La démondialisation contre le quotidien Le Monde

Après avoir donné la parole aux contempteurs de la démondialisation, Zaki Laïdi le 30 juin et Pascal Lamy le 1er juillet, l’éditorial* du Monde (2 juillet 2011) abonde dans leur sens en reprenant le même argumentaire : Aujourd’hui les frontières entre le commerce international et le commerce domestique s’effacent puisque les chaînes de production sont globalisées. » La notion même d’importation et d’exportation perdrait ainsi de son sens traditionnel. Il n’y a donc rien à faire. Comme s’il était normal qu’une chaîne de fabrication de voiture soit bloquée parce qu’elle ne reçoit plus des composants d’un pays lointain comme le Japon. Comme s’il était normal d’échanger des voitures, des tomates et des vêtements entre pays parfois éloignés de milliers de kilomètres. Le faible coût actuel de l’énergie a bien tourné la tête de nos penseurs médiatiques.

Mais le plus grave est la conclusion de cet éditorial : « Débattons des conséquences de la mondialisation. Mais pas en termes simplistes. » D’accord, sauf que c’est cet éditorial qui simplifie à outrance ses adversaires :

– « Chômage et inégalités, tout serait de la faute de la Chine, cette monstrueuse machine à exporter. »

«  Dans l’atelier du monde (la Chine), trimerait une armée de malheureux avec laquelle nos salariés ont été brutalement mis en concurrence. »

– « La mondialisation relèverait d’un gigantesque dumping social et environnemental. »

La théorie du protectionnisme est assez complexe pour ne pas avoir besoin d’être caricaturée à outrance comme le fait le quotidien Le Monde. Rappelons qu’un libre-échange basé sur le va-et-vient de produits similaires est une absurdité qui va à l’encontre de la théorie du libre-échange. Que la complexité des montages technologiques croisés entre nations différentes les rendent d’autant plus fragile quand le prix du baril s’envole. Que le libre-échange est un rapport de force qui fait quelques gagnants et beaucoup de perdants. Que la descente énergétique qui nous attend va entraîner une contraction des échanges. Que la souveraineté alimentaire et énergétique des peuples deviendra une nécessité vitale… Mesurons le parti pris simpliste d’un journal « de référence » qui est pour le libre-échange avec un seul argument résumé ainsi  par Pascal Lamy : « freiner ses importations revient à pénaliser ses exportations.

* LeMonde du 2 juillet 2011, Bienvenue au grand débat sur la mondialisation

3 réflexions sur “La démondialisation contre le quotidien Le Monde”

  1. LE MONDE diplomatique (août 2011) :
    Qui a peur de la démondialisation ? Le quotidien LE MONDE n’hésite pas à introduire le « grand débat sur la démondialisation » par une tribune expliquant que la démondialisation est « absurde » et, pour l’équité des points de vue, par un entretien certifiant qu’elle est « réactionnaire » — en effet ça n’est pas la même chose et les deux méritaient d’être mentionnés.
    Au commencement, les choses étaient simples : il y avait la raison — qui procédait par cercles (avec M. Alain Minc au milieu) —, et puis il y avait la maladie mentale. Les raisonnables avaient établi que la mondialisation était la réalisation du bonheur ; tous ceux qui n’avaient pas le bon goût d’y croire étaient à enfermer. « Raison » cependant confrontée à un léger problème de cohérence interne puisque, se voulant l’idéal de la discussion conduite selon les normes de la vérité et du meilleur argument, elle n’en aura pas moins interdit le débat pendant deux décennies et n’aura consenti à le laisser s’ouvrir qu’au spectacle de la plus grande crise du capitalisme.

  2. LE MONDE diplomatique (août 2011) :
    Qui a peur de la démondialisation ? Le quotidien LE MONDE n’hésite pas à introduire le « grand débat sur la démondialisation » par une tribune expliquant que la démondialisation est « absurde » et, pour l’équité des points de vue, par un entretien certifiant qu’elle est « réactionnaire » — en effet ça n’est pas la même chose et les deux méritaient d’être mentionnés.
    Au commencement, les choses étaient simples : il y avait la raison — qui procédait par cercles (avec M. Alain Minc au milieu) —, et puis il y avait la maladie mentale. Les raisonnables avaient établi que la mondialisation était la réalisation du bonheur ; tous ceux qui n’avaient pas le bon goût d’y croire étaient à enfermer. « Raison » cependant confrontée à un léger problème de cohérence interne puisque, se voulant l’idéal de la discussion conduite selon les normes de la vérité et du meilleur argument, elle n’en aura pas moins interdit le débat pendant deux décennies et n’aura consenti à le laisser s’ouvrir qu’au spectacle de la plus grande crise du capitalisme.

  3. quelques commentateurs qui critiquent l’éditorial sur lemonde.fr
    JMG : Un bref instant j’ai cru que « Le Monde » revenait à la raison critique et a l’impartialité objective, mais non, je me suis trompé, le choix de la propagande réapparaît des le milieu de ce court éditorial et déferle en explosion de parti pris sur sa fin. Ainsi, « la crainte de la simplification a outrance » se transforme-t-elle en simplification outrancièrement inversée.

    Gérard Ausseil : Au début on se dit, tiens « le Monde » s’interroge. Et puis, non, toujours le même credo, ressassé malgré les faits. Si la France n’exporte plus c’est parce que son « élite » économico politique a fait le choix de la délocalisation. N’ayant plus rien à vendre, les déficits se creusent, ce n’est certes pas la faute des chinois mais des apprentis sorciers bien de chez nous qui n’ont pas voulu défendre nos intérêts et s’y refusent toujours !

    Gaga42 : Le traitement du sujet de la (dé)mondialisation par les médias relève très souvent, comme ici, d’un manichéisme des plus déplacés : Personne (à part peut-être l’extrême droite) ne réclame une ligne Maginot. Nous souhaitons juste que l’on déplace le curseur vers un niveau plus raisonnable, en faisant en sorte que le commerce soit un peu plus au service des peuples, du nord comme du sud, et un peu moins au bénéfice des multinationales.

    Claude Danglot : Votre affirmation de la réalité de délocalisation totale de la production n’est pas une justification de la recherche constante des salaires les plus bas pour effectuer cette production. Tout le monde a le droit de vivre avec dignité quel que soit le pays qu’il habite. La main mise des groupe financiers sur l’économie mondiale et le pillage du travail des salariés n’est tout simplement pas acceptable. Même des nantis comme ceux qui ont écrit cet article doivent pourquoi comprendre cela.

    CrM : on voit bien que, tant les Etats-Unis que la Chine pour ne citer qu’eux, n’hésitent pas à tordre les règles de la concurrence et à recourir à une forme de protectionnisme plus ou moins masqué quand ça les arrange. Ça n’aide pas à faire accepter la mondialisation par ceux qui, à tort ou à raison, y voient d’abord des inconvénients.

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