La génération Z au Kenya… un avenir bouché

Le journal LE MONDE dont nous sommes un fidèle lecteur depuis plus de 50 années ne sait plus ce que veut dire une analyse structurelle des agissements dans un pays. Le service politique étouffe toutes les autres voix, que ce soit analyse économique, écologique ou démographique. On s’intéresse au président en place et à la lutte pour le pouvoir comme si rien d’autre n’avait d’importance. La génération Z regrouperait les personnes nées entre 1997 et 2011, âgées de 10 à 24 ans. Il s’agit principalement des enfants de la génération X (nés entre 1965 et 1980). Voici les derniers articles du MONDE sur le Kenya, complètement polarisés sur le Z :

25 juin 2025, Orwell, Ibsen, Sidang’… Au Kenya, la littérature inspire la génération Z

25 juin 2025, Au Kenya, la génération Z veut tout remettre en question, du politique jusqu’au religieux

6 janvier 2025, Au Kenya, la génération Z manifeste contre les « enlèvements policiers »

28 juin 2024, Au Kenya, la génération Z quitte la rue mais reste mobilisée en ligne

Le débat entre notre blog et un journaliste du MONDE

Biosphere : Au Kenya, le nombre d’habitants n’était que de 7,7 millions en 1960, la population a augmenté de 11 millions ces dix dernières années. C’est déjà ingérable. 54 millions de Kényans et Kényanes en 2023, 108 millions en 2058 ? Le taux de croissance de la population globale tourne en effet autour de 2 % soit un doublement tous les 35 ans ; la situation deviendra invivable. Quoi qu’on fasse politiquement.

Arthur Frayer-Laleix : Dans ce pays de plus de 53 millions d’habitants, 18 millions de personnes sont nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010.

Biosphere : Une telle proportion de jeunes bientôt en âge de procréer (34 %) veut dire que l’explosion démographique ne peut que se perpétuer dans le temps. En France, seulement 16,7 % a moins de 15 ans.

Arthur Frayer-Laleix : Mercredi 25 juin, des manifestations monstres secouent les grandes villes du Kenya. La génération Z est une cohorte très à l’aise avec les outils numériques. On suit ce qui se passe sur X et YouTube.

Biosphere : Les manifestations à l’heure du tout numérique ne sont plus l’expression de la révolte d’un peuple exploité, mais un phénomène issu des réseaux sociaux et de la simplification médiatique. La génération Z n’a d’existence propre que parce que LE MONDE lui donne une visibilité : il y a autant de manifestations de la crise d’adolescence qu’il y a de jeunes.

Arthur Frayer-Laleix : la génération Z manifeste contre le projet de loi de finances prévoyant des hausses de taxes et d’impôts. Des biens de consommation comme le pain et l’essence devaient être taxés.

Biosphere : La population se bat actuellement contre l’augmentation du prix du pain et de l’essence, vain combat. Le système scolaire du Kenya n’a pas appris à ses jeunes qu’en période de surpopulation, tous les prix des ressources vitales ne peuvent qu’augmenter…

Arthur Frayer-Laleix : Au-delà du budget, les manifestants dénonçaient la politique du président, William Ruto. Par rapport à ses promesses, la jeunesse éduquée et urbaine s’est sentie flouée alors que les emplois manquent dans le pays. Selon les statistiques officielles, le taux de chômage tournait aux alentours de 5,5 % en 2022. La vérité est plutôt aux alentours de 20 % .

Biosphere : La jeunesse éduquée devrait savoir que les promesse politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent. La jeunesse urbaine devrait savoir que la dépendance d’une ville aux ressources venant de l’extérieur est immense ; sans emploi rémunéré, tu n’es plus rien. Or l’état de la surpopulation empêche tout dividende démographique. Des jeunes en grand nombre représente un handicap quand la population active l’emporte sur la population « dépendante » (les plus jeunes et les plus âgés). En période de chômage structurel, tout le monde devient dépendant d’un système économique en faillite. Il n’y a de bonne politique que dans un système économique viable et durable.

