La Cour suprême se penche sur l’avortement

Dans l’État américain du Texas, une loi particulièrement restrictive est entrée en vigueur le 1er septembre 2021. La législation interdit toute interruption de grossesse dès lors que les battements de cœur du fœtus sont perceptibles, soit à partir de la sixième semaine de grossesse environ. A ce stade, beaucoup de femmes ignorent encore qu’elles sont enceintes. Le Mississippi en rajoute et cela passe maintenant devant la Cour suprême.

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Piotr Smolar : La Cour suprême des Etats-Unis examine le 1er décembre 2021 une loi du Mississippi interdisant l’avortement au-delà de quinze semaines Les neuf juges dont six conservateurs peuvent remettre en question la décision Roe contre Wade, de 1973, qui avait établi, au nom du droit à la vie privée, un droit constitutionnel des femmes à disposer de leur corps et à avorter. Roe contre Wade estimait en fait que les Etats ne pouvaient décider d’une interdiction de l’avortement avant que le fœtus ne soit viable. En termes médicaux, cela signifie que l’avortement est autorisé jusqu’à environ la vingt-troisième semaine de grossesse. En 1992, Planning familial contre Casey a considéré que les lois limitant l’avortement ne devaient pas entraîner pour la femme enceinte une « charge excessive » (undue burden). Tout est politique, à commencer par la perception de la vie humaine, à mettre au monde ou non. Le solliciteur du Mississippi s’est contenté de dire que « la Constitution place sa confiance dans le peuple », et qu’il fallait s’en remettre à ce dernier, Etat par Etat, pour déterminer la ligne en matière d’avortement. Si la Cour suprême revenait sur sa propre décision de 1973, et confiait à chaque Etat le soin de légiférer à sa guise, l’avortement ne serait plus un droit garanti. Certains juge conservateurs, en évoquant les « droits du fœtus », ont clairement exprimé leurs convictions religieuses au détriment des certitudes médicales.

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Amy Coney Barrett, bien connue pour son opposition à l’interruption volontaire de grossesse, est devenue grâce à Trump membre de la Cour suprême des États-Unis. En 2006, elle avait déclaré que, « si vous pouvez garder à l’esprit que votre objectif fondamental dans la vie n’est pas d’être un avocat, mais de connaître, d’aimer et de servir Dieu, vous serez vraiment un autre type d’avocat…Gardez à l’esprit que votre carrière juridique n’est qu’un moyen pour une fin et cette fin est la construction du royaume de Dieu ». Elle avait signé un texte qualifiant la décision de 1973 de « barbare » et plaidé pour sa révocation.  Au-delà des références à la religion ce qui fait la cohérence des prises de positions anti-avortement, que ce soit aux USA, en France ou ailleurs, est la mentalité nataliste : il faut accepter tous les enfants qu’une femme puisse mettre au monde, et on fait pression pour qu’elle en ait davantage ! Cette mentalité est anti-écolo, elle ne tient aucun compte de la capacité de charge d’un territoire en population humaine alors que tous les indicateurs montrent que la Terre est saturée d’humains.

Les natalistes anti-avortements, s’ils étaient logiques avec leur « droit à la vie », devraient être les objecteurs de conscience les plus résolus, opposés à l’usage des armes et aux meurtres collectifs organisés. Malheureusement leur pensée s’arrête à la vue d’un berceau, considéré comme le but ultime de la vie. Aimer la vie à n’importe quel prix n’est pas aimer. Les soi-disants pro-life sont d’ailleurs stupéfiants de contradiction. Ils sont opposés à l’avortement, mais n’hésitent pas à envoyer sur la chaise électrique des personnes et exigent leur droit à porter librement des armes de guerre dans l’espace public. En clair, votre grossesse doit être menée à son terme pour que votre enfant puisse se faire assassiner dans son école. En France les gouvernements, ivres de chair à canon ou de main d’œuvre servile, ont eux aussi mené toutes étiquettes politiques confondues une lutte anti-malthusienne qui s’était traduit par la loi de 1920 qui assimile la contraception à l’avortement. Toute propagande anticonceptionnelle était interdit, le crime d’avortement était passible de la cour d’Assises. La contrainte n’est pas du côté des malthusiens, mais des natalistes. Pour un néo-malthusien, la liberté de contraception (loi de 1967) et d’avortement (loi Veil de 1975) sont des avancées sociales qui permettent le libre choix entre faire l’amour par plaisir ou faire l’amour pour procréer.

