valeur située quelque part entre 350 parties par million (ppm) et 450 ppm. La teneur moyenne actuelle est d’environ 400 ppm, soit au beau milieu de la ligne rouge. Qui s’en soucie ? Il faut, jusqu’à 2050, s’abstenir d’extraire et de brûler la plus grande partie des réserves fossiles si l’on veut éviter la surchauffe de la planète. Qui s’en soucie ? Pour éviter la catastrophe climatique, nous savons quand nous sommes bien informés qu’il faudrait diviser par quatre d’ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre, ce qui voulait dire diviser par deux notre consommation d’énergie. Mais cela restait abstrait. Qui comprend que cela remet complètement en question son mode de vie personnel ?

Le 8 janvier dernier, Laurent Fabius prônait devant un comité inter-ministériel l’adoption d’un objectif « zéro carbone – zéro pauvreté » et le rapprochement des agendas internationaux pour le climat et des Objectifs mondiaux pour le développement, qui doivent désormais être « durables ». Ces déclarations d’intention ne servent absolument à rien si le citoyen de base ne se sent pas concerné. Nous ne pouvons réussir internationalement une COP que si nous commençons à nous impliquer personnellement (par exemple participation généralisée aux « familles à énergie positive ») et à réussir localement (par exemple mise en œuvre d’un plan climat territorial). Les solutions existent, individuelles et collectives. Elles s’appellent sobriété partagée, rationnement bien expliqué, taxe carbone aujourd’hui, carte carbone demain, soutien par l’Etat central des communautés locales cherchant leur autonomie alimentaire et énergétique, adoption de techniques douces aux humains et à la nature, généralisation d’une agriculture biologique, conversion des intellectuels du tertiaire à l’artisanat, entraînement à la réponse non violente en toutes circonstances, rejet des actions militaires, considération des acteurs absents (générations futures et non-humains), maîtrise de la fécondité, etc. Le pire n’est jamais certain, mais il est probable.

(résumé d’une analyse de Michel Sourrouille parue initialement sur le site JNE des journalistes pour la nature et l’écologie)

La COP 21, un débat global qui nous empêche d’agir