Arthur Frayer-Laleix : David Maraga, l’ancien président de la Cour suprême, est le seul candidat potentiel à la présidentielle à être régulièrement cité par la Gen Z. Le possible candidat de la jeunesse a eu 74 ans le 12 janvier.

Biosphere : Exemple frappant de l’artificialité des manifestations actuelles au Kenya : aucun leader, mais aussi aucun programme, juste des revendications. A la violence a répondu la violence. En juillet 2024, la police a tiré à balles réelles, il y a eu des morts. Des soldats ont été déployés en réponse à l’urgence sécuritaire « causée par les violentes manifestations en cours marquées par des destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales ». Ainsi se termine une démographie sans frein, dans le sang.

14 réflexions sur “La génération Z au Kenya… un avenir bouché”

  1. Réponse à Biosphère (À 15:00 … 15:03)
    La question de savoir si je (Michel C) reste optimiste quant au futur des jeunes au Kenya (et d’ailleurs) n’a aucun intérêt. Du moins ici. Pour certains l’optimisme et le pessimisme sont d’abord affaire de point de vue, voire de tempérament, pour d’autres le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté. Bref, là encore qui dit vrai ? Pour dire… même la science cherche à comprendre tout ça. En attendant, je le redis, notre sujet n’est pas là.
    Le chiffre de 87% (sondage) que j’ai donné À 12:07 donne quand même à réfléchir.

    Biosphère dit : « Au Kenya, rien n’indique qu’on prépare les jeunes à quoi que ce soit. »
    Ce n’est là qu’un point de vue. Et donc peut-être seulement une affaire de lunettes. En tous cas le point de vue d’un vieux militant, fatigué, j’ose même rajouter, pessimiste. 😉 (à suivre)

    1. (suite) Biosphère indique ensuite ces « positionnements possibles pour un jeune au Kenya », dont le fatalisme… qui fait que ce jeune va faire beaucoup d’enfants etc. etc. et inch Allah !
      Et il dit : « C’est la position majoritaire » !! Mais qu’est ce qu’il en sait !!??
      Quelles sont les sources, les sondages, les études qui lui permettent de dire ça ?
      Et puis il (se) demande combien de jeunes kenyans connaissant le rapport de 1972…
      Ce qui est vraiment les prendre pour des imbéciles. Du moins bien plus que les « nôtres ».
      Combien de jeunes français connaissant Meadows ?
      Mais pour ne rester qu’au Kenya, combien de jeunes kenyans correspondent à ce tableau que nous dresse Biosphère ? Si… pour lui redonner un peu d’espoir il ne s’agit que d’en trouver un seul… je pense qu’ON devrait y arriver facilement. 🙂 (à suivre)

      1. (suite et fin) Puisque la religion est la première calamité… regardons alors et pour commencer, du côté des athées.
        – « L’article affirme que l’athéisme est un phénomène récent au Kenya qui intéresse surtout les jeunes générations » (Athéisme et sécularisme au Kenya : les tribulations des Atheists In Kenya (AIK) – journals.sagepub.com 2 juil. 2022)
        – Alerte: les jeunes kenyans des zones urbaines abandonnent le christianisme pour des pratiques spirituelles mixtes (aciafrique.org 19 février, 2023)

        Regardons ensuite ce que font ces jeunes… peut-être inspirés par Greta :
        – Comment une écolière kenyane est tombée amoureuse des arbres (bbc.com/afrique)
        – Les initiatives des jeunes pour la protection de l’environnement en Afrique (eco-pledgeafrica.com)

        Et puis regardons cette génération Z dans les rues… et qui veut tout remettre en question, du politique jusqu’au religieux.

  2. dennis meadows

    On peut aussi faire une réponse non technique : l’effondrement caractérise une société qui devient de moins en moins capable de satisfaire les besoins élémentaires : nourriture, santé, éducation, sécurité. Certains pays sont déjà dans cette situation, comme le Kenya par exemple. Le « printemps arabe », qui a été présenté un peu partout comme une solution à des problèmes, n’est en réalité que le symptôme de problèmes qui n’ont jamais été résolus. Ces pays manquent d’eau, ils doivent importer leur nourriture, leur énergie, tout cela avec une population qui augmente. Les changements ne se feront pas de manière pacifique.

