La démocratie représentative élargie aux acteurs absents

Comment représenter les forêts, les pôles et les océans ? Bruno Latour s’attachait dans LE MONDE à répondre à cette question tout en ignorant l’expression « acteurs absents ». Voici quelques éléments pour éclairer la lanterne de Bruno et satisfaire la curiosité de nos lecteurs.

Acteur absent (ou tiers absent), un mot du dictionnaire

Acteur qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. EXEMPLE : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR 2004).

Acteur absent, une notion utilisée dans la démarche écologique

https://developpementdurable.revues.org/1133

L’homme moderne, considéré à travers la théorie de l’acteur social, a ainsi été construit seulement social et seulement actuel. Deux aspects fondamentaux ont été dissociés de son étude et lui sont pourtant intimement et intrinsèquement liés : la nature (milieu naturel et vivant biologique) et la ‘tradition’ (générations futures et passées)…

Il s’agit ici de comprendre comment les humains contemporains (acteurs du territoire) perçoivent les acteurs absents afin d’évaluer ce qui relie aujourd’hui acteurs et territoire. Pour chaque acteur, nous choisissons de mesurer sa volonté de cohabiter (dimension cohabitation) avec son territoire ou de le dominer (dimension domination), grâce à une série d’indicateurs. Grossièrement, un acteur aura tendance à cohabiter avec son territoire s’il tient compte des générations futures et du vivant biologique dans ses projets ; un acteur aura tendance à dominer son territoire s’il ne tient compte que de ses intérêts propres.

On peut par exemple identifier les acteurs les plus disposés à négocier, c’est-à-dire les plus ouverts au dialogue ; ensuite, ceux qui portent au sein de leurs objectifs les enjeux des acteurs absents, qu’il sera essentiel d’intégrer au processus de négociation.

https://tem.revues.org/1262

Les désordres écologiques posent, au niveau global comme local, la question centrale : comment vivre ensemble ? ou plus précisément : comment décider ensemble ? A ce propos, nous montrons que les théories de la négociation dévoilent leurs faiblesses quand elles sont confrontées aux acteurs faibles et aux acteurs absents ; deux entités importantes à considérer dans une problématique environnementale.

Afin de faciliter la négociation environnementale dans un contexte multi-acteurs, nous avons mis au point le modèle de l’Acteur en 4 Dimensions (A4D). Testé sur plusieurs territoires dont deux en France (Adour, Forez), ce modèle conceptuel d’analyse issu d’une réflexion transdisciplinaire s’attache à appréhender les jeux d’acteurs sur un territoire par l’étude des liens entre humains et des liens homme-nature ainsi que par leurs interactions. Nous parvenons à identifier les acteurs absents et faibles d’un territoire et soulignons le fait qu’un consensus entre acteurs forts peut mener à une dégradation environnementale. Nous présentons également 4 types de comportements face à l’idée de concertation. L’objectif est d’atteindre une négociation environnementale portée par un médiateur qui puisse mettre en lumière les enjeux des faibles et des absents : une base de travail pour l’organisation d’une démarche de gestion intégrée et participative des ressources naturelles.