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7 réflexions sur “La Cour suprême se penche sur l’avortement”

  1. Esprit critique

    – « Au-delà des références à la religion ce qui fait la cohérence des prises de positions anti-avortement, que ce soit aux USA, en France ou ailleurs, est la mentalité nataliste : il faut accepter tous les enfants qu’une femme puisse mettre au monde, et on fait pression pour qu’elle en ait davantage ! […] Les natalistes anti-avortements, s’ils étaient logiques […] Malheureusement leur pensée s’arrête à la vue d’un berceau [etc.] » (Biosphère)

    Du grand n’importe quoi ! Mélange des genres, exagération, vision binaire et dogmatique, tout est là. On pourra même dire que c’est ma «mentalité nataliste» qui me faire dire ça.

  2. Pour ma part, je ne lierais pas la question de l’avortement ni celle de l’euthanasie, à la problématique démographique. Il me semble plus sain de les cantonner aux débats d’ordre moral.
    L’euthanasie des personnes en fin de vie n’a aucun impact démographique de toute façon et je n’imagine pas de promouvoir une régulation démographique via l’avortement.
    Ces questions sont suffisamment difficiles et clivantes pour ne pas leur ajouter une dimension supplémentaire qui, à mon sens, brouillerait la réflexion sur l’essentiel.

    1. Mon cher Didier, je vous félicite pour ça. Je viens à l’instant d’apporter une suite (réponse) à STATISTICON sur “Novembre 2021, le point de vue des écologistes”

  3. – « Pour un néo-malthusien, la liberté de contraception (loi de 1967) et d’avortement (loi Veil de 1975) sont des avancées sociales »

    Même si la France est en retard là-dessus… à moins qu’elle ne soit en avance… Biosphère aurait pu rajouter l’euthanasie («bonne mort»). La vie, la mort, l’au-delà etc.
    En attendant, au-delà des références à la biologie, et même à la religion, la seule chose qui fait cohérence (façon de dire) sur ces questions là, c’est l’idéologie. Et ce quel que soit le côté où on se place (pro-ceci, anti-cela etc.) Bien que toutes les idéologies sont loin de se valoir, de l’idéologie au dogmatisme il n’y a qu’un pas. Et là bonjour le grand n’importe quoi.

    1. Pour beaucoup la vie (la Vie ?) reste sacrée. Et la vie d’un être humain vaut plus que celle d’une baleine ou d’un éléphant. Pour d’autres c’est l’inverse. Mais quand même pas pour les rats. Et les virus n’en parlons pas. ​Et pour d’autres encore tout se vaut. Et finalement il n’y a plus de limites, plus de valeurs, plus rien de sacré. Ou alors c’est la Bagnole ou le Pognon, ou n’importe quoi qui est sacré. Cette «idéologie» là c’est le nihilisme.

    2. Esprit critique

      Mais au fait, dis Papa… c’est vers où l’Avant ? C’est quoi une avancée sociale ? Serait-ce l’électricité «verte» pour tous, la 5G, le grand n’importe quoi des réseaux «sociaux» ? À moins que ce ne soit le Pass Sanitaire et l’Obligation Vaccinale. Toujours plus d’esclaves, de mensonges, de confusions, de peurs, de haines… c’est ça AVANCER ?
      Repousser le délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines, c’est ça une avancée sociale ? Notamment quand il s’agit de palier aux défaillances de l’Hôpital. Et pourquoi pas à 24 semaines, comme chez certains de nos voisins ?

  4. et bien dansez maintenant

    Dès que Dieu est évoqué pour justifier une pensée et un acte, le dialogue est définitivement impossible. On se bouffe déjà le nez entre les lois de la Nature et les droits de l’Homme (des conventions) pour ne pas en rajouter avec les droits de Dieu (des idéologies indétrônables pour leurs adeptes)

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