  3. Est-ce que, à la suite de cet article, vous restez optimiste quant au futur des jeunes au Kenya ?
    Pour Michel C., « le journaliste du MONDE semble vouloir croire que les jeunes du Kenya peuvent changer le monde. De son côté Biosphère ne peut voir qu’une fin tragique à tout ça. La seconde posture n’est-elle bien plus dangereuse ? Si on ne peut plus croire en la jeunesse… alors en quoi faut-il croire ? »
    Certes l’intelligence collective est aux abonnés absents et ce n’est pas la faible audience de ce blog qui change la donne. Comme l’indique Michel C, « au niveau international 9 jeunes sur 10 estiment que leur génération doit changer le monde, mais aussi qu’ils n’y sont pas assez préparés. » Au Kenya, rien n’indique qu’on prépare les jeunes à quoi que ce soit.
    En quoi faut-il donc croire sans y être préparé ? (à suivre)

    1. (suite 1) Il y a plusieurs positionnement possibles pour un jeune au Kenya. Le fatalisme, Dieu le veut, donc nous faisons beaucoup d’enfants, donc nous voulons rester pauvre, mais puisque Dieu le veut… C’est la position majoritaire. Une petite minorité va chercher les moyens de s’enrichir, soit en repérant un créneau marchand, soit en magouillant politiquement, c’est à dire dans les deux cas en exploitant la masse des fatalistes. Ceux qui ont bien compris le blocage s’engagent dans la police ou dans l’armée pour mater les révoltes des jeunes grisés par les réseaux sociaux. Débouché assuré en période d’instabilité croissante. Jusqu’à présent nous avons toujours dit sur ce blog que si on ne prenait pas conscience de la catastrophe en cours, c’est la catastrophe qui servira de pédagogie. Nous savons cela depuis le rapport de 1972 sur les limites de la croissance. Combien de jeunes kényans connaissant ce constat ? (à suivre)

      1. (suite 2) Nous avons beaucoup écrit sur la catastrophe depuis 2005, ainsi le 16.11.2005 « Pédagogie de la catastrophe » :
        Même le militant écologiste au sortir d’une réunion pour sauver la planète retourne le plus souvent chez lui en voiture et non à pied, tourne le commutateur plutôt que d’allumer la chandelle, prend une bière au frigidaire plutôt que d’aller tirer l’eau du puits et regarde la télévision en continuant de pester contre l’abêtissement de la société du spectacle. Seul un échec historique de la civilisation fondée sur l’utilitarisme et le progrès pourrait faire découvrir que le bonheur n’est pas de vivre en grand, mais de vivre bien. Seule une catastrophe du type pétroapocalypse pourra dessiller les yeux de tous ces adeptes plus ou moins fascinés par la technique. La Biosphère attend, elle est patiente, très patiente, elle existe depuis 3,5 milliards d’années, les homo sapiens depuis 150 000 ans environ, la révolution industrielle depuis 200 ans seulement ! (à suivre)

        1. (suite 3 et fin) Ce texte a été écrit en 2005, nous sommes en 2025. Sur cette période, la population au Kenya est passé de 35,8 millions à 53,2 millions. Dans ce contexte de surpopulation démesurée, on ne peut plus croire que la jeunesse va changer le monde, que ce soit d’ailleurs au Kenya ou dans le reste du monde. Nous avons fait suffisamment de militantisme depuis le début des années 1970 pour savoir que la jeunesse s’engage peu, et la plupart du temps pour de mauvaises causes. Nous rappelons ce que devrait croire un jeune à notre image. D’abord que la religion vous empêche de penser par vous-même. Ensuite qu’il faut apprendre à résister à tout autoritarisme, y compris familial. Dans la lignée refuser l’engagement armé en devenant objecteur de conscience. Choisir un métier qui soit utile aux humains et à la nature, agir avec une association environnementale. S’il y a un jeune au Kenya qui correspond à ce tableau, nous en serions heureux, tout espoir ne serait pas perdu…

