La pollution chimique imprègne nos corps et nos esprits

L’interdiction de tout essai nucléaire dans l’atmosphère date de 1963, il fallait limiter la contamination de l’ensemble du globe par des matières irradiées. Aujourd’hui la pollution chimique touche l’ensemble de notre planète et personne ne semble vouloir réagir. On savait déjà que les mammifères de l’Arctique et certains poissons de mers lointaines sont imprégnés par de nombreux polluants organiques (phtalates, PCB, pesticides organochlorés, etc.) car ces polluants s’accumulent le long de la chaîne alimentaire. Stéphane Foucart* montre que même au cœur d’une réserve naturelle, dans la forêt guyanaise, des fourmis présentaient presque tous des niveaux mesurables de phtalate, ce plastifiant utilisé dans une grande variété de produits d’usage courant (cosmétiques, colles, meubles, plastiques souples, etc.). Ces substances sont transportées par le vent sur de longues distances, sous forme gazeuse ou associés à des particules atmosphériques. Si des plastifiants comme des phtalates sont parvenus à se frayer un chemin jusque dans l’organisme de petits insectes souterrains de la forêt guyanaise, il est clair que nous autres humains ne pouvons y échapper, quels que soient nos choix, nos comportements individuels, nos lieux de vie.

Cela veut dire que même si nous voulions mener une vie saine, avec nourriture bio dans un environnement qu’on croirait préservé, nous sommes victimes de l’industrie chimique. Une étude de biosurveillance des femmes enceintes, publiée le 7 décembre 2016, montre que la quasi-totalitéporte des traces de phtalates, d’insecticides pyréthrinoïdes, de PCB, de dioxines, de bisphénol A, de retardateurs de flammes bromés, etc. Or nombre de ces substances sont des perturbateurs endocriniens (ou hormonaux), suspectés d’agir à faibles doses et d’augmenter, après l’exposition d’un individu au cours de la période périnatale, ses risques de contracter certaines maladies (troubles du métabolisme, cancer hormono-dépendants, etc.).

Dans ce contexte dramatique, Stéphane Foucart dénonce encore une fois l’inertie de la Commission européenne pour réglementer la dispersion de produits chimiques. Les lobbies font la loi et les consommateurs ne peuvent que subir en silence une pollution invisible qui rapporte énormément d’argent à certains. C’est bien là le problème, la cupidité mène le monde, plus dure sera la chute.

* LE MONDE du 13 décembre 2016, Des fourmis et des hommes