  4. Les articles au sujet de la génération Z au Kenya ne manquent pas, il n’y a pas que Le MONDE qui s’intéresse à ce qu’on pourrait appeler (d’ailleurs ce que certains appellent) une révolution. Le procès que lui fait Biosphère est donc ridicule. D’autant plus quand on voit ce qu’il lui reproche, c’est à dire toujours la même chose. Le fait de ne pas parler du plus important… à ses yeux bien sûr. Et pour en dire quoi, de nouveau, de positif etc. peu importe !

    – « Le débat entre notre blog et un journaliste du MONDE »
    Pas du tout. Encore une fois il ne s’agit là que d’un faux débat, ou pseudo débat. Ou dialogue de sourds si vous préférez. Le journaliste du MONDE pointe une chose, disons la lune, et Biosphère n’en voit qu’une autre, le Surnombre. (à suivre)

    1. Michel Z, la génération Z a un avenir bouché, c’est ce que montre notre article.
      Est-ce que vous êtes au contraire optimiste quant au futur des jeunes au Kenya ?
      Ne participons pas à un « dialogue de sourds » !

    2. (suite) Le journaliste du MONDE (Arthur Frayer-Laleix) semble vouloir croire que les jeunes du Kenya (et pourquoi pas d’ailleurs…) peuvent changer le monde. De son côté Biosphère ne veut (ne peut) pas y croire du tout. Lui ne peut voir qu’une fin tragique à tout ça.
      Et comment doit-on alors appeler ça ? Disons une guéguerre de religion. Mais plutôt, comment doit-on appeler ces deux postures ? Naïveté pour la première… admettons.
      Mais la seconde n’est-elle pas pire et bien plus dangereuse ? Si on ne peut plus croire en Dieu, ni en la jeunesse… en les politiques n’en parlons même pas… alors en quoi faut-il croire ?
      En rien… si ce n’est uniquement au chaos, à l’enfer… c’est ça ?
      Et alors comment doit-on appeler ça ? Nihilisme, pessimisme, défaitisme, grosse fatigue, solastalgie… un peu de tout ça… admettons. (à suivre)

      1. (suite ) Mais alors à quoi bon prêcher l’intelligence collective… pour qu’émerge enfin cette écologie érigée en véritable religion… à quoi bon se demander comment parler positivement d’écologie, voire de décroissance, et faire en sorte que les militants ne baissent pas les bras, etc. Je suis désolé Biosphère, mais tout ça n’est pas très cohérent. Ni très sérieux. Cet (ces) article(s) du MONDE devrai(en)t être l’occasion de réfléchir sur la question de savoir si les jeunes peuvent changer le monde, et comment. Autrement dit, ce que les vieux cons, comme moi et d’autres ici sur ce blog, peuvent espérer de cette jeunesse.
        Ces jeunes qui sont, ne l’oublions pas, comme nous les avons faits.
        Vaste débat, je vous l’accorde. 😉

        1. esprit critique

          – « Un petit chiffre qui déchire : 87 % des jeunes estiment qu’il est crucial que leur génération agisse pour améliorer notre planète. Ça fait réfléchir, non ? »
          (Les jeunes et leur engagement pour changer le monde – guide-economies.fr )

          – « À l’occasion de la Journée internationale de l’Éducation, WISE a dévoilé les résultats de son enquête sur la manière dont les jeunes perçoivent leur éducation et la confiance qu’ils ont en l’avenir. L’enquête a été menée par Ipsos dans 20 pays au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud, et en Europe, auprès de 9 509 jeunes âgés de 16 à 25 ans. »
          (9 jeunes sur 10 estiment que leur génération doit changer le monde, mais aussi qu’ils n’y sont pas assez préparés – ipsos.com 24 janvier 2020)

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